Le Mal Invisible
Joshua se trouvait dans une pièce plongée dans l'obscurité, entouré de ses amis. La seule lueur provenait des bougies vacillantes, projetant des ombres dansantes sur les murs. Leur seule occupation ce soir-là était de se raconter des histoires effrayantes. Lorsque ce fut son tour, Joshua hésita un instant, ressentant un frisson parcourir son échine, avant de commencer à parler de son petit frère, Victor. Ce qu'il s'apprêtait à révéler allait plonger ses amis dans une terreur palpable.
« Ce que je vais vous raconter... ça m'est difficile d'y croire moi-même, mais... c'est à propos de mon petit frère, Victor.
Il inspira profondément, puis poursuivit :
— Il y a dix ans, mon frère s'est mis à agir bizarrement, peu après que j'ai commencé à fréquenter Laëtitia.
Il marqua une pause, cherchant les mots.
— Victor a commencé par se plaindre de voir des ombres, d'entendre des chuchotements quand Laëtitia venait à la maison. Il disait qu'elle le fixait, même quand elle ne le regardait pas. Nos parents lui ont offert un carnet, pour qu'il y écrive ses pensées, pensant que ça l'aiderait. Ça n'a fait qu'empirer les choses.
Le 30 mars 2011
Bonjour... J'écris ici pour... je ne sais pas, mettre les choses au clair dans ma tête. Personne ne me croit. Ils pensent que j'exagère, mais elle est partout. Laëtitia, elle me suit du regard. Parfois, je sens son souffle dans mon dos, je me retourne et elle est loin, avec Joshua. Est-ce qu'elle lit mes pensées ? Elle sait toujours où je suis, et elle sourit, comme si elle savait quelque chose... quelque chose que je ne sais pas. C'est insupportable.
Le 2 avril 2011
Aujourd'hui, Laëtitia est venue dans ma chambre. Elle voulait "clarifier les choses... Elle s'est approchée, s'est assise sur mon lit et a commencé à me parler tout bas. Elle a murmuré des choses sur sa vie, sur sa famille. J'étais mal à l'aise, mais quelque chose en moi m'obligeait à l'écouter. J'étais figé. Et puis elle a dit "Je ne te veux pas de mal", j'ai senti autre chose... J'ai senti que ce n'était pas elle, ou qu'elle cachait quelque chose de profondément mauvais derrière son sourire. Quand elle est partie, je me suis senti... sale, comme si elle avait laissé une marque sur moi. Comme si elle avait pris quelque chose en moi sans que je m'en rende compte. Qui est-elle vraiment ?
Le 4 avril 2011
Cette nuit-là, j'ai fait un cauchemar terrifiant. Laëtitia se tenait au bord de mon lit, ses yeux noirs me fixant avec une intensité glaciale. Sans avertissement, elle m'a soulevé du lit, et tout a basculé. Je me suis retrouvé dans un cimetière sombre, les mains attachées avec du rilsan. L'air était lourd, chargé d'une odeur de terre humide et de décomposition. Je me suis réveillé en sursaut, couvert de sueur, réalisant que j'étais encore dans ce cimetière et ma tête tournait. Comment suis-je arrivé là ? Est-ce que je deviens somnambule, ou est-ce elle qui m'a fait ça ?
Le 18 avril 2011
Je suis au bord du gouffre. Je ne trouve plus le sommeil, et chaque tentative de manger se termine par une nausée insoutenable. Partout où je vais, je vois son visage. Elle est là, dans chaque personne que je croise. Parfois, même les rues murmurent son nom. Elle est là, même quand elle n'est pas là. Ses yeux... Ils me suivent, même à travers les murs. Parfois, je crois que je l'entends murmurer mon nom, tout doucement, comme une chanson. Elle m'a fait quelque chose. Elle est le mal incarné. Elle me hante, elle me consume. Je crois qu'elle est... dans ma tête.
Enregistrement : « Laëtitia » - 21 avril 2011
Victor avait enregistré une conversation lors du dîner, où Laëtitia était présente. C'était son unique tentative de prouver aux autres ce qu'il voyait.
— Victor, tu es sûr que ça va ? demanda sa mère inquiète de son air épuisé.
— Si seulement... elle me laissait tranquille, répondit Victor d'une voix glaciale.
Seul le cliquetis des couverts résonna pendant quelques secondes. Puis, Laëtitia prit la parole d'un ton moqueur.
— Oh, pauvre petit Victor, tu es obsédé par moi, n'est-ce pas ?
— Obsédé ? Si seulement c'était ça... Je n'ai pas fermé l'œil depuis des jours. Elle... elle est là, elle me suit partout, même quand je suis seul.
Joshua soupira, agacé.
— Victor, c'est sûrement dans ta tête. Peut-être que tu devrais voir quelqu'un, comme un médecin.
Victor se leva brusquement, frappant la table de ses poings.
— Vous êtes aveugles. Elle vous a déjà piégés, tous !
Il y eut un silence, puis Laëtitia, la voix tremblante, éclata en sanglots. Elle courut jusqu'à la chambre de Joshua. Ce dernier, hors de lui, ordonna à Victor de s'excuser. Victor alla à contrecœur frapper à la porte de Joshua.
Il entra et lança un « pardon » distant. Mais Laëtitia, le regard dur et sans une trace de larme, s'approcha lentement de lui.
— Ne me parle plus jamais ainsi, Victor, murmura-t-elle. Son ton était menaçant, presque inhumain.
Avant que Victor ne puisse dire quoi que ce soit, elle posa ses mains glacées sur sa gorge.
— C'est ce que tu voulais, non ? lui chuchota-t-elle au creux de l'oreille. Voir le mal incarné ?
Puis il la vit murmurer des mots inaudibles comme une malédiction. Victor perdit conscience. Quand Joshua entra, Laëtitia lui dit calmement que Victor s'était évanoui.
Le 30 avril 2011
Je n'en peux plus. Chaque jour est une lutte contre cette présence invisible. Laëtitia m'obsède, me pousse à bout. Les médicaments ne soulagent plus mes maux de tête, et le paracétamol ne fait que masquer temporairement la douleur. Dans mes rêves, elle me pousse dans le vide, me noie, me force à avaler des poignées de pilules jusqu'à ce que je suffoque. J'ai l'impression de perdre pied, de sombrer dans une folie sans fin. La seule issue me semble être la mort, une évasion de cette emprise terrifiante. Peut-être que, là où je serai, elle ne pourra plus me suivre.
Lettre de suicide de Victor - 3 mai 2011
Papa, maman, Joshua... je suis désolé. Personne ne voulait m'écouter. Laëtitia m'a détruit. Elle est le mal incarné, et elle m'a eu. Elle me suit dans mes rêves, dans mes pensées. Je ne sais même plus où je m'arrête et où elle commence. Au revoir. Je vous aime tous... sauf elle.
Avec cette lettre, nous avons eu beaucoup de mal à nous en remettre. Les accusations contre Laëtitia semblaient insensées, mais certaines étaient étrangement fondées. Un soir, Victor est rentré couvert de terre, les mains liées. Nous pensions qu'il était somnambule, mais peut-être qu'il voyait quelque chose que nous ne pouvions pas comprendre.
Au début de notre relation, Laëtitia avait montré un intérêt obsessionnel pour Victor. Elle posait des questions incessantes, obsédée par chaque détail de sa vie. C'était dérangeant, mais je pensais que c'était simplement son côté attentionné.
Lors de l'enterrement de Victor, Laëtitia s'était montrée étrangement calme, ses larmes semblaient mécaniques, sans véritable émotion. Alors que nous marchions derrière le cercueil, vêtus de noir, elle s'est éloignée et s'est assise seule sur un banc, loin de nous. La musique funèbre résonnait dans l'édifice religieux, se mêlant aux échos de mes pensées tourmentées.
Nous avons commencé à jeter des fleurs sur le cercueil, le silence pesant ne laissant place qu'à mes pleurs étouffés. Je me suis retourné une dernière fois vers Laëtitia. Son sourire m'a glacé le sang. Ce n'était pas un sourire de compassion, mais une expression sournoise et satisfaite, comme si elle avait triomphé d'une victoire macabre.
Lorsque Joshua eut terminé son récit, la pièce plongea dans un silence oppressant. Les amis échangeaient des regards incrédules, une tension lourde flottait dans l'air.
— Alors... tu penses que Laëtitia était... vraiment... ? osa l'un d'eux, la voix vacillante.
Joshua hocha la tête, incapable de formuler une réponse. Il n'avait jamais su ce qu'elle était vraiment, mais chaque fois qu'il y pensait, une peur sourde l'envahissait, renforcée par les souvenirs traumatisants et les mystères non résolus autour de Laëtitia. »
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