Après ce détour dans cette boutique où elle n'avait pas eu le choix de prendre les tenues choisies pour elle, Alena avait été déboussolée quand son patron l'avait tout simplement ramené à l'appartement. Il l'avait tout simplement informé qu'il serait absent le reste de la journée et que sa présence à l'entreprise n'était pas nécessaire. Elle avait passé le reste de la journée à arpenter le salon en se posant des centaines de questions qui au bout de longues heures restaient sans réponses et lui avaient donné un mal de tête douloureux. La nuit tombait sur Moscou et après avoir tenté de joindre Tamara sans succès, Alena avait fini par abandonner toutes tentatives de découvrir la vérité.
Elle se servit un verre d'eau et décida de s'installer près de la fenêtre. En écartant les rideaux son cœur se mit à battre à tout rompre. En effet, une voiture noire garée sur le trottoir opposé attira son attention. Depuis la fin de l'après-midi, Alena avait remarqué cette voiture mais avait décidé de l'ignorer en se disant tout simplement qu'il s'agissait simplement d'une voiture banale appartenant à une personne banale, mais maintenant elle n'en était plus très sûre.
Le cœur battant, elle lâcha le rideau et quitta la fenêtre en ayant la froide impression d'être observée.
Pas une seule seconde ne passait sans qu'elle pense à Sergueï Azarov en se demandant quel secret cet homme cachait. Tamara en savait plus que ce qu'elle laissait entendre, mais visiblement, refusait de lui en parler.
Le plus terrifiant, c'est qu'il comblait tant ses pensées que pour la première fois depuis des semaines, Derek avait cessé d'exister dans sa tête. La peur qu'il surgisse de nulle part et lui fasse du mal était dominé par la peur que Sergueï Azarov lui faisait ressentir depuis l'instant où il avait posé son regard sur elle.
Soudain on sonna à la porte et elle manqua de renverser le verre d'eau. Une main sur le cœur elle s'approcha doucement et jeta un coup d'œil dans le judas.
Elle poussa un long soupir de soulagement et déverrouilla la porte.
- Tu m'avais dit que tu allais appeler, pas que tu passerais.
- Je t'ai fait peur ? Si c'est le cas je suis désolée, s'excusa Tamara en venant l'enlacer amicalement. Je ne pouvais pas résister à la tentation de venir voir comment tu allais et...mais qu'est-ce que c'est que ça ?
Alena ignora délibérément les sacs posés un peu partout dans le salon et elle se dirigea vers la petite cuisine ouverte.
- Des nouvelles tenues, payées par l'entreprise, murmura-t-elle en se retournant pour masquer son embarras.
- C'est pour ça que tu n'étais pas là-bas de toute la journée ? Tu étais avec lui ?
- Effectivement, j'étais avec lui une bonne partie de la journée, dit-elle en se retournant pour s'appuyer sur le petit plan de travail. Il m'a emmené déjeuner et ensuite il m'a traîné dans une boutique pour m'acheter des vêtements. Il ne m'a pas donné le choix.
Alena guettait la réaction de son amie dont l'expression paraissait inquiète, mais pas surprise du tout.
- Tu as déjeuné avec lui ? Seule ? Avec lui ?
- Est-ce que c'est grave ?
- Oh non...enfin...je ne pense pas, répondit Tamara en laissant échapper un petit rire nerveux.
- Très bien maintenant ça suffit. Il est temps que me dise ce qu'il se passe Tamara.
Son air grave effaça le sourire de Tamara qui se hissa sur le tabouret.
- Il ne se passe rien qu'il vaille la peine que tu me regardes ainsi, commença-t-elle en pianotant ses doigts sur le plan de travail.
- Et moi je crois au contraire que tu me caches quelque chose et pour information tu ne sais pas mentir Tamara. Ton inquiétude se lit sur ton visage. Est-ce que je suis en danger ? Parce que j'ai clairement l'impression de l'être ?
- Si Sergueï Azarov n'avait marqué aucun intérêt pour toi alors je t'aurais répondu oui, mais étant donné que ce n'est pas le cas, la réponse est non. Tu n'es pas en danger Alena.
Ce n'était pas une réponse suffisante pour elle.
- Dans ce cas pourquoi cet air inquiet ? Pourquoi as-tu subitement regretté de m'avoir aidé à entrer dans cette entreprise brûlante de mystères ?
- Parce que je ne pensais pas que Sergueï Azarov te nommerait comme sa secrétaire particulière et je ne pensais pas non plus que...
Tamara expira profondément en n'allant pas au bout de sa phrase.
- Tu ne pensais pas quoi Tamara ?
- Sergueï Azarov n'accorde généralement aucun intérêt aux femmes. Elles viennent à lui, ont les lui trouvent et se contente de faire son choix.
Choquée par cette révélation qui lui arracha un frisson, Alena dodelina la tête en battant rapidement des cils.
- C'est...disons...très...étrange.
- Ce n'est pas comme si aucune femme se bousculait pour être " le choix ", précisa Tamara. Qui ne rêverait pas d'être le choix d'un homme tel que Sergueï Azarov hein ?
Alena leva un sourcil intrigué et Tamara leva les yeux au ciel.
- J'aime Nikolaï, il est beau comme un dieu, mais il sait que Sergueï Azarov est beau comme un diable alors il n'a pas été surpris que lorsqu'il me l'a présenté, j'avais la bouche sèche et tombante.
Alena se racla la gorge en décollant ses mains moites du plan de travail.
- Et donc ? Où veux-tu en venir ?
- Il est venu à toi Alena, Sergueï Azarov, le dangereux et ténébreux Sergueï Azarov est venu à toi. Il ne fait jamais ça.
La bouche sèche, Alena savait que son expression interloquée devenait de plus en plus stupide, parce que son cerveau avait déjà compris où elle voulait en venir, mais elle refusait de le croire.
- Quoi ? Es-tu en train de me dire que je l'intéresse ? Moi ? Tamara, il doit avoir plus de dix ans de plus que moi, dit-elle avec un rire nerveux.
- Et alors ? Nikolaï a presque le même âge que lui et je suis très heureuse avec lui. Il me donne tout ce que je voulais d'un homme. La stabilité, la protection, l'amour. L'âge ne devrait pas te rebuter. Je sais, ça peut parfois être effrayant, mais Derek a vingt-huit ans et regarde ce qu'il t'a fait. L'amour n'a pas d'âge Alena et j'en suis la preuve vivante.
- Peu importe, murmura-t-elle d'une voix blanche, tu dois certainement te tromper et à force de me répéter qu'il est dangereux, j'en ai peur. Tu sembles oublier ce qui m'a poussé ici.
- Je le sais, tout comme je sais que je ne veux pas te mentir sur lui. Sergueï Azarov est un homme très dangereux et ce même homme semble te convoiter.
Un mélange de frissons contradictoires courut sur ses joues.
- Et que dois-je faire ? Partir ? Démissionner ?
- On n'échappe pas facilement à Sergueï et je doute que tu aies envie de démissionner.
- Et qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Les lueurs de curiosité qui traversent sans cesse tes yeux. Si tu veux savoir qui est Sergueï Azarov alors sers-toi de cette curiosité et elle te mènera à ses secrets.
Tamara sauta du tabouret en lui adressant un étrange sourire.
- Je suis tellement contente que tu sois là, ajouta-t-elle en prenant son sac à main. Je te vois demain. Bonne nuit Alena.
Immobile, incapable de bouger elle regarda la porte se refermer sur Tamara et quitta son état seconde pour verrouiller la porte derrière elle.
Dans son esprit, cela paraissait insensé et pour se calmer elle se déshabilla à la hâte pour se réfugier sous la douche.
Elle laissa couler l'eau chaude sur son corps nu tout en se cachant le visage, incapable de chasser les images qui tournaient en boucle dans sa tête. Tamara n'avait rien arrangé en laissant supposer que cet homme avait en quelque sorte jeté son dévolu sur elle.
- Impossible, murmura-t-elle en sortant de la douche.
Elle se drapa d'une serviette de bain, laissant ses longs cheveux mouillés retomber dans son dos. Au moment où elle s'apprêtait à tourner la poignée de porte, elle recula sa main, et fit un pas en arrière, envahie par de glaçants souvenirs.
Elle se souvenait de cette fois où elle avait quitté la salle de bains en se croyant seule chez-elle, jusqu'à ce qu'elle ouvre la porte et découvre Derek assis au bord du lit.
Le visage engourdi par la peur, elle ouvrit la porte d'un mouvement vif et retrouva sa respiration seulement après avoir constaté qu'elle était seule.
Combien de fois allait-elle craindre que ce souvenir désagréable se reproduise ?
Son instinct la poussa en direction de la fenêtre et elle s'approcha en redoutant le moment où elle allait écarter le rideau.
Sa respiration se coupa brutalement et elle lâcha le rideau pour reculer. Elle s'habilla rapidement et s'empressa d'éteindre la lumière du salon.
Elle s'approcha à nouveau, et constata avec horreur que cette voiture noire était toujours là.
Alena laissa le doute l'envahir pour se rassurer, mais au bout de plusieurs heures le doute n'était plus permis. Cette voiture était suspecte et elle avait la forte impression d'être surveillée.
D'une main tremblante, elle prit son téléphone et hésita longuement avant de composer le numéro.
Son cœur s'emballa, sa bouche s'assécha, et à plusieurs reprises elle voulut effacer le numéro de téléphone qui s'affichait désormais sur l'écran. Alena se lança avant de ne plus pouvoir le faire et cessa de respirer.
- Oui mademoiselle James ?
Lorsque cette voix s'insinua dans son oreille, Alena ressentit une onde irradier son corps entier.
- Je vous en prie, dites-moi que la voiture qui est garée depuis des heures en bas de mon appartement est à vous.
- Elle est à moi, confirma-t-il aussitôt en mettant fin à son supplice.
L'angoisse qu'il puisse s'agir de Derek retomba aussitôt, mais une autre la remplaça.
- P...pourquoi ? Est-ce que je suis surveillée ?
- Je dirais plutôt sous protection, rectifia-t-il d'une voix grave et sérieuse.
Alena se leva du lit pour écarter le rideau de la fenêtre de sa chambre.
- Je ne comprends pas monsieur Azarov.
- C'est pourtant limpide, commença-t-il d'une voix impérieuse qui la fit frémir. J'ai posté un homme devant chez-vous pour votre tranquillité d'esprit. Ainsi, vous n'avez rien à craindre.
- Pour quelle raison ai-je droit à ce traitement de faveur ? S'enquit-elle en laissant retomber le rideau.
Elle se pinça les lèvres et se mit à arpenter la chambre d'un pas nerveux.
Elle redoutait sa réponse parce que celle-ci pouvait à tout moment confirmer les dires de Tamara.
- Vous avez le sentiment que c'est un traitement de faveur ? Moi je dirais plutôt que c'est une décision qui mérite des remerciements. Vous vous sentez en insécurité, n'essayez pas de me faire croire le contraire.
Alena ne répondit pas, fermant les yeux, le cœur cognant de plus en plus fort dans sa poitrine.
- Votre silence m'est suffisant, reprit-il d'une voix catégorique. De toute façon c'est une décision qui me regarde, qu'elle vous plaise ou non, cette voiture restera postée devant cet immeuble aussi longtemps que je le jugerais nécessaire.
Au timbre de sa voix, elle comprit qu'il était en colère et imaginait sans difficulté ses yeux glaçants sur elle.
Peut-être venait-elle d'interrompre une réunion tardive, se dit-elle en distinguant des voix étouffées derrière lui.
- Je suis désolée de vous avoir dérangé monsieur Azarov, dit-elle simplement pour ensuite raccrocher.
Elle lâcha tout l'air bloqué dans sa poitrine, les yeux fermés tout en secouant doucement la tête quand soudain son téléphone sonna en affichant son numéro.
Au lieu de répondre, elle jeta son téléphone sur le lit et le laissa sonner, croyant que c'était la décision la plus raisonnable compte tenu de la colère qu'elle avait entendu vibrer dans sa voix.
Du moins elle espérait qu'ignorer son appel était la bonne décision, mais ce n'était peut-être pas le cas...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top