31 octobre 1996 [3/3]

  Patrice n'hésita pas une seconde: il remonta aussitôt les marches menant au premier étage. Il crachait presque ses poumons lorsqu'il termina l'infernale ascension.

   Les cris s'étaient arrêtés et il avait peur de ce que cela pouvait signifier. Pourquoi avait-il lâché la main de Catherine, bon sang?

   Mais ce n'était pas le moment de se poser des questions. Il était seul dans le grand couloir bordé de douze portes du premier étage. Un fantôme amateur de sang rodait et il n'avait rien pour se défendre.

    Son instinct le porta vers la chambre de sa petite soeur. A chaque pas, il hésitait entre son envie de courir aussi vite que possible pour ne pas perdre de temps et la nécessité de rester discret.

   Finalement, il posa une main tremblante sur la poignée de la porte. S'apprêtant à l'ouvrir en grand, il tentait de retenir sa respiration beaucoup trop bruyante.

   Cédant à l'impatience, il poussa le panneau de bois ancien d'un grand coup. Cependant, il n'y avait rien dans la chambre. Seulement le chat aux pattes imbibées de sang qui tachait les lattes de parquet sur son passage.

   Semblant ignorer Patrice, l'animal se dirigea vers une autre porte derrière lui. Le jeune homme se retourna et vit le félin assis face à la porte de sa propre chambre.

   Alors que ses pieds manquaient de faire grincer le sol, le chat ne bougeait pas d'un poil. La musique ne semblait plus qu'un lointain écho tandis que le coeur de Patrice résonnait dans chaque parcelle de son corps.

   Il ouvrit la porte. Une fois de plus, rien. Il fut tenté de souffler, de relâcher la pression. Pourtant, le calvaire n'était pas terminé: Catherine était toujours là, quelque part, sans doute aux mains de la créature malveillante qui avait les traits de son ancêtre.

   Il devait la trouver, vite. Il ne voulait pas qu'elle... Non, elle ne finirait pas comme les invités. Pas temps qu'il serait en vie.

   Il saisit sa lampe de chevet. Puis, il se dirigea vers la porte voisine, n'ayant cure, désormais, de faire grincer le parquet. Si ça pouvait attirer ce satané fantôme, tant mieux.

   Mais là encore, rien. Il essaya celle d'à côté... toujours rien. Puis une autre. Et encore une autre. Rien, rien. Si les basses n'avaient pas été là pour faire trembler les murs, il se serait sentit terriblement seul, comme sombrant dans la folie.

   Quand il approcha de la cinquième porte, il entendit un murmur de l'autre côté. Son coeur s'emballa un peu plus. Sa respiration se faisait haletante. Bientôt, il se noierait dans la sueur qui se déversait par torrents sur son front.

   Il ferma une seconde les yeux, le temps de rassembler la minuscule once de sang froid qui lui restait. Il ouvrit la porte.

   Elle était là, Lucie Lecompte. Il n'était pas fou. Il la voyait, aussi bien qu'il entendait Manson.

   Elle s'approchait lentement, dangereusement même. Elle n'était plus qu'à un mètre de lui. Un demi.

   Patrice eut envie de fuir mais ses pieds paraissaient soudainement soudés au sol. Il la regarda s'approcher. Elle le bouscula, ne se retournant même pas sur son passage.

   Il la suivit du regard, comme hypnotisé par cette femme dont il avait vu les traits des centaines de fois sur de vieux tableaux de famille. Il saisit fermement sa lampe de chevet et la lança sur la silhouette. Mais celle-ci continua sa route vers les escaliers, imperturbable.

   Patrice regarda alors la pièce que le fantôme venait de quitter. Elle n'avait pas changé. Sous le clair de lune, on distinguait parfaitement le petit bureau et la chaise qui permettait de s'y asseoir.

   Au centre, sur le tapis immaculé, Catherine dormait. La lueur lunaire lui donnait un teint pareil à celui d'une poupée de porcelaine. Elle était si paisible, si immobile au milieu de la tâche écarlate qui prenait sa source dans les creux, vides, de ses yeux.

   Soudain, la lumière disparut, emportant la musique avec elle. On n'entendait plus que les sanglots de Patrice tenant le corps inanimé de sa soeur comme il aurait souhaité s'agripper à sa main et ne jamais la lâcher quelques instants plus tôt.

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