Le départ
Beaucoup de personnes étaient présentes ce matin la. Notamment les parents fiers de leurs enfants. C'était comme accomplir une tâche qu'eux n'auraient pu. Certaines mères pleuraient le départ de leur brave fils, et quelques pères souriaient d'un air fier.
Les enfants disaient au revoir à leurs parents. Après tout, ce n'étaient plus des enfants, mais des jeunes hommes sacrés chevaliers par Theobald et le roi lui-même.
Nicolas se tenait parmi ces braves hommes. Mais il n'avait personne à qui faire un signe de la main. Personne à prendre dans ses bras. Personne à qui dire adieu. Sauf peut-être Yselda qui s'empressa de rejoindre son père. Elle s'arrêta, les cheveux hirsutes, à peine réveillée. Elle chercha du regard Nicolas et le trouva sans difficultés. C'était le seul qui sortait du lot avec ses cheveux foncés, ondulés, passés derrière ses oreilles. Il était grand aussi, pas très gros mais avait un visage ciselé qu'on ne pouvait oublier. Et ses yeux ... impossible de les manquer. Même de loin.
— Je t'interdis d'aller lui dire au revoir devant tout le monde, souffla Alaric tout en croisant ses mains derrière son dos.
— Pourquoi ? Nicolas est un être humain. Et c'est mon ami !
— Si tu veux être sacrée chevalier l'an prochain par Theobald, évite de te faire remarquer en prenant dans tes bras le sauvage que tu as toi-même arrêté.
Yselda lança un regard électrique à son père. Et sans dire un mot, car sa conscience la forçait à agir ainsi, elle se dirigea d'un pas assuré vers Nicolas. Elle s'arrêta près de lui et plongea son regard dans le sien. Bizarrement, son cœur battait très vite, ses mains étaient moites et ses jambes flageolantes.
— J'espère que la veillée t'as plu hier ... balbutia-t-elle.
D'habitude elle avait de l'assurance. Mais pas aujourd'hui visiblement.
— C'est toujours gentil d'avoir penser à moi mais tu sais, je n'ai pas trop l'habitude de ce genre d'événement. Je préfère rester seul en général.
— Tu veux dire que tu n'apprécie pas ma compagnie ?
Yselda frôla sa main, elle avait très envie de la prendre mais n'osait pas. Pas devant tout le monde mais aussi parce qu'elle n'avait jamais fait cela avec aucun autre garçon avant lui.
— Peut-être que c'est différent, marmonna-t-il.
Il la regarda quelques secondes sans dire un mot. Yselda avait toujours du mal à soutenir son regard, ses yeux étaient si clairs et si intimidant... comme si on y voyait des flammes. Comme si un feu flambait à l'intérieur de ses iris.
— Mais je m'en vais aujourd'hui, et on ne se reverra certainement jamais.
Elle baissa la tête à l'entente de ces paroles.
— Je n'aurais jamais penser te dire ça un jour Yselda mais ... tu as été ma seule amie ici. Je ne te remercierai jamais assez de m'avoir aidé et soutenu, même quand je te repoussais.
Elle releva ses yeux bleus vers lui tout en souriant légèrement en coin.
— Tu ne m'as jamais dit où se trouvait le quatrième dragon et pourquoi personne ne l'a vu.
Nicolas se pencha vers elle et pour que cela paraisse moins suspect, Yselda enroula ses bras autour de son cou et se blottit contre lui. Ainsi, tout le monde penserait qu'ils se faisaient un câlin d'adieu.
— Il ne peut pas voler, murmura-t-il au creux de son oreille tout en la serrant davantage contre lui.
— Pourquoi ?
— Si on se revoit un jour, je te raconterai cette histoire mais pour le moment, contente toi de garder cette information secrète.
Elle se détacha de lui et lui lança un regard. Malheureusement, Nicolas ne put rester plus longtemps à ses côtés. Les cloches sonnèrent et les troupes commencèrent à bouger. Nicolas lui jeta un dernier regard avant de rejoindre les chevaliers, marchant à côté de quelques chanceux qui bénéficiaient de chevaux.
C'est ainsi qu'il quitta Paraviel pour ne plus jamais y remettre les pieds. Drôle de nom pour un village. Mais semblerait-il qu'il ne l'oublierait jamais. Tout comme cette jeune fille se prenant pour un chevalier. Cette fille au courage de guerrier, et au visage innocent.
Marcher dans la terre humide, dans la boue et glisser sur quelques pierres. Voilà ce que Nicolas subit durant de longues heures. Ils devaient traverser des plaines pour rejoindre le Royaume. Le voyage durerait plusieurs jours.
Quelques soldats chantaient des chansons, comme si cela leur faisait oublier que la plante de leurs pieds commençait à devenir douloureuse. L'air était humide, un fin brouillard régnait et la forêt était pour la première fois silencieuse. Comme si tous les animaux dormaient.
Après une pause de quelques minutes, ils reprirent la marche. Alors que Nicolas suivait tout le monde, docile et perdu dans ses pensées. Paul le rattrapa et avança à ses côtés. Pas le peine de le regarder pour savoir que c'était lui, du coin de l'œil, Nicolas pouvait reconnaître ses cheveux orangés.
Il inspira par le nez, lentement, puis expira par la bouche. Se préparant à recevoir tout un tas de remarques désobligeantes de la part de son détestable camarade.
— Pas trop fatigué, le sauvage ? lança-t-il de sa voix nasillarde.
— Je ne pense pas que ça t'intéresse vraiment. Alors pourquoi tu viens me parler ? Tu ne te trouvais pas deux rangs plus bas ?
— Qui d'autre que toi le sait ?
— Le roi.
Paul pouffa de rire et haussa les épaules. Il réajusta sa cotte de mailles et se frotta le nez. Il était rouge à cause du froid, tout comme ses doigts.
— Maintenant qu'on est dans la même armée, peut-être qu'on devrait essayer d'être amis, tu ne crois pas ?
— Non.
Nicolas sentit le regard de son camarade sur lui mais ne lui en jeta aucun. Il n'appréciait pas Paul. Pas depuis qu'il l'avait humilié et presque tué devant tout le monde. C'était un mauvais professeur et ce ne serait certainement pas un bon ami.
— Écoute, je suis navré pour la façon dont je t'ai traité. Je reconnais que j'ai été brutal avec toi, et idiot. C'est juste que j'ai du mal à croire à toutes ces histoires ou alors ...
— Pourquoi tu racontes des histoires sur les dragons dans ce cas ? l'interrompit Nicolas.
Paul sourit légèrement, mais ses lèvres gercées craquèrent ce qui le rebuta.
— Parce que je suis fasciné par cette histoire. Mon père rentrait d'un long voyage, je ne l'avais encore jamais vu puisque je suis né quand lui, marchandait dans d'autres villages. Peu de temps après qu'il m'ait raconté cette histoire, il a disparu. Je pense qu'il est mort lors de l'un de ses voyages et j'ai l'impression que c'est la seule chose réelle qui me reste de lui.
Nicolas haussa un sourcil et lui jeta un regard en biais. Très vite il se concentra sur sa route et sa marche plus ou moins régulière à un rythme soutenu.
— Les histoires n'ont rien de réel. On les raconte ... c'est imaginaire, souffla-t-il.
— C'est l'impression que j'ai. Toi, tu as eu des parents, non ?
Nicolas émit une onomatopée en guise de réponse.
— Tu as déjà perdu un proche ? demanda Paul.
— Je ne sais pas.
Paul fronça les sourcils et se tut un moment.
— J'ai perdu un être cher, mais ce n'était pas un être humain, reprit Nicolas après un court silence.
Le rouquin se mordilla les lèvres et posa sa main sur le manche de son épée tout en avançant. Elle était lourde, ce qui ne facilitait pas du tout la marche.
— Tu veux parler du dragon que Djafar a éliminé ?
— Tout le monde le sait alors ... marmonna Nicolas.
— Oui et des lettres ont été envoyées au quatre coins du monde, tout le monde sait que le roi a tué un dragon. Beaucoup de spécialistes en la matière espèrent voir sa carcasse se fossiliser pour pouvoir l'étudier ...
Nicolas poussa un profond soupir. Il se demandait comment un être humain pouvait être aussi cruel avec un être d'une autre espèce. Les dragons n'étaient pas du bétail ou des ennemis. Si personne ne les embêtait, ils n'étaient pas dangereux. Mais personne ne le comprenait à cause des attaques répétitives qu'avait subi la vallée de Hargon.
— Il y a des spécialistes ? questionna Nicolas. Et sa carcasse risque d'être dévorer par des loups ...
— D'après ce que j'ai compris, oui. Dis, je peux te demander quelque chose ?
Nicolas ne répondit rien et Paul prit ce silence pour une approbation.
— Tu as vraiment pu approcher les dragons ?
— Oui.
— D'aussi près que Edouard ?
— Bien plus près.
Bizarrement, Paul sourit, comme s'il l'admirait mais préférait le cacher par fierté. Notamment après ce qui était arrivé quelques mois plus tôt.
Le reste de la marche se fit dans le plus grand des silences. Côtés-à-côtes, ils avancèrent docilement, comme des soldats programmés à cela. Mais Nicolas voyageait dans ses propres pensées. Des mois. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas vu ses dragons. Il pensait notamment à Hargon, ce pauvre dragon ne pouvant pas voler. Réussissait-il à survivre ?
Penser à eux était douloureux, autant qu'une lame enfoncée dans l'estomac. C'était comme quitter sa famille brusquement ou perdre l'amour de sa vie sans y être préparé. Une douleur interne. Une marque invisible mais pourtant bel et bien là, aussi béante qu'une blessure de guerre.
Et ce voyage ne faisait que commencer.
Tout comme la vie de Nicolas.
Je vous remercie d'avoir lu !
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