Chapitre 5
— Lyon, réveille-toi.
Il se sentit secoué dans tous les sens. Ses yeux s'ouvrirent à peine, mais il arriva à apercevoir les traits de son père, tenant une lampe à huile pour éclairé son chemin. Lyon avait du mal à s'éveiller complètement, le réveil brusque brouillant son esprit encore ensommeillé.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il, la voix enrouée.
— Le grand maréchal est en route, il souhaite te tuer. Prépare-toi rapidement, nous devons fuir avant son arrivée.
Ses seuls mots eux pour effet de lui jeter un sceau d'eau dans le visage. Il se redressa précipitamment, le cœur battant à tout rompre. Le temps leur était compté. Il attrapa ses chaussettes qui traînaient sur le sol et les premiers habits que ses mains frôlèrent. Maladroitement, il enfila ses chaussures, trébuchant presque dans son lit.
— Adriel t'accompagnera ! Je vais rejoindre ta mère et tes sœurs dans un endroit sûr.
Ses yeux bleus s'accrochèrent sur son frère. Celui-ci le regardait perdu. Adriel tenait déjà un petit sac à dos rempli. Les mains tremblaient légèrement, tant par l'urgence que par la peur. Lyon sourit, il allait davantage veiller sur son frère qu'inversement. Willem se tourna vers son aîné et déposa une main lourde sur son épaule.
— Protège le ! C'est dans ces moments là que tu seras forcé à utiliser tes dons.
— Mais, papa, je ne suis pas...
Il lui tapota la joue, afin de le contredire.
— Dirigez-vous vers Printania. Tu sais où vis Lilya Adriel.
Rapidement, Lyon et Adriel sortirent de la maison sans un bruit. Lyon, le cœur gros, jeta un dernier regard à sa maison. Là où tant de souvenirs s'éteignaient à chaque pas qu'il éloignait d'elle. Un affreux pressentiment lui compressait l'estomac. Il ne la reverrait pas.
— Dépêche toi ! Tu sais très bien que mes boules de neiges n'auront aucun effet contre une armée.
†
Asim, en tête, accompagné de son étalon, son regard plongé sur l'horizon restait sombre et déterminé. Le vent glacial s'agrippait à ses cheveux charbon et sa cape de fourrure, tandis que le froid lui mordait les joues et le nez. Il serra la bride entre ses mains, déterminé à avancer malgré la rigueur de l'hiver. Les flocons tourbillonnaient autour de lui, formant un voile blanc qui alourdissait sa respiration. À ses côtés, ses troupes avançaient en silence, bien conscientes de la lourde responsabilité qui pesait sur leurs épaules. Trouver un homme... cet homme. Ce Lyon, il lui mettrai la main dessus et lui enfoncerai la pointe de son épée dans le cœur. Il le voyait déjà gémir, écrasé sur la neige rouge. Il voyait son regard perdre en ténacité. Cette vision lui plaisait. Il ne serait plus d'état de nuire. Un sourire malsain se dessina sur son visage. Mais il se ressaisit rapidement. Le moment n'était pas encore venu.
Lorsqu'il put enfin apercevoir la petite cabane de bois brute, elle était étrangement calme. L'absence de fumée s'échappant de la cheminée renforçait l'atmosphère de vide et de désolation. La lumière n'existait plus. Ses mains se serrèrent davantage sur la bride. Sa mâchoire suivit. Ses pieds s'enfoncèrent dans la neige et tout en s'enfonçant plus loin, il tenait une main sur son épée prêt à la dégainer. Il s'approcha prudemment, laissant ses troupes en retrait. Il aperçu des traces de pas presque effacé par la neige. Il niait. Il frappa la porte avec son pied et celle-ci se percuta contre la table. Vide. Il était arrivé trop tard. La colère s'empara de lui, rugissant comme une tempête en son âme. Plus loin, la cheminée tenait en vie quelques flammes faibles. Sans perdre une seconde, il fonça vers son cheval, dégaina une torche et l'utilisa pour détruire la maison. Lyon, l'avait peut-être échappé, mais il n'avait plus de point de repères.
— Je souhaite qu'une unité le retrouve ! hurla-t-il. Je le veux vivant... c'est moi qui lui arrachera le cœur.
†
— Tu aurais dû finir ton service militaire ! reprocha Adriel.
Les deux garçons s'enfonçaient dans le ventre de la forêt, sans réellement savoir où ils allaient. Les jambes du plus jeune s'emprisonnaient dans la neige, tandis qu'Adriel semblait glisser. Lyon essoufflé se laissa tomber dans un banc glacial. Il cherchait son air.
— Tu as entendu ce que j'ai dit ?
Lyon posa un regard rempli de haine à l'égard de son frère. Son service militaire ne regardait que lui.
— Disons que j'ai rencontré des problèmes... souffla-t-il en guise de réponse.
Il se redressa, retira, avec toute la misère du monde, ses pieds de la neige et une fois fait, il s'enfonça de nouveau.
— Tu ne peux pas m'ensorceler pour que nous progressions plus vite ?
— Ce n'est pas dans mon champ d'expertise, mais je peux te dire comment faire.
Lyon ne sut comment réagir : Se jeter sur lui tout en le traitant d'idiot ou décider de rebrousser chemin et d'affronter la mort ? Aucune des deux options lui plaisait. Il préféra croiser les bras contre son torse et attendre un miracle.
— Pourquoi fais-tu cette tête ?
— Je n'ai pas été choisi par le consulat !
Adriel afficha un sourire et le tira de la neige.
— Ferme les yeux, dit-il simplement.
Lyon détourna le regard. Était-il à ce point désespéré ? Il ferma les yeux. La main de son frère se porta sur son cœur.
— La magie vient du cœur. Si tu l'acceptes, elle viendra à toi.
De si belles paroles ! Nombreuses fois, il l'avait jalousé pour le simple fait qu'il n'avait pas été choisi. Il la voulait plus que quiconque...
— Je ressens trop de haine en toi, intervint une voix qui sortait de nulle part.
Lyon ouvrit les yeux. Les deux garçons surpris regardaient l'homme vêtu d'une peau de loup. Il apportait avec lui un tourbillon de neige qui dansait autour des deux frères. Lyon se sentit soulever, des picotements lui traversaient les jambes, comme si son sang se glaçait. Puis ses pieds se déposèrent sur la neige et ne s'enterra pas.
— La haine n'apporte rien... Il y a une différence entre vouloir, accepter et croire.
Il attrapa sa barbe blanche et scruta le jeune Lyon. Gêné, il se sentit rougir. Pourquoi cet homme, le maître des saisons, lui accordait autant d'importance. Il n'était que Lyon, celui qui avait laissé filer entre ses doigts son destin. Le vent glacé caressait son visage, comme pour effacer ses doutes.
— Que cherches-tu vraiment, Lyon ? demanda l'homme avec une douceur inattendue.
Lyon hésita, la réponse lui échappant. Il savait ce qu'il voulait, mais la peur d'échouer le hantait.
— Je veux comprendre les saisons, murmura-t-il finalement, la voix presque inaudible.
Depuis qu'il était enfant, contrairement à son frère, il étudiait et cherchait tout sur le sujet. Bien qu'il avait fait le tour de la bibliothèque d'Hivena et consulter les connaissances de son père, il ne trouvait jamais de réponses satisfaisantes.
L'homme sourit. Adriel pressé tira la manche de son frère pour que ce dernier poursuit son chemin.
— Grand maître, je suis honoré de votre aide, mais nous avons un grand maréchal à notre recherche.
Le maître des saisons hocha la tête, compréhensif, mais la lueur dans ses yeux montrait qu'il avait encore quelque chose à faire.
— Où vous rendez-vous ?
— À Printania. Nous devons demander asile à Lilya, intervint Lyon.
— Cela tombe bien, je m'y rendais justement. Une guerre se prépare, je le ressens.
Le Maître des Saisons resta un instant en retrait, observant Lyon et Adriel alors qu'ils reprenaient leur route. Puis, sans un mot, il les suivit à distance, ses pas silencieux dans la neige.
Lyon, marchant devant, sentait une étrange présence derrière lui, comme une ombre qui le suivait. Il se tourna brusquement, croisant le regard du Maître des Saisons, toujours aussi calme et implacable.
— Pourquoi nous suivez-vous ? demanda Lyon, un peu agacé.
Le Maître leva une main, balayant l'air d'un geste vague.
— Il n'est pas encore temps de tout savoir, mais Printania nous attend tous. Le destin a ses raisons.
Lyon ne comprenait pas, mais il n'eut pas le temps de poser plus de questions. Une brise glacée souffla autour d'eux, et il reprit sa marche, sentant la présence du Maître derrière lui comme une ombre persistante.
Le chemin vers Printania s'annonçait plus complexe qu'il ne l'avait imaginé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top