🕸️CHAPITRE 23🕸️

Margarette savait que Béatrice ne l'avait pas cru lorsqu'elle lui avait dit qu'Ethan s'était cogné la tête en tombant. Néanmoins, la vieille domestique avait appris à ne pas poser de questions et à ne se mêler que de ses affaires, et ce, au plus grand bonheur de son employeuse venue lui demander de l'aide afin de transporter un corps inerte jusque dans la maison.

— Je vais m'occuper des premiers soins, bien qu'il serait préférable de faire venir le médecin de la ville, lui dit-elle d'une voix presque tremblante, comme si elle craignait quelque chose.

— En voilà une bonne idée. Occupe-toi donc de lui... Sans faire venir le médecin de la ville. Je détesterai devoir m'occuper d'un inconnu quand un étranger est allongé ici même par ta faute, Béatrice. Je devrais songer à trouver une idée pour te punir... Ne t'avais-je donc pas dit de ne rien dévoiler sur cet endroit, et ce, à quiconque ? Malheureusement, regarde ce qu'il se passe lorsque tu ne m'écoutes pas.

Béatrice pouvait bien être suspicieuse du moment qu'elle était discrète. La vieille femme tenait bien trop à sa propre vie pour contrarier Margarette et bien qu'elle ne sache pas vraiment ce que celle-ci faisait de son temps libre, elle l'avait vue à maintes reprises traînant dehors ou bien entendue se parlant à elle-même. Ces deux faits-là étaient suffisamment inquiétants. En outre, la venue de Margarette Heelz à Tonelli avait fait suffisamment de bruit pour que la vieille domestique sache à quoi s'en tenir.

Après tout, qui devient veuve à un âge aussi hâtivement ?

Toutefois, en voyant Ethan ainsi allongé, Margarette se demanda si elle ne devrait pas au moins ressentir une pointe de remords, mais hélas... rien ne lui parvint. Elle estimait avoir fait ce qu'elle devait faire, à savoir : protéger un secret et ses intérêts compris. Elle avait un don dans ce genre de domaine.

Laissant Ethan et sa probable commotion cérébrale aux mains plus que compétentes de Béatrice, Margarette disparut de nouveau et retourna à hauteur du puits à l'extérieur. Sur le moment, elle était bien trop prise par ce qu'il se passait pour réaliser ou bien même se poser la moindre question, mais les Heelz s'étaient-ils donc déchirés pour un bête puits fait de pierres et de mousse ? Cela lui paraissait ridicule. Elle n'était pas de nature candide et donc penser qu'un puits à souhait pourrait exister dans son seul jardin et se trouver aussi facilement était tout à fait risible, si ce n'était ridicule.

— Dois-je me pencher au-dessus et dire « Marie la sanglante » trois fois ? ricana la jeune femme sarcastiquement.

Pour autant, elle resta un moment dans le froid, attendant comme une révélation. La révélation. Elle s'attendait à ce que le vent se lève brusquement et à ce qu'un fantôme vienne à sa rencontre, mais après plus de dix minutes d'attente, Heather ne se montra pas. Pas plus qu'il n'y eut un seul soulèvement de brindilles. À dire vrai, il ne se passa rien du tout, à son plus grand désespoir.

Avait-elle donc imaginé la scène précédente ? S'était-elle jetée sur Ethan d'elle-même et sans aucune excuse valable ?

— Pauvre Margarette... Deviendrais-je folle à lier ?

Sans aucun doute, car tout le monde le savait et le comprenait quand l'âge venait : les fantômes n'existaient pas. Ils n'étaient que légendes. Mythes. Ils n'existaient que pour alimenter des histoires à dormir debout. Ils n'existaient que pour donner une explication rationnelle à ce qui ne l'était pas. Mais qui pouvait se vanter d'y croire ?

— Un puits à souhait au fond de son jardin... Ma vie n'est-elle donc pas suffisamment ridicule et pathétique ?

Néanmoins, Margarette éprouva une légère pique de curiosité à l'égard de ce vieux puits se trouvant devant elle. La maison était vieille, c'était un fait indéniable, mais ce puits l'était davantage. Il se trouvait là bien avant que le manoir de Castelroc ne soit construit ou alors... Non... Autant ne pas y penser et se perdre dans ce genre de cheminement idiot.

Rentrant à la maison après avoir passé près d'une demi-heure à l'extérieur, Margarette arracha un sursaut à Béatrice, restée au chevet d'Ethan dont le haut du crâne fut complètement bandé.

— Un travail d'orfèvre, souligna la jeune femme en se penchant au-dessus de celui-ci.

— Il faudrait le surveiller toute la nuit pour...

— Heureusement que tu es là, Béatrice ! Je suis si heureuse d'entendre que tu te prêtes volontaire pour ce genre de tâche.

Elle n'allait évidemment pas le faire. À quoi bon ? Elle le regardait, restant allongé et inconscient, se posant évidemment la question qu'elle se refusait à écouter depuis qu'elle connaissait ses motivations. Ethan était là pour une jeune femme. Quelle était leur relation ? Leur lien ? Avait-il réellement perdu la raison au point de croire qu'un souhait pourrait ramener une défunte ? Pourtant, il semblait censé et avoir la tête sur les épaules, mais peut-être avait-il feint cela. Comme tout le reste d'ailleurs. Ethan Gainsbourg n'était certainement rien de plus qu'un personnage, un grotesque rôle dans lequel il se fondait afin de berner son monde.

Malheureusement, ses nombreuses tentatives de numéros de charme n'avaient jamais pris sur Margarette qui avait enterré le reste de son humanité quand elle eut enterré sa famille : son époux, sa tante, sa grand-mère et puis son oncle aussi ?

Son époux avait trouvé la mort dans la maladie, mais elle l'avait sacrifié pour retrouver sa liberté. Les autres ? Disons qu'ils n'étaient qu'une gêne dans son parcours d'être la légitime héritière de cet endroit.

Tout comme Ethan Gainsbourg. Il était devenu gênant.

Non. Il était devenu perturbant.

Sa simple existence et leur étrange petite cohabitation l'avait forcée à penser et à repenser à des choses auxquelles elle s'était jurée d'oublier. Ethan avait réveillé cette Margarette-ci. Celle qui prenait les choses en mains. Tout comme elle l'avait fait avec lui... par conséquent, il ne pouvait que s'en prendre à lui-même.

— Je te confie donc la charge d'Ethan, Béatrice, et je compte sur toi pour le veiller au mieux de tes capacités. Après tout... La nuit promet d'être longue et on ne sait jamais... avec le froid, son état pourrait soudainement se dégrader.

Après tout, cela passerait aussi pour un accident. Un énième accident. Un énième inexplicable accident qui la toucherait de près. Certes, les Gainsbourg risqueraient d'être suspicieux aux premiers abords, et puis, avec le temps, ils feraient leur deuil et comprendraient. Il a bêtement glissé.

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