Partie 4 - Par Myfanwi
Partie 4
Par Myfanwi
Le bruit d'une corde qui se casse força le paladin à marquer le pas. Inquiet, il regarda autour de lui, sur ses gardes. Théo s'aventura d'un pas prudent dans la forge. Il remarqua immédiatement, disposés au sol, des bouteilles d'alcool reliées à des fils, qui partaient un peu partout dans la pièce, ainsi qu'un cadavre très récent. Des pièges. Il poussa un grognement sourd et leva le poing pour ordonner à ses compagnons de s'arrêter.
Il se retourna et regarda autour de lui, avant de se diriger sur le morceau de porte éclaté au sol sur lequel Grunlek se tenait. Le nain retint son bras avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit.
— Qu'est-ce que tu vas faire de ça ? demanda le nain, suspicieux.
— Il y a des pièges. Je vais balancer ça dessus pour les déclencher.
— Ah, non, je ne crois pas. Tu vas d'abord me laisser regarder tout ça. On va aller regarder les mécanismes et voir si on peut y faire quelque chose. Laisse faire les professionnels, et, si ça ne fonctionne pas, après on utilise la force, d'accord ?
— Ma technique, elle va plus vite, grommela le guerrier.
— C'est sûr que si ça explose, que tu rases la maison et qu'on est tous morts, ça va aller beaucoup plus vite.
Théo croisa les bras, clairement mécontent. Comme un enfant, il tourna le dos à Grunlek pour faire face à Shinddha.
— Fais des ciseaux en glace et coupe les fils au lieu de rester planté là.
— Non, Théo, répéta Grunlek, de moins en moins patient. Couper les fils peut déclencher les pièges également.
— D'accord ! râla le paladin, excédé. Tu as deux minutes. Si rien ne se passe, je balance la porte, menaça-t-il.
Fier de lui, Grunlek s'avança vers le piège et commença à l'analyser. Ses sourcils se froncèrent de déconcertement quand il comprit que le piège avait déjà été désactivé, non pas à cause d'une malheureuse tentative de l'homme mort au sol de se tirer de ce mauvais pas, mais bien parce que Théo avait défoncé la porte quelques minutes plutôt. Ainsi, la cause de la mort du pauvre bougre était vraisemblablement le paladin, mais le guerrier était aussi la raison pour laquelle les pièges avaient été désamorcés.
Balthazar sembla arriver à la même conclusion que lui.
— Théo, comment peux-tu être à ce point aussi con et un génie ? demanda le pyromage, admiratif.
— Ah bah voilà ! s'exclama le guerrier. J'avais raison ! Laissez-moi balancer mon morceau de porte.
— Théo, mon gars. Je ne suis pas suicidaire au point de te laisser faire deux coups de génie à la suite. On va laisser Grunlek s'en charger.
Le nain hocha la tête pour remercier le mage de son soutien et se mit au travail pour désamorcer les pièges encore activés. Du coin de l'œil, il remarqua que plusieurs matières premières utiles à la forge avaient disparu. Simple coïncidence ou problème à venir, il hésitait encore.
Énervé, Théo grogna de mécontentement et décida d'aller voir Torvald, qui les suivait toujours, pour l'interroger. L'enfant leva des yeux brillants dans sa direction, ravi d'avoir réussi à capter l'attention de son nouveau héros.
— Gamin, qui habite ici ? l'invectiva le paladin.
— C'est Zaël, l'artisan. Il est là depuis longtemps, m'sieur. C'est lui qu'a aidé à étendre la ville, de père en fils sur plusieurs générations.
— Ah d'accord, et tu le connaissais ce monsieur ?
— Bien sûr, on le connaît tous.
— Ah. Bah... Il est mort. Va chercher le débile qui gère le village qu'il s'en occupe.
— Théo ! s'offusqua le mage. Ne lui annonce pas ça comme ça, enfin !
Sous le choc, l'enfant hocha lentement la tête et disparut. Balthazar frappa le paladin sur l'épaule et commença à le sermonner comme un enfant sur la diplomatie et la manière d'annoncer des décès à des enfants. Il venait probablement de créer un souvenir traumatisant chez un pauvre gamin qui n'avait rien demandé.
Shinddha ignora leur dispute naissante pour invoquer Icy de nouveau. La petite créature de glace tenta de résister à l'appel de son propriétaire, en vain. Roulée en boule sur le sol, encore tremblante après tout ce qui lui était arrivé quelques minutes plus tôt, elle n'avait aucune envie d'obéir de nouveau au demi-élémentaire. Shin l'encouragea à se glisser entre les pièges pour passer sous la porte fermée, de l'autre côté de la pièce. Icy finit par s'exécuter, non sans bougonner.
La créature élémentaire invoqua un peu d'eau sur le sol et réapparut de l'autre côté de la porte en bois. Shindda se concentra brièvement, et put bientôt observer les environs dans les yeux de son familier. Hormis une cuisine plutôt bien équipée et des pommes juteuses sur un comptoir, Shin ne vit rien de bien intéressant. Il fallait aussi dire que la vision de ces pommes d'un rouge éclatant avait quelque peu volé son attention.
De l'autre côté de la pièce, la situation était toujours tendue entre Balthazar et Théo. Après de longues minutes de débat, le mage finit toutefois par avoir le dernier mot et le paladin s'éloigna pour rejoindre Grunlek en tapant bien fort des bottes pour montrer qu'il n'était pas content. Le mage, qui avait besoin de se calmer, décida de rester près de l'entrée pour s'assurer qu'aucun danger ne les menaçaient dans l'immédiat. Après tout, il pouvait toujours y avoir des orques dans le village, et il souhaitait avoir l'avantage sur la situation en cas de nouvelle attaque.
Après s'être assuré d'avoir désamorcé le dernier piège, Grunlek se dirigea d'un pas prudent vers le corps, pour s'assurer que c'était bien un piège qui l'avait tué et non pas autre chose qu'ils ignoraient encore. L'artisan avait en effet pris un sacré coup dans le dos, qui l'avait probablement tué sur le coup, sans doute à cause d'un orque, puis il était tombé sur un piège et avait explosé. Théo avait aggravé la situation en déclenchant le piège derrière la porte, qui avait presque coupé le cadavre en deux.
Le paladin, voyant que le nain avait fini, se dirigea à grands pas vers la porte sous laquelle Icy s'était glissée et l'explosa d'un grand coup de pied, l'arrachant de ses gonds. Il n'entendit pas ses compagnons souffler d'exaspération derrière lui et entra, avant de réaliser qu'il n'y avait pas âme qui vive. Son regard se posa sur un coffre poussiéreux, dans un coin de la pièce. Il s'apprêta à le fracasser à grands coups d'épée avant de se rappeler que ce n'était pas une bonne idée si le reste de la maison avait été piégé.
— Grunlek, tu peux venir inspecter ce coffre ? appela-t-il.
— J'arrive, répondit le nain en se redressant.
— Si vous trouvez de l'alcool, je suis preneur, lui dit Balthazar alors qu'il se dirigeait vers la cuisine pour rejoindre Théo. Pur, si possible.
Le mage s'apprêtait à expliquer pourquoi quand un bruit à l'extérieur retint son attention. Il se figea, avant de poser l'oreille contre le mur. Un souffle rauque lui parvint à travers la cloison, suivi de reniflements. Le demi-diable hésita, avant de finalement se décider à parler.
— Eden ? appela-t-il. C'est toi ma fifille ?
Le souffle se figea, et pendant quelques instants, il n'y eut aucun bruit. Puis une chaîne l'attrapa violemment autour du ventre et il fut traîné contre la cloison dans un cri de surprise.
— C'est pas Eden ! s'époumona-t-il pour avertir ses compagnons. C'est pas Eden !
Le mage paniqua lorsqu'un bras puissant sortit de derrière le mur et tâtonna la cloison pour essayer de le saisir. Il lui attrapa les cheveux et commença à essayer de le tirer vers la sortie. Balthazar s'accrocha de toutes ses forces au mur, refusant de lâcher prise.
Théo qui revenait juste à ce moment-là avec les bouteilles d'alcool, écarquilla les yeux. Le paladin posa ce qu'il tenait et saisit la chaîne à deux mains pour tirer de son côté, en utilisant le mur comme point d'appui. Balthazar fut propulsé de nouveau en arrière, la chaîne serrée autour du ventre, de plus en plus serrée à mesure que le paladin et l'orque se livraient un duel de tir à la corde.
L'orque, mécontent, tira violemment. La chaîne céda, libérant Balthazar subitement, mais Théo valdingua en avant et roula à l'extérieur en tentant d'éviter le mage. Il se retrouva au pied d'un orque gigantesque, armé d'une faucille et d'une grande chaîne, certes raccourcie grâce à lui, mais toujours bien trop longue à son goût. La créature abattit la lourde chaîne sur lui, il eut juste le temps de lever son bouclier pour parer le coup. Théo prit appui sur sa jambe pour se relever et, sans perdre de temps, chargea à son tour dans un cri guerrier, épée à la main. Le métal s'abattit sur le flanc du monstre et l'entama largement, lui arrachant un hurlement de douleur.
Shinddha accourut à la suite du guerrier, et recula de quelques pas pour avoir un bon angle d'attaque. Il banda son arc à la hâte et visa le bras de l'orque qui tenait la faucille, pour essayer de le faire lâcher prise. La flèche toucha juste, mais attira également l'attention de l'orque, toujours affamé d'énergie élémentaire. Shin se couvrit le corps protectivement.
— Oh, ça va hein ! Je ne suis pas un buffet gratuit !
L'orque grogna et tenta de dégager le paladin du chemin pour se jeter sur lui, mais Théo para une nouvelle fois l'attaque. Le guerrier en profita pour contre-attaquer. La lame traversa la poitrine. Les yeux du monstre devinrent vitreux, mais, comme les autres, il ne cessa pas de se battre pour autant et entra dans une rage meurtrière.
Shinddha tenta d'abattre l'orque d'une nouvelle flèche, mais celle-ci frôla Théo de trop près et alla se perdre dans le décor. Le paladin se retourna pour lui adresser un regard meurtrier. Le demi-élémentaire décida de reculer pour aller se cacher derrière la maison.
Dans un hurlement, l'orque frappa une nouvelle fois le paladin, qui leva son épée en même temps. Le bras tout entier s'embrocha sur la lame, puis l'orque tomba lourdement sur le côté, mort. Le guerrier récupéra son épée, non sans une certaine fierté.
À l'intérieur de l'habitation, pendant que Balthazar se remettait de ses émotions, Grunlek avait trouvé dans le coffre de quoi réaliser un grappin sommaire et s'était mis au travail, confiant que Théo et Shinddha réussiraient à venir à bout de l'orque. Malheureusement, il manquait encore de certains éléments et il peinait à tout assembler. Il lui manquait notamment une pince, qui, il en était sûr, se trouvait là encore quelques minutes auparavant. Il décida de tout abandonner quand un couinement de douleur qu'il aurait reconnu entre mille autres retentit à l'extérieur. Eden.
Grunlek sortit à toute hâte et se tourna dans la même direction que Shin et Théo. Derrière les habitations, la louve, le pelage maculé de sang, se grattait le museau de manière répétée. Le nain s'approcha, inquiet, avant de se figer. Icy tenait la pince que le nain cherchait depuis plusieurs minutes, et la petite créature élémentaire semblait avoir pincé le bout de la truffe de la louve avec. Wilfried, le chat de Balthazar, se tenait élégamment à leurs côtés, en train de faire sa toilette.
Lorsqu'il aperçut le nain, Icy se figea et sourit de manière crispée. Il tenta de cacher la pince derrière lui, mais Grunlek la lui arracha des mains et lui donna un petit coup derrière la tête avec. Shin fit les gros yeux à la créature, et décida qu'il valait mieux la désinvoquer pour le moment, surtout si elle comptait provoquer d'autres catastrophes diplomatiques au sein même de son propre groupe.
Torvald choisit ce moment pour revenir avec Arwen, le chef du village. Ils tiraient une lourde brouette derrière eux avec de la matière première complémentaire pour aider au projet de Grunlek. Avec les nouveaux matériaux et la pince qu'Icy avait volée, Grunlek et Shin terminèrent le grappin rapidement, tandis que Balthazar et Théo se penchaient sur une carte pour établir l'itinéraire le plus rapide pour poursuivre le manoir volant, toujours visible à l'horizon.
Théo alla récupérer Lumière des mains de Torvald, Balthazar invoqua Brasier, leurs deux compagnons prirent place derrière eux et, ensemble, les aventuriers se lancèrent à la poursuite de leur manoir au galop.
*********
— On s'est quand même bien fait baiser ! cria Balthazar, alors qu'ils chevauchaient depuis plusieurs heures. On avait une jolie fête pour nous, de l'alcool, des compliments à foison. Et des orques. Tu parles d'une cérémonie. Rien de tout ça ne serait arrivé si on avait été dans un bordel au lieu de suivre les plans foireux de Shin encore une fois.
— Voyons le bon côté des choses, répondit Grunlek, derrière lui. On a été de vrais héros pour une fois.
— C'est vrai, répliqua le demi-élémentaire pour se défendre. On a provoqué aucune église, on a tapé aucun garde dans la bouche, on a violé aucune loi...
— Et c'était simple pour une fois, surenchérit Théo. On est venus, il a fallu taper des méchants. Moi, j'aime ça.
— On sait que tu aimes taper des choses, Théo... râla le mage.
Les aventuriers s'approchèrent d'une grande colline, toujours à un rythme rapide. Ils avaient réussi à prendre enfin un peu d'avance sur le manoir, seulement quelques minutes, et Théo avait proposé qu'ils tentent de s'y accrocher en haut de la butte. Alors qu'ils atteignaient enfin leur objectif, Grunlek poussa un cri de surprise.
Une silhouette était clairement visible au bord du manoir, et poussa quelque chose dans le vide.
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