🕸️CHAPITRE 4🕸️

Peu de temps après l'arrivée de Margarette Heelz à Tonelli, d'étranges rumeurs se remirent à circuler au sein même de la petite ville prise aux pièges, entre d'un côté d'imposants monts, bien trop ardus pour être grimpés, et de l'autre le vaste océan n'offrant aucune promesse de liberté. C'était bien là une ville dans laquelle on venait se perdre lorsque l'on souhaitait être oublié. Pourtant, Tonelli offrait son éventail de possibilités pour Margarette : Reprendre sa vie en main, se reconstruire et pouvoir enfin l'opportunité de s'adonner à quelques-unes de ses passions, car il n'y avait et n'aurait jamais personne pour la commander et la contraindre. Toutefois, être la nouvelle propriétaire du manoir de Castelroc imposait son lot de responsabilités et la jeune héritière fraîchement débarquée savait qu'à elle seule... Jamais elle ne pourrait tenir et entretenir un tel endroit. Il lui fallait donc de l'aide. De l'aide, mais de qui ? Des habitants.

Si certains se risquaient à venir jusqu'au portail afin de jeter un œil curieux à son intimité, d'autres préféraient très largement de se tenir éloigné de cet endroit, car oui, on le disait maudit.

Il y avait eu, jadis, un certain nombre de drames à l'intérieur de ces murs et si personne ne savait vraiment ce qu'il s'y était passé, tous les habitants de Tonelli se mirent d'accord pour dire qu'une famille ne peut disparaître en une nuit. Quelqu'un, ou bien quelque chose même, en était forcément responsable. Mais qui ? Ou bien quoi ? Là encore, une question demeurant sans réponse.

Alors quand Margarette fit publier une annonce dans le petit journal local disant qu'elle recherchait du personnel de maison, les candidatures, à sa grande surprise, ne furent pas nombreuses.

— Et donc, selon ce que vous me dites, si je comprends bien, vous n'avez aucune expérience significative quant à la tenue d'une maison de cette envergure ?

— Vous en connaissez beaucoup des bâtisses comme celle-ci en ville, vous ?

Margarette déchanta. Certes, elle était habituée à vivre dans un certain confort tout en menant une vie que l'on pourrait qualifier de faste, mais elle ne s'attendait pas à ce que personne en ville n'ait les qualifications qu'elle attendait. Le peu de personnes qu'elle recevait n'était motivé que par une chose : la curiosité.

Venir pour un entretien voulait dire entrer dans la maison et pour certaines personnes cela signifiait d'être en possession de la chance de leur vie pour satisfaire ce besoin maladif qu'ils éprouvaient tous.

— Savez-vous au moins entretenir un jardin ? questionna Margarette, exaspérée.

— Oh, vous savez, il y a bien quelques plantes qui poussent chez moi !

— Les mauvaises herbes ne comptent pas. J'aime les belles choses, vous comprenez ? Non, vous ne pouvez pas comprendre. Dieu ! Que suis-je venue faire ici ?

Après avoir passé sa journée, lasse d'écouter les mêmes récits ou d'entendre les mêmes questions lui être posées, Margarette finit par s'arrêter sur un profil et un seul. Il n'était ni particulièrement brillant, ni particulièrement intéressant, mais il sortait définitivement du lot : celui de Béatrice, une quinquagénaire maniant le fouet pâtissier et le balai mieux que quiconque à Tonelli. Faute de mieux, elle allait devoir apprendre à se satisfaire du reste.

— Vous avez un mois pour faire de cet endroit, un havre de paix et de tranquillité. Vous aurez une liste des pièces dans lesquelles vous êtes permise d'entrer et d'autres non. Je vous saurai gré de vous y tenir, informa la jeune femme, En outre, sachez que je n'attends ni visiteurs, ni personne, donc n'ouvrez les portes sans aucun prétexte, à moins que je ne vous aie autorisé à le faire. Pour le reste, vous aurez le droit à un jour de congé par semaine et je compte sur vous pour profiter de cette journée pour pleinement en profiter avant de revenir prendre votre poste. Ai-je été suffisamment claire ?

— Oui, Mademoiselle.

— Dans ce cas, qu'attendez-vous ? Mettez-vous au travail.

Travailler pour Margarette Heelz allait forcément susciter la curiosité et les commérages, d'autant plus que sur la vingtaine de candidats reçus en ce jour, l'héritière n'avait gardé qu'une seule et unique personne, bien consciente que cela ne suffirait guère. Cependant, elle allait apprendre à s'en satisfaire dans un premier temps, comptant sur les nombreuses et indéniables qualités de la discrète Béatrice pour briller. La pauvre femme ne savait sans doute pas dans quoi elle avait mis les pieds, car travailler dans le manoir aux nombreux mystères était une chose, mais satisfaire sa propriétaire et lui plaire en était une autre. Une affaire qui, d'ailleurs, allait s'avérer bien délicate.

— Une dernière chose Béatrice : Je compte sur votre entière discrétion concernant la maison et ce qu'il s'y passe. Je serai bien mécontente d'apprendre que vous utilisez ma gentillesse à mon insu, l'avertit Margarette d'un ton plus qu'expéditif.

— Bien entendu Mademoiselle. Croyez-moi, je n'ai personne à qui raconter quelque chose... Je ne suis qu'une femme vivant seule dans sa petite maison.

— Dans ce cas, demeurez cette femme vivant seule... mais dans une grande maison. Quoiqu'il se passe entre ces murs, lança la jeune femme.

Puis, elle s'arrêta un instant, contemplant au loin la vue à peine dégagée qu'elle pouvait avoir sur l'océan et sur la calamité qu'elle savait s'approcher d'elle.

— Reste... entre ces murs.

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