Chapitre 18




Allongée à plat ventre sur le lit dans l'appartement de Tamara qu'elle lui avait gentiment prêtée, Alena avait décidé d'ouvrir une copie du contrat avant de préparer ses affaires.

Sergueï l'avait déposé au pied de l'immeuble en lui indiquant qu'une voiture viendrait la chercher plus tard dans la matinée.

Une curieuse sensation l'envahit quand elle tourna la première page.

Un frisson d'anticipation courut dans son dos quand elle survola d'un regard anxieux ce qui était indiqué. Elle se redressa sur le lit pour s'asseoir en tailleur sur le matelas.

Chaque ligne, chaque paragraphe de la première page stipulait clairement qu'elle lui appartenait chaque seconde de chaque minute, nuit et jour.

Jusqu'ici rien de ce qui était écrit apparaissait comme une surprise. Il se réservait tous les droits sur elle même quand elle ne serait pas à proximité de lui. Son cerveau imprima ce détail avec appréhension et un étrange sentiment qu'elle ne pouvait décrire. Ensuite elle passa au paragraphe suivant qui stipulait qu'elle était en droit de dire non à chaque fois qu'elle ne sentait pas prête à s'aventurer sur des terrains qui n'étaient pas précisés.

Le mafieux gardait une grande part de mystère et elle savait que c'était volontaire. À mesure qu'elle lisait, elle avait l'impression que ce contrat avait été rédigé spécialement pour elle.

Son esprit oscillait entre l'excitation et la peur.

Comme annoncé au petit déjeuner, c'est lui qui restait maître de la relation et il était seul à décider de rompre ou non cette relation.

Alena était tenté de rajouter au stylo cette phrase qui tournait en boucle dans son esprit.

" Et si je souffre ? " " Suis-je en droit d'arrêter ? "

Bien sûr, en acceptant de le suivre complètement nue dans sa villa, Alena ne s'était pas montrée à ce point niaise pour penser que l'amour faisait partie de cette relation. Sergueï Azarov n'avait rien d'un homme qui s'attardait sur ce genre de sentiments. Cependant elle savait de son côté qu'elle prenait un risque. Le risque que son cœur en souffre et que ses illusions s'effondrent à tout instant.

Personne ne pouvait prédire l'avenir, et elle ne voulait pas savoir ce que le destin lui réservait dans ce monde rempli de mystères et d'incertitudes. Néanmoins, Alena voulait à tout prix se mentaliser maintenant et envisager la possibilité qu'il mette un terme à cette histoire.

- Coucou !

Alena sursauta en poussant un léger cri et lâcha le contrat.

- Tu m'as fait peur !

- Je suis désolée, mais j'ai cogné deux fois et tu ne m'as pas entendu.

Tamara s'installa sur le lit en avisant le contrat qu'elle s'empressa de fermer.

- Tu as accepté d'être à lui ?

Contre toute attente, il n'y avait pas de jugement dans son regard, mais une joie et une excitations qu'elle avait du mal à lui cacher.

- Et tu sembles étrangement heureuse, après avoir passé des heures à me dire que cet homme était trop dangereux pour que je m'en approche.

- Il l'est toujours, mais il ne te fera pas de mal, maintenant il est clair que tu l'as définitivement changé d'une façon telle que même Nikolaï a dû mal à le reconnaître.

Cette information lui fit battre le cœur un peu plus vite.

- Alors ? C'est ton contrat ?

- Toi aussi tu en as eu un ?

- Bien sûr que oui, mais il était propre à Nikolaï, répondit-elle en prenant le coussin qu'elle plaqua contre son ventre.

- Et comment as-tu réagi quand tu l'as lu pour la première fois ?

- J'étais en quelque sorte étourdie.

Alena regarda l'épais contrat fermé puis reporta son attention sur son amie qui pouvait l'aider à mieux comprendre cet univers indéfinissable.

- Qu'est-ce qui te plaît dans le fait d'être une soumise ?

Tamara lui adressa un sourire rassurant.

- Tu me demandes ça parce que tu as lu un peu et tu vois seulement des privilèges, des satisfactions pour lui mais tu as l'impression qu'il n'y a rien pour toi ? Le contrat est rempli d'exigences que tu dois suivre à la lettre pour le combler, mais toi tu as l'impression d'être oubliée ? Tu te trompes.

Alena grimaça légèrement.

- Je ne sais pas comment t'expliquer, ce que tu dois ressentir sera propre à toi, mais dans mon cas, je retire beaucoup de plaisir et de bonheur. Je me sens spécial, unique. Je suis celle qui lui donne ce qu'il veut. Celle qui comble ses désirs de dominant et en retour il me donne des plaisirs qui chaque jour sont différents et indescriptibles. Il me donne de la tendresse, de la passion, je ris avec lui, je me sens bien. Nous formons un couple, sauf qu'il n'a rien de banal.

Chaque fois que je vois son visage se crisper de plaisir, je sais que c'est moi qui lui en donne. Chaque râle, chaque fragment de ses muscles qui se tendent sous la jouissance je sais que c'est moi et uniquement moi. Ne crois pas une seule seconde qu'un dominant considère sa soumise comme un objet. C'est profond, c'est inégalable, c'est même parfois terrifiant de ce dire que c'est possible d'être à ce point aimée et voulue.

Alena sentit son bas-ventre se contracter d'une sensibilité inavouable et décida de laisser Tamara poursuivre son récit.

- Pour moi ce n'est pas seulement du sexe, même si c'est indéniablement l'élément central.

- Est-ce qu'ils ont tous des disciplines différentes ? Je veux dire, des choses qu'ils aiment plus que d'autres.

- Évidemment, enfin pour ma part je connais que Nikolaï, mais oui, ils ont tous des préférences.

Alena eut soudainement très chaud.

- Est-ce qu'il t'es déjà arrivé de désobéir ou de dire non ?

Tamara se pinça les lèvres.

- J'ai désobéi plus d'une fois et parfois même sans m'en rendre compte. Prends garde, ils ont un sens aiguisé de l'observation. Les punitions ne m'ont jamais fait mal, parce que Nikolaï me punit en me privant de plaisir et lorsque ça arrive c'est insupportable pour moi pas pour lui. Et je n'ai jamais dit non jusqu'ici.

- Il a une sorte de salle de jeu avec des instruments de tortures ?

Elle rit brièvement.

- Oui, il a une salle de jeu.

Alena frissonna quand la porte noire se mit à apparaître comme des flashs dans son esprit. À aucun moment Tamara essaya de réfuter les instruments de tortures et s'allongea en l'invitant à s'allonger à son tour.

- Et ce ne sont pas des instruments de torture, ajouta-t-elle en plaçant sa main sous l'oreiller.

Un court soulagement s'empara d'elle, mais aussitôt remplacé par l'envie d'en connaître encore plus.

- Tu avais peur au début ?

- Oui, mais cette peur s'est très vite dissipée, remplacée par la découverte de ce monde qui m'a donné ce que je cherchais sans vraiment m'en rendre compte.

Alena exhala un soupir tremblant en dévisageant le visage heureux de son amie.

- Mais ça ne peut pas être aussi parfait, je veux dire il y a sûrement eu des moments plus difficiles que d'autres ?

Tamara se ferma aussitôt et son expression se révéla plus triste qu'elle l'aurait imaginé.

- En effet, ça ne peut pas être aussi parfait, du moins j'aurais aimé que les choses qui se sont passées n'aient jamais eu lieu, dit-elle en se redressant subitement.

- Que s'est-il passé ?

Tamara déglutit, une douleur visible dans les yeux.

- Tu dois t'en douter, je suis très vite tomber amoureuse, mais j'avais si peur que tout s'arrête brusquement avec Nikolaï que j'ai tout fait pour ne pas trop montrer mes sentiments, commença-t-elle les yeux plongés dans le vague. Avec un homme ordinaire il est déjà difficile de savoir s'il a des sentiments alors avec un homme dont le métier est d'être un mafieux qui reste impassible devant le sang, c'est une mission pratiquement impossible et j'avais tellement peur d'entamer le sujet et prendre le risque de tout perdre, que j'ai préféré ne rien dire.

- Tu avais peur qu'il ne partage pas les mêmes sentiments que toi ?

- Oui, murmura-t-elle en relevant les yeux. Et j'avais peur de le braquer avec mes sentiments. Pourtant un dominant n'a de cesse de te dire que tu lui appartiens corps et âme, mais ça ne suffisait pas à me rassurer quand mon coeur battait amoureusement pour lui.

- Que s'est-il passé ? S'enquit Alena en redoutant le pire tout en regardant la bague de fiançailles qu'elle portait et qui était la marque d'une fin heureuse. Il t'a quitté ?

Elle secoua négativement de la tête.

- Avant de me rencontrer, Nikolaï avait eu d'autres soumises et sa dernière s'appelait Iréna. Un jour, elle est venue me voir et m'a dit toutes sortes de choses assez douloureuses à entendre. Elle m'a dit que Nikolaï se jouait de moi et qu'il entretenait toujours une relation avec elle. Elle m'a fait comprendre que je n'étais qu'un jouet de remplacement et qu'elle était toujours sa soumise préférée. Ce jour-là, je n'ai jamais eu autant mal de toute ma vie.

- Qu'est-ce que tu as fait ?

- Je suis partie, je me suis enfuie, répondit-elle en la regardant avec des yeux animés de lueurs malheureuses que lui causaient tous ces souvenirs. J'ai pris toutes mes affaires et j'ai pris un train pour tenter de rejoindre Saint-Pétersbourg pour me rapprocher de la Finlande. Ma fuite a durée au total trois heures et vingt-trois minutes avant qu'il me retrouve. Je n'oublierai jamais ce jour-là, je ne sais même pas comment il a fait pour me retrouver si vite, mais je n'oublierai jamais son visage.

Elle marqua une pause pour prendre une profonde inspiration.

- Nikolaï est un homme d'ordinaire très impassible et d'un calme troublant, il est même parfois difficile de savoir à quoi il peut penser, mais ce jour-là, je n'oublierai jamais toutes les émotions qui sont passées sur son visage. La rage, la colère, l'inquiétude, l'incompréhension, elles se succédaient toutes les une après les autres et ça a duré des heures. J'ai fini par lui dire ce que Iréna m'avait dit et j'ai compris trop tard qu'elle avait menti parce qu'elle ne supportait pas que Nikolaï m'ait choisi moi. J'ai réagi sous l'impulsion de la douleur, mais je ne le regrette pas, car c'est en fuyant que j'ai pu voir à quel point j'étais importante. Il m'a révélé ses sentiments, il m'a dit de lui-même qu'il m'aimait.

Alena était heureuse d'entendre cette fin, mais ne comprenait pas pourquoi Tamara avait un sourire triste sur le visage.

- Ensuite nous sommes rentrés dans son appartement et les choses se sont compliquées de son côté.

- Comment ça ?

- Il a mis de côté la mafia, il a mis sur pause ses affaires professionnelles et nous sommes restés des semaines enfermés dans l'appartement. Il ne voulait pas prendre le risque que je le quitte à nouveau. Moi j'étais heureuse et lui était en train de souffrir. Il avait peur que je l'abandonne encore une fois et il m'a fallu des jours pour lui faire entendre raison et apaiser cette peur qu'il avait de me perdre.

Tamara releva les yeux en forçant un sourire.

- Quand on admire ce genre d'hommes, on pense qu'ils ne ressentent rien, mais c'est faux, poursuivit-elle. Maintenant ça va mieux, petit à petit il réapprend à me faire confiance quand je sors, mais je sais que c'est dur pour lui. Même s'il a les capacités de me retrouver où que je sois, il n'en demeure pas moins inquiet.

Alena essaya de ne rien laisser paraître sur les émotions qui se bousculaient en elle, secrètement émue par son histoire.

- Et cette femme ? Elle est toujours ici ?

- Non, Nikolaï l'a expédiée en Serbie dans son pays d'origine et elle ne peut plus remettre les pieds en Russie.

Tamara posa ses deux mains sur les siennes.

- Si j'ai un seul conseil à te donner c'est de faire très attention à ses anciennes soumises, plus précisément Anastasia et Daria. Ne fais jamais confiance à l'une d'entre elles. Anastasia a déjà montré ses talents quand elle est venue ici, mais Daria est tout aussi mauvaise. Est-ce tu m'as compris ?

- Oui, murmura-t-elle en éprouvant une soudaine jalousie pour ces femmes qui avaient un jour partagé la vie de Sergueï Azarov.

Tamara la prit dans ses bras.

- J'espère du plus profond de mon cœur que tu trouveras ce que moi j'ai trouvé.

Tamara quitta l'appartement quelques minutes plus tard, la laissant pleine de pensées et avec ce contrat qu'elle avait à peine lu.

Son histoire avec Nikolaï était si profonde que son cœur s'était serré pour elle.

Mais chaque histoire était différente et avait son propre lot de bonheur et de malheur.

Alena ferma les yeux et décida de ne plus y penser pour l'instant.

Elle ne voulait plus se torturer l'esprit et elle refusait d'anticiper au risque de ne pas vivre pleinement ce qui l'attendait dans les bras de Sergueï Azarov.

Avec la naissance de ses doigts elle effleura le contrat puis referma les yeux avec un doux soupir.

Ce qu'elle ignorait encore, c'est qu'à l'extérieur le chef de la mafia l'attendait, ses yeux d'aigle posé sur la fenêtre qui donnait sur la rue faiblement animée. Sergueï consulta sa montre pour la cinquième fois et fut saisi d'un terrible sentiment désagréable qui la poussa à bondir hors de la voiture.

Il marcha d'un pas pressé jusqu'à l'immeuble et poussa la porte du hall sèchement. Il monta l'escalier en s'imaginant déjà rentrer dans l'appartement et le trouver vide. Cette pensée disparut aussi vite qu'elle était arrivée, parce qu'il n'avait rien décelé en elle qui aurait pu apparaître comme l'hypothèse la plus plausible de toutes.

Il entra dans l'appartement et le fouilla du regard en maudissant le silence qui régnait à l'intérieur.

C'est en pénétrant dans la chambre qu'il la trouva allongée et endormie...une main posée sur le contrat.

Impassible, enfermant dans un étau d'acier le sentiment de soulagement qui venait de le saisir, il s'approcha du lit et posa ses deux mains sur son visage. La jeune femme eut un léger soubresaut en ouvrant les yeux.

Encore dans les brumes du sommeil elle posa ses mains sur ses avant-bras en le dévisageant.

- Je me suis endormie, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.

- Tu n'as pas assez dormi la nuit dernière ?

- Les autres nuits, précisa-t-elle en esquissant un faible sourire. Les autres nuits je n'ai quasiment pas dormi.

Sergueï resta impassible tout en sachant qu'il était en quelque sorte responsable de ses insomnies.

- Si tu as rassemblé toutes tes affaires alors nous pouvons partir.

Il la souleva dans ses bras après qu'elle ait roulé le contrat pour le prendre dans sa main.

Un contrat que lui-même avait relu à trois reprises pour être certain qu'il n'avait rien oublié, mais surtout pour regarder encore et encore la signature de la jeune femme à côté de la sienne.

Une signature qui marquait le début d'une histoire et pour la première fois de sa vie il n'en connaissait pas la fin...

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