🕸️CHAPITRE 13🕸️

— Mais qui vous dit que j'ai besoin d'un héros ou que j'ai besoin que l'on me sauve ? Ce genre de chose, je sais très bien le faire toute seule, croyez-moi. Je n'en suis pas à mon coup d'essai.

Après tout, Tante Pénélope, Mamie Joséphine et l'oncle Norbert en savaient long sur le sujet étant donné qu'ils avaient passé l'arme à gauche bien avant James. Ou peut-être était-ce juste après, qui sait ? Margarette avait cessé de faire les comptes depuis le temps.

— La solitude n'est pas ce qui tient le plus chaud une fois la nuit tombée, rappela Ethan.

Étrange, on aurait dit un écho. Ne lui avait-il pas déjà dit cette phrase mot pour mot peu de temps après leur premier échange ? À croire que le pauvre garçon perdait lui aussi la raison et devenait sénile. Il ne faisait que se répéter encore et toujours. Ça en devenait lassant, comme un vieux vinyle rayé.

— Vous voyez dans ma situation une sorte d'inconfort, alors que j'y vois une libération. Je ne suis pas comme toutes ces filles de bonne famille qui donneraient n'importe quoi pour être dans un mariage parfaitement arrangé. Après tout, le mariage n'a pas été une grande réussite pour moi...

En soi, pour qui le mariage était-ce réellement une réussite, si ce n'était pour les familles cherchant toujours le meilleur des arrangements ? Malgré sa condition sociale et le statut qu'elle possédait, Margarette n'avait pas échappé au fait de se retrouver très tôt, trop tôt même, sur le marché, proposée comme du bétail au premier monsieur ayant la décence de bien vouloir d'elle. Elle était devenue bien trop vieille pour que sa famille continue à l'entretenir et faute d'avoir le moindre talent utile, elle servirait comme « bonne à marier ». Ainsi, tout ce que l'on attendait d'elle était de réussir en tant qu'épouse, mais surtout en tant que femme en accomplissant le plus noble de tous ses nombreux devoirs : être mère.

Chose qui l'avait toujours plus ou moins rebutée si ce n'était dégoutée.

Elle ne voulait pas de cette vie. Elle ne l'avait jamais souhaitée d'ailleurs, elle s'était imposée d'elle-même et après des années de souffrances, elle avait réussie à s'en libérer.

Voilà donc tout ce qu'elle souhaitait : être libre. Libre d'être elle-même.

— Je vois de l'inconfort dans votre situation parce que vous transpirez l'inconfort, Margarette. Cette propriété n'est pas entretenue. Vous peinez à vous entretenir vous-même et le semblant de domestique que vous pensez avoir à votre service. Vous vous enracinez dans une ville si minable que sa médiocrité déteint sur vous alors que vous ne vous en rendez pas compte. Depuis le premier jour, je m'obstine à savoir pourquoi une femme telle que vous... êtes venue jusqu'ici. J'ai bien compris que vous aviez vos propres démons, mais ceci n'est qu'un élément à la réponse globale que je recherche, finit-il par lui dire.

— Je ne suis pas une énigme que l'on peut résoudre du jour au lendemain. Quant à mes motivations concernant ma présence dans cette "ville si minable" comme vous le dites si bien... Ma foi, elles ne vous regardent en rien. Ne vous ai-je pas suffisamment répété que mon intimité n'était pas là pour satisfaire votre curiosité maladive ?

— N'est-ce pas naturel de l'être ? Vous intriguez autant que vous fascinez.

— Dis l'homme aux multiples secrets, souffla la jeune femme.

— Je n'ai qu'un seul secret et il n'est pas convenant pour vos oreilles de l'entendre. Ainsi, je me le garde.

— Et qui êtes-vous pour décider ce qu'il est convenant ou non pour moi d'entendre ? Je suis encore seule maîtresse de moi-même à ce que je sache.

— Certes, mais...

Ethan n'eut nul besoin de finir sa phrase pour que Margarette lève déjà les yeux au ciel, exaspérée de constater qu'une nouvelle fois elle faisait face à un mur. Décidement, plus les jours passaient et plus cette relation devenait ennuyante. Lassante même. Il s'entêtait à se taire comme elle le faisait et à chaque fois que l'un d'eux faisait un grand pas en avant, l'autre se braquait indéniablement.

Il n'y avait rien de plus frustrant.

— Peut-être devriez-vous songer à rentrer chez vous, Ethan, finit par lancer Margarette avec son air le plus désintéressé au possible.

— Je vous l'ai déjà dit : je ne peux pas partir.

— Parce que vous avez des affaires en cours ici même ? Quelle drôle de coïncidence, n'est-ce pas ? Ou alors vous oseriez me prendre pour un lapin de six semaines ?

— Je vous sais suffisamment intelligente pour savoir que vous n'avez aucune confiance en moi et pour douter très largement de mes motivations. Avec raison, je ne le nie pas. Je ne suis pas une bonne personne, Margarette.

— Est-ce censé me rassurer ? Vous ne faites que cela depuis le début : annoncer quand bon vous semble des demi vérités en espérant que je m'en contente. Cela revient à donner un os à ronger à un chien. Est-ce là le peu de considération que vous avez pour moi ?

— Non, c'est le peu de considération que j'ai pour moi-même.

Encore une réponse, un aveu qui n'en était pas vraiment un. Cela devenait une habitude avec Ethan Gainsbourg et il fallait que Margarette, aussi peu patiente soit-elle, s'en satisfasse. Du moins, il lui fallait apprendre à s'en satisfaire, car tout ce que cela suscitait chez elle se résumait en une certaine amertume.

— Croyez-moi, je préférai passer mes journées en votre compagnie à me promener dans les jardins qu'à l'extérieur dans une ville qui m'est à peine familière. Mais c'est une nécessité pour moi. Pour ce que je suis venu faire ici.

— Et qu'est-ce que vous êtes venu faire ici au juste ? insista Margarette.

Cette fois-ci, le jeune homme prit le temps de la réflexion comme s'il cherchait ce qu'il allait lui répondre. Il lui fallait trouver une réponse satisfaisante pour Margarette sans pour autant dévoiler ses plans... Si tentait que l'on pouvait appeler cela "avoir un plan" car au fond, Ethan n'en avait aucun. Il était venu jusqu'à Tonelli à la recherche d'une chimère. D'un mythe.

Et jusqu'à présent, à force de questionner les habitants, aucune de ses recherches ne fut fructueuses. A son grand damne.

— Je suis venu déterrer un secret.

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