Chapitre 26: L'étage des illusions
L'étage interdit se trouvait aux sous-sols de la tour. L'accessibilité était restreinte, et seules les personnes parrainées pouvaient y entrer. Rien n'avait réussi à déloger le marché noir, ni la République, ni les prêtresses. Quelques gardes avaient probablement réussi à y pénétrer au cours des années, mais seuls, ils étaient impuissants.
Hywel et Karsyn avaient attendu la nuit pour quitter l'appartement. Lorsqu'ils sortirent dans la rue, la jeune femme rabattit sa capuche sur sa tête. Ils marchèrent d'un pas pressé, longeant les murs des habitations. Seul Karsyn savait où ils allaient, Hywel se contentait de le suivre.
Après plusieurs minutes, le voleur s'arrêta soudain et Hywel lui fonça dessus. Sa tête heurta le dos de son compagnon. Elle s'apprêta à protester, mais il se retourna d'un mouvement brusque pour lui faire signe de se taire. Il l'entraîna vers une ruelle perpendiculaire à celle dans laquelle ils se trouvaient. Cachés derrière un gros pot de fleurs, ils attendirent un instant sans qu'Hywel ne comprenne pourquoi. Quelques secondes plus tard, des silhouettes rouges encapuchonnées apparurent. La police religieuse.
Hywel retint sa respiration, et elle vit le corps de Karsyn se crisper autant que le sien. Son cœur s'emballa. Les prêtresses de l'Office pour l'expiation du Mal et l'élévation de la vertu passèrent sans un mot, les mains croisées dans les manches évasées de leur robe. Elles ne firent pas attention aux deux hors-la-loi tapis dans l'ombre des habitations.
Après quelques instants, Hywel s'autorisa enfin à reprendre son souffle. Ces femmes avaient été choisies par Svelina elle même, alors elle ne voulait pas imaginer ce dont elles étaient capables. Mieux valait ne plus jamais se retrouver sur leur chemin. Karsyn lui demanda ensuite d'un signe de tête si elle était prête à repartir, et elle acquiesça. Ils reprirent donc leur route.
Un quart d'heure plus tard, ils arrivèrent devant une auberge. Une pancarte était accrochée à la porte, contenant l'indication « Fermé ». Karsyn frappa tout de même. Il avait expliqué à Hywel que l'aubergiste était l'une des deux seules personnes qui permettaient d'accéder au marché noir.
Un homme apparut alors sur le seuil, et son visage s'éclaira lorsqu'il reconnut celui qui lui faisait face.
- Tiens, te revoilà ! Cela faisait longtemps, dit-il avant de balayer la rue des yeux. Entrez, il n'est pas bon de rester dehors la nuit par les temps qui courent.
Karsyn s'exécuta, puis Hywel le suivit. Dans la salle, toutes les chaises étaient retournées sur les tables. L'auberge devait être fermée depuis quelque temps déjà.
- Bon, je suppose que tu veux aller au marché ? demanda l'homme au Boréalien, qui hocha la tête. Suivez-moi.
L'aubergiste prit une lampe à huile et se dirigea vers une porte dans le fond de la salle. Il descendit ensuite des escaliers qui menaient à une cave. Hywel eut un frisson, rafraîchie par les températures bien plus basses que celles à l'extérieur. Dans la pièce encadrée par des murs gris trônait un seul objet. Un orgue de barbarie.
L'homme sortit de sa poche un papier à musique perforé, qu'il inséra dans l'instrument. Hywel l'observa d'un œil curieux, puis Karsyn s'approcha et déposa deux pièces de dix pierrins dans la main de l'aubergiste. Ce dernier le remercia d'un sourire.
- Vous allez pouvoir y aller, déclara-t-il ensuite.
Hywel haussa un sourcil, ne comprenant toujours pas par quel endroit ils allaient accéder au marché noir. Aucune porte n'était présente, omit celle par laquelle ils étaient entrés. Elle balaya le sous-sols des yeux en examinant chaque parcelle des murs.
- Il n'y a aucun passage, si c'est ça que tu cherches, déclara Karsyn en voyant son désarroi.
Il posa sa main sur le dessus de l'orgue, puis il l'intima d'un geste de la tête à faire de même. Méfiante, elle s'approcha tout de même et s'exécuta.
- Parfait ! s'exclama l'aubergiste. C'est parti !
Il tourna alors la manivelle, et la musique parut pénétrer dans le corps d'Hywel. Elle la sentit résonner comme jamais, alors que le son n'était pas particulièrement élevé. Soudain, elle vit les gravures sur le bois de l'instrument s'illuminer.
- N'enlève surtout pas ta main, lui ordonna Karsyn.
Une bourrasque lui gifla le visage, et la pièce sembla tournoyer autour d'elle. Ses pieds se décollèrent du sol. Elle eut l'impression de voler au centre d'une tornade, se faisant bousculer de toute part par un vent violent. Son estomac remonta et elle ferma les yeux pour limiter son malaise.
Soudain, son corps s'écrasa contre le sol. Une douleur aiguë pulsa dans son poignet. Complètement désorientée, elle fut incapable de dire combien de temps elle était restée en apesanteur. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle aperçut la main tendue de Karsyn devant son visage.
- Bah alors, on tient pas sur ses jambes ? s'esclaffa-t-il, hilare.
Hywel poussa un juron, mais elle prit toutefois sa main pour qu'il l'aide à se relever. Sa tête tourna et sa vision se troubla légèrement.
- Le premier voyage est toujours un peu rude, avoua Karsyn avec un petit haussement d'épaules.
Hywel souffla. Il aurait au moins pu la prévenir ! Elle massa son poignet endolori avec une grimace, pestant intérieurement contre lui. Ce n'était sans doute rien de grave, mais elle eut du mal à le bouger.
Hywel observa ensuite la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Avec ses quatre murs de béton, elle était comparable à celle qu'ils venaient de quitter. Toutefois, il n'y avait aucun orgue de barbarie.
Karsyn partit ensuite frapper à l'unique porte de la salle souterraine, et le petit battant s'ouvrit. Deux grands yeux verts apparurent.
- Nom et mot de passe, demanda une voix féminine.
- Je suis Karsyn Orios, et je parraine Hywel Zaltar ici présente. Les étoiles brillent plus fort sous terre.
Le battant se referma, puis la porte s'ouvrit. Une femme svelte, d'une soixantaine d'années, apparut sur le seuil. Ses longs cheveux rouges retombaient sur ses hanches. Elle ouvrit ses bras en grand avec un sourire immense.
- Bienvenue à l'étage interdit !
Hywel fut bouche bée devant le paysage qui s'offrit à elle. Jamais elle n'aurait pu penser qu'un tel lieu existait sous la tour. La première chose qui la frappa fut le plafond, et elle comprit de suite le mot de passe. L'étage paraissait être à ciel ouvert, et des milliers d'étoiles illuminaient l'obscurité. Lorsqu'elle abaissa les yeux, elle découvrit l'immensité du lieu. A droite, des centaines de bâtisses en bois avaient été construites, hébergeant probablement de nombreux trafiquants et des commerces douteux. A gauche, les étals s'étendaient sur plusieurs hectares. De multiples canaux striaient la terre, et des gondoles circulaient avec des passagers. Hywel fut impressionnée par la foule présente en ce lieu. Elle imagina sans mal que de nombreuses personnes avaient dû se réfugier ici après le coup d'État des prêtresses.
- Impressionnant, n'est-ce pas ? dit Karsyn.
Hywel hocha la tête, subjuguée par le tableau devant ses yeux. Elle s'était imaginé un lieu sombre, sans âme, où la violence régnait. Au contraire, elle découvrait un endroit magique et lumineux malgré la nuit tombée.
- Allez, viens, lui intima Karsyn. Nous devons embarquer dans une gondole pour aller vers le fond du marché. Les premiers quartiers sont consacrés à la vente d'arme et d'alcool, mais plus loin, on trouvera plein d'objets enchantés.
Le voleur avança d'un pas confiant vers le canal, et Hywel le suivit. Karsyn paraissait dans son élément. Il continua sa route jusqu'à arriver devant le gondolier, puis il lui donna une pièce.
- Quartier sept, s'il vous plaît, demanda-t-il.
- Parfait, vous pouvez embarquez.
Karsyn sauta dans la gondole, puis il tendit sa main à Hywel pour l'aider à y descendre. Elle l'ignora et monta à son tour. La petite barque tangua, mais elle parvint à s'asseoir sans tomber à l'eau.
Le gondolier commença alors à ramer, et ils avancèrent le long du canal sous la nuit étoilée. Hywel ne put s'empêcher d'observer avec un regard émerveillé le paysage défiler. Toutes les lumières des habitations et des étals étincelaient et se reflétaient dans l'eau. Dans la tour, aucun étage n'était aussi beau que celui-ci.
Lorsqu'ils arrivèrent au quartier sept, Hywel fut déçue que la traversée s'achève si rapidement. Le temps d'un instant, elle avait presque oublié pourquoi elle se trouvait ici. Le gondolier attacha une corde au ponton, puis les deux compagnons descendirent de la barque.
Une fois sur la terre ferme, Karsyn prit la direction des étals. Malgré l'heure avancée de la nuit, la foule grouillait dans les rues.
- Tu as besoin d'une illusion qui cacherait ton apparence, c'est ça ? lui demanda-t-il.
Hywel hocha la tête et il réfléchit quelques secondes.
- Les objets magiques vendus sur les étals sont souvent éphémères, ils sont de piètre qualité. Mieux vaut que nous allions dans une boutique. Là-bas, articles sont plus chers, mais ils valent le coup.
- Tu t'y connais mieux que moi, je te suis.
Karsyn commença à avancer, passant devant les étals pour accéder aux bâtisses en bois. Ils traversèrent la foule avant d'arriver à leur destination. Devant chaque boutique se trouvait un stand, où les commerçants hélaient les passants. Ils passèrent devant une mage spécialisée dans les philtres d'amour, devant un enfant capable de transformer des fleurs en or, ou bien encore devant un violoniste qui faisait léviter des objets grâce à sa musique. La plupart des boutiques avaient recours à la magie noire, interdite par les prêtresses car elle nécessitait d'utiliser la sève pure, et non à travers les sabliers.
Après vingt minutes à déambuler devant les étalages, ils tombèrent sur un stand dédié aux illusions. Le commerçant vantait les mérites de sa nouvelle création, un miroir qui permettait de changer de tapisserie en fonction des envies. Hywel s'approcha et admira les nombreux objets magiques.
- Alors, jeune dame, que puis-je vous proposer ? Vous trouverez ici tout ce dont vous avez besoin ! Un collier qui rehausse votre teint ? Un sac qui s'adapte à votre humeur ? Ou peut être une pince à cheveux qui crée les coiffures de vos rêves ?
Hywel haussa les sourcils avec un regard dédaigneux. L'avait-il bien regardé ? Elle n'avait en aucun cas besoin de toutes ces futilités.
- Je voudrais une illusion qui modifie entièrement mon apparence. Je dois être méconnaissable.
La surprise se lut sur le visage de l'homme, mais il acquiesça.
- Je dois avoir cela en boutique. Laissez-moi un instant, je reviens vers vous de suite.
Il se retourna et entra dans la bâtisse en bois. Hywel en profita pour observer les alentours, les mains sur les hanches. Karsyn, quant à lui, était parti sur le stand d'à côté. Il admirait des dagues serties de pierres précieuses.
Quelques minutes plus tard, le commerçant fut de retour. Il avait dans les mains une chaîne en or, qu'il déroula devant les yeux d'Hywel. Au bout de cette chaîne pendait une montre à gousset qui tournoyait sur elle même.
- Chaque fois que vous porterez cette montre, vous deviendrez une autre personne, déclara l'homme. Il vous suffira de toujours la remonter.
Hywel prit l'objet dans ses mains et admira les gravures aux motifs floraux qui se trouvaient au dos. Le commerçant lui tendit ensuite un miroir.
- Vous pouvez évidemment l'essayer.
Elle s'exécuta et enfila la chaîne autour de son cou, avant de remonter le mécanisme. Soudain, son visage tout entier changea. Ses pommettes saillantes devinrent rondes, ses lèvres se firent plus charnues, ses cheveux se colorèrent de roux, son teint pâlit, et des taches de rousseur apparurent sur sa peau. Hywel ne reconnut pas la personne qu'elle vit dans le miroir. Le reflet qu'il lui renvoyait était à l'opposé de ce qu'elle était.
Lorsque Karsyn revint vers elle, il eut une seconde de stupéfaction. Il l'observa avec des yeux écarquillés, puis il tourna la tête pour voir s'il ne la trouvait pas dans les parages. Il la jaugea alors de la tête aux pieds, et il fut bien obligé de se rendre à l'évidence.
- Au nom de Gëa ! C'est bien toi ?
Hywel hocha la tête, un grand sourire aux lèvres. Jamais les prêtresses ne pourraient avoir le moindre soupçon avec une telle illusion. Elle était méconnaissable.
- Je vous la prends, déclara-t-elle en se retournant vers le commerçant, lui tendant la montre à gousset.
- Parfait ! Cela fera deux cent cinquante pierrins.
Hywel faillit s'étouffer avec sa propre salive. Même si elle se doutait que le prix serait élevé, elle ne pensait pas que la somme attendrait ces sommets. Elle sortit sa bourse et compta les pièces qu'il lui restait. Toutes ses économies allaient s'envoler. Tant pis, elle ne pouvait pas laisser passer cette montre. Elle trouverait bien une table de jeu où faire fortune pendant la nuit.
Avec une grimace, Hywel donna donc les pièces au commerçant, qui les accepta avec un sourire ravi. Il la remercia, puis il déposa la montre dans un petit pochon en lin beige. Hywel s'éloigna ensuite, la bourse plus légère, mais heureuse d'avoir trouvé ce dont elle avait besoin.
- Tu vas avoir assez d'argent pour voyager jusqu'à l'institut ? lui demanda Karsyn, marchant à ses côtés.
- Pour l'instant, non. Mais je suis certaine qu'avec deux ou trois parties de jeu des gemmes, je parviendrais à en avoir assez.
Hywel le vit hocher la tête du coin de l'œil.
- Si tu as besoin que je t'avance, ça ne me pose pas de problème.
- Je ne veux pas de ton argent sale, s'agaça-t-elle.
Elle accéléra le pas, déambulant au milieu des bâtisses en bois. Il était hors de question qu'elle touche au fruit des vols commis par Karsyn. Si elle devait trouver des pierrins, ce serait de façon honnête. Elle se débrouillerait très bien sans lui.
Alors qu'elle continuait d'avancer, Karsyn l'attrapa par le poignet et la tira vers l'une des bâtisses en bois. Hywel n'eut même pas le temps de réagir. En moins de dix secondes, elle se retrouva dans une boutique, et le commerçant poussa des jurons en les voyant débarquer de manière si incongrue.
- Dépêche-toi, ordonna Karsyn. On est suivi.
Le sang d'Hywel ne fit qu'un tour. Elle se mit à courir derrière le jeune homme, qui ressortit par la porte arrière de la boutique. Ils se retrouvèrent dans une autre rue, tout aussi bondée que celle qu'ils venaient de quitter. Toutefois, lorsqu'elle se retourna, elle vit trois hommes juste derrière eux. Elle accéléra, ignorant ses poumons en feu.
Les passants poussaient des cris sur leur passage, bousculés par les deux compagnons dans leur fuite. Hywel tourna la tête une fois de plus, et cette fois-là, elle n'aperçut rien de suspect. Les trois poursuivants avaient l'air de s'être perdus dans la foule. Par précaution, ils entrèrent tout de même se réfugier dans une auberge. Ils s'installèrent dans un coin, à l'abri des regards. Hywel prit une grande inspiration, puis elle empoigna une carafe d'eau sur la table pour soulager sa gorge sèche. Karsyn se servit un verre ensuite, puis il fixa ses yeux dans ceux d'Hywel avec un sourire arrogant.
- Je pense que je mérite des remerciements, fanfaronna Karsyn.
- Pour ?
- Pour t'avoir sauvé la vie, enfin !
Hywel haussa un sourcil, dubitative.
- Oh, Karsyn, minauda-t-il avec une voix suraiguë. Merci de m'avoir permis d'échapper à nos poursuivants, tu es si noble et si valeureux. Je pense que je mérite au moins ça !
Devant l'air dépité d'Hywel, il poussa un soupir.
- Argh, tu n'as vraiment aucun humour. Pour information, c'est après toi qu'ils en avaient. Ta tête est mise à prix, et la plupart des habitants de l'étage interdit sont prêts à tout pour un peu d'argent. Si je n'avais pas réagi à temps, à l'heure qu'il est, tu serais peut-être en compagnie des prêtresses.
Elle haussa encore un peu plus les sourcils avec un rire sans joie. Le culot de Karsyn lui piqua l'échine et ses mâchoires se crispèrent sous le coup de l'agacement.
- Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais c'est à cause de toi que j'ai été condamnée à mort.
Le sourire de Karsyn s'affaissa, et il grimaça en se massant la nuque.
- Est-ce qu'on ne pourrait pas oublier nos vieilles rancunes ?
- Facile à dire. Moi, je n'ai rien à me faire pardonner.
Le jeune homme s'apprêta à répliquer, mais l'aubergiste arriva à ce moment là. Hywel commanda un thé à la menthe et lui demanda de réserver une chambre avec lits séparés pour le reste de la nuit. Sa fatigue commençait à grandir, alors elle ne pensait pas être capable de repartir de suite. Lorsque l'aubergiste repartit, Karsyn se retourna vers elle. Un sourire taquin refit son apparition sur son visage. Il paraissait bien décidé à enterrer la hache de guerre.
- Puis-je me mettre à genoux à terre et te baiser les pieds ?
- Il en est hors de question ! s'exclama-t-elle en roulant des yeux.
- Tant mieux, j'ai cru l'espace d'un instant que tu allais accepter.
Presque imperceptiblement, les lèvres d'Hywel se relevèrent. Même si sa rancœur était toujours bien présente, elle devait bien avouer que le jeune homme se donnait du mal.
Lorsque l'aubergiste revint, un plateau dans les mains, Hywel se leva. Elle prit la tasse directement dans ses mains et lui demanda quel était le numéro de leur chambre. Il lui donna ensuite la clé.
- Je vais me coucher, annonça-t-elle à Karsyn.
- Bonne nuit. Je te rejoins tout à l'heure.
Hywel se dirigea alors vers les escaliers puis monta les marches. Une fois au premier étage, elle marcha vers la chambre quatre puis ouvrit la porte. Après avoir balancé son sac, elle s'affala sur le lit. Ses yeux se fermèrent et elle s'endormit presque instantanément.
***
Lorsqu'Hywel se réveilla, la nuit régnait encore. Seule la lumière du couloir éclairait la chambre à travers la porte. Après s'être levée du lit, elle prit sa montre et fut surprise de constater que le soleil aurait dû être levé. Elle se souvint alors du ciel étoilé et pensa que l'illusion perdurait même en journée.
En se retournant, Hywel vit que Karsyn était couché sur le lit d'à côté. A droite, sur la table d'à côté, se trouvait un bracelet de perles d'améthystes. La jeune femme avait remarqué que son compagnon y tenait beaucoup. Il ne le quittait que pour dormir et il roulait souvent les pierres gemmes entre ses mains.
Poussée par un désir soudain, Hywel le subtilisa. Si elle entrait dans l'institut des prêtresses, elle aurait forcément besoin que quelqu'un de l'extérieur lui apporte la potion pour sa défaillance. Ce quelqu'un ne pouvait être que Karsyn. Si elle gardait le bracelet, celui-ci deviendrait un gage.
Hywel désirait partir dès que son compagnon serait réveillé. Elle n'avait aucune idée de la façon dont il fallait s'y prendre pour quitter l'étage interdit, alors elle ne pouvait pas s'en aller sans lui. En attendant, elle resta allongée sur le lit, admirant la montre à gousset.
D'ici quelques jours, elle entrerait dans l'institut. Si elle passait les épreuves primaires, elle deviendrait apprentie-prêtresse et serait au cœur de l'institution religieuse. En effet, la majeure partie des prêtresses y vivaient, dont Svelina. Ce n'était pas seulement un lieu de formation, mais le siège du Gëanisme.
Lorsque Karsyn se leva de son lit, Hywel se redressa. Elle alluma la lampe à huile pour éclairer la pièce. Ils se saluèrent, puis le premier mouvement qu'il amorçât fut en direction de la table de chevet. Son visage devint livide en voyant qu'elle était vide. Sa main resta en suspens quelques secondes et sa bouche s'entrouvrit de stupeur.
- Le... Le bracelet, bégaya-t-il. Où est-il ?
Hywel plongea la main dans sa poche pour saisir l'objet volé. Elle était loin d'être fière de ce qu'elle avait fait, mais elle n'avait pas le choix. Elle ne pensait pas que Karsyn accepterait de l'aider sans caution. Elle brandit alors le bracelet et le leva au niveau de ses yeux. Le soulagement se lut sur les traits du jeune homme, puis la surprise. Ses sourcils se froncèrent d'incompréhension.
- Est-ce que tu peux m'expliquer ce que tu fais avec ça ? s'agaça-t-il d'une voix cassante.
Pour qu'il perde sa bonne humeur quasi constante, l'objet avait bel et bien la valeur qu'avait devinée Hywel.
- Je vais avoir besoin de toi lorsque je serai à l'institut. Chaque veille de pleine lune, je veux que tu m'apportes la potion pour ma défaillance. Dès que j'aurais trouvé des réponses et que je sortirai, je te rendrais le bracelet.
La colère déforma les traits de Karsyn, et une veine pulsa contre sa tempe. Il craqua ses doigts et le bruit résonna dans la pièce. Hywel n'aurait pas pensé qu'il se mettrait dans un état pareil pour un simple bijou.
- Redonne-moi ce putain de bracelet.
- Non. J'ai besoin de cette garantie.
Karsyn souffla et ferma les yeux quelques secondes, plongeant dans une profonde réflexion. La tension était palpable. Lorsque ses paupières se rouvrirent, il la fixa d'un regard glaçant.
- Très bien, je t'apporterai la potion, dit-il finalement. A une seule condition.
Elle roula les perles d'améthyste entre ses doigts, attendant qu'il poursuive.
- Tu devras voler un livre pour moi dans la bibliothèque de l'institut.
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