🕸️CHAPITRE 14🕸️

"Je suis venu déterrer un secret."

Cette phrase, Margarette n'avait pas pu l'oublier. Elle résonnait en elle tel un écho criant en pleine montagne. C'était la première fois qu'Ethan se confiait sur ses motivations et même si la jeune femme n'avait pas osé creuser davantage la question, elle se trouvait rassurée de savoir qu'elle n'était pas la cible de ses intentions. Certes, il était fort probable qu'Ethan Gainsbourg se serve d'elle pour servir ses propres intérêts et ses propres fins, mais cela lui était bien égal, car tout ce qui l'importait été de savoir qu'il ne la générait pas dans ses plans.

Parce que oui, Margarette avait un plan : comprendre ce qui était arrivé à Heather et au reste de sa famille.

— Béatrice, j'ai besoin que tu ailles faire une course pour moi en ville, lança la jeune femme en descendant dans la cuisine.

— Plaît-il ? Que voulez-vous que je fasse ? Vous n'aimez pas vraiment quand je vais en ville.

— Rapporte-moi tout ce que tu pourras trouver sur la disparition des premiers propriétaires du manoir : coupures de presse, articles lambda, commérages, tout ce qui s'est su ou se sait encore aujourd'hui.

— C'est donc cela votre nouvelle obsession ? Vous savez, tout le monde ici sait que cette famille a connu un destin tragique...

— C'est bien ce qui m'inquiète. Tout le monde ici le sait.

Mais tout le monde le sait sans réellement le savoir, car quand on questionne l'opinion populaire, tout ce qu'il sort est "Ils ont disparus", "Ils ont connu un destin tragique" telles des phrases que l'on répétait encore et toujours afin de servir la même histoire à qui voudrait l'entendre. Comme si Tonelli toute entière était bloquée sur ce refrain. Sur cette même justification, et Margarette ne le sait que trop bien : Il est impossible que tout le monde ait la même version des faits.

Retournant dans son bureau et s'y enfermant afin de consulter ses ouvrages, la jeune femme se surprit à mettre le nez dans les quelques livres d'obscurantisme qu'elle possédait. Non pas que cela ne l'intriguait pas, mais elle n'avait jamais été une grande fan ni une grande croyante. Les histoires d'outre-tombes et tout ce qui n'était pas scientifiquement prouvé été pour Margarette...Comme qui dirait bon à jeter. Il lui fallait des preuves. Des preuves solides. Des preuves auxquelles se raccrocher et auxquelles y croire et pourtant, elle était là, le nez dans les deux ou trois ouvrages parlant de fantômes, de possession et de lieux maudits à jamais.

Peut-être que ses récentes expériences avaient fini par la marquer suffisamment.

— Voilà une vision déplaisante, fit une voix glaciale.

Elle ne savait que trop bien d'où elle provenait. De sa propre illusion. De son propre cerveau détraqué et manquant cruellement de repos.

— Je n'ai jamais aimé te voir le nez dans tes ouvrages à te pavaner avec tout ton savoir. Une femme ne devrait jamais en savoir plus que le strict nécessaire... Mais c'est plus fort que toi, n'est-ce pas ?

"Il vaut mieux l'ignorer". Cela avait toujours fonctionné, n'est-ce pas ? Peut-être se lasserait-il et finirait-il par partir de lui-même ? Par disparaître.

— Que cherches-tu ? Des réponses à tes questions, sûrement ? Mais qu'en est-il des réponses que tu dois aux autres ? À la société ? Qu'en est-il des questions que tu as laissées en suspens en venant ici ?

Margarette pouvait entendre le parquet craqueler sous ses pas, comme si sa présence, aussi physique soit-elle, se faisait ressentir dans toute la pièce. Mais il ne pouvait être là. C'était impossible. Il ne pouvait se tenir juste derrière elle, la jugeant et la maudissant du regard. Soupirant et critiquant.

— As-tu seulement une once de remords ? Ou te plais-tu à te croire satisfaite ? Combien de gens as-tu sacrifiés pour en arriver là, Margarette ? Combien de gens as-tu fait plier à ta volonté ? Je te savais vile et perfide, mais une meurtrière... souleva la voix tel un murmure porté par la légère brise passant à travers la fenêtre.

— Silence !

Tout compte fait, la jeune femme se retourna violemment et fit face à son propre cauchemar.

— Ne peux-tu donc pas me laisser en paix ? soupira-t-elle.

Étonnamment, il ne lui répondit pas et se contenta de lui sourire de façon sournoise avant de disparaître comme s'il n'avait jamais été là.

— Toujours aussi couard à ce que je vois. Prompt à fuir avant tout, cracha Margarette à haute voix.

Mais à peine eut-elle le temps de terminer sa phrase, que les fenêtres s'ouvrirent brutalement comme pousser par la force du vent, faisant virevolter les pages de ses ouvrages et poussant l'une de ses tasses restée au bord de son bureau à même le sol, la faisant ainsi s'envoler en éclats.

Sur l'instant, Margarette se figea avant de sourire timidement comme si la situation l'amusait. Hélas, c'était loin d'être le cas.

— Prompt à user de la violence à la moindre contrariété, comme toujours. N'es-tu donc pas lassé d'user encore et toujours des mêmes tours ? Cela ne m'effraie plus, sache-le.

Le problème avec les fantômes était qu'une fois habitué à eux, on pouvait s'en lasser particulièrement vite. Ils demeuraient une présence, mais leurs tours, même les plus astucieux, n'étaient rien de plus qu'un étrange petit rappel du passé.

Désorganiser ses affaires. Casser sa vaisselle préférée. Bruler les ouvrages qu'elle lisait. James avait l'habitude de faire tout ceci, et plus encore, le temps de son vivant. Des choses dont Margarette, avec le temps et l'usure surtout, s'était bien accoutumée.

— J'ai réussi à me débarrasser de toi une fois... Je réussirai de nouveau. Ce n'est qu'une question de temps, crois-moi.

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