Un amour oublié
Nathaniel frappa avant d'entrer dans les appartements d'Ivène le lendemain. Elle était en train de brosser ses cheveux roux face au miroir fixé sur la coiffeuse en bois sculpté. Amaury, lui, dormait profondément sur le grand lit à baldaquin.
Ivène se leva puis fit face au roi, elle croisa les mains devant elle puis affronta son regard bleu et froid. Nathaniel la détailla. Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu, peut-être même des années. Pour lui, le temps passait bien trop vite, il ne comptait plus les heures ou les jours qui défilaient.
C'était une belle femme, même encore maintenant. Même pauvre, forcée d'exercer un travail qu'elle n'appréciait guère. Il mit un temps avant de parler, parce qu'il se souvint de tout ce qu'elle lui avait fait. Certes, nathaniel n'avait pas été juste, il l'avait trompée plusieurs fois, mais elle l'avait manipulé comme un pantin. Comme Djafar l'avait voulu.
— As-tu bien dormi ? Demanda-t-il en levant le menton d'un air hautain.
— Très bien, merci.
Nathaniel jeta un coup d'œil au petit garçon encore assoupi. Amaury arborait des cheveux bruns, le teint pâle, il était maigrichon et ses vêtements étaient généralement trop grands pour lui.
— Merci de ne pas nous avoir fait emprisonner, reprit elle. Merci de ne pas faire endurer tout cela à mon fils... là-bas, il en a déjà assez vu et subi.
Elle aussi regarda Amaury les yeux fermés et l'air paisible puis elle se positionna face au roi qui la regardait de nouveau.
— Pourquoi as-tu quitté le royaume alors que tu savais que c'est interdit ? S'enquit-il.
Ivène baissa les yeux, les mains croisées devant sa robe. Une robe rouge pourpre qu'on lui avait apporté, elle lui allait comme un gant, exactement comme tout ce qu'elle portait depuis petite. Le corset était noir, parfaitement serré ce qui affinait d'autant plus sa taille, une multitude de jupons se superposaient pour marquer ses hanches.
— J'aurais aimé que Nicolas voit son fils. Mais je crois qu'il ne l'a même pas reconnu.
— Comment es-tu certaine qu'il l'a vu ?
— Amaury m'a parlé de lui, de ses yeux et de ses cicatrices.
Elle marqua une pause tout en affrontant son regard.
— Mais Nicolas ne l'a pas reconnu une seule seconde. Il a cru que c'était l'enfant du seigneur d'Ilenn.
Nathaniel inspira profondément. Vêtu d'un long manteau bleu nuit, la couronne sur la tête. C'était un très bel homme aux cheveux blonds, aux yeux clairs et à la stature imposante. Un homme dont beaucoup de femmes rêvaient, il en était conscient mais ne s'y était plus intéressé depuis qu'il était sur le trône.
— Peut-être que ce n'est pas son enfant, dit-il en la toisant intensément.
Ivène se sentit mal à l'aise mais pour une raison qu'elle ignorait, elle ne parvenait pas à regretter ses choix passés.
— Peut-être... souffla-t-elle. Les cheveux bruns... les yeux noisettes... je pense que c'est son fils.
— Ou peut-être que c'est le mien.
Ce n'était pas une question, c'était une affirmation, malgré le doute. Ivène plissa les paupières et l'interrogea du regard. Elle pouvait comprendre que Nathaniel espérait que ce soit son fils, néanmoins elle était persuadée que ce n'était pas le cas.
— Sa naissance est un miracle, déclara-t-elle.
— Quelle relation entretenais-tu avec mon père ? Demanda Nathaniel d'un ton ferme.
Ivène fronça les sourcils et déglutit. Nathaniel, jusqu'à présent, n'avait jamais songé à cette possibilité mais tout coïncidait, que ce soit la naissance d'Amaury comme son physique, les cheveux sombres, ses fines lèvres...
— Qu'insinues-tu ?
— Tu l'as suivi, tu as accepté tout ce qu'il te demandait. Certes, tu rêvais de devenir reine et tu étais prête à tout pour cela, mais jusqu'où étais tu prêtes à aller ? Tu as tenté de tuer Nicolas, tu m'as laissé de côté, tu as su jouer avec nous, et mon père alors ? A-t-il dit toute la vérité ?
La poitrine d'Ivene se soulevait plus rapidement cette fois et ses beaux yeux verts perdaient de leur intensité. Elle ne sut soutenir le regard du roi, elle passa sa main dans ses beaux cheveux et une larme roula sur sa joue rosie.
— Il me promettait monts et merveilles... souffla-t-elle sans le regarder dans les yeux.
Les lèvres de Nathaniel étaient retroussées, il se les mordillait, imprégnant sa langue du goût de son sang.
— J'ai été élevée ainsi, Nathaniel, poursuivit-elle. Ma mère ne souhaitait qu'une chose, c'est que je devienne une grande dame, loin de Hargon et la pauvreté. J'ai cru que c'était le but ultime de ma vie, j'y ai cru dur comme fer. Je t'ai rencontré et je ne t'ai jamais menti, je suis tombée sous ton charme. Tu es si séduisant...
Nathaniel ne dit rien, il l'écoutait parler et se souvenait de leur rencontre. Djafar eut énormément de mal à accepter le fait que Nathaniel puisse être attiré par une paysanne, une étrangère tout juste arrivée à Ador mais quand il l'avait vu, il l'avait trouvée si belle qu'il avait tout de suite accepté de l'accueillir au sein du royaume. À cet instant, Ivène passa des jours entiers à apprendre les bonnes manières et à se comporter comme une femme de la cour, aidée par toutes les autres. Nathaniel l'aimait et ses erreurs avaient été commise à cause de l'alcool et ses pulsions masculines.
— Quand j'ai appris que tu t'amusais dans un bordel, j'étais folle de rage. C'est ton père qui m'a dit de me venger. Il savait vers qui je me tournerai, il le savait.
— Mais tu l'aime ? Questionna Nathaniel.
Ivène croisa son regard océan le temps de quelques instants. Elle ne le détourna pas si vite. Si elle devait lui dire la vérité, alors il fallait qu'elle le regarde.
— Je l'aime autant que je t'aime.
— On ne peut pas aimer deux personnes à la fois.
— Bien-sûr que si. Et je sais, je voyais... la façon dont tu regardais parfois Yselda... Tu ne peux pas mentir et me dire que tu n'as jamais été attiré depuis ce jour par d'autres femmes. Elle te plaît, je ne sais pas si c'est physique, je ne le pense pas en tout cas, mais son âme te plaît.
Nathaniel haussa les sourcils, visiblement surpris mais à la fois gêné.
— Je l'accepte, tu sais ? Parce que, j'aime ton physique, ta voix... tu es tout ce dont je rêve. Mais j'aime aussi ce que Nicolas dégage, sa personnalité, son expérience, sa différence... J'aimais aussi ton père, mais c'était tout le contraire, je l'aimais pour ce qu'il pouvait me donner.
Il est vrai que Nathaniel avait longtemps observé Yselda. Après la guerre, il n'avait fait que penser à elle, à sa bravoure et sa force. Il n'avait jamais osé se l'avouer ou l'avouer à qui que ce soit. Il l'avait faite entrée dans la garde royale en principe parce qu'il souhaitait la voir plus souvent. Le fait de savoir qu'elle avait désobéit lui avait brisé le cœur car il avait toujours eu foi en elle.
Ivène était une attraction physique, belle, au corps voluptueux, elle était tout ce qu'un homme désirait mais Yselda avait quelque chose en plus qu'aucune autre femme qu'il avait pu connaître avait.
Il serra les dents et regarda le petit garçon.
— C'est le fils de qui ? Demanda-t-il avec insistance.
Il avait compris qu'Ivene avait eu de multiples relations et Djafar n'avait pas été épargné. Était-ce alors le fils du roi mort ? Ou le fils de Nicolas ? De Nathaniel ? Ivène observa elle aussi son enfant, dans ses yeux on pouvait lire tout l'amour qu'elle lui portait. Elle l'aimait profondément, malgré qu'elle avait tout perdu. Amaury était dorénavant sa raison de vivre.
— Je ne sais pas... souffla-t-elle peu fière.
Nathaniel la dévisagea un long moment. Une si belle femme qui avait su se jouer des hommes. Djafar, Nathaniel, Nicolas, tous les trois avaient été faibles et sots. C'était le genre de femme à se servir d'eux, de ce qu'ils pouvaient lui apporter. Une femme détestable à première vue, mais cela était dû à son éducation. Élevée par une femme aux multiples compagnons, convaincue que sa fille se devait de devenir quelqu'un, elle avait transmis à sa fille tout les vices. Ivène avait rapidement compris en devenant adolescente qu'elle plaisait à la gente masculine. Elle avait jouer de sa beauté et c'est ainsi qu'elle survivait.
— Je veux qu'il soit mon fils, déclara Nathaniel.
Il n'éprouvait plus un amour indescriptible à l'égard de la jeune femme, pas après tout ce qu'elle avait fait. En revanche, tout comme Ivène, il se servirait d'elle. Amaury était jeune, il grandirait auprès du roi et le considèrerait comme son vrai père. Ainsi, Nathaniel pourrait l'éduquer comme il se devait.
Ivène dévisagea le roi, la bouche entrouverte.
— Je ne te l'enlèverai pas, je n'ai pas cette méchanceté en moi. Je veux que tu sois ma femme et que ton fils devienne le mien. Je veux que tu le reconnaisses devant le royaume tout entier, devant Nicolas et les autres. Je veux qu'il me succède.
— Pourquoi ... ? Marmonna-t-elle.
Détruire l'espèce entière des dragons n'était pas la solution. Theobald voulait une méthode radicale mais pourquoi ne pas changer les choses tout simplement ? Nicolas ne contrôlait plus rien. À présent, le roi avait le moyen de bénéficier du don, ou presque. Trois œufs, un enfant du même sang que lui, peut-être même, l'enfant de Nicolas, il avait de quoi mettre son plan à l'œuvre. Un plan qui n'avait aucune faille.
— Je veux des dragons moi aussi, je veux être respecté et ne plus être vu comme un régicide. Le peuple vénère Nicolas et ses bêtes. Ils me vénèreront aussi lorsque j'aurai les miens.
Ivène ne dit plus un mot, Amaury se réveillait tout juste. Assis sur le lit, il se frotta les yeux et gémit, les cheveux en bataille.
— Maman ... ? Appela-t-il.
— J'arrive, dit-elle tout en fixant nathaniel.
Ce dernier se rapprocha d'elle pour parler à voix basse. Même près d'elle, ses sentiments n'étaient plus. La seule chose qui animait encore du désir pour elle en lui, c'était sa beauté et ce qu'elle pouvait lui apporter.
— Tu auras enfin ce que tu as toujours voulu et la certitude d'un avenir solide pour ton fils, murmura-t-il.
Ivène se mordilla les lèvres.
— Le peule acceptera. Si tu assure qu'il est bel et bien de notre union.
— Je suis une fille de joie, je...
— Ils savaient qui tu étais avant cela. Mais tu dois oublier Nicolas.
Ivène craignait que son fils entende tout, elle espérait qu'il soit encore suffisamment endormi pour ne pas y faire attention. Amaury était un enfant très curieux et surtout très intelligent.
— Que vas-tu faire de lui ?
— Ce qu'il faut.
— Et toi ? Oublieras-tu Yselda ?
Nathaniel haussa les sourcils.
— Ne t'en fais pas pour cela.
Il tendit la main. Une main gantée, ferme et épaisse. Ivène hésita un instant mais finalement, elle la serra. L'avenir de son fils était en jeu, tout ce qu'elle avait toujours voulu, c'est une belle vie pour Amaury et on lui offrait aujourd'hui sur un plateau. Son fils deviendrait roi.
— J'accepte, dit-elle en le regardant dans les yeux.
Nathaniel lui sourit, ce qui illumina son visage fermé depuis son entrée dans la pièce.
Il passa l'heure suivante avec Ivène et Amaury auquel il se présenta. C'était un enfant très intéressant, honoré de pouvoir parler au roi et avoir un petit peu de son temps.
Quand il quitta la pièce, il longea les longs couloirs du château avec une seule chose en tête : Yselda. Jusqu'à ce qu'Ivène lui fasse remarquer, Nathaniel n'y avait jamais songé et l'avait même presque oublié, notamment après sa trahison. Mais à présent, ses pensées s'y concentraient de nouveau et remettaient tout en doute. Une culpabilité naissait en lui, tout ce qu'elle avait subi avec les pirates, cela lui retourna l'estomac en y songeant.
Il se dirigeait droit vers les cachots où ils étaient enfermés.
Une discussion s'imposait.
Il se devait de les bannir comme il avait banni tout ceux qui avaient tenté de lui désobéir.
Néanmoins en était-il capable ?
Je vous remercie d'avoir lu !
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