🕸️CHAPITRE 30🕸️
— Ce que bon vous semble, ma chère. Faites ce que vous voulez de moi, je suis là et je n'attends que ça. Je n'attends que vous.
Cela paraissait irréel.
Il y a encore quelques jours, cet homme ne connaissait guère la définition même du mot répits et arpentait la ville en long et en large à la recherche de réponses. Sa démarche le peignait comme un homme désespéré, mais aussi étrangement déterminé. Pourtant, aujourd'hui, Ethan Gainsbourg paraissait connaître la tranquillité d'esprit qui faisait clairement défaut à Margarette et la jeune femme ne pouvait s'empêcher de trouver cela étrange.
Et si seulement, elle avait su, à ce moment-là, fermer les yeux, alors elle n'aurait jamais rien eu à regretter, mais c'était mal connaître la ténacité de Margarette et de son aversion pour tout ce qui résonnait avec le mot « étrangeté ».
La jeune femme plaqua la paume de sa main sur le front de son interlocuteur et tenta de prendre sa température. Certes, elle l'avait violemment frappé, mais il y avait autre chose... Quelque chose sur lequel elle n'arrivait pas à mettre le doigt.
— Que faites-vous ? lui demanda Ethan, aussi bien amusé qu'intrigué par son geste.
— Je prends votre température, répondit-elle bêtement, Êtes-vous souffrant ? Vous sentez-vous fiévreux ?
— Non, ricanna-t-il, Pourquoi devrais-je me sentir souffrant ? Je n'ai jamais été aussi bien de toute ma vie. Aussi courte soit-elle.
— Vous ne pouvez pas être bien.
Il y a encore quelques jours de cela, il se serait volontairement battu avec elle dans le froid et la grisaille afin de réaliser son vœu. Il avait remué ciel et terre pour s'approcher d'un puits soi-disant secret. Alors quoi ? Qu'est-ce qui l'avait fait changer ? Il devrait être furieux contre elle, lui hurler dessus ou tout du mieux et avec un peu de bon sens, il devrait ressentir un profond dédain pour la maîtresse de maison, mais visiblement... Ethan se trouvait à des années lumières de ces sentiments négatifs. À dire vrai, c'était même tout l'inverse.
Il était charmant.
Aucun être humain, normalement constitué, ne devrait être charmant avec la personne les ayant séquestrés et violentés. Ce n'était pas sain. Ce n'était pas... Normal.
Alors, comprenant qu'elle faisait présentement face à une nouvelle étrangeté, Margarette prit naturellement du recul en plissant des yeux.
— Vous le faites encore, lui signala Ethan.
— Quoi donc ?
— Vous vous distancez de moi.
Et avec raisons.
— Je vous l'assure, je ne suis point malade, si c'est cela qui vous inquiète, poursuivit le jeune homme en tentant de faire un pas en avant.
— Je le sais.
— Alors quoi ?
— En êtes-vous certain ? relança Margarette visiblement intriguée par ce soudain changement de comportement.
— Avec vous, je ne suis jamais certain de rien. À dire vrai, je ne sais même pas de quoi je devrais être certain actuellement.
— Vous ne ressentez aucune gêne ? Aucun trouble ? Aucun... Bouleversement ? précisa la jeune femme.
— Présentement, la seule chose qui me bouleverse, Margarette, c'est vous.
Jamais encore Margarette n'avait entendu ces mots.
Jamais encore Margarette n'avait réalisé que les mots, accompagnés de toute leur beauté, pouvaient toucher en plein cœur.
Elle n'était pas étrangère à la flatterie, ni même aux paroles douces, cependant, c'était bien la première fois qu'elle entendit la sincérité s'exprimer. La jeune femme découvrit alors que celle-ci pouvait résonner avec la douceur.
— Finalement, je crains d'avoir raison. Vous êtes définitivement malade, finit-elle par dire en gloussant.
— Peut-être, finissez-vous enfin par déteindre sur moi ? Peut-être ai-je, moi aussi, atteins un certain stade de folie ?
— Si je venais à vous reposer la question, est-ce qu'au moins vous me répondriez ?
— Vous voulez savoir pourquoi, malgré tout ce que vous m'avez fait, je m'obstine à rester ici ?
— Vous n'avez aucune raison valable de rester, Ethan. Aucune. Rien ne vous retient.
Théoriquement, Ethan était arrivé ici parce qu'il avait une excuse, ou plutôt, une raison. Il avait fait ce qu'il avait fait, car il avait une motivation, quelque chose qui le poussait à agir de la sorte, mais à présent, tout était différent. Leur relation même était différente.
— Hypothétiquement parlant, et je ne voudrais surtout pas remettre le sujet douloureux sur la table, mais... Nous sommes promis l'un à l'autre.
À cet instant, Margarette n'eut pas l'air surprise qu'Ethan lui ressorte cette histoire, mais à la place, elle se contenta de le dévisager avec l'air le plus plat et blasé qu'elle connaissait. Comptait-il sérieusement sur cela ? Sur leur prétendu mariage ? Sur un arrangement fait contre leur gré par leurs deux familles ?
— Nous n'allons pas nous marier, le coupa-t-elle dans son élan.
— J'espérais seulement vous rappeler que...
— Ethan, soupira la jeune femme, si vous voulez rester, vous pouvez aussi le demander. Tout simplement.
— Et je présume qu'en posant la question tout bêtement, vous n'allez pas miraculeusement trouver une excuse pour refuser ma requête ? Sans vouloir vous vexer, c'est un petit peu votre spécialité.
— Je vais prétendre ne pas avoir entendu cette dernière phrase, fit Margarette légèrement piquée par cette vérité.
— Dans ce cas...
Ethan avait réalisé dès le premier jour que Margarette n'était pas insensible à ses numéros de charme et il avait un don tout particulier pour jouer de cela. Tantôt, il le faisait exprès, car cela l'amusait de la voir passer par tous ses états et jouer les grandes dames, et tantôt... C'était tout simplement plus fort que lui. Il y avait quelque chose de follement amusant et attrayant chez Margarette.
Donc, la voyant attendre la grande question, le jeune homme entreprit une démarche des plus inhabituelles. Posant un genou à terre et se saisissant d'une main qui fut bien prompte à lui échapper, mais qu'il agrippa de toutes ses forces.
— Que faites-vous ? bafouilla la jeune femme, prise de court.
— Vous m'avez dit de poser la question. Je m'exécute. Ne vous l'ai-je pas dit plus tôt ? Vous pouvez faire de moi ce que vous voulez.
— Relevez-vous ! l'empressa-t-elle.
— Avez-vous peur que l'on nous voit ? Si cela peut vous rassurer, nous sommes seuls et quand bien même Béatrice nous verrait, je pense que cette vieille femme se fait déjà assez d'idées sur nous.
— Cessez d'être ridicule, relevez-vous !
— Pourquoi ? Que pensez-vous que je vais vous demander ? s'amusa le jeune homme.
C'est en le voyant retenir son fou rire que Margarette réalisa qu'Ethan était en réalité en train de se payer sa tête. Encore une fois et pour ne pas changer, elle était tombée dedans. Pire encore ! Elle avait foncé tête baissée dans son jeu.
— Je vous déteste et vous méprise, sachez-le, bouda-t-elle alors.
— Il n'y a rien de nouveau dans ce que j'entends. Je le savais déjà. Néanmoins, entreprit-il de dire en se raclant la gorge, Margarette Heelz ! Me feriez-vous l'incommensurable honneur de me laisser vivre chez vous ? De partager votre foyer dans la joie comme dans la peine ? Quelles que soient les les épreuves que nous traverserons et jusqu'à ce que le déménagement nous sépare ?
Comment pouvait-elle dire non devant une telle déclaration ?
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