Chapitre 13: Des notes qui s'élèvent

Hywel sentit qu'on soulevait son corps. Elle commença à reprendre ses esprits à ce moment là, la tête en arrière dans le vide. Ses souvenirs étaient flous, comme si le duel n'avait été qu'un mauvais rêve. La douleur à sa jambe la ramena partiellement à la réalité. Une voix d'homme s'éleva au dessus de sa tête.

— Remettez-vous au travail, s'écria-t-il.

Hywel entrouvrit les yeux, mais ce simple geste lui demanda un effort considérable. Son corps était lourd comme la pierre. Elle aperçut brièvement un homme à la peau noire, et elle sentit que la main sur son épaule était froide et rigide. Le capitaine Main d'argent.

La jeune femme voyagea entre l'inconscience et la réalité, passant d'un monde à l'autre sans que son esprit parvienne à en franchir entièrement les barrières. D'un cauchemar éveillé, elle passait à une réalité cauchemardesque. Les souvenirs du duel lui revinrent peu à peu et la frappèrent en pleine figure. Rioz était-il mort ? Si elle était sortie de la l'arène, il l'était probablement.

Le capitaine dut l'emmener dans sa cabine, car Hywel vit la lumière du soleil disparaître à travers ses paupières fermées. Elle entendit une voix de femme. Azra. La jeune femme ne comprit pas ce qu'elle disait, mais percevoir cette voix près d'elle accéléra un instant les battements de son corps.

Le capitaine la déposa dans un sofa et Hywel laissa tous ses membres retomber. Elle entrouvrit à nouveau les yeux et vit des silhouettes floues, dont deux qu'elle reconnut de suite. Azra était bien là, et Raïna également. Un vieil homme à la chevelure blanche les accompagnait, mais Hywel n'avait aucune idée de qui il pouvait bien être. De toute façon, elle n'en avait que faire. Elle n'arrivait toujours pas à immerger dans la réalité et elle ne sentait plus sa jambe droite.

— Dépêchez-vous, ordonna Azra d'une voix forte.

Hywel perçut un léger tremblement dans la voix de la dirigeante, qui trahissait sa peur. Le vieux pirate s'approcha et mit ses mains sur la jambe blessée de la jeune femme. Une chaleur s'introduisit sous sa chair.

— Alors ? demanda Azra d'un ton pressé.

— Je ne suis qu'un piètre guérisseur, bredouilla l'homme. Je peux soigner une petite toux, mais pas des blessures pareilles.

Le claquement de langue que produisit Azra raisonna dans toute la pièce. La dirigeante s'approcha d'Hywel et passa une main dans ses cheveux, collés par l'éclaboussement de sang produit par le poignet de Rioz. La jeune femme la vit retrousser son nez malgré elle au contact du liquide visqueux.

— Tenez bon, murmura Azra. Vous êtes plus forte que vous ne le pensez. J'ai confiance en vous.

Les lèvres d'Hywel se relevèrent de quelques millimètres avec un sourire à peine perceptible. Elle aurait voulu répondre quelque chose, mais elle en fut incapable. Elle n'arriva même pas à ouvrir la bouche. Sa faiblesse grandissait, la vidant des dernières forces qu'il lui restait. A peine deux minutes plus tard, elle sombra à nouveau.

                                                                                           ***

Lorsqu'Hywel se réveilla, la nuit était tombée. Elle aperçut la lune presque pleine à travers les petites fenêtres de la cabine. Elle était toujours allongée sur un sofa, dans le bureau du capitaine. A ses côtés, une femme lui tenait la main. Azra, endormie, la tête contre le bord du sofa.

Hywel se sentait mieux. Le brouillard qui enveloppait son esprit avait disparu, ainsi que le voile devant ses yeux. Toutefois, la douleur, elle, était toujours présente. La jeune femme avait l'impression que la lame entrait et entrait encore dans sa chair.

Hywel se releva sur les coudes, grimaçant de douleur. Cela réveilla Azra. Les yeux de la dirigeante s'agrandirent. La peur puis le soulagement se lurent sur ses traits.

— Rioz est mort ? demanda Hywel dans un murmure.

Azra leva les yeux au plafond avec une moue contrariée. Elle se redressa et s'assit sur le rebord sur sofa.

— Vous n'imaginez pas à quel point j'ai pesté contre vous lors du duel. Je vous en ai tant voulu d'avoir accepté. Et vous, la seule chose qui vous préoccupe est de savoir si ce pirate est toujours en vie... Pour votre gouverne, il n'est pas mort.

Le poids sur les épaules d'Hywel se fit plus léger. Un soupir s'échappa de sa poitrine.

— Il n'est pas mort, toutefois son état est critique, poursuivit Azra. Le guérisseur n'est pas certain qu'il passe la nuit.

La jeune femme passa du soulagement à la crainte, puis à la culpabilité. Elle ne voulait pas être responsable de la mort de cet homme. Même s'il le méritait. Même si c'était lui qui avait lancé le duel.

— Pourquoi avons-nous pu quitter l'arène sans que l'un de nous ne soit mort ? questionna Hywel.

— Le capitaine est intervenu. Il t'a nommé vainqueur, puis il a ordonné au guérisseur de le suivre pour qu'il te guérisse en priorité.

Hywel fronça les sourcils. Le capitaine avait préféré qu'elle reçoive en premier les soins, plutôt que son bras-droit. Il avait l'air de s'être pris d'affection pour elle à cause de sa défaillance. Cette malédiction l'avait peut-être sauvé. Si la jeune femme n'avait pas reçu les soins du guérisseur si tôt, elle n'aurait probablement pas survécu.

— Les autres pirates ont tenté d'arrêter l'hémorragie de Rioz, poursuivit Azra. Ils ont ensuite voulu le réanimer, en vain. Il est toujours plongé dans le coma.

Les entrailles d'Hywel se tordirent. Malgré elle, elle espérait que le pirate vive. Cela ne ramènerait ni sa cousine ni les jambes de sa sœur, mais elle ne voulait plus être responsable d'un nouveau crime. Elle avait déjà l'impression d'être un monstre détruisant tout ce qu'il touche.

— Vous m'avez fait peur, la sermonna Azra avec les sourcils froncés. J'ai bien cru que j'allais vous perdre.

Le sermon de la dirigeante prit une forme de déclaration. Azra tenait à elle. Hywel ne put s'empêcher de sourire, ravie bien malgré elle qu'Azra prononce ces mots. Une douleur aiguë la distraya alors. La blessure à sa cuisse la brûla davantage, lui arrachant un cri.

— Qu'avez-vous ? demanda Azra en se penchant sur elle.

— Ma cuisse...

La dirigeante enleva la couverture déposée sur les jambes nues d'Hywel. La plaie avait recommencé à saigner, laissant apparaître une fine coulée rouge. La blessure paraissait superficielle. Le trou dans la chair ne faisait que deux centimètres environ, mais la lame s'était enfoncée si profondément qu'elle avait perforé le muscle.

— Tenez bon, ordonna Azra. Je m'en vais quérir le guérisseur du navire.

Hywel acquiesça, les dents serrées et les yeux mis clos. Elle entendit les pas pressés d'Azra puis la porte qui grinça. Quelques minutes plus tard, elle entra à nouveau dans la pièce, accompagnée du guérisseur.

— Je ne comprends pas, bégaya l'homme. Je pensais avoir refermé la plaie.

Hywel ne l'écoutait plus. Elle ne comprenait pas pourquoi la douleur était revenue d'un coup. Lors de son réveil, sa souffrance était intense mais supportable. A cet instant, elle aurait préféré qu'on l'ampute plutôt que de devoir subir cette torture. Elle avait l'impression qu'une flamme était enfermée dans sa peau, brûlant sa chair.

Des tremblements agitèrent son corps et elle se sentit perdre pied. Hywel avait la lèvre en sang à force de la mordiller. Elle avait cru s'en sortir, elle avait cru survivre, mais désormais elle n'avait plus aucun espoir. Les cris d'Azra résonnèrent dans la pièce, et elle s'en prit verbalement au guérisseur pour son incompétence. Hywel ne l'avait jamais vu animée par autant de colère et de peur. Le pauvre homme supportait les reproches sans rien dire, s'activant à la guérir en tournant un énième sablier.

Soudain, la douleur disparut. Le corps de la jeune fille se détendit, et elle laissa sa tête retomber contre le sofa. Elle était ruisselante de sueur et eut du mal à retrouver son souffle.

— Je... J'ai réussi à anesthésier votre jambe, dit le guérisseur à Hywel. Cela va vous soulager, mais la blessure n'est pas guérie. Je pense qu'un poison est entré dans votre peau, il y a une odeur particulière. Rioz a dû badigeonner la lame avec quelque chose avant le duel.

Hywel ne se sentit même pas accablée. La douleur l'avait épuisée et elle désirait simplement dormir. Le reste n'avait plus d'importance. Au moment où elle commença à sombrer dans le sommeil, quelqu'un tambourina à une porte. La jeune femme se releva en sursaut, et elle vit Azra frapper à la chambre du capitaine.

— Réveillez-vous, s'écria-t-elle. C'est une urgence.

La porte s'ouvrit, laissant place à un capitaine Main d'argent de très mauvaise humeur. Ses yeux étaient encore endormis et ses sourcils froncés. Hywel entendit Azra résumer la situation, implorant le capitaine de trouver l'origine du poison. La dirigeante le questionna sans relâche. Rioz avait-il pu se procurer le poison sur le navire ? L'avait-il avant de partir ? Quels étaient les hommes capables de détenir de telles informations ? Le capitaine la laissa parler, puis il leva sa main métallisée pour la faire taire. Azra s'arrêta, connaissant que trop bien ce geste qu'elle avait fait tant de fois.

— Restez là, ordonna Main d'argent.

Il quitta la pièce et claqua la porte derrière lui. Azra accourut devant Hywel.

— Tout va bien, Hywel, je suis certaine que nous allons trouver un remède.

La jeune femme était déboussolée devant l'attitude de la dirigeante. Jamais elle n'aurait pensé voir Azra aussi effrayée de la voir mourir. Elle avait toujours pensé qu'elle n'était qu'un pion interchangeable, un élément du décor... Pourtant, l'angoisse d'Azra était sincère.

Les minutes s'écoulèrent, puis le capitaine entra aussi violemment qu'il était parti. Il tenait dans sa main un sachet en lin.

— Dépêchez-vous de lui servir un verre d'eau, ordonna-t-il à Azra.

La dirigeante s'exécuta sous le regard apathique d'Hywel, puis Main d'argent vint secouer le sachet dans l'eau. Des herbes sèches carmin tombèrent et s'infusèrent. Le capitaine s'approcha de la jeune femme et porta la tasse à ses lèvres.

— Buvez, lui dit-il.

Hywel entrouvrit la bouche et avala quelques gorgées du liquide rougeâtre. Elle ne sentait plus sa jambe, alors elle ne put dire si l'effet fut immédiat ou non.

— Rioz avait mis sur sa lame de la poudre de pétales de cendres, annonça Main d'argent d'une voix dure. Cette fleur, qui est inoffensive telle quelle, devient un poison lorsqu'elle est séchée. Les feuilles rouges d'érable peuvent servir d'antidote.

Hywel eut un rire sans joie. Elle avait beau ne pas vouloir la mort de Rioz, elle devait bien avouer que ce n'était que ce qu'il méritait. Il n'avait pas combattu à la loyale dans ce duel. La jeune femme devina que le capitaine était aussi furieux qu'elle. Utiliser de tels stratagèmes était un motif de disgrâce, et si Rioz survivait, il en subirait les conséquences.

— Je vais vous laisser, déclara Main d'argent en ne quittant pas Hywel des yeux. Tâchez de rester en vie.

Le capitaine tourna ensuite les talons et retourna dans sa chambre. Le guérisseur s'approcha alors d'Hywel, puis il observa la blessure.

— J'ai l'impression que l'antidote commence à faire son effet, dit-il. Je préfère ne pas réveiller votre jambe maintenant. Tant qu'elle est anesthésiée, vous ne souffrez pas.

Il passa un produit sur la plaie, la badigeonna d'un onguent bleuté, puis enveloppa la cuisse d'un tissu propre. Après avoir passé sa main dans ses cheveux blancs d'un air gêné, il se releva.

— N'hésitez pas à me rappeler si quelque chose ne va pas.

Hywel hocha faiblement la tête. Azra raccompagna ensuite le guérisseur, puis elle revint s'agenouiller à côté du sofa. Hywel remarqua que le visage de la dirigeante avait changé. Ses joues avaient fondu et des cernes creusaient la peau sous ses yeux. Le souvenir de leur dernière soirée avant son arrestation lui revint. A l'opéra, les yeux d'Azra pétillaient. Elle était lumineuse dans sa tenue blanche, portant son maquillage et ses bijoux dorés. Désormais, elle ne paraissait plus être la même personne.

— Dormez, murmura Azra devant le regard fatigué de la jeune femme. Je reste près de vous.

Hywel acquiesça. Était-ce cette même femme qui lui avait donné des ordres durant trois ans ? Hywel n'aurait jamais pu imaginer la dirigeante puisse vivre sur un bateau pirate. Finalement, elle était plus forte que ce qu'elle aurait pu penser. Hywel préférait cette femme qui lui faisait face, plutôt que celle qu'elle avait côtoyée ces trois dernières années. Elle était plus humaine.

La jeune femme s'endormit alors, rassurée par la présence d'Azra à ses côtés.

                                                                                         ***

Le lendemain matin, Hywel fut réveillée par des bruits de conversation. Elle entrouvrit les yeux avec une grimace, éblouie par la lumière du soleil. Elle se releva sur ses coudes avec un bâillement, ayant l'impression de n'avoir dormi que quelques minutes. Après avoir tâté sa cuisse, elle constata que elle-ci n'était plus paralysée. La douleur était encore présente, mais beaucoup moins intense que dans la nuit.

Hywel balaya le bureau du capitaine du regard. Trois personnes discutaient dans la pièce. Azra, Raïna et le guérisseur. Ce dernier leva les bras en l'air lorsqu'il vit qu'Hywel était réveillée.

— Bonjour jeune dame, s'exclama-t-il en s'approchant. Votre vie est hors de danger. Quant à votre cuisse, vous devriez pouvoir vous en resservir. J'avoue ne pas avoir fait grand-chose, la plaie a cicatrisé bien plus vite que je n'aurais pu l'imaginer

Hywel savait que son corps guérissait plus vite que celui du commun des mortels, un avantage de sa défaillance. Lorsqu'elle combattait avec Kal, ses plaies à elle cicatrisaient toujours plus vite que celles de son ami. Elle n'aurait pas su l'expliquer.

Raïna et Azra s'étaient également approchées, toutes deux debout près du sofa. Les deux arboraient un grand sourire, ravies de constater qu'Hywel avait récupéré.

— On va devoir retourner bosser, mais on voulait te voir avant, déclara Raïna. Comment tu te sens ?

— Bien, répondit Hywel d'une voix rauque. La douleur est supportable.

— Tu nous en vois ravies !

Raïna et Azra lui promirent qu'elle serait bientôt sur pieds, mais elles lui ordonnèrent de se reposer. Elles partirent ensuite toutes deux, puis le guérisseur les suivit après avoir revérifié une énième fois le bandage.

La pièce se vida. Hywel soupira avec un sourire, ravie de se retrouver enfin seule. Elle se se redressa pour s'asseoir, puis elle balaya la pièce du regard pour trouver son sac. Elle était persuadée qu'Azra lui l'avait emmené la veille. En effet, la sacoche en lin se trouvait à terre, à côté du bureau. Le visage de la jeune femme fut déformé par une grimace. Il était trop loin pour qu'elle puisse l'attraper sans bouger.

Hywel ignora les ordres d'Azra et de Raïna. Elle n'avait pas l'intention de rester à ne rien faire, et elle devait retrouver la boîte à musique cachée dans son sac. La jeune femme s'appuya alors contre le rebord du sofa, et elle tenta de s'y appuyer pour se lever. Une fois debout sur sa jambe valide, elle tenta de poser son pied gauche au sol. La douleur qui irradia dans sa cuisse la paralysa. La décharge pulsa quelques secondes, où elle tenta de reprendre sa respiration. Des jurons s'échappèrent de sa bouche. Elle se sentait faible, incapable de faire quoi que ce soit.

Hywel observa le sac à quelques mètres. Hors de question d'abandonner pour une distance si dérisoire. Elle sauta à cloche-pied, s'arrêtant plusieurs fois pour reprendre son souffle et empêcher les vertiges. Lorsqu'elle arriva au sac, le triomphe de la victoire dessina un sourire sur son visage. Elle le prit en main puis s'assit sur le fauteuil du capitaine, épuisée par les efforts qu'elle avait fournis.

Hywel fouilla dans le sac à la recherche de la petite boîte à musique. Asterin avait dû recevoir la sienne, et sans doute lui avait elle laissé un message. La jeune femme posa l'objet sur le bureau et l'admira quelques instants. Deux parties le composaient. En haut, une danseuse à la tenue bariolée était immobilisée, attendant de tournoyer au rythme de la musique. En bas, une sorte de petit clavier était raccordé, tel un orgue miniature. Hywel retourna la boîte et trouva, au dos, la petite molette. Elle la tourna quelques instants. Des notes s'élevèrent alors et la danseuse commença à tournoyer. La musique qui en sortit était loin d'être harmonieuse, elle n'était qu'un code, une combinaison de notes qui devenait un message.

Hywel emprunta un crayon sur le bureau du capitaine, puis prit une feuille. Les yeux plissés par la concentration, elle écouta chaque son que produisit la boîte à musique, tout en prenant des notes. Elle tourna la molette plusieurs fois avant de comprendre l'intégralité du message. Lorsqu'elle se relut, une crampe comprima son ventre.

« Tu es ok ? Bien arrivées, sommes sous protection. Fais attention, des rumeurs sur un poison circulent »

Hywel relut plusieurs fois le message. Asterin allait bien et c'était le principal. Pourtant, elle ne put s'empêcher de se réjouir entièrement. Sa sœur évoquait un poison, et la jeune femme ne put s'empêcher de faire le lien avec les terres noirâtres, la patte du Lehaon, et la conversation des hommes de la taverne. Elle n'avait pas rêvé.

Soudain, la porte du bureau s'ouvrit avec un claquement. Le capitaine Main d'argent apparut devant le seuil. Le cœur d'Hywel loupa un battement, et elle faillit tomber sur le côté lorsqu'elle sursauta. Le capitaine fronça les sourcils.

— Qu'est-ce que vous fichez là ? grommela-t-il en s'approchant.

— J'avais besoin d'un crayon.

Main d'argent secoua la tête de gauche à droite. Hywel pensa qu'il ne la croyait pas, et qu'elle allait s'attirer sa colère pour avoir fouillé dans son bureau. Au lieu de cela, il s'approcha un peu plus d'elle et s'assit sur le fauteuil d'en face.

— Vous ressemblez à ma fille, déclara-t-il. Elle était aussi téméraire et têtue que vous.

Hywel ne sut que répondre à cette confidence. D'après Raïna, la fille du capitaine avait disparu voilà déjà trois ans. Main d'argent passa une main sur son crâne rasé. Il soupira. La douleur de cet homme renvoya à Hywel sa propre douleur. Elle compatit.

— Que s'est-il passé ? demanda-t-elle après un silence.

— Une nuit, il y a trois ans, nous sommes arrivés au port de Kerzet, à Boréal. Nous devions récupérer des fûts de bière. Ma fille, Ninea, est sortie alors que je le lui avais interdi. J'avais peur qu'elle se fasse prendre, vu le sort qui peut être réservé aux défaillants qui bravent le couvre-feu. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé cette nuit là, mais elle n'est jamais revenue.

Le dernier mot du capitaine tomba sur la poitrine de la jeune femme. Ninea lui ressemblait, en effet. Hywel aussi aurait désobéi, avide de découvrir une nouvelle ville. Mais les nuits n'étaient pas toujours sûres pour les défaillants, même sans pleine lune. Une défaillante bravant son couvre-feu pouvait être exécutée sans que rien ne soit reproché à l'assassin. Ninea n'était probablement plus en vie.

— Merci, murmura Hywel. Merci de m'avoir secouru lors du duel.

— Ce n'est rien. Je ne pouvais pas laisser une défaillante mourir, pas alors qu'elle n'avait que quelques années de plus que Ninea.

Un silence s'installa entre eux. Hywel regardait ses mains abîmées, du sang encore incrusté sous ses ongles.

— Vous avez été courageuse, déclara le capitaine. Mais maintenant, je veux que vous vous reposiez. Je vous interdis de sortir un pied de ce sofa avant l'accord du guérisseur, est-ce clair ?

Hywel acquiesça, peu certaine pourtant de respecter cette promesse. Ne rien faire n'était pas l'une de ses habitudes. Les prochains jours risquaient d'être longs. 

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