13 octobre 2008
Laura regarda les corbeaux se promener en maîtres sur leur territoire. Ils étaient si paisibles et pourtant si menaçants à la fois. Leur simple présence la dissuadait presque d'aller au bout du chemin.
Comment avait-elle pu accepter? Pourquoi c'était toujours à elle de rendre service aux autres et jamais l'inverse?
Bon, il lui fallait se resaisir. Après tout, ce n'était qu'une maison... Une maison énorme qui s'avérait être le manoir hanté le plus célèbre de la région, dans lequel étaient mortes des dizaines de personnes... et, accessoirement, le bien que Lambert, son collègue à l'agence immobilière, lui avait demandé de vendre.
En fait, il l'avait suppliée. Pas à genoux, mais presque. Cela faisait des années que sa mère était morte et qu'il tentait de s'en séparer, par tous les moyens. Pauvre de lui, personne n'avait voulu de la vieille bâtisse.
En même temps, qui voudrait vivre dans une maison où chaque pièce avait été le théâtre d'un horrible crime? Et ça, c'était sans parler de toutes les malédictions...
Laura chassa toutes ces pensées de son esprit et prit une grande inspiration, décidée à en finir au plus vite.
Contre ses attentes, quand elle passa à côté des oiseaux, ils ne bougèrent pas. Tous se contentèrent de fixer la jeune femme de leurs noirs comme la nuit sombre.
Elle dépêcha de sortir la clé de son sac à main et l'enfonça maladroitement dans la serrure. Quand elle la tourna, les corbeaux dans son dos s'envolèrent tous simultanément.
Un nouveau frisson lui parcourut le dos. Tout va bien, c'est juste le crissement de la serrure qui leur a fait peur.
Tentant d'oublier la boule qui se formait dans sa gorge, elle entra dans la maison. Heureusement, Lambert payait toujours les factures d'électricité, lui permettant d'allumer la lumière.
Les ampoules étaient plus que fatiguées mais remplissaient leur tâche. Elle se trouvait désormais dans une majestueuse entré, semblable à celle d'un château. Dommage que la poussière ait pris possession des lieux depuis des années.
Cependant, un détail attira son attention: un grand miroir au pied de l'escalier. Lambert lui avait dit de je surtout pas le regarder. Sans doute une superstition familiale, pensa-t-elle.
Contrairement au reste de la pièce, pas un seul grain de poussière ne s'y était déposé. Il était intact, si parfait, si beau.
Elle s'en approcha alors, pour lire l'inscription qui le surplombait. Elle contempla un instant les magnifiques lettres calligraphiées avant de les déchiffrer.
- Toi qui me regardes, partage mon malheur. Étrange.
Soudain, un léger bruit retentit sur sa gauche, la faisant sursauter. Mais il n'y avait que l'escalier... et une poupée qu'elle n'avait pas remarqué jusqu'à cet instant.
Elle était assez grande, presque autant que la jeune femme. Et sûrement très ancienne. Ses cheveux noirs contrastaient avec son teint porcelaine. Mais, surtout, ses yeux bleus très clairs glaçaient le sang de l'agent immobilier.
Elle resta quelques instants immobile, ne pouvant s'empêcher de fixer l'être de chiffon. Ce n'est qu'une poupée inoffensive, se répéta-t-elle sans que cela ne suffise à l'apaiser. Regarde, elle sourit même.
Pourtant, elle ne pouvait détacher son regard des yeux perçants qui semblaient l'observer depuis le haut du grand escalier. Ses yeux étaient comme attirés par l'objet par un champ magnétique beaucoup trop fort pour s'en éloigner.
Un cliquetis retentit. La tête de la poupée avait pivoté sur la droite. Non, c'est pas ça. Elle n'a pas pu tourner toute seule.
Un autre son retentit et le visage tourna à nouveau de quelques degrés sur la droite. Puis, un autre. Et un autre, toujours sous les yeux horrifiés de l'agent immobilier.
Bientôt, le visage de la poupée disparut, remplacé par sa chevelure noire comme le manteau des corbeaux. Elle continuait à pivoter.
Au bout de quelques secondes qui lui parurent une éternité, le visage réapparut. Cependant, il n'y avait plus de sourire. Juste l'expression d'une rage sans précédent.
Derrière Laura, la porte d'entrée se claqua dans un grand bruit. Elle s'y précipita pour sortir au plus vite du manoir mais la poignée refusait de se tourner.
La luminosité commença à baisser, comme si les ampoules s'éteignaient lentement. Bientôt, l'obscurité s'était abattue sur l'ensemble de la pièce.
Elle essaya d'ouvrir la porte plus fort, inséra la clé mais rien ne se produisit. La serrure était comme glacée.
Son coeur battait la chamade, sa respiration se faisait de plus en plus haletante. Elle avait chaud, très chaud. Pourtant, malgré la mise en alerte de tous ses sens, elle pouvait sentir une présence derrière elle.
Une main se posa sur son épaule puis la serra fermement. Trop fort même. Elle sentit son épaule se briser tandis que son coeur approchait de la crise cardiaque.
***
- L'agent immobilier devrait déjà être là, s'inquiéta la femme.
- Regarde la petite fenêtre sur la porte, la lumière vient de s'allumer. Elle doit être à l'intérieur, répondit son mari.
Dans plus attendre, il posa la main sur la poignée et ouvrir la porte. La lumière était effectivement allumée dans la maison mais aucun signe de vie n'y était présent, que ce soit dans les yeux de la poupée tachée de sang qui les fixaient depuis le haut de l'escalier ou dans le corps de la jeune femme qui gisait au milieu d'une marre de sang à leurs pieds.
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