Sans pitié

Les hommes de Hugon chargeaient leur bateau, le Seigneur les observait, les bras croisés, sans un mot. Nathaniel les aidait avec leur cargaison. Un roi qui avait bien changé, il avait beaucoup servi au château, il était même resté au chevet de Nicolas pendant son rétablissement. Il n'était plus le même c'était certain et c'était d'ailleurs pour cela que Nicolas comptait se battre pour qu'il puisse se rasseoir sur le trône. 

— Es-tu certain que me suivre ne mènera pas tes hommes à la mort ? demanda Nicolas en se postant à côté de lui.

Il s'aidait d'une canne à présent, car son genou ne s'était jamais complètement remis. Il boitait, et d'après les mestres qu'il avait vu, jamais il ne retrouverait la démarche d'un jeune homme en pleine santé. 

— Évidemment qu'ils mourront, d'autant plus si les dragons attaquent la Capitale. Ils le savent tous, et moi aussi. Ils savent également pour quoi ils se battent. Pour leur femme, leurs enfants, la liberté d'un pays corrompu... ce village retrouvera sa sérénité d'antan et pour cela, il faut parfois des sacrifices. 

Ils se regardèrent tous les deux et Nicolas esquissa un faible sourire. Il était comme la Mort qui venait frapper le monde pour faire le ménage. Il était aussi vu comme un gardien, comme un maître et pour d'autres comme un roi. Ses cheveux parfaitement plaqués, son visage brûlé... il se montrait enfin. Ilenn tout entier connaissait son visage, son don, son destin. Ici, personne ne le jugeait, personne ne le détestait. 

Les soldats commencèrent à embarquer, Nathaniel rejoignit les deux hommes, habillé comme un soldat, et plus comme un roi. Il arborait l'armure d'Ilenn, sa cicatrice sur sa joue s'était estompée, sa barbe avait légèrement poussée. 

— Nous devons partir maintenant, dit-il en essuyant son front enduit de sueur. 

Nicolas se tourna aussitôt vers Hugon qui sonda son regard. Il semblait bon et juste, c'était un Seigneur aimé de tous et respecté malgré son jeune âge. 

— Je vais conduire mes dragons jusqu'à la Vallée Oubliée et vous, vous voguerez jusqu'à Ador pour prendre d'assaut la ville.

— Entendu, c'était prévu et cela ne changera pas, déclara Hugon motivé. 

Nicolas posa sa main sur son épaule et la pressa, le jeune Seigneur en ressentit la chaleur ce qui l'étonna et lui fit ouvrir de grands yeux. 

— Promettez-moi que vous protégerez Yselda. 

Hugon releva le menton et son air devint doux. Nicolas ne le connaissait pas suffisamment pour le considérer comme un ami. Il n'y avait qu'Archibald qu'il portait dans son cœur à ce point mais il avait de l'estime pour Hugon et il savait qu'il pouvait lui faire confiance.

— Quand je partirai, je veux qu'elle vienne ici. Je veux qu'elle quitte Ador et qu'elle trouve le repos à Ilenn, promettez-moi que vous la protégerai alors le restant de ses jours. 

Hugon hocha la tête, même s'il espérait encore que Nicolas monte sur le trône.

— Je te le promet.

Nicolas lui sourit, il tapa l'épaule de Nathaniel et lui lança un regard amical. Pour la première fois depuis tant d'années, une complicité naissait entre les deux cousins. 

— Bats-toi pour ton peuple. 

Nathaniel lui répondit d'un fier hochement de tête, Nicolas rabattit sa capuche sur sa tête puis se dirigea vers la grande plage où se trouvait déjà ses deux dragons. Ilenn s'était presque habitué à la présence de ces créatures. Les paysans les nourrissaient de leur bétail, par respect et les dragons les respectaient en retour, cléments, ils ne chassaient pas à Ilenn et n'avaient pas utilisé le feu pour venir à bout de leur repas. 

Nicolas grimpa sur le dos d'Aldaïde, quand la flotte de Hugon partit pour Ador, les dragons les survolèrent et rugirent, ce qui en fit trembler l'eau. Ils disparurent rapidement sous les yeux des marins remplis d'espoir. 



Quand Nicolas atteignit l'île, déjà au loin, il avait pu apercevoir la flotte de Theobald. Il comprit rapidement le plan du roi. Il savait qu'il rêvait de ce fameux trésor dont bon nombre de personnes parlaient mais il le savait aussi assez intelligent pour ne pas se rendre sur cette île sans être persuadé qu'il avait bel et bien disparu au fond de l'océan. Il colla sa tête contre les écailles rêches d'Aldaïde et les caressa tendrement. 

— Brûle-les... souffla-t-il. Il veut savoir si je suis en vie, il va le savoir... 

Il marqua une pause, les yeux dans le vague.

— Brûle-les tous. 

Le dragon noir ne se fit pas prier, il fondit à toute vitesse sur les bateaux et cracha ses flammes sans plus attendre. Nicolas put entendre des hurlements, des pleurs, des ordres venir d'en dessous. Aldaïde reprit de la hauteur, tourna autour de la flotte puis fondit de nouveau sur les bateaux encore en état de voguer. Elle cracha son feu destructeur, arrachant des vies au passage. Le crépitement des flammes fit frissonner Nicolas, il observa le feu ronger les bateaux, écouta les hurlements des pirates. Il ressentait de l'empathie pour ces gens, mais après tout ce qu'ils avaient enduré, lui, Yselda, Archibald... ses amis... ce n'était plus l'heure pour la pitié. 

Soudain, ils furent frappé de plein fouet. Au début, Nicolas crut qu'Aldaïde avait été touchée mais finalement, il se rendit rapidement compte qu'un jeune dragon s'efforçait de déchirer ses chairs et de planter ses crocs dans son cou. Nicolas glissa, il s'accrocha comme il le put au bras d'Aldaïde empiétant sur la maniabilité de son aile et poussa un cri quand la griffe du jeune dragon vint effleurer son ventre. Plus il la mordait, plus Aldaïde perdait de la hauteur, elle rugissait, se défendait comme elle le pouvait mais tentait également de protéger Nicolas. Une flèche vola au dessus d'eux, les pieds dans le vide, Nicolas était à deux doigts de tomber dans l'eau. Fort heureusement pour lui, Hargon se jeta sur son bébé et l'emporta avec elle dans les eaux noires de l'océan. Aldaïde rugit de nouveau et prit de la hauteur pour se rendre sur l'île. 

Nicolas finit par lâcher sa prise et roula dans le sable humide, dur et râpeux. Il finit sur le ventre, essoufflé, il avait eu peur, très peur. Pour lui et pour son dragon. Il releva la tête, Aldaïde s'était posée non loin de lui, elle respirait fort, du sang foncé coulait sur sa peau aux écailles arrachées.

— Ça va aller, lui souffla Nicolas. 

Il s'appuya sur ses deux mains pour se relever, quand il se retrouva à quatre pattes, Hargon se posa brusquement près de sa mère et rugit. Il les regarda toutes les deux, les dents d'Hargon et son nez étaient couverts de sang.

— Tu l'a tué... 

Elle ouvrit grand la gueule et rugit, si fort que le cœur de Nicolas cessa de battre un instant. Il se releva et tituba jusqu'à elle, il se colla contre son cou, il en ferma les yeux et une larme menaça même d'en couler. Hargon baissa sa gueule, le réchauffant de son souffle brûlant, un long râle sourd fit comprendre à Nicolas qu'elle se calmait enfin.

— Je suis désolé, tellement désolé... lui souffla-t-il. J'espère que vous me pardonnerez. 

Il savait qu'elles le pardonneraient, mais il ne pouvait accepter qu'une mère tue ses bébés. Il se détacha finalement de son dragon et fit face aux deux créatures gigantesques, deux paires d'yeux jaunes le fixaient avec intensité.

— Allons tuer le roi, déclara-t-il d'un ton cinglant. 




À Ador, Theobald restait assis sur son trône, patientant calmement. Ivène était assise à côté de lui, elle était parvenu à le séduire et il avait alors accepté qu'elle continue de s'occuper de son fils. Malheureusement, Amaury n'avait pas le droit de quitter sa chambre, cela faisait des mois à présent qu'il n'avait pas mis le pied dehors, il avait fêté ses neufs ans, seul avec sa mère et quelques servantes. Pourtant, elle avait tenté de faire comprendre à Theobald qu'Amaury n'était certainement pas le fils de Nicolas. 

Lorsqu'un gros bruit sourd retentit et fit trembler les murs de la demeure, Theobald leva les yeux au plafond, de la poussière en tomba. Il pencha la tête sur le côté alors que le cœur d'Ivène commençait à s'emballer. Un deuxième coup retentit, la rouquine  voulut se lever mais il lui saisit le bras fermement.

— Ne bouge pas, femme. 

Elle se rassit, sans un mot.

Un troisième coup... puis les portes s'ouvrirent sur Bénédicte et deux soldats qui couraient jusqu'au trône.

— Mon roi, nous sommes attaqués ! Ils sont en train de prendre les remparts ! 

Theobald resta assis, comme s'il parvenait à demeurer serein.

— Et bien défendez votre Capitale, grogna-t-il.

Le jeune soldat le dévisagea.

— Vous ne venez pas vous battre avec nous, Majesté ?

— J'attends qu'on vienne me chercher.

— Sans les dragons, nous risquons de perdre les remparts, intervint Bénédicte. Les envoyer tous les trois sur l'île était une mauvaise idée. Ils ont des catapultes et s'en servent pour détruire le mur.

— Et bien que mes hommes appliquent ce qu'ils ont appris ! 

Déjà deux semaines qu'il avait envoyé sa flotte sur l'île, les voyages pouvaient être longs mais il savait ce qui était en train de se passer. Nicolas était en vie et lui et ses alliés attaquaient le royaume. 

Le jeune soldat le regardait, les yeux grands ouverts. Il était si jeune, à peine majeur qu'il devait déjà se battre pour un roi qui n'avait aucune pitié pour ses hommes et bien plus d'amour pour des pirates. 

— Qu'est-ce que tu regardes abruti ?! hurla le roi. Va protéger ton Royaume ! 

Le soldat hocha la tête, enfila son casque et partit au trot, les portes claquèrent derrière lui. Bénédicte fixait Theobald de ses yeux noisettes, les lèvres retroussées, le teint pâle. Elle aussi, elle sentait son cœur tambouriner contre sa poitrine, ses jambes fébriles. Ivène demeurait assise près du roi, la main de ce dernier restait accrochée à son bras, laissant alors son empreinte dans sa chair blanche. 

— Les dragons ne reviendront pas, déclara Bénédicte.

— Ils reviendront, grogna Theobald.

— Ils sont certainement morts.

— Ils reviendront ! cria-t-il.

Sa voix résonna dans toute la pièce, percutant les murs et les voûtes sculptées du plafond. Bénédicte sursauta légèrement mais tenta de ne pas se montrer impressionnée. 

— Si Nicolas a encore ses dragons, c'est terminé, Theobald.

— Il peut bien avoir des dragons, je n'en ai que faire, je sais qu'il fera la même erreur qu'avec Djafar. Il viendra me voir en personne, parce qu'il est bien trop fier pour se cacher derrière une créature plus forte que lui. Déjà gamin, il se croyait au dessus de tous. Il n'a pas compris la leçon, j'ai eu beau empoisonner sa catin de mère, aider le roi à brûler ses amis, les villages, il continue encore et toujours. Tu me l'as dit toi-même Bénédicte, Nicolas est un poison, pour les dragons, pour le monde et pour lui-même. Il doit mourir et crois-moi, je me chargerais de ses monstres avant de lui couper la tête pour être certain qu'il ne reviendra plus.

Théobald avait dit cela avec tellement de dédain qu'il en avait grimacé. Ivène gardait ses yeux rivés sur le sol, des petites perles salées roulaient sur ses joues, jamais elle ne perdrait les sentiments qu'elle éprouvait pour Nicolas et entendre de telles atrocités à son égard lui brisait le coeur. Elle aurait aimé s'enfuir en courant, le trouver et le prévenir.

Pitié, ne fais pas cette erreur, Nicolas, fuis ! 

Voilà ce que son âme lui criait. 




Les canots de sauvetages amarrèrent près des falaises, là où le vent était violent malgré la chaleur étouffante. À peine eut-elle posée le pied sur le sable qu'Yselda leva la tête pour voir les catapultes démolir les grands murs qui servait de remparts à la forteresse d'Ador. L'Ingrat se posta à côté d'elle, il plissa les paupières pour voir à travers le soleil. Le vacarme ne mentait pas, la Capitale était attaquée. Il dégaina son épée et la leva vers le ciel. 

— Nous n'aurons aucun répit, défendez votre roi ! hurla-t-il. 

Les pirates se mirent à hurler tous en cœur et courir sur le chemin en pente pour regagner la tête des falaises. Yselda se tourna vers Archibald mais on lui saisit le bras, l'Ingrat approcha son visage infâme près d'elle, elle put en sentir son haleine et deviner ses dents noires. 

— Ne rêve pas petite brebis, tu ne défendras pas ton cher et tendre.

Elle frappa sa virilité de son tibia, L'ingrat la lâcha, se pencha en avant et grogna. 

— Va te faire voir ! gronda-t-elle. 

Il se redressa et voulut l'attraper mais elle le gifla, si fort que sa tête valsa sur le côté. Archibald restait en retrait, sa dague à la main, prêt à intervenir. Il savait qu'Yselda souhaitait se venger, il ne pouvait donc pas lui enlever ce plaisir. L'Ingrat tourna la tête vers elle et fit craquer sa mâchoire, de son pied, elle frappa sa main qui tenait l'épée, celle-ci tomba dans le sable. 

— Espèce de petite...

— Catin ? l'interrompit Yselda.

Il commença à s'approcher d'elle alors elle se saisit de sa main crasseuse et le força à la poser sur son ventre. Elle le regardait droit dans les yeux, le bleu océan de ses prunelles noircissait comme la peste à mesure qu'elle le fixait.

— Ne sens-tu pas ? Ne sens-tu pas la vie en moi ?

L'Ingrat ouvrit de grands yeux.

— Je suis enceinte, espèce d'enfoiré. 

Il retira sa main brusquement et son poing vint heurter sa mâchoire, Yselda en tomba en arrière, sa lèvre fendue, elle se releva aussitôt et le dévisagea.

— Frappe-moi ! hurlait-elle. Frappe-moi encore ! 

— Je vais te tuer !

— Tu tueras ton enfant !

— Tu es une salope ! Ce n'est pas le mien, c'est celui de ce monstre ! 

— Je l'espère tellement ! Je préfère avoir un enfant aux yeux jaunes que l'enfant d'un être répugnant comme toi et ta toute petite virilité !

Le cœur d'Archibald était sur le point de sortir hors de sa poitrine, il avait si peur pour elle. L'Ingrat voulut se jeter sur elle, elle se poussa sur le côté et monta sur la barque. Elle se saisit d'une épée et se tourna vers lui, en garde, elle sauta sur le sable et pencha la tête sur le côté.

— Reprend l'épée que tu m'as volé et bats-toi, ordonna-t-elle.

L'Ingrat ne se fit pas prier, il ramassa l'épée d'Edouard et se posta devant elle. Elle souriait, dévoilant le sang qui tâchait ses dents. Il tenta de lui asséner un premier coup de sa lame argentée mais elle le para à la perfection, il réitéra son action en vain, elle arrêtait ses coups et l'épuisait. Elle lui donna un coup de pied dans le ventre, le faisant reculer et elle tourna sur elle-même pour entailler la chair de son buste. Il grogna et posa sa main sur sa coupure qui saignait abondamment.

— Tu abandonnes le combat ? Déjà ? Oh, ça fait si longtemps que je ne me suis pas réellement servi d'une épée. Sentir ta peau se couper sous ma lame... c'est bien trop jouissif. 

Il se redressa, hurla et leva l'épée au dessus d'elle pour l'abattre sur sa tête, elle parvint à arrêter ce coup qui lui aurait coûté la vie. Les deux lames glissaient l'une sur l'autre dans un tintement métallique, il forçait pour qu'elle lâche mais il était hors de question qu'il reste en vie. Il la regarda et lui donna un coup de tête, ce fut si violent qu'elle en lâcha son épée et tomba à la renverse alors il s'empressa de s'asseoir sur elle pour couper sa respiration.

— Tu es enceinte ? dit-il.

Elle lui griffa le visage et il rigola, il frappa ses côtes puis son ventre de ses poings, appréciant les gémissement de douleur d'Yselda. 

— Regarde ce que je fais à ton monstre. 

— Non ! hurla Archibald en se jetant sur lui.

Il enroula ses bras autour de son cou et le tira en arrière, il se coucha sur le sol et roula en tentant de l'étouffer. L'Ingrat leva son bras et lui attrapa les cheveux, il les tira si fort qu'Archibald en hurla. Il le lâcha finalement et le pirate put se  relever, il courut jusqu'à son épée qu'il voulut planter dans le ventre d'Archibald, ce dernier esquiva ce coup de grâce et se releva aussitôt. Son poing heurta sa joue avec violence, l'Ingrat manqua de perdre l'équilibre. De sa dague, Archibald lui entailla le bras puis l'épaule, il était rapide et agile, sous les yeux écarquillés d'Yselda. Le pirate lâcha son arme et quand l'écuyer voulut planter sa lame dans son torse, on lui saisit les deux poignets. Les deux hommes se regardaient droit dans les yeux et tout deux luttaient contre la force de l'autre. Archibald serrait les dents, il en bavait même et grognait, souhaitant par dessus tout, venger Yselda. 

— Tu auras tout fait, souffla l'Ingrat entre ses dents.

Archibald le regardait, il manquait de force contre cette montagne de muscle.

— Tu auras tout fait pour avoir son amour.

L'écuyer n'en démordait pas, il ne cillait pas, il luttait même si la lame se tournait lentement vers lui, menaçant de le tuer, alors que c'était lui qui tenait son manche.

— Mais tu ne l'as jamais eu, cet amour. 

Ses yeux le brûlaient, car oui les larmes commençaient à les noyer et cette rage en lui le détruisait.

— Tu seras mort en vain. 

Quand il sentit la pointe de sa dague effleurer sa cotte de maille près de ses côtes, qu'elle la transperça et qu'elle pénétra sa chair, Archibald ouvrit grand la bouche, un hurlement étouffé en sortit quand le pirate tourna la lame, du sang jaillit de sa bouche, coula sur son menton et un hurlement déchirant résonna derrière eux, celui d'Yselda qui venait d'assister à cette terrible scène.

Elle se releva et se saisit de l'épée d'Edouard. Elle hurla et l'abattit sur le bras du pirate qui se coupa aussitôt. La dague resta enfoncée dans le buste d'Archibald qui tomba à genoux alors que l'Ingrat hurlait, se vidant de son sang, un bout de bras en moins. Yselda se tourna vers lui et l'observa un instant hurler, elle s'empressa de planter l'épée dans son ventre, elle ressortit par son dos et un gargouillis provint du fond de la gorge de sa victime. Elle le regardait, les joues inondées de larmes.

— Va en enfer... souffla-t-elle brisée.

Il lui sourit, du sang plein la bouche.

— Nous nous y retrouverons, petite brebis...

Elle retira d'un geste vif l'épée, il tomba aussitôt sur ses deux genoux, les mains sur sa plaie béante. Elle leva l'épée, une épée lourde qu'elle avait souhaité récupéré depuis des mois. Elle hurla pour se donner de la force et l'abattit sur sa nuque, lui tranchant instantanément la tête. 

Elle lâcha aussitôt son arme et se précipita vers Archibald allongé sur le sable, lequel s'imbibait de son sang. Elle se laissa tomber à genoux près de lui, elle attrapa sa tête qu'elle colla contre elle, elle pleurait, elle ne pouvait s'en empêcher. Le visage d'Archibald était si pâle, il la regardait de ses beaux yeux bruns, de son air doux habituel. 

— Pitié... pleurait-elle, pitié reste avec moi... ne m'abandonne pas...

Il tentait de parler mais aucun son ne sortait de sa bouche.

— Je... je...

— Shh...

Elle posa ses lèvres contre son front et se balança d'avant en arrière.

— Je sais, murmura-t-elle.

Il ferma les yeux et apprécia ce moment qu'il avait tant attendu. Très vite, le corps de son ami devint mou, lourd, sans vie. Elle ferma les paupières aussi fort qu'elle le put et ne cessa de pleurer, elle en hurla de rage, de peine. Elle garda sa tête collée contre la sienne, étouffée par ses sanglots.

— Pardonne-moi, Archibald, dit-elle. Je t'aime...

Un rugissement retentit à travers le vacarme de la guerre qui débutait. Elle leva la tête, les yeux rouges, la vue trouble mais pas suffisamment pour ne pas deviner les deux énormes dragons qui venaient de la survoler. Aldaïde abattit ses flammes sur les remparts, tuant une dizaine d'hommes en quelques secondes seulement. De la fumée noire et épaisse s'élevait dans les airs. Elle baissa la tête pour regarder son ami au teint cadavérique, ses prunelles brunes figées. Doucement, elle lui ferma les paupières puis devina une silhouette non loin d'elle. 

Nicolas s'avança vers elle, les bras ballants. Elle le regarda lui puis Archibald. Nicolas fixait l'écuyer, sans un mot, il se laissa tomber à genoux et posa sa main sur le torse de son ami. 

— Il... il est mort... balbutia Yselda.

Nicolas se pinça les lèvres puis ferma les yeux. 

— Vas-t-en, Yselda, grogna-t-il.

Elle le regarda, sans que ses larmes ne cessent de couler.

— Non...

— Vas-t-en,répéta-t-il.

— Jamais ! Je veux rester avec toi, je t'en prie...

— Je vais les tuer.

Elle ne dit plus rien.

— Je vais les brûler. Theobald va périr. 

— Je me battrai.

Il la regarda, de ses yeux jaunes. Doucement, le bras d'Archibald commença à carboniser, elle le remarqua, la main de Nicolas était toujours posée dessus et c'était lui qui provoquait cela.

— Nicolas... Je me battrai avec toi. 

— Je ne veux pas te blesser.

— Tu ne me blesseras pas, je dois venger Archibald. On doit le venger, tous les deux.

— Je te blesserai, assura-t-il.

— Je t'en prie... 

Plus il parlait, plus le corps de son ami brûlait, sous leurs yeux. 

— Je serai sans pitié, dit-il en relevant ses yeux vers elle.

À contre cœur, elle reposa doucement la tête de son ami dans le sable pour ne pas risquer de se brûler. Elle observa Nicolas carboniser son ami, son meilleur ami, son frère... 

Ce serait ainsi pour toutes personnes se mettant en travers de son chemin à présent. 
Il demeurerait sans pitié.




Je vous remercie d'avoir lu ! 




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