🕸️CHAPITRE 20🕸️
Si Margarette s'était trouvé une nouvelle occupation par le biais d'Ethan Gainsbourg et avait réussi à sortir de son quotidien bien fade et monotone, il ne lui fallut pas plus d'une après-midi pluvieuse pour perdre son intérêt et s'en retourner à ses occupations premières, c'est-à-dire : s'enfermer dans son propre monde et ses désillusions.
— On devrait l'assassiner. Que penses-tu de cela ?
Mais laissée seule face à elle-même, la jeune femme retrouva aussi ses propres démons qui continuaient de la hanter maintenant qu'elle n'avait plus de quoi être distraite. Avec les jours passants, le fantôme de James - si tentait que cela en fut un - devenait presque une présence si familière qu'elle pouvait s'en accommoder, préférant feindre son absence ou lui jeter quelques regards noirs quand l'occasion s'en présentait.
— Ne t'avais-je pas prévenue ? Ne t'avais-je pas dit qu'il ne saurait être à la hauteur ? Et dire que tu t'étais mise à croire que peut-être...
— L'au-delà est-il si ennuyeux que tu n'as rien d'autre à faire que de me hanter ? pesta la jeune femme en le dévisageant sévèrement.
— Disons que cela passe le temps. Te tourmenter a toujours été ma passion première... même de mon vivant. Te souviens-tu de nos jeux ? Ah ! Comme cela me manque.
James était un homme vil, si encore le mot vilenie fut suffisamment fort pour le décrire. Il ne trouvait son plaisir que dans la tourmente et il savait très bien que chaque soir, il retrouvait alors son défouloir préféré. Chaque soir, Margarette redoutait ses retours, se demandant alors quel châtiment il lui imposerait. Tantôt c'étaient des coups de ceintures, tantôt c'étaient des coups de reins, mais aucun ne fut bien plaisant à recevoir, car chaque coup la marquait indéniablement. Si ce n'était pas physiquement, alors c'était sur son âme que James s'imprégnait au fil des années. Ô combien de fois avait-elle rêvé de s'échapper ? Peu importe le moyen... Car combien de fois cette fenêtre donnant sur la cour lui paraissait amicale, presque plaisante.
Hélas, jamais elle n'eut le courage de le faire. Jamais elle ne bascula. Préférant subir, une nuit après l'autre, la folie de son mari.
— Sais-tu ce qui est amusant dans tout ceci, femme ? C'est que tu m'as gratifié du plus beau et majestueux des cadeaux. À présent, j'ai l'éternité pour m'amuser avec toi à mes côtés. L'éternité pour te faire regretter.
Son souffle paraissait semblable aux gifles des vents hivernaux : glacial et mordant. Mais Margarette savait que tout ceci n'était qu'un énième trouble de son esprit. Malade, usé, épuisé... Voilà ce qui restait d'elle. De ce qu'elle a été. La folie la guettait comme un vautour attendant son tour. Personne n'y échappait et personne n'en revenait. C'était un plongeon que tous avant elle avaient fait.
Peut-être était-ce le fait de rester cloîtrée ou peut-être était-ce tout simplement la quête de vérité qui l'avait ainsi esquintée, elle ne saurait le dire, mais elle savait quand est-ce que cela avait commencé.
Elle savait très exactement à quel moment son esprit avait commencé à basculer.
— Pourquoi résistes-tu encore, Margarette ? Pourquoi continues-tu à t'obstiner ainsi ? Si tu pouvais, ne serait-ce qu'un instant, lâcher prise... Cela nous serait tellement plus facile.
Mais Margarette préféra garder le silence, plongeant son regard vers la fenêtre donnant sur un extérieur toujours aussi lugubre et sinistre. Depuis combien de temps n'avait-elle pas vu un rayon de soleil ? Depuis combien de temps ne s'était-elle pas promenée dans ses propres jardins ?
Depuis combien de temps l'obscurité s'était-elle ainsi installée dans sa vie ? Elle ne saurait le dire. C'était comme si, par moment, de courts moments, elle ne s'apercevait plus de rien. Comme si elle divaguait, qu'elle n'était plus là. Plus elle-même.
— Peut-être que devrais-tu utiliser ce puits à souhait. Qu'en penses-tu ? Peut-être devrais-tu voir par toi-même si cela fonctionne... Imagine... Tout ce que tu souhaites au fond de toi se réaliser. Un tel pouvoir, une telle chance, ne devrait pas être partagée, n'est-ce pas ? Ainsi, tu serais débarrassée de moi... Si c'est ce que tu veux...
Il faudrait être réellement fou ou désespéré pour croire qu'un tel artefact puisse exister. Les puits à souhaits ne sont que des attrapes nigauds, des traquenards, des fonds d'espoir... Rien d'autre. Une telle magie ne peut être possible.
— Et si...
Oui... Et si ? Et si c'était le cas ? Et si Ethan l'utilisait pour lui ? Après tout, il avait été clair sur ses motivations, ou tout du moins suffisamment. Il n'était pas venu jusqu'à Tonelli pour Margarette. Non. Il était venu jusqu'ici pour lui-même. Alors pourquoi Margarette devrait-elle penser à lui ? Pourquoi devrait-elle lui laisser l'honneur et le privilège d'être le premier à le trouver ? N'était-ce pas sa maison ? Sa propriété ? N'avait-elle pas commis le pire pour être... Ah. C'était donc cela. Voilà pourquoi le manoir de Castelroc était dans sa famille et voilà pourquoi tout le monde se disputait cette vieille bâtisse tombant progressivement en ruines.
Pour un vulgaire puits.
Pour une croyance.
Tout le monde s'arrachait donc l'espoir secret d'avoir un avenir meilleur ou de réparer une erreur du passé.
Tout le monde savait que ce foutu puits existait.
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