Chapitre 6

Le soleil commençait à se cacher derrière la lisière des montagnes. Un amas doré suivait sa descente, teintant la neige et la racine des arbres. Lyon cessa son avancer et se laissa tomber sur la neige. Sa tête frappa le sol glacial, ses cheveux noirs s'éparpillèrent autour de son visage, tandis que les flocons venaient caresser sa bouche et son nez. 

— Qu'est-ce que tu fais ? On se trouve à une demi-journée de Printania.

Lyon redressa à peine la tête vers son frère. Qu'il était exaspérant. Son crâne retomba de nouveau sur le sol.

— Si tu souhaites te perdre et te faire manger par les loups, continues ton chemin.

Il n'avait peut-être pas fini son service militaire, mais il savait qu'ils devaient commencer un campement. Il redressa le haut du corps et entoura ses jambes de ses bras, formant un cerceau. Il attendait qu'Isha l'appuie. Celui-ci, se contenta de s'asseoir sur un rocher et de s'appuyer contre sa canne. Lyon s'attendait à que cette dernière s'enterre dans la neige, mais rien. Elle défiait les lois de la physique.

— Tu proposes quoi, alors ?

Adriel le regardait, les poings plaqués contre ses hanches, coupant ainsi sa réflexion.

— Nous devons établir un campement. Même Asim le fera, je le connais mieux que quiconque.

Ses pensées brouillées semblèrent vouloir lui présenter des bribes de son passé. Il se revoyait quatre ans plus tôt, aux côtés de ce monstre qui ne méritait pas l'engouement qu'il lui offrait, puis du sang... beaucoup de sang ! Il secoua la tête chassant les souvenirs qui tentaient de refaire surface. Il se trouvait idiot.

— Je me change de trouver du bois. Vous deux avec votre magie, trouvez un moyen de construire un igloo.

Isha sourit et frappa sa canne trois fois sur le sol. Une bourrasque frappa Lyon, tandis que la neige dansait autour de lui et finit par créer un grand nuage opaque. Adriel affichait le même visage d'étonnement que son cadet. Puis, deux igloos apparurent devant eux. Lyon frotta ses yeux à plusieurs reprises. Cela ne pouvait pas être réel.

— Les maîtres peuvent faire ça ? questionna le novice.

— On apprend pas cela aux jeunes, mais il est possible de jouer avec notre don. Bien que la plupart souhaitent user de leur magie sans savoir ce qu'il peut faire de plus.

Lyon porta une main dans ses cheveux ébène, poussant par la même occasion des mèches qui l'obstruait la vue. Il soupira. S'il pouvait la maîtriser, il essayerait plusieurs choses. À commencer par repousser Asim et peut-être le transformer en bonhomme de neige. Un sourire éclaira son visage. Si seulement cela fonctionnait...

— Adriel, peux-tu aller chercher du bois ? J'aimerais m'entretenir avec ton frère.

Adriel s'exécuta sans dire un mot. Le cœur de Lyon, quant à lui, s'affolait. Il tambourinait si fort qu'il pourrait casser ses côtes. Il sentit son souffle le quitter, ses mains et ses jambes trembler. Il ne pouvait plus se contrôler.

— Pour... pourquoi voulez-vous me... parler ? bégaya-t-il.

— Je me demande pourquoi le consulat ne t'a pas considéré. Tu es sûr qu'ils ne t'ont pas choisi ?

Lyon soupira. S'ils l'avaient choisi, il n'en serait pas là. Il se voyait partager le lit d'Isi, se réchauffer dans ses bras et qu'elle le console dès qu'il se sentirait inutile. Oui, il la voulait, il la désirait ! Pourquoi devait-elle être la cause de ses tourments ? Pourquoi avait-elle changé ? Isha sembla lire dans ses pensées. Il rapprocha sa canne de son corps et fronça les sourcils.

— Tu penses à cette Isi... c'est une femme bien. Asim est dans le coup.

Lyon intéressé s'exclama :

— Que savez-vous à ce sujet ?

— Asim a empoisonné le cœur de la reine. Il n'y a qu'un maléfice qui est plus puissant...

— Lequel ? coupa-t-il.

— Tu va trouver cela très arriéré... Un cœur de glace doit être réchauffé.

Lyon se laissa tomber sur le manteau blanc. Il attrapa une motte de neige et la lança.

— Donc, il faut que le printemps arrive.

Adriel arriva les mains chargées de branchages. Il les laissa tomber devant lui et se frotta les mains.

— J'ai hâte qu'il y ait un feu, j'ai froid ! intervint Adriel.

Isha et Lyon s'échangèrent le même regard ahuri. Lyon, bien que vêtu d'un simple manteau et de bottes usés, remarqua que lui ne ressentait pas le froid.

Isi, appuyée à la rambarde, contemplait son royaume. Au loin, elle pouvait discerner la frontière entre le printemps et l'hiver, là où Printania persistait encore, seul bastion de chaleur et de vie dans un monde englouti par l'hiver éternel. Là où Étoya brillait autrefois de sa lumière dorée, il ne restait plus qu'un désert figé sous une couche de givre.

Elle laissa ses doigts glisser sur la rambarde gelée, suivant le fil de la frontière invisible. Lorsque Printania tombera, il n'y aura plus rien pour contester l'hiver. Ce n'était plus qu'une question de temps. Elle n'était pas une maîtresse des saisons, mais elle savait ce que représentait le cercle des saisons pour l'équilibre du monde. Une rupture dans ce cycle pourrait signifier la fin de tout. La terre dépérirait, consumée par la chaleur ou le froid.

Les maîtres des saisons étaient peu nombreux, traqués et éliminés un par un. Leur pouvoir, autrefois si vaste, était désormais fragmenté et presque oublié. Ce n'était plus qu'une poignée, des reliques vivantes, leurs capacités mises à mal par des siècles de chasse.

Elle détourna les yeux de l'horizon, une pointe de frustration venant se mêler à ses pensées. Elle s'éloigna du balcon. Ses pas résonnaient sur le sol de marbre glacé. Sa robe d'un bleu royal, scintillait sous la lueur des chandeliers, rappelant cette sensation de froid qui lui traversait la poitrine. Elle passa une main distraite sur la broderie argentée de sa manche. Printania. Ce nom était comme une épine dans son esprit.

— Lorsque Printania cédera, tout sera à sa place, murmura-t-elle, d'un ton plus assuré. Mais quelque part, au fond d'elle, une fissure invisible menaçait son cœur glacé.

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