Partie 1 - Par Kermadec

Le Manoir volant

Partie 1

Par Kermadec

Le printemps était arrivé. Le groupe d'aventuriers parcourait le royaume en compagnie d'Eden, Wilfried, Icy et Lumière. Pour une fois, ils connaissaient leur destination. Ils se rendaient en Entreterre. Cet endroit était connu, car la précédente génération d'aventuriers avait autrefois sauvé la région d'un péril oublié. Aussi, le quatuor était invité à une cérémonie symbolique afin d'obtenir les clefs de la ville. En effet, la réputation des aventuriers en tant que classe les précédait. Si certains, dans le groupe, doutaitent de leur légitimité à obtenir un tel honneur, Shin voyait les choses autrement.

— Pour une fois qu'on peut obtenir une récompense...

Shin n'avait pas tort, l'occasion était rare. Pour la peine, certains avaient même fait un effort vestimentaire.

Le demi-élémentaire restait fidèle à lui-même. Il portait la même tenue qui l'accompagnait depuis le début de ses voyages. La seule exception qu'il avait consenti à faire, avait été de laver ses vêtements et de les frotter avec des pommes pour qu'ils sentent bon.

Bob avait considéré d'ajouter des plumes à son costume, mais il craignait que ça lui donne une allure encore plus malfaisante. Finalement, il avait jeté son dévolu sur une robe de mage rouge, brodée d'or et surbrodée d'argent, ourlée d'argent surbrodé d'or avec une alternance de gemmes rouge, or et argent du plus bel effet, le tout agrémenté de quelques notes de noir pour la sobriété. Son chat portait la même chose, avec une fraise en plus.

Grunlek était habillé comme d'habitude. Il ne prêtait pas attention à ces choses-là, et regardait Bob d'un œil perplexe.

Théo portait son armure, qu'il avait exceptionnellement sublimée par une cape. Il l'aurait souhaitée ornée de crânes avec des versets de la Lumière, mais étrangement, cela n'existait pas. Pour compenser, Théo avait vêtu Lumière d'une barde particulière pour l'occasion.

A l'entrée du village, Bob fut déçu. Il s'attendait à quelque chose de plus clinquant, en accord avec la tenue qu'il avait prévue. Il ouvrait la marche avec Théo. Ce dernier était d'ailleurs très distrait, sans doute fatigué par les bavardages incessants du pyromage.

Soudain, un infime mouvement capta l'attention du flamboyant demi-démon. Quelques pas devant, une frêle silhouette, certainement un enfant, escaladait un pommier qui semblait marquer l'entrée de la bourgade. Cependant, son équilibre était précaire, il risquait de chuter.

Le bruissement des feuilles du pommier finit par attirer l'attention de Théo, qui pressentit immédiatement un grand danger pour la survie du groupe. Toute son éducation d'inquisiteur l'avait préparé pour ce genre d'éventualité. C'était une occasion supplémentaire de prouver qu'il était un héros ! Vivement, il saisit sa lance et visa.

Au même moment, Grunlek et Shin, un peu en arrière, discutaient d'un sujet plein d'enjeux.

— Tu vois, les Granny Smith, c'est une variété de pommes très spéciale. Elles sont acides, certes, mais délicieuses... énonçait Shin, les yeux brillants de faim.

Ignorant ces considérations fruitières, Théo stabilisa son assise sur Lumière et jeta sa lance. Bob, comprenant l'intention de son ami, fit un pas en avant et tenta de dévier le projectile avec son bâton, sans y parvenir. Il sentit l'arme de jet lui frotter le bras, presque au ralenti. Il ressentit à peine la douleur provoquée par la coupure. Son esprit était tout entier concentré sur les possibles conséquences de cette attaque. Le paladin allait-il tuer un autre enfant ?

Le destin en décida autrement.

Difficile de savoir si la lance fut déviée par l'intervention de Bob ou par la maladresse chronique de Théo. Quoiqu'il en fût, l'arme effectua une courbe parfaite et s'enfonça dans le sol à un mètre à peine de son propriétaire. Durant ce mouvement, le manche de la lance s'était glissé dans un interstice de la lourde armure de Théo. La gravité se chargea du reste. La force de Théo se retourna contre lui. La lance, en se redressant, arracha l'homme et son armure de sa monture. Le paladin fut projeté dans les airs, et, avec un petit cri strident, il alla finir sa course involontaire dans l'arbre qu'il avait tenté de viser. Il atterrit ainsi, sur le dos, sonné par ce vol plané.

Un instant plus tard, l'enfant dissimulé dans l'arbre tomba à son tour, sur le bouclier de Théo.

— Non mais ça va pas bien, non mais t'es malade, tu pouvais pas faire ça en forêt quand on s'est fait attaquer par des dragons-dindes ? s'emporta Bob dès que Théo eut ouvert les yeux

— Ah, ce Théo qui se jette pour sauver un enfant. Ah, Théo, t'es comme ça, toi, quand même, hein ! tenta Grunlek pour apaiser la situation

— ...Ah... Oui... Théo... Le paladin, la veuve et l'orphelin, tout ça... se reprit le pyromage.

L'enfant affichait un air à la fois penaud et effrayé tandis que les aventuriers parlaient. Peu à peu, il sembla prendre conscience de la situation. Les yeux brillants, il s'adressa à Théo.

— Vous... Vous m'avez sauvé ?

— Oui.

Bob, de son côté, était vexé. Il afficha tout de même un sourire de façade tandis que d'autres enfants accouraient de toute part. L'un d'eux s'adressa à l'imprudent qui s'était caché dans l'arbre.

— Torvald, laisse-les en paix, tu vois bien que ce ne sont que des aventuriers. Tu seras jamais comme ça, de toute façon.

— Bonjour, jeune maître. rétorqua Bob. Nous sommes des aventuriers et avons reçu une invitation, mais nous ne voyons aucun adulte ici. Est-ce que vous êtes seuls dans ce village ?

— Ouais, on s'amuse un peu ici. Enfin... On s'amuse, quoi.

L'enfant était clairement désabusé, cette conversation ne l'intéressait pas. Le dénommé Torvald, en revanche, ne quittait plus Théo des yeux. Il vouait, semble-t-il, une admiration particulière pour les aventuriers. Tout en se glissant derrière le paladin pour se cacher, il marmonnait sa version des faits. Les autres enfants l'avaient pourchassé jusqu'ici. C'était à cause d'eux qu'il s'était réfugié dans le pommier.

Pendant ce temps, Grunlek voulut soigner la blessure de Bob, mais l'agitation des enfants autour le déconcentra. Son bandage refusait de tenir. Théo proposa de soigner le mage, malgré les réticences de ce dernier. Ce faisant, le paladin espérait impressionner le jeune public qu'il avait à cet instant. Il apposa ses mains sur le bras meurtri de son démoniaque ami, et l'éclat de lumière qui jaillit de ses paumes émerveilla effectivement son jeune admirateur. Les autres enfants, peu impressionnés, se rassemblèrent et quittèrent les lieux, préférant se diriger vers la fête ayant lieu plus loin. Le calme étant enfin revenu, Théo prit le temps de s'adresser au gamin qu'il venait de... sauver.

— Dis-moi, Torvald, où sont tes parents ?

— Ils travaillent dans le village. En ce moment, ils préparent la fête pour vous accueillir.

— Est-ce que tu veux nous y accompagner ?

— Oui, bien sûr !

Le petit groupe progressa et arriva enfin en Entreterre. Les habitants murmuraient sur leur passage, saluant l'arrivée des aventuriers. Tous semblaient joyeux, excités par la célébration à venir. Tous, à l'exception de Shin qui, au premier coup d'œil, repéra le puits qui trônait sur la place centrale du village.

En constatant l'enthousiasme général, le quatuor redevint perplexe. En quoi étaient-ils dignes d'être récompensés ? Pourquoi eux, pourquoi ici ? Un messager les avait contactés, et ils avaient accepté de prendre part aux festivités, certes, mais maintenant qu'ils étaient devant le fait accompli, la situation leur parut étrange. Cependant, leurs réflexions et débats intérieurs furent interrompus par une voix grave et profonde.

— Ah, les aventuriers ! Les voici ! Les forts, les braves, les puissants, les valeureux, les clinquants aventuriers ! Je suis le bourgmestre Arwen et je vous souhaite la bienvenue ici. Je suis très honoré de vous accueillir, chers amis aventuriers, pour célébrer le printemps et pour célébrer les aventuriers. Je suis très heureux que vous ayez accepté l'invitation. En effet, ce que nous avons à vous offrir aujourd'hui n'est rien d'autre que ce qui vous revient de droit !

Pour appuyer son discours, le bourgmestre regarda autour de lui, et s'attarda sur la montagne, sur le flanc de laquelle le village était bâti. Sur ces hauteurs, un magnifique manoir était perché, petite merveille architecturale dans une région pourtant ordinaire.

— Ceci est un sanctuaire d'aventuriers. Ceci revient de droit aux aventuriers. Ceci... est à vous.

Un sourire presque malsain tordait le visage de Bob. Celui-ci y devinait un piège évident, mais au-delà de cet aspect, il comprit très vite que cet endroit serait parfait pour établir l'auberge dont ils rêvaient depuis si longtemps.

Le bourgmestre ayant achevé son discours, les habitants du coin se laissèrent peu à peu gagner par l'ambiance de la fête. Les aventuriers se mêlèrent comme ils le purent à l'événement, bien que tous auraient souhaité un buffet plus conséquent. 

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