31 octobre 1996 [1/3]

Cette nouvelle est dédiée à Rosenpink62 et la boom d'Halloween de sa ville...

   Patrice Lambert ouvrit la porte d'entrée du manoir et fut immédiatement assailli par la musique. C'est pas vrai! Elle n'a pas osé quand-même?

   Devant lui, les adolescents se trémoussaient et enchaînaient déjà les gobelets de bière sur fond de musique beaucoup trop forte. Les costumes n'avaient rien de ceux que portaient les enfants pour la chasse aux bonbons.

   Sans plus attendre, il se fraya un passage dans la foule pour essayer de retrouver sa soeur. Il avait beau crier son nom, cela ne changeait rien: les basses étaient toujours aussi fortes et les adolescents, se criant dans oreilles pour discuter, étaient probablement devenus sourds.

   C'est alors que Cat apparut, ses cheveux blonds décoiffés, dans un costume de sorcière beaucoup trop court pour ne pas être considéré comme indécent. Son maquillage, d'ordinaire naturel était sombre, du rouge à lèvre aux yeux, et accompagné d'un ras-de-cou gothique qui tranchait avec la pâleur de son teint.

   - Qu'est-ce que tu fous? cria Patrice par-dessus la musique.

   - Maman ne rentre pas avant deux jours, elle n'en saura rien!

   - C'est pas une raison, Catherine! Tu te rends compte que ce manoir peut être dangereux?

   - Oh, c'est bon! C'est juste des superstitions! Amuse-toi un peu, Pat. Ça va pas te tuer!

   - Où sont les éclats de miroir?

   - À la cave. Personne ne les trouvera, le rassura-t-elle.

   Patrice ouvrit la bouche pour protester mais la pièce se retrouva soudainement dans le noir le plus total. En une fraction de secondes, tout s'était arrêté: la lumière, la musique, les cris des adolescents... Il n'y avait plus qu'un silence pesant.

   - Les plombs ont dû sauter, constata une voix quelques mètres plus loin.

   - Je m'en occupe, déclara Patrice.

   - Je viens avec toi, chuchota sa soeur.

   Tous les deux se frayèrent alors un chemin dans l'obscurité, bousculant de temps à autres un invité qu'il leur avait été impossible de voir. Après de longues minutes, Patrice posa sa main sur la porte menant au couloir.

   - La lampe torche est toujours dans le tiroir de la cuisine?

   - Oui, répondit Catherine.

   Quelqu'un bouscula Patrice et un courant d'air glacial parcourut la colonne du jeune homme.

   - Eh, tu pourrais faire attention! s'exclama-t-il sans voir à qui il s'adressait.

   Il continua sa route, tenant fermement la main de sa petite soeur tout en essayant d'oublier ce frisson qu'il venait de ressentir. La cuisine ne devait plus être loin désormais.

   - Tu me fais mal, murmura Catherine.

   - Désolée, dit-il sans pour autant pouvoir lâcher sa main.

   - C'est bon, on est dans la cuisine.

   Sans perdre de temps, il se dirigea vers le grand buffet qui avait traversé plusieurs générations au sein de sa famille. En quelques secondes, il trouva le tiroir et la lampe qui y restait toujours.

   Il actionna le bouton et un faisceau lumineux fatigué perça l'obscurité pour lui permettre de voir enfin cette pièce qui lui était si familière. La porte du sous-sol était juste à côté.

   Catherine l'ouvrit et entama la descente du petit escalier en bois dont les marches grinçaient comme pour témoigner de leur douleur. S'il y avait bien un endroit qui l'effrayait dans le manoir, c'était sans hésiter le sous-sol.

   Malgré ça, elle s'efforça de chasser l'angoisse naissante et se dirigea vers le tableau électrique. Patrice lui passa la lampe torche et ouvrit le petit coffre.

   - Voyons... ça devrait être...

   Il enclencha les interrupteurs et, sous les yeux étonnés de sa soeur, la lumière revint dans la maison, y comprit dans le sous-sol. La musique, elle aussi, résonna de plus belle, faisant trembler les murs. Pourtant, on entendit aucun cri collectif de soulagement. Les basses étaient sans doute trop fortes.

   Patrice se dirigeait vers l'escalier menant à la cuisine lorsqu'il les apperçut. Il s'arrêta net avant de se retourner vers Catherine:

   - Catherine Marie Lambert! Qu'est-ce que tu as fait, bong sang?

   - Je... ils... c'était dans une boîte... Je te promets... J'ai rien fait.

   Patrice rangea les morceaux de miroir dans une boîte à outils à l'aide d'un chiffon. Il ne voulait surtout pas les toucher.

   - Retourne-toi! ordonna-t-il a sa petite soeur.

   Catherine regarda une dernière fois ses yeux hantés par la peur dans l'un des éclats avant de s'exécuter.

   - J'espère vraiment pour toi que maman n'en saura rien, ajouta-t-il, énervé.

   Quand il eut verrouillé la boîte à outils à l'aide d'un cadenas, ils reprirent leur chemin vers la cuisine. Hormis la musique qui leur brisait un peu plus les tympans à chaque pas vers le couloir, tout était si calme.

   Catherine se dirigea vers le couloir, subitement saisie d'une boule au ventre. Était-ce silence de ses invités sous la musique festive? Ou juste un mauvais pressentiment?

   Lorsqu'il arriva dans le couloir, Patrice lui serra la main si fort qu'elle ne sentait plus les extrémités de ses doigts. Il y avait des taches. Petites pour certaines, larges pour d'autres. Toutes rouges.

   - J'ai commandé des pizzas, lâcha-t-elle. C'est sûrement de la sauce tomate.

   Patrice acquiesça et continua son chemin sans pour autant lâcher sa main. Elle sentait sa respiration devenir haletante et son coeur battre la chamade.

   Quand ils arrivèrent dans le salon, elle frôla la crise cardiaque. Les pizzas étaient toujours dans leurs boîtes  fumantes. Les taches rouges, beaucoup plus importantes que les précédentes, jonchaient le sol au milieu des corps endormis de ses invités. Pourtant, leurs yeux étaient bien ouverts, saisis par la peur.

   À suivre...

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