🕸️CHAPITRE 24🕸️

Pour ne rien arranger à l'ambiance lugubre qui s'était mise à régner au sein du manoir, une étrange pluie s'abattit soudainement sur l'ensemble de la ville de Tonelli comme si dehors, la tempête faisait rage. Les branches s'entrechoquèrent, les gouttes d'eau se fracassèrent sur les vitres du manoir et l'ensemble de celui-ci semblait grincer, couiner et craquer dans tous les sens, rendant l'espoir d'une nuit paisible impossible. C'était là, pour une Margarette allongée et fixant son plafond depuis une vingtaine de minutes, une punition divine. Elle avait beau s'être retournée dans tous les sens, avoir couvert sa tête avec un oreiller, une couverture et tout ce qu'elle avait pu trouver à portée de mains... Rien ne paraissait atténuer le déluge. Le ciel pleurait.

Décidée à prendre un livre et à bouquiner sur le restant de la nuit, Margarette s'aperçut rapidement que même sa propre demeure se jouait d'elle étant donné que rien ne s'allumait. Pas même la lampe sur sa table de chevet. La tempête avait très certainement un rôle dans cela.

— Je vois, très bien. Puisqu'il en est ainsi, autant aller se faire du thé.

Au fond, ce n'était pas tant la tempête hurlante qui la dérangeait, il en fallait bien plus pour perturber son sommeil. Toutefois, elle avait sur la conscience un geste dont elle n'arrivait pas à passer outre malgré toute sa volonté. Donc, partie pour le chemin de la cuisine, ses pas la menèrent naturellement et sans arrière-pensées, bien évidemment, à la chambre d'Ethan.

Pendant deux longues minutes, la jeune femme fut prise d'hésitation. Devait-elle ouvrir la porte ? Qu'allait-elle faire ici ? Quelle utilité cela lui apporterait ? Était-il seulement réveillé ? Non... Béatrice l'aurait sans doute prévenue. Alors quoi ?

Ah. Il était donc question de cela : de remords. Car que ferait-elle si Ethan se réveillait et commençait à questionner son geste ? Son attitude ? Il en aurait tous les droits, après tout, elle l'avait agressé. Mais irait-il trouver la police ? Irait-il jusque-là ? Une personne sensée le ferait, mais Ethan ?

Soudain, Margarette fut assaillie de questions plus que de réponses et c'est en recherchant celles-ci qu'elle se retrouva bêtement au milieu de la pièce. Elle y trouva un Ethan inconscient, ce qui n'avait guère changé des heures précédentes, mais Béatrice manquait étrangement à l'appel. À cette heure-ci ? Étonnant.

— Je me demande si tu avais le même genre de regard lorsque tu étais assise à côté de moi sur mon lit de mort ? Avais-tu la même sympathie ?

Margarette pouffa dans son coin et pensa à nouveau à son passé. À ce qu'elle avait fait ou plutôt à ce qu'elle avait dû faire. James n'était rien de moins qu'une preuve supplémentaire de ce dont la jeune femme était capable pour avoir ce qu'elle désirait.

Tout comme Ethan. Ils partageaient au moins cela.

— Ce n'est pas de la sympathie, détrompe-toi, murmura la jeune femme en guise de réponse.

— Vas-tu là aussi le regarder s'éteindre sans rien dire ? Ou vas-tu faire en sorte d'abréger les souffrances de cette bête allongée devant toi, inerte ? Cela serait cruel que de laisser la douleur l'emporter.

— Mais n'est-ce pas tout ce que je suis ? Cruelle ? N'est-ce pas ce que tu m'as appris à être au dépit et aux dépens de tout le reste et de tout ce qui peut compter ?

Margarette n'aimait pas James. Elle ne l'avait jamais aimé. Bien avant leur mariage, elle était déjà au courant de sa réputation, des travers qu'on lui prêtait. Et pourtant, elle avait marché jusqu'à l'autel pour lui. Avant qu'elle n'eût le temps de réaliser, il avait laissé sa marque sur elle. Ses marques. James avait été un homme plus que méchant et cruel... Il avait été sadique. Brutal. Et tel un cauchemar que l'on revivait encore et encore, sans répit, Margarette s'était laissé submerger par sa nouvelle réalité alors que tous lui avaient crié de fuir.

Elle avait été naïve de croire qu'elle s'en sortirait seule.

Tout comme elle portait encore en elle les fruits de cette naïveté, pensant que l'homme se trouvant allongé ici devant elle et par sa faute, ne ferait rien de cet incident. Sans doute alors devrait-elle écouter et entendre cette petite voix lui murmurant d'en finir.

— Tu es une femme talentueuse et forte. Tu sauras trouver la solution. Après tout, un oreiller posé délicatement sur son visage endormi...

Oh elle y avait pensé. Elle y avait pensé à trois reprises depuis qu'elle avait demandé l'aide de Béatrice pour ramener son corps jusqu'ici.

Elle avait pensé à diverses méthodes et techniques pour en finir avec Ethan Gainsbourg, mais elle n'en faisait rien. Bien au contraire. Elle trouvait un certain calme et réconfort à le regarder. À simplement le regarder. C'était... inexplicable et surtout inattendu venant d'elle. 

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