Chapitre 1
Le matin de l'anniversaire de l'Empereur Nathaniel, je fus réveillée par la cloche. Je grognai un peu, mais finis par me lever, car nous étions un jour spécial. Depuis maintenant quarante-quatre ans, tous les douze mai, nous devions fêter l'anniversaire de notre souverain.
L'Empereur était un homme âgé. Il était parvenu au pouvoir quarante-six ans plutôt et ne l'avait plus lâché depuis. Doté d'idées révolutionnaires, il était du côté du peuple et la nation entière le soutenait. Il avait une fortune colossale et ne l'employait que pour de bonnes actions et cela plaisait. Il avait programmé un coup d'état : il avait fait tuer le Président, le Premier ministre et plusieurs grandes personnalités politiques le jour du quatorze juillet.
Lui et ses collaborateurs prirent alors le contrôle des médias et en quelques jours celui de l'Élysée, il se fit vite élire comme président intérimaire. Mais les autres pays n'approuvaient pas sa conduite et il coupa la France du reste du monde grâce au frontière, la fermeture du réseau internet et la menace de la bombe atomique.
Il devint un dictateur et deux ans après son coup d'état : il décida d'une nouvelle fête nationale le jour de son anniversaire et il créa un « jeu » sanguinaire nommé « Loup-Garou » destiné à faire s'entretuer des adolescents chaque année.
Le douze mai était non-seulement son anniversaire, mais aussi le jour du choix. Toutes les personnes nées dans le pays étaient inscrites sur une liste numérique et le jour de la fête nationale, l'ordinateur choisissait dix filles et dix garçons contaminés de quatorze à vingt ans pour participer au loup-garou qui commencerait dix jours après.
Alors ce matin dans le réfectoire de l'orphelinat, régnait une atmosphère morose, mais tout le monde faisait de son mieux pour agir comme d'ordinaire, beaucoup jouais avec leur Sily. Je rejoignis mon frère à notre table habituelle après avoir rempli mon plateau. Lucas et Marie étaient et pleine discussion avec lui. Ils débattaient sur le meilleur rôle à avoir dans une partie de Loup-Garou. Ils me prirent comme témoin :
- Le meilleur rôle reste le loup-garou, c'est toujours lui qui gagne, me chuchota Marie très peu discrète.
- On sait tous qu'il vaut mieux être le loup blanc. Tu joues seul et il y a personne pour te trahir. Si tu joues sans te faire cramer, tu gagnes à tous les coups, s'agaça Lucas.
Mon frère se mit à rire et dit :
- Justement, le loup blanc se fait toujours « cramer ».
- C'est faux, c'est juste que les anciens loups blancs étaient tous nuls, moi en loup blanc, je gagnerai à tous les coups, objecta Lucas.
- Ne dis pas ça surtout un matin comme celui-ci, tu risquerais d'attirer le malheur, le coupa mon frère d'un air grave.
Nous nous tûmes tous et ils plongèrent chacun dans leurs pensées. Marie touchait l'extrémité de ses cheveux blonds tout en mangeant son yaourt à la banane. Elle avait de longs cheveux blonds vénitiens, un visage rond et lunaire ainsi que des yeux bleus d'une grande pâleur et très expressifs. Elle était, d'habitude, exubérante et très farceuse. Son frère jumeau était au contraire quelqu'un de plutôt sage et calme sauf quand on le lançait dans une discussion sur le Loup-Garou. Lucas et Marie ne pouvaient s'empêcher de se lancer dans des débats sans fin sur ce sujet.
Je croisai le regard de Victor et lui fis un petit sourire auquel il me répondit par un clin d'œil. Depuis le départ d'Athenais, la disparition de nos parents et la découverte de ma contamination, il s'occupait de moi jour et nuit. Il était intelligent, persévérant et un grand frère très protecteur. Je me rappelle encore le jour où nous sommes arrivés à l'orphelinat, il n'était alors qu'un gamin chétif de treize ans et moi une fillette apeurée à qui il manquait un bout d'oreille. À ces pensées, je me mis à caresser ma cicatrice. Les autorités ne voulaient pas qu'il vienne dans cet endroit réservé aux monstres, aux Impurs, mais finalement sous pression directe de l'Impératrice, ils l'avaient accepté.
Maintenant, mon frère avait vingt-et-un ans depuis huit jours. Il était devenu un beau jeune homme et travaillait comme bénévole à l'orphelinat tout en suivant une formation de cuisinier. Il avait des cheveux noir de jais attachés paresseusement qui lui arrivait entre les deux omoplates, de grands yeux bleus qui vous regardaient d'un regard perçant, un nez droit et une barbe de trois jours. Il paraissait toujours un peu pensif, il se perdait toujours dans les méandres de ses pensées.
Nous finîmes notre petit-déjeuner et nous nous dirigeâmes dans la salle commune. Il n'y avait pas grand monde.
- On peut aller autre part ? De toute façon à 14h, on est obligé de revenir pour la cérémonie et j'aimerais passer le moins de temps ici, murmura Lucas en lançant un regard noir au poste de télévision sur la cheminée.
- Ne regarde pas comme ça ce pauvre écran, ce n'est pas de sa faute, dit mon frère en tirant la langue.
- On peut aller dans le parc si vous vous voulez, proposa-t-il ensuite d'une voix amusée.
- Va pour le parc, lui répondit Marie avec enthousiasme.
Le ciel était bleu et il y avait un soleil éclatant malgré un petit vent frais. On s'assit sur le gazon fraîchement coupé pour le feu d'artifice de ce soir et on y resta jusqu'à midi en discutant et en se taisant aussi. Je m'assoupis dans l'herbe grasse.
J'étais dans un endroit beaucoup trop éclairé, la lumière me pénétrait les yeux et j'avais froid. Une odeur écœurante parvenait à mes narines et quand j'ouvris les yeux, je fus tout d'abord aveuglée puis je me rendis compte que j'étais sur un lit dans ce qui semblait être une chambre d'hôpital. J'entendais un cliquetis lancinant et cadencé. Le bruit strident à mes oreilles me donnait mal à la tête et en essayant de me lever, je refermai les yeux et entendis une voix lointaine.
- Mademoiselle Garnier ? Vous m'entendez ?
Je produisis un son approximatif sensé signifier « oui » mais qui ressemblait plus à un gargouillement.
- Vous avez eu de la chance, le projectile ne vous a pas enlevé l'Ouïe, mais vous..., dit la voix avant de s'interrompre brusquement.
J'avais la gorge sèche, mais j'arrivai à sortir une phrase presque inaudible.
- Où est ma maman ?
La voix ne me répondit pas.
- Où est ma maman ? répétai-je.
La voix ne me répondit toujours pas. J'avais très froid. Je me demandai pourquoi on ne me répondait pas. Je rouvris les yeux et je vis plusieurs hommes en blouse blanche qui s'afféraient autour de moi. Qui était-il ? Que me voulait-il ? Pourquoi ma famille n'était pas présente? J'eus un flash,je commençai à m'agiter, à me rappeler le coup de feu, les larmes.
- Où est ma maman ?! hurlais-je une dernière fois avant de libérer toute l'énergie en moi.
- Mariane ? Réveille-toi Mimi.
J'ouvris doucement les yeux et découvris Victor au-dessus de moi.
- C'est l'heure d'aller manger, me dit-il de sa voix douce en souriant.
Je bâillai un peu, me levai puis me dirigeai en compagnie de mes amis au réfectoire.
En mangeant le bouillon de légumes, j'observai la salle. Tout le monde avait le nez plongé dans son assiette et je vis plusieurs jeunes qui avaient l'air de vouloir s'y noyer, et même un garçon qui pleurait. Les plus grands s'amusaient avec leur Sily pour changer les idées aux plus jeunes.
Mes yeux se redirigèrent à nouveau vers ma table et je vis que Lucas tremblait. Il était sous-pression, je le comprenais. L'heure de la cérémonie avançait à grand pas, j'étais dans le même état que les plus jeunes, mais c'était la troisième fois que mon nom était dans la liste et j'étais moins stressée que les années précédentes.
- Je crois que j'vais vomir... , dit Lucas le teint blafard.
Mon frère lui sourit et lui pressa l'épaule.
- C'est un mauvais moment à passer, tu verras juste après la cérémonie, tu te sentiras soulagé.
- Sauf si on est choisis, soupira Marie d'un ton morose.
- Vous ne le serez pas... Vous êtes très nombreux à avoir entre quatorze et vingt ans dans le pays.
- Oui, mais on est moins d'Impurs que tu le crois..
- N'utilise pas ce nom, gronda Victor.
- C'est ce que nous sommes ! Donc on doit espérer qu'un autre de nos frères et sœurs soient choisis ? interrogea Lucas en fronçant les sourcils.
- Il le faut... Vaut mieux qu'un inconnu se fasse tuer plutôt que l'un d'entre vous non ?
- Sauf que cet inconnu a lui aussi des amis qui s'inquiètent pour lui, lui répondit Marie. Cet inconnu est comme nous. Quelqu'un qui est né dans un monde de fou.
- De toute façon, je ne m'inquiète pas pour vous. Vous ne serez pas choisis, affirma mon frère d'un air sûr.
Je trouvais ça affreux que l'on soit réduit à espérer la mort d'un autre. C'est pour cela que je détestais regarder le Loup-Garou à la télévision. Voir des gens s'entretuer sous couvert d'un jeu débile m'écœurait. Savoir que toute la population acceptait de nous voir nous faire massacrer me dégoûtait.
Mon frère regarda sa montre.
- Il est 12h35... On a encore le temps.
- On a mangé super vite par rapport à d'habitude, informa Lucas.
- Tu veux dire par là qu'on n'a pas mangé ? Tu as raison, le corrigea Marie.
Mon frère sourit de leur bref échange et proposa :
- Et si on passait voir le vieux ?
Je le regardai d'un air moqueur et il me tira la langue.
Celui qu'il appelait le « vieux » était son premier amour, Henrik. Celui-ci avait trente-cinq ans et portait un long bouc blond de la même pâleur que ses cheveux, il avait toujours les yeux gris remplis de tristesse et le regard dans les vagues. Il était professeur à l'école et surtout avait survécu au vingt-sixième Loup-Garou.
Je l'avais eu comme professeur à mes onze ans et mon frère en était tombé fou amoureux.
Le Loup-Garou qu'il a gagné était l'un des seuls que j'ai regardé. Il y a deux ans, il était passé en rediffusion.
Henrik avait été l'ancien et avait gagné en couple avec la petite fille. Cette partie avait été particulièrement affreuse, car la sorcière était devenu folle et paranoïaque, elle n'avait tuer que pour le plaisir de faire souffrir, le loup-blanc était un sadique qui avait mis beaucoup trop de temps à mourir et presque tous les joueurs avaient torturé les villageois présents. Les parties de ce genre contribuait à nous faire passer pour des monstres avides de sang, des personnes incapables de contrôler leur Sily, des dangers pour l'équilibre de la nouvelle société.
Lucas et Marie sourirent à la proposition de Victor et hochèrent la tête. Nous nous dirigeâmes donc vers la petite maison du « vieux ». Quand nous arrivâmes, nous le trouvâmes entrain de jardiner, sa femme somnolait sur un transat.
- Halloooooooo, cria Victor avec un grand sourire.
Il fit sursauter Henrik, mais la jeune femme ne bougea pas.
Le « vieux » vint vers nous et à travers la clôture, il nous salua puis ouvrit la petite palissade blanche pour nous laisser entrer.
- Vous allez bien les enfants ?
Il nous appelait comme cela car il savait que nous détestions ce surnom.
Mon frère lui répondit du tac au tac.
- Ouais, et toi le vieux croulant ?
Quand Henrik était là, le brun paraissait être une autre personne. Il avait toujours un sourire éclatant collé sur le visage et il redevenait un gamin puéril et farceur. Quant aux jumeaux, ils perdaient presque l'usage de leurs langues. Ils considéraient Henrik comme une sorte de héros comme la plupart des gamins de l'orphelinat. Nous admirions les gagnants des parties de Loup-Garou presque autant qu'on les plaignait.
- Un peu de respect pour tes aînés Victor, dit-il un sourire sur ses lèvres minces. Pas trop de stress par rapport a la cérémonie sinon ? , continua-t-il.
- Nope, ça va, mais nous irons mieux quand ce sera fini, répondit mon frère pour nous. Je sens leur énergie crépiter en permanence, c'en est épuisant.
Henrik nous invita à entrer et à boire un verre de limonade. Il avait eu cette maison grâce au loup-garou. Les gagnants avaient droit à une propriété et un loyer payé par l'État jusqu'à leur mort ainsi que cinq mille deux euros par mois. Ils avaient aussi droit à un mariage arrangé et un avenir sans soucis contrairement aux autres Impurs.
- T'as pas de journalistes qui traînent dans le coin ces temps-ci ?
- Nan, depuis ma démonstration d'il y a quatre ans, ils me laissent toujours tranquille. Il fait super chaud aujourd'hui, commença Henrik.
C'était le signal pour nous dire de dégager car lui et mon frère allaient parler de choses plus ou moins inintéressantes pour nous.
Les jumeaux se jetèrent pour allumer la télévision. Nous avions cinq chaînes, elles étaient toutes contrôlées par l'État et en ce jour diffusait surtout des documentaires et les différentes manifestations de joie dans le pays ainsi que des interviews d'anciens joueurs du Loup-Garou. Les journalistes les tournaient en ridicule tout en essayant de leur faire croire qu'ils étaient des héros. Si la télévision était une perte de temps en générale mais les jours des fêtes c'était encore pire.
Je sortis prendre un peu l'air dans le jardin et je vis la femme de mon ancien professeur me fixer. Je lui rendis son regard, nous nous regardâmes longtemps dans le blanc des yeux puis elle les cligna. J'avais gagné alors je lui fis un petit sourire victorieux auquel elle répondit en me tirant la langue. Je sentis une vague d'énergie me touché en plein fouet, elle essayait de me montrer sa supériorité mais ça ne fonctionnait pas sur moi. Entre quatorze et vingt ans, on était beaucoup plus puissant et on ne pouvait pas dire qu'elle était dans cette catégorie d'âge.
- Ça fait longtemps qu'on ne s'était pas vu Mariane, me dit-elle.
Je hochai la tête pour l'approuver.
- Toujours aussi timide, Continua-t-elle.
Je lui fis une grimace et elle se leva en souriant pour me faire la bise. Elle s'appelait Sally et était mariée avec Henrik depuis sa victoire et malgré que le fait que leur mariage ne fut pas par amour, ils s'adoraient. Ils étaient le couple le plus mignon que je n'avais jamais vu alors Victor n'appréciait pas beaucoup la jeune femme. Moi, je la trouvais sympathique bien qu'elle soit assez agaçante parfois mais mon jugement était un peu affecté par sa manie de m'attaquer avec son Sily
- C'est tout à l'heure la cérémonie nan ? Tu m'as l'air bien sereine.
Je lui expliquai que je sentais que je n'allais pas être choisi et qu'une voix dans ma tête me le répétait. Elle me sourit et retourna se détendre au soleil. Je crois qu'elle me croyait folle. Nous les Impurs avions tous un grain de toute façon.
Après un peu plus d'une heure chez le professeur, nous retournâmes à l'orphelinat pour nous préparer à la cérémonie.
En descendant ensuite de ma chambre, je rencontrai la directrice qui me souhaita bonne chance et me fit un câlin. Plusieurs personnes la détestaient pour sa sévérité et la croyais silyphobe, mais avec moi, elle avait toujours été très gentille. Cela me faisait un peu mal au cœur que l'on la traite de « grosse truie » et que l'on la surnomme de manière insultante dans son dos.
Je retrouvais les autres dans la salle commune. Celle-ci était déjà pleine à craquer, mais Victor m'avait gardé une place.
- T'as pris du temps, me reprocha Lucas.
Je lui expliquai donc que j'avais croisé Mme Simon dans les escaliers. Il fit une moue, il n'était pas un grand fan de notre directrice. Les autres pensionnaires de l'orphelinat arrivèrent les uns après les autres et à 14h pile la salle se tut.
La cérémonie commençait.
Voila le premier chapitre. J'espère qu'il vous plait. Laissez votre avis en commentaire ^^
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