Intermède avec l'Impératrice
Tw : viol conjugal
Un coup de feu suivi d'un hurlement. Un deuxième coup de feu puis un troisième et tout bascula. Horreur. Mon père beuglant rampa jusqu'au corps sans vie de ma mère et la serra dans ses bras en murmurant des mots sans queue ni tête. Ma petite sœur était au sol, évanouie. Une balle l'avait sûrement touchée, impossible de m'en assurer, j'étais tétanisée par la peur. Victor lui respirait de plus en plus fort, il semblait sur le point de rejoindre Mariane dans les pâquerettes.
L'un des tireurs m'attrapa le bras tandis que l'autre appelait un troisième collègue resté dans leur véhicule. Il lui demanda de faire venir des renforts, des médecins et de surtout attendre les ordres de l'Empereur. Je n'arrivais pas à bouger. J'avais tellement froid.
Mon père était encore entrain de se lamenter sur le cadavre de maman malgré les multiples menaces des policiers. Ceux-ci ne voulaient pas alarmer le voisinage et l'assommaient. Il ne pouvait rien faire contre cela, affaibli par son accident et ne pouvant plus marcher depuis longtemps. Je n'avais pas l'impression de participer à cette scène, je me sentais spectatrice, étrangère à ce qu'il se passait.
Je n'eus qu'une vision floue de la suite des événements. Des hommes arrivèrent et emmenèrent Victor et Mariane. D'autres, mon père et le corps de ma mère. Les premiers accomplirent leur mission principale et me mettant dans une voiture direction Saint-Germain, le manoir que j'occuperais pendant plusieurs années.
Je me massai le front. J'avais mal au cœur. J'étais étourdie. Un nain semblait taper avec sa pioche dans mon cerveau. J'étais assise depuis une demi-heure dans un endroit inconnu. Un long couloir orné de miroirs et de tableaux.
J'avais sommeil mais mes yeux ne se fermaient pas. Je n'arrivais pas à assimiler ce qu'il se passait depuis environ six/sept heures. Ma sœur et ma mère s'étaient fait tirer dessus. Mon père était peut-être torturé en ce moment. Mon cerveau ne suivait plus.
Soudain, un gros sanglot naquit dans ma gorge. Ma mère était morte. Je ne la verrais plus jamais faire des trucs de vieux, me dire des choses évidentes. Elle ne me gronderait plus jamais et ne sera plus jamais sur mon dos. Elle...
Crise de larmes. Maman. Ma maman n'était pas là et ne le serait jamais plus. Mariane allait sûrement elle aussi y passer et peut-être toute ma famille. J'avais mal à la gorge et je pleurais tellement que je n'arrivais plus à respirer. À force de sanglots, je finis par tomber dans les bras de Morphée.
Mon sommeil fut court et profond. Je me réveillai en sursaut secouée par une dame bien apprêtée à l'air sévère. Elle m'intima de la suivre et avança d'un pas vif et assuré. Elle ne vérifia même pas que je la suivais.
Toujours l'esprit embrumé, je marchais derrière elle, regardant mes pieds. Avant d'entrer dans la pièce au bout du couloir, je levai la tête et aperçus mon reflet dans une glace. J'avais les yeux gonflés, la bouche tremblante et le visage pâle. Je me sentais telle une condamnée. Même mes cheveux si flamboyants d'ordinaire semblaient éteints.
Je pénétrai dans l'antre du monstre. La pièce était une sorte de bureau. C'était majestueux. Splendide. Les gigantesques lustres suspendus au plafond donnaient une impression de grandeur.
- Merci Mlle Raynard. Vous pouvez disposer.
L'homme qui prononçait ces mots se dressait devant la fenêtre. Il était dos à moi et observait le jardin. Il ne m'adressa pas un seul regard mais j'étais terrifiée. Je reconnaissais cette voix impérieuse, je reconnaissais ce maintien, ces cheveux. L'homme se retourna enfin et planta son regard glacial dans le mien. Je n'arrivais pas à tenir sur mes jambes, je m'écroulai par terre et baissai les yeux. Tremblante, je n'osais lever la tête. L'Empereur Nathaniel devant moi me détaillait avec attention. Je n'entendis pas ses pas mais il se retrouva face à moi. Il attrapa mon menton et massa mes joues. Agenouillé devant moi, il sourit. Il dégageait un parfum musqué. Si près de lui, je comprenais pourquoi certaines personnes l'adulaient mais je ne me sentais pas en confiance. Rien n'était rassurant dans son attitude mais quand il prit la parole, cela devint mille fois pire.
- N'aie pas peur Athenais, murmura-t-il d'un air suave. Je ne te veux aucun mal. J'ai appris pour ta pauvre mère. Je m'excuse pour l'attitude des force de l'ordre que j'ai envoyé. Ce sont de nouvelles recrues un peu trop zélées.
Mes dents s'entrechoquaient et je transpirais fortement. Il était fou. Les policiers avaient assassiné ma mère et il le disait comme si ce n'était qu'une broutille. Il me caressait les cheveux avec délicatesse. Une larme coula sur ma joue sans que je ne puisse l'arrêter.
- Tu te demandes sûrement pourquoi j'ai demandé à ce qu'on t'amène devant moi ? Je voudrais te demander en mariage.
Pourquoi moi et pas Mariane ? Ce fut la première question que je me posai. Je m'insultai de mon égoïste mais je savais que d'une part, j'avais un peu raison. Pourquoi moi et pas elle ? J'étais d'une banalité affligeante dans mes actes, dans mes pensées comme dans mes capacités. Je me savais plutôt jolie mais cela ne pouvait être une raison valable pour un homme comme L'Empereur.
- J'ai besoin d'une mère pour mon enfant. La dernière est morte en essayant de mettre au monde. Cela doit être dû à ma puissance. Tu sais sûrement pourquoi ton père est actuellement entrain d'être interrogé par mes meilleurs éléments ? Non ? Es-tu certaine ?
Papa ne me disait presque jamais rien. Si Maman avait toujours semblé nous aimer tous de la même manière, je savais que papa préférait le sérieux de Victor et l'enthousiasme de Mariane à ma fadeur. S'il y avait un secret dans la famille, j'aurais été la dernière au courant.
- Oh... Intéressant. Personne ne t'a donc parlé de Mlle Angelyne Garnier ? Une femme intelligente s'il en est. Et très séduisante. Tu es son portrait craché, la ressemblance entre elle et toi est troublante. J'ose cependant croire que tu ne me décevras pas comme elle l'a fait, murmura-t-il les yeux plissés.
Voyant que je ne savais rien, il ne se donna pas la peine de m'expliquer quoi que ce soit. En tout cas, pas tout de suite. Sa secrétaire m'amena dans une petite chambre sans fenêtre dont je ne pouvais sortir. Malgré la magnifique décoration or et bordeaux, je ne pus m'empêcher de me sentir en prison. Cela était renforcé par la présence de gardes devant la porte. Deux fois par jour, l'un d'entre eux m'amenait un plateau repas avec des couverts en plastique. Je ne pouvais rien faire et avais l'impression de devenir folle. Plusieurs semaines après, j'eus la surprise de recevoir deux présents. Dans le premier paquet, se trouvait une énorme robe de mariage et dans l'autre, simplement un pendentif avec une clé en argent relié à la chaîne.
Après plusieurs minutes de réflexion, j'attachai le collier à mon cou et observai la robe d'un air apeuré. L'Empereur comptait-il véritablement m'épouser ? Cela était ridicule mais je ne pensais pas que cet homme fut à même à faire une blague. Je respirais de plus en plus vite et de plus en plus fort. Mes lèvres s'asséchaient, tremblaient et j'avais le tournis. Soudain une femme surgit dans ce que je pouvais appeler ma cellule, elle murmura quelque chose que je ne compris pas et me donna un verre d'eau. Une fois que je me sentis mieux, je pus la détailler tandis qu'elle se présentait.
- Je m'appelle Freja et travaille pour l'Empereur. Je suis chargée de m'occuper de vous jusqu'à la cérémonie du mariage alors j'espère que nous nous entendrons bien ! Je vois que vous avez déjà reçu votre robe. Je vais vous la faire essayer mais avant il faut que je vous montre vos nouveaux appartements.
Elle avait les mêmes cheveux de feu que moi mais des yeux d'un vert éclatant. Freja devait être un tout petit peu plus âgé que moi mais se mouvait avec aisance sur des talons aiguilles. Elle portait une petite robe à fleurs jaunes et un gros classeur. Elle me pria de la suivre et attrapa la robe. Elle avançait rapidement, le bruit de ses talons amplifiés par l'écho des longs couloirs étaient le seul bruit qui nous accompagnait. La jeune femme se tournait de temps en temps vers moi un peu inquiète mais tentait de me faire bonne impression. J'aurais aimé m'enfuir mais les hommes qui gardaient normalement ma cellule, nous suivaient.
Freja me présenta les pièces de mon appartement avec une excitation non-feinte. Toujours stressée mais semblait vraiment prendre du plaisir à s'occuper de moi. Elle m'aida à enfiler la robe et après plusieurs apnées, nous arrivâmes à un résultat. Elle tournait autour de moi en notant sur son petit carnet. Gentille, elle me faisait beaucoup de compliments et me posait des questions sur mes goûts. Je n'arrivais cependant pas à me résoudre de lui faire confiance alors qu'elle travaillait pour l'Empereur. Je me demandais toujours ce que devenaient ma famille. Je n'avais eu aucune nouvelle et j'en souffrais.
Nous passâmes plusieurs jours ensemble. Nous discutions superficiellement, elle m'apprenait les bonnes manières et me faisait essayer des vêtements. Elle ne me quittait presque jamais et essayait de répondre de son mieux à mes désirs. Je l'appréciais de plus en plus mais ne me sentais toujours pas à ma place au château.
Un jour, l'Empereur vint me rendre visite. Il tenait à ce qu'on soit en tête à tête et fit donc sortir Freja. Celle-ci me jeta un regard déchirant mais obéit. L'homme observa la pièce et les bouts de tissus éparpillés un peu partout avec une élégante grimace.
- Je vois que vous vous amusez bien alors je ne vais pas te retenir trop longtemps. Je viens t'avertir que j'organise un dîner demain soir où tu es conviée. J'officialiserai nos fiançailles devant mes Conseillers. J'espère que tu sauras te tenir. Sur ce, au revoir.
Je ne bougeai pas pendant son annonce et quand il me fit une bise sur la joue, je me contentai de frissonner désagréablement. Dès qu'il quitta la pièce, je frottai puérilement ma joue espérant faire disparaître toute trace de cet homme sur moi. Soudain, le fait que nous allions nous marier que je ne pourrai rien y faire me frappa. Je n'étais pas sotte, je savais ce qu'étaient les nuits de noces. Mes jambes faiblirent et je tombai à genoux les yeux secs fixés sur la porte. Je restai ainsi jusqu'à ce que Freja revienne.
Le lendemain, une femme pénétra dans mes appartements sans prévenir. Elle était envoyée par l'Empereur. Elle avait de longs cheveux châtains relevés en une queue de cheval et une combinaison noire. Elle me scrutait avide, j'étais assez mal à l'aise.
Malgré ma semi-nudité, j'adoptai les conseils de Freja, restai calme et pris mon air le plus supérieur. Avant de me munir d'un peignoir.
- Qui êtes vous ? osai-je lui demander.
- Meredith. C'est comme ça que je m'appelle. L'Empereur m'a demandé de remplacer les gardes dans la tâche d'assurer votre protection. J'pensais que vous étiez moins jeune, ajouta-t-elle avec un sourire sceptique.
Elle devait penser que j'étais une de ces filles prêtes à tout pour l'argent, même à épouser un homme qui au moins cinq fois son âge. Je n'en avais absolument rien à faire, je comptais profiter de cette soirée pour m'enfuir.
- Très bien. Vous pouvez me donner la tasse de thé posée sur le tabouret ?
Je m'habillai aidée de Freja sous l'œil trop curieux de la nouvelle venue. Avec elle collée au basque, cela sera tout de même plus facile de m'esquiver que si j'avais eu une petite armée de gardes. Je portais une courte robe verte choisie par l'Empereur Nathaniel lui-même, mes cheveux roux avaient été lissés et j'avais des talons aiguilles. Je m'exerçais depuis plusieurs jours à marcher avec et me débrouillais maintenant plutôt bien.
La soirée fut une catastrophe. Je bégayais chaque fois que l'on m'adressait la parole. Les Conseillers et leurs compagnes devaient me prendre pour une idiote. Ma tentative d'évasion, quant à elle, tourna court. Je n'avais pas fait un mètre à la recherche de la sortie que l'Empereur m'attrapa par l'épaule et me colla à lui pendant tout le dîner. J'étais terrifiée par la proximité avec lui.
Il me convoqua ensuite dans son bureau. Je me sentais aussi intimidée que la première fois mais réussis au prix de nombreux efforts à parler.
- Je veux savoir ce qui est arrivé à mon père, mon frère et ma sœur.
- C'est un ordre ? susurra-t-il.
Je ne répondis pas, figée.
- Mmh... Parle moi encore une fois sur ce ton et tu auras le même sort que ton père.
Il l'avait tué. Je tremblais.
- Ton frère et ta sœur vont très bien, je te permettrai sûrement de les voir quand nous serons marié.
Sa parole ne signifiait rien pour moi mais je n'ouvris pas la bouche pour le lui expliquer.
- Je vais te prendre un professeur. Ce soir je pus voir qu'il te manquait des pans d'éducation correcte.
De qui était-ce la faute ? C'était lui l'homme qui faisait brûler les livres à tour de bras et supprimait des libertés.
Je rencontrai ma professeur quelques jours avant mon mariage. Celle-ci semblait me haïr. Elle avait la cinquantaine et parce qu'elle lisait des livres qui dataient d'avant les années sous l'Empire, elle me méprisait. Je ressentais des envies de meurtres en sa présence. Meredith non plus ne l'aimait pas ( et la bonne femme le lui rendait bien ) mais dans son cas c'était plus grave car elle ne pouvait s'empêcher de triturer un couteau ou un objet pointu pendant mes cours. J'avais appris à un peu apprécié cette jeune femme malgré son côté brutal et ses airs orageux. Ni elle ni moi n'avions envie d'être dans ce manoir.
Le jour du mariage, plusieurs femmes vêtues de bleus me préparèrent me maquillèrent et me coiffèrent pendant que Freja supervisait tout cela avec stress. Quand l'heure arriva, nous nous dirigeâmes dans plusieurs voitures qui nous amenèrent dans une grande cathédrale à Paris. Je fus embrassée pour la première fois et je détestai cela. Je me retins de ne pas vomir dans la bouche de mon époux. Plusieurs personnes nous prirent en photo mais l'Empereur garda un même air satisfait pendant la cérémonie. Meredith et Freja me serrèrent brièvement dans les bras avant que je ne me fasse emporter par l'homme jusqu'à une grande chambre de noce.
Il y avait un lit à baldaquin et une ambiance tamisée.
Je manquai de défaillir. Il fallait que je trouve un moyen d'éviter l'inévitable.
- Je.. Je. Je dois vous appeler comment ?
- C'est-à-dire ?
- Monsieur ? Empereur ? Monseigneur ? Votre majesté ?
- Nathaniel suffira ce soir, chuchota-t-il.
Il s'approcha de moi et me caressa la joue. Des larmes coulaient doucement. Je tremblais de peur. Je ne voulais pas. Il me plaqua contre le lui et je fermai les yeux pour ne rien voir, croyant comme une enfant que si je ne le voyais plus il cesserait d'exister. Ce ne fut pas le cas.
Les jours qui suivirent, je ne sortis pas de cette pièce. Je n'y arrivais tout simplement pas. Je n'arrivais plus à parler et était telle une loque. J'étais une incapable. Je me sentais sale.
Freja et Meredith m'aidèrent à me reprendre mais je ne fus plus jamais véritablement la même.
Comme promis, Nathaniel me permit de voir Victor et Mariane mais je ne pus voir la seconde que de loin. Mon frère m'en voulait et ne comprenait pas pourquoi j'étais mariée à l'Empereur. Il considérait que j'avais trahi les parents et refusa que j'approche de la petite. J'aurais pu l'y obliger mais par respect pour notre famille, j'acceptai de ne pas les revoir. Cela me brisa tout de même le cœur.
En me baladant dans les couloirs du manoir, je tombai sur une chambre d'enfant. Elle était parfaitement en état si on exceptait les trois énormes cartons sur le sol. La porte de cette pièce n'étant pas fermée à clef, je partis du principe que je pouvais fouillé les cartons. Avec un canif de Meredith, je l'ouvris et nous ramenâmes les choses importantes dans mes appartements. Quand Freja vit cela, elle nous mit en garde mais toutes ses bonnes intentions s'envolèrent quand nous comprîmes à qui appartenaient ces affaires.
- L'Emp'reur a un fils ?! s'exclama Meredith. Mais tu sers à quoi du coup ?
- Il est peut-être mort ?
Il y avait surtout des photos et des bouquins remplis de post-it. Il y avait aussi des bulletins, des dessins, des t-shirts ou carnets de blagues. La personne à qui appartenait ces affaires était un certain Lysandre. J'étais fascinée par l'histoire que je devinais à travers les post-it, les photos et différentes babioles. Qui était vraiment ce fils caché de l'Empereur ?
Passionnée, je pouvais passer des heures à lire des notes dans un agenda ou à observer une image de lui. Un jeune adolescent aux yeux vairons et aux cheveux blonds. Magnifique. Il aimait tout ce qui se rapportait à la vie avant l'Empire mais aussi au Sily. Je décelais en lui un garçon curieux et très humain. Alors que je ne le connaissais pas, j'en étais folle. Je rêvais de lui la nuit et bientôt, je ne permis plus aux autres de toucher à ses affaires.
Si bien que je finis par évoquer son nom devant l'Empereur.
- Qui t'as parlé de lui ?
- Je.. je.. hum.. Personne mais j'ai trouvé une chambre avec ses affaires dedans alors que je cherchais à savoir quelle porte ouvrait mon collier.
Il secoua la tête d'un air las puis se leva. Il se posta à la fenêtre comme souvent et commença à parler.
- Mon fils, Lysandre était un adolescent intéressant. Charmant et futé, il aurait pu faire ce qu'il voulait de sa vie. Le fait qu'il possède le Sily n'aurait pas été un frein pour lui, il avait la capacité de devenir quelqu'un d'exception, de me dépasser même. Cependant, il s'est laissé séduire par ta tante Mlle Angelyne Garnier. Celle-ci la emmené sur le mauvais chemin et il s'est rebellé contre moi. J'ai essayé de lui faire entendre raison, j'étais prêt à lui pardonner mais cet imbécile a préféré n'en faire qu'à sa tête. Il a rejoint les résistants. Je ne pouvais pas laisser passer un acte comme celui-ci. J'ai donc sévi.
- Vous l'avez fait tué...
- C'est ça qu'il arrive à ceux qui trahissent l'Empire et sache que c'est mille fois pire pour ceux qui ont été proches de moi. Quand tu feras naître mon fils, tu lui expliquera cela.
Je restai silencieuse face à son histoire. C'était donc ainsi qu'avait fini Lysandre ? Tué sur ordre de son père. Je trouvais cela encore plus romantique. J'étais triste de savoir que je ne rencontrerai jamais mon idéal mais heureuse que celui-ci se soit battu jusqu'au bout pour ses convictions. Je m'en savais personnellement incapable.
- Votre dernière femme est morte en couche. Qu'est-ce qui vous fait penser que ce ne sera pas de même avec moi ?
- Tu es une Garnier. Tenace et forte. Je t'en sais capable, murmura-t-il.
Il se tourna vers moi et je devinai par son regard ce qu'il allait faire. Comme à mon habitude, je fermai les yeux espérant le faire disparaître.
Je ne racontai pas cette conversation aux filles. L'histoire de Lysandre n'appartenait qu'à moi. Je m'intéressais au même chose que lui et tombai sur une feuille double expliquant en quoi la partie annuelle de Loups-garous diffusés à la télévision était une barbarie. Le souffle coupé par son sens du développement et de l'argumentation, je n'eus qu'une envie : découvrir le support de base et comprendre pourquoi il était si néfaste. Je n'avais jamais vu une partie de Loups-garous à la maison, mon père m'interdisait cela. Je n'étais pas Impure donc pas vraiment concernée d'après lui.
Je regardai la partie en cours avec fascination. J'étais présente lors de la Cérémonie mais n'y avais pas fait vraiment attention. Les différentes manœuvres pour arriver à la victoire étaient toutes subtiles et ingénieuses. Le hasard faisait bien les choses, chaque joueur semblait à sa place dans le village de Thiercelieux. En regardant les rediffusions des anciennes parties, j'appris avec surprise que Lysandre avait participé à la treizième édition. Je rêvais de plus en plus de lui.
- Vous êtes libres ? demandai-je un jour aux filles.
- C'est-à-dire ?
- Vous n'avez pas de vacances et vous êtes toujours en ma compagnie alors je me demandais si vous étiez vous aussi prisonnières de l'Empereur.
- Freja ? fit la châtaine pour inviter celle-ci à répondre la première.
- Je suis rémunérée pour cet emploi. Je peux poser des jours de congés contrairement à Meredith par exemple. Je ne suis pas prisonnière de l'Empereur dans la mesure où j'ai postulé pour travailler dans ce manoir. M'occuper de toi est un plaisir mais aussi une promotion.
Elle me tressait les cheveux. Une musique classique s'élevait de la petite radio dont le contenu était entièrement décidé par l'État. Meredith quant à elle lisait un énième livre sur la grandeur du grand Nathaniel.
- On m'a donné le choix. Soit j'croupis en tôle, soit je sers de garde du corps à la fiancée de l'Empereur. Techniquement, j'suis un peu prisonnière d'ici mais ça aurait pu être pire, grogna-t-elle.
- Pourquoi aurais-tu dû aller en prison ?
- Ma mère. Je l'ai buté et j'ai explosé les deux jambes de mon beau-père avant de m'enfuir en direction de la frontière suisse. Je me suis fait goalé.
Elle le disait avec un air si serein et tranquille que des poils se dressèrent sur ma nuque. Meredith était une femme dangereuse.
Je ne savais toujours pas pourquoi mon père avait été torturé mais un an puis deux puis trois passèrent. Je n'étais toujours pas enceinte, ce qui agaçait de plus en plus Nathaniel. J'essayais de lui être agréable mais il ne semblait voir qu'un insecte chaque fois qu'il me regardait.
- T'as pas grossis ? me fit remarquer très subtilement Meredith un jour.
Je me rendis alors compte que cela faisait longtemps que je n'avais pas eu mes règles. Je mis alors Freja puis l'Empereur au courant. Il me fit parvenir un test qui se révéla positif. J'étais enceinte de Nathaniel.
J'étais anéantie. Je pleurais et mangeais souvent. Je ne voulais pas de cet enfant, il n'était pas pour moi. Je pensais à mes parents, à ma vraie famille, à Lysandre. Je me sentais en permanence triste et fatiguée.
Nathaniel me couvrait de présents dont je n'avais rien à faire. Freja et Meredith essayaient de me rassurer mais je n'écoutais plus. Je lisais simplement les notes de Lysandre en rêvant de le rejoindre dans l'outre-tombe. L'Empereur avait plus de soixante ans de plus que moi. Je ne voulais pas lui faire en enfant. Je pensais à me poignarder le ventre ou me laisser mourir mais je n'étais pas assez courageuse pour cela.
J'accouchai d'une petite fille. Nathaniel en fut dépité et me lança un regard méprisant. Il appela son enfant Rosalya et la donna à une gouvernante. Je ne la voyais jamais mais je n'en avais cure. Je préférais sangloter dans les bras de Meredith en regardant les photos de Lysandre.
Je repris bientôt la forme et m'efforçai d'oublier l'enfant malgré les nombreuses remarques de l'Empereur. Il me savait maintenant capable d'enfanter et tenait à ce que je lui fasse un fils.
- Tu te souviens quand tu m'as dit que tu aimerais t'enfuir du manoir ? Pourquoi pas aujourd'hui ? L'Empereur est absent et je pourrais mettre hors d'état de nuire les gardes qui me barreraient la route.
J'étais couchée sur le dos, la tête posée sur les cuisses de Meredith.
- On nous retrouverait. Tu serais tuer et moi aussi. Nous n'avons aucune chance.
- Il faut que tu le pousses à te faire confiance. Soit agréable avec lui et fait en sorte qu'il te respecte et baisse la garde. Tu es la personne la plus proche de lui physiquement au monde, le tuer ne peut pas être difficile.
- C'est donc de ça qu'on parle ? D'un meurtre sur Nathaniel ?
- Ça te brisait le cœur ?
- Non.
- Je t'en sais capable Athenais, murmura-t-elle en passant sa main sur ma joue.
Je suivis ses conseils. Je me montrais sous mon meilleur jour, lisais de nombreux livres pour ensuite en discuter avec lui. J'approuvais certaines de ces idées et parfois, je lui expliquais avec tact pourquoi je n'étais pas d'accord. Nous avions une relation cordiale et je sentais qu'il m'appréciait de plus en plus.
Plusieurs mois plus tard, alors que je sortais de son bureau, nous entendis une énorme déflagration. Je sursautai et m'agrippai à lui, surprise. Que se passait-il ?
- Amenez la en sécurité, ordonna-t-il à un garde qui arrivait en courant.
Celui-ci hocha la tête et me demanda de le suivre. J'échangeai un regard tendu avec Meredith. Nous courions en direction du jardin. Il y avait un bunker installé sous la forêt limitrophe du manoir. Plusieurs autres explosions se firent entendre et je vis une colonne de fumée s'élever vers le ciel. Soudain, Meredith sortit une arme qu'elle pointa sur le garde.
- Qu'est-ce que tu fais ? demandai-je en écarquillant les yeux.
- Nous devons partir d'ici. J'ai donné la localisation du manoir aux résistants. Ils sont sûrement en train de tuer l'Empereur en ce moment. Nous, nous n'avons qu'à nous enfuir.
- Je ne peux pas.
- Pourquoi ? grimaça-t-elle.
- Tu ne sais absolument pas s'ils ont réussi ! Si les gardes ont repoussé l'attaque, l'Empereur va nous faire tuer s'ils découvre qu'on était de mèche.
Le garde amorça un mouvement de la main vers sa ceinture. La châtaine déversa son chargeur dans le corps de l'homme avec satisfaction. Je reculai de deux pas, frissonnante et terrifiée.
- Alors on retourne tout simplement au manoir ?
- J'y retourne. Toi, retrouve les résistants et intègre leurs rangs. Tu seras mes yeux dans la résistance.
- Je ne vais pas te laisser seule ici, grogna-t-elle.
- Tu n'as pas le choix. Tu viens de tuer un garde et de trahir l'Empire. Il ne faudra qu'une petite enquête pour que les forces de l'ordre le découvre. Tu dois partir.
J'essayais de détacher mes yeux du corps sans vie du garde. Il se superposait avec une vision de ma mère. Je me retenais de vomir. Un goût âcre prenait place dans ma bouche. Je secouai la tête, je devais être forte. La trahison de Meredith était le coup d'envoi d'un match que je comptais bien gagner.
- Dès que tu auras pris contact avec la résistance, il faudra que tu essayes de me donner rendez-vous avec un de ses membres haut-placé. Penses-tu que tu en seras capable ?
- Je pourrais tout faire pour toi...
Je hochai la tête et reculai devant la lueur folle que je voyais dans ses yeux. Elle s'approcha de moi et m'attrapa par la taille. Front contre front, elle murmura mon prénom tendrement avant de s'enfuir.
Je repris ma respiration et réfléchit. Devais-je retourner au manoir ou me mettre en sécurité dans le bunker ? Mon regard s'attarda sur le cadavre. Il était mort les yeux ouverts. Ses yeux entreraient mes cauchemars jusqu'à mon dernier souffle. Je me dirigeai vers le manoir après avoir dépouillé le macchabée de ses armes. J'allais défendre l'Empereur et il ne pourra que voir l'étendue de mon courage et de ma loyauté. J'éludai le fait que je ne savais pas me battre ni utiliser une arme.
Je n'eus pas à faire grand chose. Je trouvai mon mari en plein combat contre plusieurs résistants. Il se battait avec fougue malgré son âge avancé et ne faiblissait pas. Tout cela était grâce à son Sily.
Je faillis m'étrangler. Non, ce n'était pas une hallucination. L'Empereur immobilisait puis achevait ses adversaires grâce à des esquives, un pistolet mais surtout son énergie. Comment avais-je pour ne pas m'en rendre compte après plusieurs années à le fréquenter ?
Je reçus un projectile en pleine tête mais malgré l'énorme douleur ne m'évanouit pas. Nathaniel s'approcha de moi. Il avait éliminé tous les ennemis.
- Que fais-tu là ? grinça-t-il en plantant ses yeux glacials dans les miens. Pourquoi n'es-tu pas au bunker ?
- Meredith a trahi l'Empire. C'est elle qui a envoyé les résistants ici. Le garde à qui vous avez demandé de me mettre en sécurité...a été tué.
Il me scruta mais me crut. Après tout, je n'avais dit que la vérité. Il attrapa un garde et le chargea d'aller vérifier le pavillon. C'était là que séjournait Rosalya et sa gouvernante. Il devait être inquiet.
- Si elle a donné toutes les informations en sa possession à la résistance, ils savent que j'ai un enfant et que tu es ici au manoir. Tu préfères vivre à Versailles ou Paris ?
- Paris, fis-je au hasard.
- Paris, c'est plus dangereux mais vous serez plus proches de moi en cas d'attaque. Je suis d'accord.
Je ne dis aucune remarque sur sa qualité d'Impur. Trop heureuse d'avoir maintenant cette information précieuse sur lui. Quand Freja rentra de son jour de repos, je lui donnai la même version qu'à l'Empereur. Je lui faisais confiance mais je savais qu'elle n'approuverait pas que je me mette en danger.
Je continuai mon jeu de séduction avec Nathaniel, n'ayant au final pas de véritable plan. Un matin, alors que j'étais en pleine visite dans un petit marché parisien, une femme passa près de moi et remit un papier à Freja. Je ne pus plus lui cacher la vérité.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- Car il n'y avait rien de spécial à dire. J'ai un peu omis certains détails mais je t'ai pas menti à vrai dire. Tu peux me remettre le mot s'il te plaît ?
Ce n'était même pas une lettre. Juste une date, une heure et un lieu. Cela aurait pu être dangereux mais je pensai reconnaître l'écriture de Meredith. Je n'allais pas pouvoir m'échapper de ma nouvelle cage dorée si facilement. Je me résolus à me faire passer pour malade et demandai à Freja de rester au lit à ma place. J'espérais que Nathaniel ne veuille pas me rendre visite d'une quelconque manière. J'avais moins d'une heure. Je mis les vêtements de Freja et quittai les lieux calmement. Heureusement, le rendez-vous était à environ quinze minutes à pieds d'ici. Je me demandais qui parmi les résistants avaient été assez malchanceux pour être assigné à une mission aussi proche de la résistance de l'Empereur.
Je pus le découvrir. Je pénétrai dans une petite ruelle sombre avec prudence. Il n'y avait personne pour l'instant. J'enlevai le foulard qui me cachais la tête. Alors que je soupirais en regardant la montre en or que m'avait récemment offerte Nathaniel, une voix s'éleva derrière moi. Elle était impérieuse, ferme et onctueuse.
- Que pensez vous pouvoir apporter à la résistance Mlle ?
Je me retournai et découvris avec surprise Lysandre. Un Lysandre un peu ( beaucoup ) plus vieux mais quand même. Je le pensais mort, je n'en croyais pas mes yeux. L'Empereur m'avait menti comme toujours. J'enrageais. J'étais face à la personne dont je rêvais presque toutes les nuits depuis plusieurs années et je n'arrivais pas à prononcer un seul mot.
Ses cheveux étaient parsemés de filaments argentés ou blanches, ses yeux semblaient plus froids que sur les photos et des petites ridules ornaient son visage. Je le trouvais néanmoins encore plus beau et impressionnant que dans mes pensées. Je déglutit puis passai la langue sur mes lèvres asséchées.
- M'avez-vous entendu ou à force d'écouter les mensonges de l'Empereur, vous avez perdu l'Ouïe ?
- Lysandre, murmurai-je faiblement.
Je levai une main vers son visage avant de la brusquement laisser tomber. Je devais reprendre mes esprits. Ce n'était pas le moment de me pâmer. J'allais montrer à l'homme face à moi l'étendue de ma détermination. J'étais prête à tout pour lui plaire à cet instant. Je répondis tranquillement à sa question en mobilisant tout mon self-contrôle. Si je voulais aider la résistance, c'était pour me sauver mais aussi protéger tous ceux qui étaient sous le joug de Nathaniel. Il plongea ses yeux dans les miens tandis que je me perdais dans les siens. Son regard vert et doré me scrutait. Je pensais pouvoir apporter beaucoup de choses à la résistance, il ne tenait qu'à eux de savoir lesquels.
Lysandre me demanda d'apprendre le fonctionnement d'une partie de Loup-Garou, de la comprendre et pour cela participer au déroulement de la prochaine partie. Je devais savoir le plus de choses possibles sur le jeu et les personnes qui y travaillaient ainsi que s'occupaient de son organisation. Le résistant me parlait de manière neutre et exposait ma mission sans que la moindre émotion ne paraisse sur son visage. Je ne lui dis pas que je connaissais sa véritablement identité et quittai les lieux munie d'un but.
L'Empereur connaissait mon gout pour les parties de Loup-Garou et me permit d'assister au préparatif de la quarante-troisième édition. J'étais une stagiaire très impliquée et ne manquais pas de poser de nombreuses questions. En parallèle, j'accomplissais quelques missions pour Lysandre. Celui-ci représentait la résistance auprès de moi.
Thiercelieux était en Lozère en pleine foret. Il y avait très peu d'habitants aux alentours et plusieurs bases de l'Empire. Une trentaine de techniciens travaillaient sur chaque partie. Le village était encadré par des bases militaires et des centaines de cameras. Je faisais une bonne assistante des techniciens et ceux-ci semblaient apprécier mon investissement. Je fus extrêmement surprise lors de la Première Nuit, sept techniciens envoyaient en permanence des informations dans le cerveau du Maitre du Jeu. Celui-ci était comme une machine sans sentiment, ni volonté , totalement sous le contrôle des employés. C'était l'Empereur lui-même qui choisissait touts ceux qui travaillaient en ce lieu et la composition des parties.
Les villageois mis dans Thiercelieux étaient des prisonniers condamnés à vie ou à mort. La plupart étaient des meurtriers, des anarchistes ou des républicains. A la fin de la partie, le Mdj, un prisonnier Impur était remis dans sa cellule tout comme les villageois toujours en vie tandis que les vainqueurs de la partie recevaient une substance inconnue, un ou une époux/se et cinq mille deux euros par mois. Je fis mon compte rendu à Lysandre qui me félicita et me remercia des informations. Je me sentais rougir, aux anges par ses compliments.
Il me fit par du plan des résistants par rapport à la partie. Ils ne me faisaient confiance qu'à moitié mais je comprenais. Pour montrer à la France entière la cruauté de l'Empereur, ils comptaient commettre plusieurs massacres dans le pays et lui faire porter le chapeau. Je trouvai ce plan assez morbide et je me demandais si les vrais "méchants" étaient vraiment du coté de l'Empire. Ils voulaient infiltrer la prochaine partie en intégrant plusieurs résistants dans les villageois comme dans les joueurs.
- Nous avons une hackeuse capable de mettre des noms dans l'ordinateur mais nous comptons sur toi, pour faire en sorte que l'Empereur accepte que tu te charges des villageois. Tu pourras jouer de ton charme ou déjouer un faux complot, tu as l'embarras du choix. Par contre, les Pères de la résistance veulent aussi que je sois le Maitre du Jeu de cette partie.
- Pourquoi donc ?
- Pour être sûr que l'Empereur restera dans les environs de Thiercelieux pendant la partie mais je pense qu'il y a une autre raison que je ne connais pas.
- Le fait que tu sois Mdj poussera Nathaniel à rester en Lozère pendant toute la partie ? Pourquoi penses-tu cela ? fis-je d'un air ingénu.
- Il.. il me connait très bien. Il pensera que la résistance prépare un énorme plan d'attaque centré autour de moi et sera ainsi déstabilisé quand nous rentrerons en action. Il faut cependant que j'arrive à devenir son prisonnier sans qu'il ne me tue ou te tue ou ne tue qui que ce soit. Ce n'est pas gagné mais avec une amie, nous avons trouvé une solution. Avant cela, je dois te dire une chose importante sur moi : Je suis le fils...
- ... de l'Empereur. Je sais, le coupai-je. Il me l'a dit.
- Il te fait très confiance... T'aurais pu me le dire avant que tu le savais. Bon, vu que t'es au courant, tu comprends pourquoi ce serait compliqué d'aller en taule. Du coup, on va faire en sorte que mon protégé se fasse emprisonner et je viendrai essayer de le délivrer, Pere ne manquera pas l'occasion.
Il prit un air torturé quand il évoqua son protégé. Cela lui coûtait de toute évidence beaucoup de le mettre dans cette histoire. J'ecoutai son plan avec attention. Je ne pourrais plus lui parler avant la prochaine partie de Loup-Garou.
Je mis des gardes sur la surveillance d'un café fréquenté par de nombreux traîtres à l'Empire mais surtout un jeune garçon de quinze ans nommé Arthur. Celui-ci était en contact avec un homme ressemblant beaucoup à Lysandre. Nathaniel le découvrit assez vite et au lieu de mettre tous ses moyens en oeuvre pour choper le môme comme c'était prévu, il préféra enlever la petite sœur de celui-ci. Je grimaçai quand je vis la gamine en pleure se faire torturer mais ne fis aucune remarque. L'Empereur laissa un mot au café et le garçon se présenta devant le palais de Matignon. Cet adolescent était soit extrêmement con, soit profondément idiot. Comment pouvait-on se présenter à un piège pareil sans prévenir la moindre personne ?
Nathaniel amena le garçon au manoir de St-Germain où il l'emprisonna en attendant que son fils se présente. Il le fit en attendant interroger. J'aimais de moins en moins cet enfant. En plus d'être un imbécile, celui-ci trahit plusieurs noms de la résistance dont Meredith et l'emplacement de l'une de leurs cachettes. J'eus envie de l'étrangler. Le mot courage lui disait-il quelque chose ? J'enrageai en me demandant quand est-ce que Lysandre arriverait arrêter le massacre. L'Empereur devenait plus démonstratif et vigoureux avec le temps. Normalement, n'était-ce pas le contraire ? Je souffrais. Je ne rendis pas visite à mon ancienne garde du corps afin de ne pas paraitre suspecte.
Un mardi matin, je me réveillai dans le lit de l'Empereur seule. Je le quittai fatiguée, l'atmosphère m'étouffait et je n'étais pas bien reposée. Une onde de froid pénétra mon corps et je courus jusqu'aux jardins. Une statue explosa à coté de moi et je vis Lysandre se relever à quelques mètres. Il était en sang et ne semblait pas me voir. Je remarquai un magnifique tatouage dans son dos. Il parlait avec un Nathaniel debout devant lui et toujours aussi impérieux.
- Tu me dégoûtes ! Tu sais ce que t'es ?! Un monstre ! Je ne voulais pas le croire jusqu'à maintenant mais tu es la pire des vermines. Comment peux-tu torturer des enfants ?!
Il se jetait avec force sur l'Empereur mais celui-ci le repoussait sans aucun mal. Je ne savais pas si Lysandre était à fond mais le plus vieux avait vraiment l'avantage. Le résistant hurlait des insanités ivre de colère, si à nos rencontres je l'avais trouvé assez calme, je le découvrais explosif et plein d'énergie malgré sa cinquantaine d'années. Je me sentais défaillir d'amour en le voyant se battre. Je l'imaginais me défendre tel un fier amant comme dans les histoires.
- J'vais te buter salaud pour tous ceux à qui tu as provoqué le malheur ! Pour Angelyne ! Pour Ludo ! Pour Suzie ! Pour Elodie ! Pour tous les Impurs ! Pour la France !
Des larmes aux coins des yeux, il hurlait de rage en puisant dans son énergie. Il fonça sur l'Empereur et il eut un énorme impacte. Je crus qu'il avait gagné le combat mais je vis Nathaniel se lever et porter son corps. Je courus vers eux paniqué mais pus voir que Lysandre n'était qu'évanoui. Il s'était assommé avec sa propre attaque.
Le plan de la résistance suivit son cour. Je réussis à persuader l'Empereur de me laisser diriger la quarante-quatrième partie. Il y eut cependant un imprévu : je tombai de nouveau enceinte. Nous ne pouvions pas remettre le plan à plus tard et le nouveau porte parole de la résistance auprès de moi, un certain Tim, me demanda de continuer à agir comme c'était prévu. Enceinte ou pas, je ne pouvais pas me permettre de faire capoter leur plan. Nathaniel était aux anges et me couvrait de toujours plus de présents. D'abord, il ne voulut pas que je continue à être en charge de la prochaine partie mais céda finalement. Je m'habituai à son caractère et semblai m'entendre de mieux en mieux avec lui.
Je vis plusieurs fois Rosalya et jouai avec elle sous la vigilance de Nathaniel. Avec l'enfant, il devenait une autre personne, je ne l'avais jamais vu autant rire ou sourire. Je devais me reprendre en main, je me posai de plus en plus de questions sur le plan de la résistance que je trouvais trop sanglant. Je voulais que l'être qui vivait en moi grandisse dans un monde meilleur mais je sentais que la résistance était du genre à assassiner tous les descendants de l'Empereur. Je préparai donc un plan de repli en cas de mutinerie.
Un mois avant la Céremonie, je demandai à Nathaniel si je pouvais prendre Lysandre comme Maitre du Jeu.
- Pour quelle raison ?
- Je... J'en rêve. Il ferait un parfait Maitre du Jeu ! Il a la voix, la prestance et la puissance. Avec les techniciens derrière lui, il pourrait être le meilleur Mdj jamais crée. J'ai envie que cette partie soit parfaite.
- Il n'acceptera jamais. Sauf si... J'accepte que mon fils soit le Maitre du Jeu, s'il est si parfait, je te le laisserais pour plusieurs années sinon... Je verrais.
C'était beaucoup trop facile mais je n'y fis pas attention, trop heureuse que le plan se fasse sans embrouille. Les résistants avaient depuis quelques semaines un espion chez les techniciens. Celui-ci s'appelait Marc et nous allions être coéquipiers jusqu'à la fin des opérations.
Tout semblait parfait. Le matin du douze mai, je souhaitai un bon anniversaire à mon mari. Je regardai la diffusion de la Cérémonie à la télévision. J'allais partir de Paris le lendemain matin. L'avenue des Champs Élysée se dégageait, on entendait La Gloire de l'Empereur. L'Empereur arriva acclamé par le public et fit un petit discours. Il présenta un faux Mdj ( Lysandre étant dans une cellule en Lozère ). Le premier nom sortit : Arthur Melrose. Je grinçais les dents. Je doutais que cela puisse être l'oeuvre des résistants, le responsable était donc mon époux.
Parmi les noms des garçons, deux noms avaient été mis par la hackeuse. Gabriel Thessalis, le fils d'une famille bourgeoise dont le père, un Conseiller avait il y a quelques années fait brûler plusieurs Orphelinat avant d'être arrêté et exécuté par l'Empereur lui-même. Sa famille était sur la liste noire des résistants à présent. Thimeus Nharek, lui était un membre à part entière de la résistance et mon ancien contact. Je trouvais que cela ne servait pas à grand chose de le mettre dans les joueurs. Il risquait de mourir à n'importe quel Conseil bêtement.
L'ordinateur passa aux adolescentes. Je croquai dans une pomme que je ne pus que recracher en voyant le nom de la deuxième Impure choisie :
- Mariane Garnier, seize ans.
J'avais chaud. Ce n'était pas possible... Combien de chance y'avait-il que ma sœur soit tirée sur cette partie ? Presque aucune. J'échangeai un regard médusé avec Freja. Je me sentais de plus en plus mal. J'avais l'impression qu'il faisait une chaleur insoutenable dans la pièce.
- Respire Athenais. Ça va aller, pense au bébé ! Respire, fais le petit chien...
Dès que Nathaniel fut de retour, je ne manquai pas de lui hurler toute la haine que je ressentais pour lui. Je ne pouvais pas arrêter toutes les horreurs qui sortaient de ma bouche. Il essaya tout d'abord de me calmer mais finalement me prit dans ses bras et attendit que je termine.
- C'est bon ? T'es calmée ? Ne fais pas des colères pareilles, tu vas effrayer le bébé...
- Tu es un monstre, sanglotai-je.
- Je suppose que même si je te dis que je n'y suis pour rien, tu ne me croiras pas. Pourtant, c'est le cas. J'étais aussi surpris que toi quand j'ai vu ce nom.
- Menteur...
Si je n'avais été à huit mois de grossesse, il m'aurait surement déjà mis une claque mais il continuait de me masser le dos.
- Pourquoi m'as-tu choisi pour que je devienne ta femme ?
- Mariane était un peu jeune, plaisanta-t-il.
- Menteur ! Je veux la vérité.
- Tu ressembles beaucoup à Angelyne, tu sais ? Si je t'ai choisis, c'est pour punir les Garnier mais aussi car tu as en toi quelque chose que je préfère avoir sous contrôle. Ton père aurait pu injecter son sérum à n'importe qui mais il l'a donné à sa propre fille. Je respecte ce choix, j'aurais fait pareil. Mais ainsi, il a condamné des milliers d'Impurs. Heureusement que j'en avais deux exemplaires, rit-il.
- Quel sérum ?
- Je t'en parlerais avec détail plus tard. Après ton accouchement et après la partie surtout.
Je hochai la tête et reniflai. J'etais une femme intelligente et forte. Enfin, je l'espérais. Je saurais sauver ma sœur de la mort certaine. J'envoyai une lettre à mon frère avant de prendre le véhicule pour la Lozère. Je lui donnais rendez-vous là-bas mais je savais qu'il ne viendrait qu'après que Mariane soit arrivée à Thiercelieux.
Je caressais mon ventre avec douceur. J'étais plus heureuse que lors de ma première grossesse, moins traumatisée.
Je demandai à Freja d'accompagner Mariane jusqu'à Paris et de surtout lui dire qu'après les nombreuses années, je ne l'avais pas oublié et que je l'aimais. Elle ne pourrait sûrement pas le dire comme ça en présence d'une caméra mais j'avais confiance en Freja pour qu'elle trouve une solution.
Avec les techniciens, nous fîmes plusieurs essais avec le Maître du Jeu. Tout semblait fonctionner. Les villageois furent intégrés dans leurs maisons et ils procédèrent à un vote pour choisir le maire. Un certain Christophe, homme lambda, fut choisi. J'échangeai un regard long et significatif avec Meredith avant qu'elle ne commence à jouer son rôle.
Quand les voitures comportant les joueurs endormis arrivèrent, nous mîmes les derniers capteurs à Lysandre. Symboliquement, ce fut moi qui posai le masque sur son visage. Son regard sérieux et concentré fit battre la chamade à mon cœur.
Marc, l'espion des résistants, et moi eûmes une petite conversation une fois le Mdj partit. Nous chuchotions entre nous.
- Comment l'Empereur a pu vous faire assez confiance pour que vous fassiez parti des techniciens ?
- C'est simple. Je crois en les mêmes idéaux que lui. C'est étrange non ? J'embrasse plus les motivations et les actes des résistants mais je pense que l'Empereur a lui aussi apporté beaucoup à notre France. Le Sily est une chance qu'il a grâce aux Orphelinats laissé grandir. Sans cela, nous aurions sombré dans une guerre civile et je ne pense même pas à ce qu'il se serait passé si nous étions restés en contact avec les autres nations. Mais maintenant, nous avons apprivoisé cette énergie, nous n'avons plus besoin de l'Empire.
- Tu as l'impression de faire le bon choix ? Tu crois que le plan des résistants est une bonne solution pour sortir du joug de l'Empire ?
Moi, je commençais à me poser des questions sur sa pertinence. Cependant, il ne put pas me répondre car déjà, les joueurs commençaient à se réveiller dans une clairière de Thiercelieux. La partie se passa aussi bien que possible. Tim était mort, illustrant ce que je pensais de l'idée d'envoyer un résistant dans les joueurs. Malgré au moins un vote contre lui presque tous les Conseils, Gabriel était toujours en vie. Ma sœur et Arthur également. D'ailleurs, ce dernier m'avait surpris. Il avait joué comme un chef et si il n'était pas actuellement entrain de s'enfuir du village, il aurait pu gagner.
Je vis Tristan sur un écran interpeller les deux fuyards et grimaçai. Il n'y avait personne à part moi et Marc dans la salle de contrôle. Nous avions simuler une fausse perte des eaux cumulés à un problème au niveau de la porte coulissante. Les autres essayaient de trouver un médecin et de réparer cette porte.
Marc et moi formions une bonne équipe. Nous nous entendions bien et malgré, l'horreur de la partie, il trouvait toujours une petite blague à faire. Mon frère était à cette heure parti avec Freja récupérer Mariane et Arthur. Marc lui avait donné les clefs de sa voiture et ils allaient s'enfuir. L'Empereur, contrairement à ce qu'avait prévu les résistants, n'était pas resté durant la partie. Il s'occupait de politique à la capitale.
- Tu comptes appeler le bébé comment ?
- Iris si c'est une fille ou Castiel si c'est un garcon, soufflai-je.
J'avais très mal à la tête ces derniers jours. J'étais de plus en plus angoissée pour mon avenir et pour celui du bébé.
- T'as pas l'air dans ton assiette. Assieds toi.
Je souris doucement et obéis. La journée du lendemain arriva vite. Toutes les bases étaient en alerte. Ils étaient tous à la recherche des fugitifs. L'Empereur allait venir ce soir, m'appris un coursier. La Partie était presque terminée. Les derniers joueurs semblaient tous las de ce jeu. Il était trois mais ce soir, il n'en resterait aucun. Ils seraient tous éliminés par les résistants. J'étais triste de les voir essayer de s'en sortir.C'était un combat déjà perdu pour eux.
- Tristan Chevalier. Les membres du village ont décidé de vous éliminer et leur sentence est irrévocable.
Il sortit la carte du jeune homme. Sorcière. Même si sa première action dans la partie avait été plutôt incompréhensible, il avait bien utilisé ses deux potions de morts. Il ne se débattit même pas quand les villageois l'emmenèrent sur le bûcher. Il avait l'air de s'y attendre. Cependant, le Mdj ne fit pas allumer le feu tout de suite.
- Le couple remporte la partie ! Félicitations, la quarante-quatrième partie de Loup-Garou se termine avec une voyante devenue loup-garou, deux villageois et une petite fille !
Un technicien grimaça. Ils n'avaient pas enlevé les rôles de Mariane et Arthur dans le jeu. Je leur passai un énorme savon, l'Empereur allaient nous allumer pour cette faute idiote. Ils étaient sensés être les meilleurs du pays, non. Je faillis manquer l'énorme cri de victoire de Jakob. Au début du jeu, je pariais sur sa victoire mais après la mort de Théo, il était devenu pire qu'une loque. Il n'aurait jamais pu gagner sans Gabriel et sans absence d'Arthur.
Je me désintéressai de ce qu'il passait sur l'écran. Le bébé me donnait de plus en plus de coups. Le soir arrivé, j'étais postée devant mon écran. Dès que les vainqueurs s'endormiront, des techniciens viendront les chercher mais ils seront arrêter par les résistants. Ceux-ci tueront les villageois normaux et les joueurs restants. Je ne savais pas si je voulais voir le massacre.
Soudain, j'entendis un coup de feu et plusieurs pas. Dans la salle de contrôle, nous étions cinq et nous nous tournâmes vers la porte. Marc pénétra dans la salle en courant suivi de deux collègues.
- Il y a des intrus dans la base ! Ils tirent à vu ! Ils sont arrivés par le couloir des techniciens.
Ce n'était pas dans le plan ça. Qu'est-ce qu'il se passait ? Les techniciens présents prirent leurs armes, prêts à en découdre. Marc s'approcha rapidement de moi tandis que je m'appuyai contre un mur, paniquée.
- Ça va ? Tu sais ce qu'il se passe ? Car personne n'a mentionné ça dans mon ordre de mission. J'suis pas sûr que cela soit des résistants donc je m'inquiète un peu. Athenais ? Tu m'entends ?
- Je viens de perdre les eaux... murmurai-je.
Voilà ! Nous sommes proches de la fin ^^ J'ai aimé écrire cette intermède même si elle était assez longue. J'espère que vous avez apprécié ! Laissez moi vos avis et questions en commentaire !
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