Partie 8.1 - Par Myfanwi
Partie 8
Par Myfanwi
Shinddha informa ses autres compagnons de ce qui se trouvait dans la salle au-dessus d'eux : une salle sacrificielle, un nain avec une grosse masse, Icy en train de trembler comme une feuille, bref, de nouveaux problèmes à venir.
— Dis m'en plus sur le nain, demanda Grunlek.
— À part qu'il tient une arme ? Je ne sais pas. Je dirais qu'il a l'air d'attendre des ordres. Il a une belle balafre sur le côté gauche du visage, les cheveux noirs, de piercings...
Grunlek fronça les sourcils à la description. Ce n'était sans doute qu'une coïncidence, mais les paroles de Shin le ramenèrent des années plus tôt, à une époque où il n'avait qu'un bras. Un de ses amis d'enfance, Worv. Cependant, il resta sur ses gardes. Même si c'était lui, il devait garder à l'esprit que le nain n'avait pas hésité à jeter un innocent du manoir, une gemme explosive attachée à la poitrine. Il y avait aussi toujours le problème de cet orque à deux têtes, retenu prisonnier dans la pièce avec eux.
Il préféra ne rien dire aux autres pour l'instant. Il voulait s'en assurer lui-même avant de porter tout jugement.
— Grunlek devrait passer devant, dit Shin. S'il voit quelqu'un de son peuple, peut-être qu'il ne nous butera pas immédiatement.
— J'en étais sûr. Les nains conspirent, chouina Robert, l'homme du coffre. Les nains conspirent depuis toujours. Ce n'est que le premier manoir d'une longue liste. Ils veulent s'accaparer tous les sanctuaires du royaume.
— C'est bien tout ça, répondit Théo. Mais il est où le trésor du coup ? On n'est pas venu pour régler une guerre entre nains, on est là pour les richesses.
L'homme leva les yeux au ciel, mais répondit de mauvaise grâce.
— À l'étage supérieur. Il y a même la principale gemme de pouvoir qui maintient l'énergie de ce manoir.
— Ça ne nous dit pas où sont les richesses, remarqua Balthazar. La gemme, c'est bien, mais ce n'est pas assez, Robert. Tu vois, si mon ami a frappé beaucoup de choses ces dernières heures, et s'il n'a pas son butin, il risque de devenir tout rouge colère.
— Ouais, confirma Shin. Il n'a pas tué sa petite fille mensuelle, il ne se sent pas bien.
Théo fit la moue, et l'ignora, pour reprendre la conversation de manière plus sérieuse.
— Est-ce que vous avez au moins des informations qui pourrait nous aider à faire atterir le manoir ? grommela-t-il.
— Je ne sais pas, mais il faut éviter à tout prix de trop puiser dans la gemme de pouvoir, au risque de se vider. Si ça arrive, le manoir tombera comme un caillou.
— Je suppose que c'est le nain qui doit surveiller la gemme, remarqua le demi-élémentaire.
Robert hocha la tête.
Grunlek resta silencieux. Si c'était bien Worv qui se trouvait en haut, il y avait de quoi s'inquiéter. Son vieil ami était un stratège réputé, lié à la famille royale, et puissant. Il avait conseillé sa famille sur des générations, et était l'un des rares à n'avoir pas vu en lui un poids mort à éliminer de la course au pouvoir, bien que très attaché aux traditions. Grunlek se demanda comment il prendrait sa fuite : une trahison à l'honneur des nains ? Ou au contraire respecterait-il toujours son autorité en tant qu'héritier de la couronne, même après toutes ces années ?
Il n'y avait qu'une façon de le savoir.
— Bon, bah allons buter le nain, grogna Théo, en se dirigeant vers les escaliers.
— Justement non, rappela Balthazar. Le but, c'est de laisser Grunlek tenter de le convaincre d'abord, d'accord ? Pas de grosse n'épée avant qu'il est terminé.
— Si j'ai pas écouté, j'ai pas à suivre tes ordres.
— Balthazar, pitié, retiens-le, supplia Shin.
Le mage effectua un salut militaire. Il se tourna vers l'orque.
— Khempala vasha, Dragonosis shrintika. Touka bala strinsa. Je lui ai rappelé de ne pas s'en prendre à la demi-portion avec le bras en métal.
— Pourquoi on le laisse pas zigouiller le nain d'abord ? grogna Théo.
— Parce que je connais peut-être ce nain, avoua Grunlek à voix haute. Si c'est celui que je crois, je pourrais peut-être le raisonner.
— C'est pas une raison. Regarde, moi, j'ai buté Victor et on n'en a pas fait tout un foin.
Les trois autres aventuriers clignèrent des yeux, sous le choc. Grunlek cacha son visage dans ses mains, tandis que Balthazar et Shinddha éclataient de rire face à ce manque d'empathie flagrant pour la mémoire du vieux paladin, tombé au combat lors de leur première vraie rencontre avec les Intendants.
L'orque leva un sourcil, se demandant ce qu'il se passait. Balthazar secoua la main.
— Ne t'inquiète pas, lui dit-il dans sa langue. Théo, c'est un peu notre orque à deux têtes, complètement con, mais on a fini par s'y habituer.
La créature plissa le front, son cerveau bouillonnant pour comprendre si le mage venait de l'insulter ou non. Il souffla du nez, puis passa devant Théo pour se diriger vers les escaliers, lui adressant un regard noir. Si cet humain était similaire à un orque, c'était un rival. Et les rivaux, il les mangeait au petit-déjeuner.
L'orque vint se placer derrière Shin et Grunlek. Son regard s'assombrit légèrement à la vue du nain, mais le demi-élémentaire se plaça entre eux, espérant que ça suffise à calmer ses ardeurs. Ce n'était pas comme si Shinddha pourrait vraiment l'arrêter s'il chargeait, mais il espérait qu'un obstacle visuel suffise à le dissuader d'attaquer son ami.
— Balthazar, dis-lui d'attendre, demanda Grunlek.
Le mage obéit, alors que le nain ouvrait enfin la porte. Les autres décidèrent de rester en arrière. Icy était toujours présente en haut, leur permettant d'avoir un oeil sur ce qui se passait en haut. Balthazar ouvrit également une connexion mentale pour leur permettre de discuter sans être entendus des nains en haut ou de l'orque, au cas où Grunlek aurait besoin de renforts.
Grunlek entra dans une grande pièce circulaire avec précaution. Au milieu d'un cercle de pilliers anciens, un nain le dévisageait, le regard ampli de fureur. Comme Icy l'avait annoncé, il portait une masse disproportionnée à deux mains, prêt à attaquer. Il se tenait à côté d'une énorme gemme de pouvoir, exposée au-dessus d'un socle d'or.
Grunlek resta calme, et s'avança vers l'une des fenêtres. Il admira la vue quelques secondes, avant de se tourner vers le nain.
— Tu es bien l'une des dernières personnes que je m'attendais à voir ici, Worv. Je crois qu'on doit discuter. Qu'est-ce que tu fais ici ? On est bien loin de nos montagnes.
— Je suis venir rétablir une sorte de justice, jeune prince. Sa Majesté Grise n'est pas très contente de tes choix. Moi non plus, par ailleurs. Qu'est-ce que toi, tu fais là, Grunlek ? Je suis déçu. Très déçu.
— Peut-être. Mais j'ai fait ces choix en âme et conscience. Je ne regrette rien. Tu sais très bien comment j'étais, comment je suis né. Je devais me prouver que je pouvais aller plus haut, par moi-même. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas là pour ressasser le passé. As-tu entendu que des orques ont attaqué le visage dans lequel mes amis et moi se trouvions ? demanda-t-il, plus direct.
Le nain haussa les épaules, un petit rictus plaqué sur le visage. Grunlek garda son calme malgré cette provocation évidente.
— Tu ne te serais pas encanaillé avec des orques tout de même ?
— Encanaillé ? Non, jamais. Les orienter, en revanche, c'est une autre affaire.
— Est-ce que tu es au courant que ce manoir nous a été offert ? Était-ce une attaque qui m'était ciblée en particulier ?
— Ce manoir appartient à la royauté, Grunlek. Tu es toujours dans les ordres, n'est-ce pas ? Tes droits et tes responsabilités sont toujours tiennes. Ce qui est à toi, est à nous. Tout ce que tu possèdes, Sa Majesté Grise le possède également.
— Dans ce cas, pourquoi essayer de me le voler ? Tu aurais pu venir me voir, tout simplement.
— Pourquoi ? Tu n'es visiblement pas apte à prendre des décisions, Grunlek !
— Baisse d'un ton, s'il te plaît. Je ne suis pas venu pour me battre, seulement discuter. Nous sommes d'anciens alliés, je crois.
— Je discute, pour l'instant.
Grunlek entendit le cliquetis d'armes autour de lui, dans les angles qu'il ne pouvait pas voir. Il se tendit légèrement. Le message était clair : au moindre mouvement suspect, Worv attaquerait.
— Qu'est-ce que tu veux faire ? poursuivit Grunlek, imperturbable. On trouve un solution ou on en vient aux mains ?
— Si ça ne tenait qu'à moi, cela aurait fait bien longtemps que j'aurais abattu mon poing sur ce qui te sers de joue, mais étant donné ce que notre relation a représenté, ce que notre enfance a été, je suis prêt à échanger quelques mots, tout comme Mark, Lakr et Knurl.
Trois nains sortirent de l'ombre, lourdement armés. Grunlek leur adressa un regard nostalgique. Eux aussi faisaient partis de la bande d'amis de son enfance. Des quatre, Mark avait toujours été l'un de ses plus proches amis, allant jusqu'à le défendre devant la cour. Grunlek ressentit un pincement au coeur à le voir désormais du côté de ses adversaires. Le nain baissa des yeux remplis de regrets sur le sol, refusant de croiser son regard. Il se rappelait qu'il était aussi bon tireur. Lakr, lui, était plutôt le bagarreur du groupe. Quant à Knurl, il était passionné par l'ancienne magie, et adorait dans son enfance sa nature de golem. Ce dernier avait de toute évidence embrassé lui-même cette voie, son corps entièrement en pierre. Il n'en restait plus de parties organiques. Leur force équivalait sans doute celle de son propre groupe d'aventuriers.
— Écoutez, je n'ai vraiment pas envie de me battre contre mes anciens amis. Dis-moi plutôt pour Sa Majesté Grise souhaite ce manoir.
— Pour honorer les devoirs qui sont censés être les tiens. Vois ça comme une sorte d'impôt sur tes responsabilités manquées de ces dernières années. Nous sommes prêts à accepter que tu nous tournes le dos, Grunlek, pour ce que tu appelles ta destinée. Néanmoins, en échange du temps que tu nous as fait perdre, ce manoir, et les autres posséssions de valeur que tu acquéreras au fil de tes excursions, reviendront à Sa Majesté Grise, qui acceptera à cette seule et unique conditions, tes choix de vie.
— Tu vois, Worv ? C'est exactement pour cette raison que je suis parti. Toi, tu suis aveuglément l'ordre établi, aussi stupide et injuste soit-il. Moi, j'essaie de le changer. Tu n'es qu'un pion, tu ne seras jamais autre chose qu'un pion. Mais ce n'est pas une vie.
— L'ordre ? Il n'y a plus d'ordre, Grunlek ! Il n'y a plus de société parce que tu as abandonné le trône.
Grunlek garda le silence, en apparence. Il s'adressa à ses amis, à travers la connexion mentale de Balthazar.
— Vous avez entendu ça ?
— Oui, cria Balthazar. Il y a tellement de drama, j'en suis tout émoustillé !
— Je pense qu'il va falloir combattre, reprit-il, l'ignorant.
— On est prêts, dit Shin. Regarde derrière ton gars.
Grunlek releva les yeux. Icy s'était glissé silencieusement derrière le nain pendant la conversation. Ses mains brillaient d'une lueur bleue pâle, prêtes à geler la jambe du nain à son signal.
— Bien. Je pense qu'on va devoir combattre, ils n'écouteront que comme ça.
— Mais Grunlek, est-ce que tu arriveras à combattre ceux qui ont été tes amis d'enfance ? Tes frères d'arme ? demanda Balthazar.
— C'est pour ça que je vais vous demander de ne pas les tuer, s'il vous plaît. Je veux simplement les maîtriser.
— Euh, les gars ? On fait quoi de l'orque ? demanda Shinddha. Moi j'veux bien les épargner, mais lui, pas sûr qu'il prenne ça bien.
Grunlek les ignora pour se concentrer de nouveaux sur les quatre nains en face de lui. Il pouvait voir que Mark n'avait pas envie de se battre, comme autrefois, lorsqu'il s'était enfui. Il ne faisait que suivre les autres. Le reste des nains ne brûlaient que d'en finir avec lui pour de bon. Ils n'auraient aucune pitié et il en avait bien conscience. S'il ne pouvait pas les raisonner, il pouvait au moins essayer de destabiliser leur groupe.
— Mark, qu'est-ce que tu penses de tout ça ? C'est vraiment ce que tu veux ?
— Je suis désolé, Grunlek... Mais si nous n'obéissons pas, tout va s'écrouler. Tu comprends ?
— Tout ce que je comprends, c'est qu'on va devoir se battre, et je n'ai pas envie de me battre contre toi. Contre aucun de vous.
— Tu n'es pas obligé de combattre. Tu n'as qu'à convaincre tes amis. Dis-leur que ce n'est qu'un manoir, un sanctuaire. Il y en a d'autres ! Les aventuriers ont survécu, il y a eu pire !
— Peut-être, mais vos méthodes ne sont pas les bonnes. Je ne peux pas vous laisser continuer comme ça. Si vous étiez venus me voir plus tôt, on aurait pu trouver un arrangement. Vous avez été trop loin.
Worv leva les yeux au ciel. Grunlek serra le poing.
— Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ? Vous avez lâché une bande d'orques sur un village. Vous auriez pu le détruire entièrement. Est-ce qu'un manoir justifie de prendre la vie d'innocents, Mark ? Je te connais. Ce n'est pas une attitude que tu cautionnerais. Pour cette fois, juste cette fois, fais-moi confiance. Tu ne veux pas m'avoir comme ennemi.
Mark hésita. Son regard se porta sur les autres nains. Worv lui adressa une oeillade sévère, le prévenant silencieusement que s'il faisait ce choix, il n'y aurait pas de retour en arrière. Il soupira, et baissa son arbalète. Il alla se ranger aux côtés de Grunlek, sous les regards pas si surpris de ses compagnons, qui s'attendaient à cette issue. Mark avait toujours été le point faible du groupe, trop influençable.
— Tu fais le bon choix, lui dit Grunlek. C'est avec des actions comme les nôtres qu'on peut commencer à faire changer les choses, Mark. Merci.
Grunlek lui sourit, et vint se placer devant lui. Il savait qu'il ne pourrait pas raisonner Worv, mais il y avait peut-être encore une chance pour les deux autres.
— Lakr, Knurl, qu'est-ce que vous décidez ? Vous êtes avec moi ou vous êtes contre moi ?
— Ce que j'en pense ?! explosa Lakr. Mark, espèce de quiche molle ! Je savais que tu n'aurais pas dû venir, je l'ai dit depuis le début. Un couard n'a rien à faire parmi nous. Tu seras le premier à crever sous mes poings, traître ! On était d'accord pour abattre ce chien de von Krayn !
— Je respecte tes choix, Mark, répondit Knurl, plus modéré. Autant que tu devras respecter les nôtres.
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