Chapitre 3

Il suivait une sphère argentée entre les conifères. Ses pas se dessinaient sur la neige immaculée. Il ne pouvait qu'entendre son guide prononcé son nom à mainte reprises.

Lyon le suivait envoûté par sa simple présence. La sphère s'arrêta devant un tronc d'arbre mort, où la nature avait repris possession. Il s'approcha. Pas à pas. Frôlant du bout des doigts l'écorce de l'arbre. Rugueuse, râpante, froide...

Lyon porta son regard azur sur ce que la sphère semblait vouloir lui montrer. Il y découvrit l'organe de l'amour accroché à des branches de glace. Il battait, mais cela était à grand-peine. Il dégageait l'angoisse, la peur. Il procurait un état de lyophilisation. Lyon sentit le froid, les ténèbres, la mort s'emparer de lui.

Dans un geste non volontaire, comme envoûté. Lyon approcha sa main de celui-ci. Une sombre détresse l'enveloppa. Son indexe frôla le cœur, cœur bleu, cœur glacial, cœur de glace. Il était aussi glissant qu'un lac gelé.
« Ils arrivent, elle a besoin de toi... »

Lyon se percuta la tête contre sa tablette et une figurine répéta l'action. Il rugit et plaça une main sur sa tête. Son frère dormait toujours, à point fermé, dans le lit à côté.
Il soupira. S'assoit. Déposa ses pieds sur le parquet brut. À tout moment, une écharde pouvait se loger dans sa peau. Il attrapa vite ses chaussons et sortit de la chambre.

La maison était plongée dans le calme. Lyon s'approcha de la cheminée décédée et attrapa un bouffadou. Il souffla sur le charbon noir qui peu à peu pris une teinte orangée. Les flammes renaquirent.

Lyon sourit et prit place à la table, son attention porté sur le feu. À l'extérieur, le soleil pointait à peine le bout de son nez. Le ciel rosé accueillait des moutons dorés.

Bientôt, la porte de la chambre de ses parents s'ouvrit. Lyon en vit ressortir son père, armé de sa canne. Willem étira ses lèvres en un doux sourire et rejoignit son fils.

— Tu es matinale ce matin, Lyon !

— Aujourd'hui, je préférais me rendre en ville plus tôt. Je dois aider le Père Lisandre à préparer la cérémonie.

— Il n'y a pas que ça. Je ressens un esprit tourmenté.

— J'ai fait un cauchemar, voilà tout.

Willem fronça légèrement les sourcils, ses épaules s'affaissèrent et il sembla davantage pencher sur sa canne qu'à son habitude. Lyon passa une main nerveuse dans sa tignasse ébène. Son père revenu à lui.

— Ce n'est rien. D'après moi ce qui c'est passé hier en est peut-être la cause. Il ne faut pas oublier que tu étais très amoché.

Willem se leva et s'approcha du feu. Il y plongea sa canne afin de replacer une bûche.

— Au fait quand tu seras en ville, évite de t'attirer des ennuis. Fais ce que le Père Lisandre te demande.

Le vieil passa un coup d'œil vers la fenêtre. Son regard changea subitement. Il déposa une main sur le verre, y laissant son emprunte.

— Que se passe-t-il, papa ?

— C'est curieux, les maîtres du printemps ne sont pas passés cette nuit.

— Peut-être avaient-ils mieux à faire !

Celui qui venait de parler avec tant de conviction se vola une galette. Lyon haussa des sourcils et préféra rester aussi inquiet que son père.

— Les constellations étaient pourtant en raccord, hier, remarqua Lyon.

Willem sourit et porta son attention sur son cadet. Il était dépourvu de magie, mais, au contraire de son aîné, il avait davantage étudié. Par plaisir cela va s'en dire.

— Tu as remarqué ça, toi ?

Lyon haussa des épaules. Son frère pensait à tout prix que ses pouvoirs lui était acquis et non chance rare dont il fallait s'y intéresser.

— Elle n'était pas difficile à manquer, elle avait une légère teinte rosée.

— Cela me prouve, Adriel que ton frère fait plus d'effort que toi dans ta propre formation.

Adriel souffla du nez et plaqua ses cheveux blonds vers l'arrière.

— Le consulat m'a choisi. Entre nous six, c'est moi qu'ils estimaient digne de recevoir ton enseignement.

— Si tu penses ainsi, tu n'arriveras jamais à progresser. Il ne s'agit pas d'une chose acquise, c'est un privilège !

Lyon déglutit sous le ton inhabituel féroce de son père. Il préféra retourner dans sa chambre avant que la situation s'envenime, encore une fois...
Une fois dans sa chambre, il se dirigea vers sa commode et enfila ses étoffes blancs.

— Lyon, vient voir c'est urgent !

La voix tremblante d'Adriel alarma le jeune homme. Lyon remarqua que la porte principale était grande ouverte et qu'elle laissait entrer un ouragan glacial. Adriel était là. Les yeux écarquillés. Figé. Dehors leur père parlait à un homme, penché, comme s'il allait tomber. Il avait laissé sa canne à l'intérieur. Pourquoi ?

— Vous devriez en profiter pour préparer votre dernier gueuleton.

Lyon sortit à l'extérieur. Il ne pouvait pas laisser son père avec le grand maître de l'hiver. Quelle que chose se tramait et son père n'avait plus la force de combattre.

— Je prendrais la place de mon père !

— Es-tu l'enfant choisi par le consulat ?

— Lyon reste en dehors de cette discussion. Tu n'es pas concerné.

Les yeux de son père s'accrochèrent sur son aîné et il baissa la tête. Il savait qu'Adriel n'était pas prêt.

— Mon enfant choisi, n'est pas encore prêt. J'irai...

— Papa, tu es malade. Monsieur, laisser le en-dehors de ce conflit.

L'homme balaya l'air de la main et disparu dans un tourbillon argenté. Il allait perdre son père ! Lyon attrapa son géniteur sur le point de tomber et l'aida à regagner la maison. Une fois qu'il eut récupéré sa canne, il s'assit sur le lit.

— Tu devrais aller rejoindre le Père Lizandre. Je vais m'entretenir avec ton frère.

Lyon prit le chemin à contrecœur. Cette rencontre l'avait mis dans tous ses états. Il ignorait ce que le consultant voulait faire de son père, mais il savait qu'il s'agissait d'une urgence monumentale. Et ce Adriel, pas foutu de progresser dans sa formation !

Un nuage de fumée sortit de ses narines, tandis que la neige crissait sous ses pieds. Il fut un temps, où ce son lui aurait indiqué qu'il pouvait entreprendre la construction d'un bonhomme de neige ou d'un fort de glace. Ce même temps révolu où il se revoyait gamin, assit sur les bancs d'école à contempler la fenêtre au lieu d'écouter le savoir de l'enseignant. Il se souvenait qu'au lieu de faire ses devoirs, il préférait passer ses après-midi à jouer avec la princesse, dont le père de cette dernière, le considérait déjà comme un fils.

Depuis, Lyon avait vieilli. Les rêves d'enfants, les aventures rocambolesques et l'innocence l'avait quitté. La vie d'adulte n'était pas aussi intéressant qu'il ne le croyait. Maintenant, il était responsable de ses actes.

Lyon cessa de bouger. Devant lui se dressait cette bâtisse, La bâtisse. Celle où le fils raté devait remplacer le parfait. Il mit un pied dans le sanctuaire, traversa les rangés de bancs et rejoignit l'autel. Il devait allumer ces quatre rangés, ces trois cent soixante-cinq chandelles. Il avait une heure, soixante minutes, trois mille six cent secondes pour accomplir cette exploit. C'est dans ces moments là qu'il souhaitait être un maître de l'été.

— L'hiver est encore à nos portes, c'est incompréhensible.

— Où sont les maîtres du printemps ?

Les portes de la salle s'ouvrirent, laissant entrée Isi qui avait troqué ses couleurs pour une robe noire. Elle affichait un sourire au coin, malsain, comme on n'avait jamais vu dessiné sur son visage. *Elle avait changé* !

— Il s'agit de mon œuvre. Je trouvais que l'hiver n'avait pas assez duré ! Certains de mes sbires ont traqué ces maîtres du printemps, afin que la saison ne change jamais.

— Mais majesté, les gens attendent l'arrivée du printemps pour préparer leurs récoltes. Les paysans meurent de faim.

— Alors qu'ils meurent.

Des exclamations retentirent dans toute la salle. Qu'était il advenue de leur reine bien aimé ?

— Ma reine, je repropose que nous brisons notre alliance de paix avec Étoya.

— Grand maréchal pour tout mon respect, Étoya est une très bonne alliée, tant du point de vu économique que politique.

— C'est à la reine d'en décider, mais il veulent d'une partie de notre territoire.

Asim étira ses lèvres dans un sombre sourire. Isi s'assit sur son trône et réfléchit.

— Nous attaquerons, ce traité est révolu ! Il me tarde de voir ce blanc se teinter de rouge. Asim prendra les rênes.

Des chuchotements indiscrets se firent entendre dans la salle de conférence. Asim quémanda le silence et surplomba la table de son ombre.

— Vous avez entendu la Reine...

Lyon, monté sur son escabeau, alluma la dernière bougie. Un soupire de soulagement sorti de sa bouche et éteignit trois bougies. Il grogna.

— Allons, allons, Lyon ce n'est rien.

Le cinquantenaire frappa dans ses mains et les bougies flambèrent de nouveaux. Une rage bouillait dans les entrailles de Lyon. Pourquoi ne l'avait il pas fait lui même ?

— La cérémonie sera sur quelle passage du texte aujourd'hui ? demanda Lyon.

— Le commencement. Comme nous devrions être le printemps, la première saison, il est logique que c'est 92 jours soient consacrés à ce chapitre.

Lyon rangea l'escabeau et rejoignit le Père Lizandre. Même si, il avait entendu et lit ce chapitre mainte et mainte fois, il avait toujours l'impression de le redécouvrir.

— En tant que fils d'un maître, tu dois te lasser d'entendre toujours la même histoire.

Lyon joignit ses mains entre elles et fixa ses pieds. Une mèche de ses cheveux bruns lui tomba devant les yeux.

— J'adore le chapitre du commencement. Puis-je rester pour la cérémonie ?

— Si tu insistes, je ne peux refuser à un Homme l'accès aux paroles des maîtres.

— Puis-je vous poser une question ?

Le Père étira les commissures de ses lèvres en un fin sourire et hocha la tête.

— Comment ce fait-il que l'hiver est encore à nos portes ?

— À ce que j'ai cru entendre, la Reine à décider que l'hiver sera plus long.

Lyon fronça les sourcils. Il ne comprenait pas. Son père n'avait jamais ordonné une telle chose et il n'aurait jamais cru ça de Isi. Voilà qui restait curieux.

— Je pense la même chose que toi, Lyon.

Le jeune homme sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Il déposa une main sur son cœur et reprit son souffle. Envouté par ses pensées, il avait oublié la présence du Père Lizandre.

— Excuse-moi, mon enfant, je ne voulais guère t'effrayer.

Lyon haussa des épaules et prit place. Bientôt, petit à petit, les gens remplirent la salle. Tous venaient écouter ce récit ; anciens, adolescents, enfants, tous étaient la bienvenue. Le Père monta le piédestal et s'appuya à son lutrin. S'ensuit, de son discours de salutations.

Lyon n'eut pas besoin d'écouter la lecture du Père Lizandre. Il connaissait déjà ce chapitre par cœur.

À l'aube des temps, les premiers être pourvus de magie s'agissaient des maîtres du printemps.
Apparut en premier, ils furent créé avec les racines d'un pommier.
Ils étaient très apprécié dû à leur pouvoir qui apportait richesse agricole. Mais, après 92 jours, d'autres maîtres firent leur apparition. Des maîtres avec un pouvoir différent, un pouvoir ravageur. S'ensuit une guerre avec les maîtres de l'été et du printemps. Elle cessa lorsque les habitants comprirent que l'été était nécessaire pour le bon fonctionnement de la terre. Suite à un été de 93 jours, les maîtres de l'automne apparurent. Les arbres changèrent de couleur, les récoltes avaient changé. 89 jours ont passé et les maîtres se sont mis d'accord pour laisser la terre se reposer, ils créèrent donc les maîtres de l'hiver à l'aide d'une brindille, d'une feuille de boulot et d'une goutte d'eau. 89 jours fut la durée nécessaire afin que la terre se régénère, puis une boucle infinie se produisit...

Le père Lizandre n'eut pas eu le temps de terminer son récit que les portes s'ouvrirent, manquant de peu de s'arracher ! Des cris percutèrent les tympans de ses oreilles. Il plaça vite ses mains dessus, afin de couvrir le bruit.

Asim arpenta l'allée, sa cape de fourrure le suivait. Lyon déglutit et se faufila sous son banc.

— Père Lizandre, la Reine vous met en état d'arrestation.

On put y lire de l'incompréhension dans le visage du maître de l'été. Asim dégaina sa précieuse épée, les rayons du soleil vinrent pénétrer dans les rubis qui ornaient le manche.

— La Reine souhaite garder les maîtres hors d'atteinte. D'ailleurs, une guerre se prépare contre Étoya et nous souhaitons pas que vous interférer dans ce conflit. La Reine est indulgente, néanmoins, et vous laisse vous rendre.

Voilà un bel exemple que la Reine avait changé, mais, et si il s'agissait plus des ordres illégitimes d'Asim ? Le Père Lizandre fronça davantage les sourcils, il ne sut quoi répondre. Asim, impatient, ne souhaitant plus attendre, enfonça son épée dans l'être d'une pureté inégalée. Lyon retient un hoquet de stupeur. Il avait envie de sortir de sa cachette, de l'attaquer, de le tuer, mais il savait pertinemment qu'il en était incapable.

Asim s'empara d'un torchon et essuya sa lame. Le corps du Père derrière lui, les mains sur le ventre, déversant son sang qui dégringolait les escaliers du piédestal.

— Vous avez compris le message ? Maintenant, nous ne prendrons pas la peine de vérifier chacun de vos poignets.

Il arpenta de nouveaux l'allée, les bras battant l'air. Il se retourna et sourit aux paysans, avant de claquer les portes. Sans plus attendre une fumée noire entra par les fenêtres. Lyon sortit de sa cachette et grimpa sur une chaise, afin de comprendre ce qu'il se tramait. Il allait mourrir... brûlé vif !

Lyon croisa le regard d'Asim. Celui-ci étira davantage son sourire en un large sourire. Il allait éradiquer son pire ennemi et par la même occasion une bande de croyants. Lyon rejoignit le groupe tremblant et tenta de trouver une solution. Le père Lizandre gisait sur le sol, lui seul connaissait les recoins cachés du sanctuaire. Que pouvait-il faire ? La chaleur pesait de plus en plus et les flammes commençaient à manger l'ossature de la paroisse. Il ne pouvait rien faire !

Lyon ramassa tout son courage et se précipita vers la porte. Il n'était pas l'homme le plus baraqué, mais il avait la determination, la détermination d'ouvrir cette porte et de libérer tous ses pauvres innocents. Le feu s'approchait dangereusement de lui. Il suait. Il avait l'impression de travailler avec Gaspard dans la forge. Lui, ce grand gaillard et aussi musclé qu'un cheval de trait aurait été d'une grande utilité. Lyon le voyait déjà exploser la porte en mille morceaux juste à une main. Ne se présentait-il pas à l'église ?

Des cris de terreur le sortie de ses pensées. Les flammes se rapprochaient dangereusement au point de commencer à lécher ses mains. Il se recula, sentant sa peau brûlée.

— Le jeune, recule ! Ça va s'effondrer.

Il l'avait averti trop tard. La porte et l'arche s'effondra ne supportant plus son poids. Lyon, par réflexe, couvrit son visage de ses mains et ferma les yeux. Il était prêt ! Prêt à se faire aplatir comme une crêpe. Prêt à pousser son dernier soupir. Rien. Ses poumons gonflaient toujours dans sa cage thoracique. Il ouvrit les yeux. Les flammes s'était transformé en glace. Son frère aidait déjà les paysans, tandis que son père le fixait comme s'il venait d'apercevoir un fantôme, une chose qui ne devrait pas être. Il semblait figé dans le temps.

Il lui fallut un certain temps pour que le temps refasse effet sur lui et qu'il jette sa canne sur le sol pour se précipiter vers Lizandre. Le temps avait filé. Personne ne pouvait plus rien pour lui. Le père Lizandre s'abreuvait du vin sacré.

— Qui a fait ça ! hurla Adriel.

Le visage rouge de colère et les cordes vocales qui se laissaient entrevoir.

— C'est Asim, confia Lyon.

— Je vais le tuer !

— Adriel ! Un maître ne devient pas l'ennemi. Parfois, je me demande si le consulat a choisi le bon...

La mâchoire de son aîné se serra. Il porta une main sur son épée et sortit de l'église tout en marmonnant des choses incompréhensibles.

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