La pire des rencontres

— Qu'il y a-t-il de plus beau que ces sapins, ces feuilles, ces fleurs ou bien cette terre ?

Tout en avançant, Yselda ne pouvait s'empêcher d'observer tout ce qui se trouvait autour d'elle. Elle avait déjà traversé cette forêt maintes et maintes fois, mais jamais sans réellement prendre le temps d'apprécier la beauté de la nature. Les feuillages cachaient le soleil et si on oubliait les bruits des sabots des chevaux dans la terre humide, on pouvait percevoir des sons presque magiques tel que des piverts frappant leur bec contre l'écorce des arbres, le vent chantant ou bien des brindilles craquer sous les pas d'animaux sauvages.

Ses bras étaient enroulés autour du torse de son paternel, alors elle prenait plaisir à admirer le paysage qui défilait sous ses yeux de jeune fille. Edgar et Edwin avaient leur propre cheval et le sauvage, tenu par une corde liée à ses poignets, marchait à côté, ne bénéficiant pas du même luxe qu'eux. Yselda avait trouvé cela injuste mais n'avait pas pu discuter sur la manière dont ils escorteraient le prisonnier.

— Si je devais être un animal vivant dans cette forêt, je choisirais certainement le lapin. Ils sont si purs et innocents.

— Un lapin est facilement dévoré par les plus grosses bêtes comme les loups par exemple, rétorqua Edgar qui ouvrait la marche.

Alaric, lui, restait silencieux. Tout en guidant sa monture, il jetait des coups d'oeil vers Nicolas qui avançait docilement. Depuis qu'ils avaient quitté Paraviel sans même prévenir Theobald, il n'avait plus prononcé un mot.

— Pourquoi faut-il toujours sous-estimer les plus petites bêtes ? Un lapin peut très bien s'en tiré ! Il suffit qu'il soit rusé, agile et rapide. Vous les hommes et votre ego... vous aimez ce qui est gros et ce qui fait peur. Je suis une femme et je peux vous assurer que je pourrais facilement vous botter les fesses !

Edwin pouffa de rire et fut suivi de son frère.

— C'est bien là le discours d'une fille qui se prend pour une guerrière ! s'esclaffa-t-il.

— Apprends déjà à rester discrète et ne pas te faire prendre la main dans le sac quand tu espionnes des membres de la chevalerie, continua Edgar.

— Vous parlez à ma fille, soyez indulgents, elle est jeune, grogna Alaric.

Ils suivaient un petit chemin terreux tracé avec le temps à travers les arbres et les fourrés. La pluie, l'eau, le vent et les années avaient créé ce chemin naturel qui les conduisait directement jusqu'aux montagnes. Cela prenait du temps et demandait de la patience. Un aller retour comptait pour une journée et un début de soirée si les voyageurs étaient assez rapides. Deux jours pour les plus lents.

— Je peux très bien accepter leurs remarques, papa. Leurs paroles ne m'atteignent pas, se défendit Yselda d'un air fier.

En réalité, peut-être que oui, ces paroles la touchaient, mais était-ce grave ? Combien de fois Alaric lui avait-il dit qu'un chevalier devait encaisser coups et blessures pour se forger et devenir plus fort ? Pour elle, les mots étaient tout aussi violents que des coups donnés par une épée, bien que moins mortels.

L'air était frais, légèrement humide et pur. L'odeur de la terre remontait jusqu'à leurs narines, les sapins dégageaient une fraîche odeur de matin d'automne et le calme relaxait leur esprit. Les balades en forêt étaient certainement les meilleures. En journée, c'était beaucoup moins dangereux et depuis des années maintenant, plus personne n'était en guerre. Alors les risques de tomber sur des ennemis étaient minimes.

— Quelles étaient les paroles de la chanson que chantonnait toujours ta bien aimée, Alaric ? demanda Edgar.

Alaric prit un temps avant de répondre.

— Je ne m'en souviens pas, mentit ce dernier.

Yselda esquissa un faible sourire, repensant à cette chanson que son père lui chantait sans arrêt lorsqu'elle était encore petite, les soirs, quand elle n'arrivait pas à trouver le sommeil. Affirmant que cette soi-disant berceuse avait été inventée par sa tendre maman partie trop tôt.


Au creux de la vallée à minuit,

On entend le dragon endormi,

A qui prendra le temps d'observer,

Apercevra ses larmes couler,

A qui prendra le temps d'écouter,

Comprendra que le monstre peut pleurer,

Au fond de la vallée à midi,

On aperçoit le dragon endormi,

A qui prendra le risque d'approcher,

Ne se fera guère dévorer,

Mais au moindre faux pas,

La bête s'envolera,

Au creux de la vallée à minuit,

On ne voit plus le dragon endormi,

Car au moindre faux pas,

La bête disparaîtra...


La douce voix d'Yselda résonna à travers les sapins, se frayant un chemin dans la forêt silencieuse de cette fin de matinée. Lorsqu'elle termina de chantonner, un lourd silence s'abattit sur le petit groupe. Elle avait fermé les yeux, puis avait pensé à sa mère. Jamais encore, elle n'avait cru aux dragons, mais cette chanson que sa mère avait elle-même inventée, laissait à présent penser, qu'un jour, elle en avait rencontré un.

Nicolas lui jeta un regard par dessus son épaule, la jeune fille ne sut si c'était un regard haineux ou bien curieux. Elle détourna le sien pour se concentrer à nouveau sur le paysage verdoyant qui s'offrait à elle.

Les minutes s'écoulèrent aussi lentement que des heures et les heures aussi interminables furent-elles, passèrent comme des jours. Lorsque le soleil fut à son plus haut point, ils quittèrent la forêt de sapins pour alors suivre le cours de la rivière, les menant directement aux montagnes.

Ils s'arrêtèrent non loin du pied de l'une d'entre elles. Edgar et Edwin se chargèrent d'attacher les chevaux à un tronc d'arbre voisin pour ne pas les perdre et pouvoir rentrer plus vite à Paraviel avant que Theobald ne se rende compte de leur disparition.

Yselda s'était assise près de la rivière, plongeant sa main dans l'eau glacée pour ainsi observer le courant et les poissons qu'on pouvait apercevoir à travers le liquide clair.

Alaric s'occupait de remplir leurs gourdes d'eau, mais elle ne semblait pas totalement potable. Ici, tout était différent de Paraviel, le soleil, les montagnes, les rares nuages et l'absence d'humidité trop intense.

Nicolas scrutait furtivement le ciel, essayant de ne pas se faire voir. Ce qui fut raté puisque Yselda arrêta son activité pour le regarder faire. Il observait les montagnes et leur sommet, comme s'il cherchait à voir quelque chose.

Elle se leva et le rejoignit tout en frottant son pantalon pour en enlever la poussière. Elle posa ses mains sur ses hanches et leva la tête à son tour, fermant un œil pour éviter d'être aveuglée par le soleil.

— Que cherches-tu ? Oh ! Peut-être que tu comptes les nuages...

Il baissa la tête et lui jeta un regard de travers.

— Pourquoi me regarder ainsi ? Si tu penses me faire peur, c'est raté. Tes mains sont ligotées, tu ne peux rien me faire, grommela-t-elle.

— Fais-tu confiance à celui qui est ton père ?

— Bien-sûr que je lui fais confiance !

C'était une évidence qu'Alaric soit une personne fiable. Yselda en était même vexée que le sauvage ne soit pas du même avis. Il venait de lui laisser une chance et cela était déjà un grand pas.

— Et les deux idiots qui m'ont traîné comme un animal ?

— Edgar et Edwin ? Tu n'as pas à t'inquiéter, ils sont comme mon père ! Les trois meilleurs chevaliers de Paraviel. Fidèles, loyaux et téméraires !

Nicolas détourna le regard pour admirer les montagnes. Son visage était toujours caché derrière tous ses cheveux et Yselda se demandait même s'il ne camouflait pas quelque chose... À en voir l'état de ses mains, il n'était pas difficile de penser que son visage pouvait avoir subi les mêmes atrocités.

— Bien, commença Alaric en les rejoignant, n'est-ce pas ici que nous t'avons trouvé ?

— Possible, marmonna Nicolas.

— Super, alors où sont les dragons ? s'impatienta Edgar en sautillant sur place et dévoilant un sourire édentées.

En guise de réponse, il n'eut que le silence de Nicolas et un regard meurtrier de sa part. Il paraissait hésiter, jouait avec ses pieds et respirait légèrement plus vite. Alaric remarqua ce détail important, pourquoi paraissait-il stressé ? Que craignait-il ?

— Tu ne sembles pas confiant, déclara-t-il en croisant les bras.

— Comment pourrais-je les faire venir sans mes mains ? soupira Nicolas en haussant les épaules.

Les trois chevaliers se jetèrent des regards perplexes mais finalement, Edwin se chargea de libérer ses poignets. Une fois fait, Nicolas se les frotta quelques secondes avant de se rendre compte que quatre regards impatient étaient braqués sur lui.

Il inspira profondément et porta ses mains jusqu'à sa bouche mais avant de faire quoi que ce soit, il se tourna vers eux.

— Par pitié, ne faites pas un seul mouvement brusque. Les dragons sont sensibles à chaque détail et croyez-moi, ils sont rarement amicaux.

Ils hochèrent la tête, Edwin était sceptique, tout comme Alaric et Yselda alors que Edgar était comme un enfant ne tenant plus en place.

— Puis-je réellement vous faire confiance ?

— Tu le peux, assura Alaric en pressant gentiment son épaule.

Alors, Nicolas prit son courage à deux mains. Il enfonça deux de ses doigts dans sa bouche et siffla, si fort que Yselda en sursauta. Son sifflement résonna en plusieurs échos dans les montagnes et tous scrutèrent le ciel. Or, rien ne se produisit.

Le sauvage réitéra son action encore deux fois, sans succès et étrangement, il paraissait inquiet. Le silence de la nature en devenait même perturbant. On ne pouvait entendre que le cours de l'eau dans leur dos et le doux chant du vent.

— Bon, et bien nous avons notre réponse, commença Edwin heureux que tout cela ne soit que du mensonge.

— Ce n'est pas l'homme que Djafar recherche, en déduit Edgar un tantinet déçu.

Nicolas réagit à l'entente de ce prénom, il se retourna brusquement vers eux, les poings serrés et les lèvres retroussées.

— Djafar, comme le roi du Royaume d'Ador ? demanda-t-il.

— Mais non ! Voyons... Edgar raconte n'importe quoi, s'esclaffa Alaric gêné.

— Mensonge ! s'exclama Nicolas laissant la colère l'envahir petit à petit. Je savais que quelque chose n'allait pas ! Il n'y a que le roi pour me soupçonner d'une telle chose...

Il marmonna la fin de sa phrase. Mais prit de colère, il se dirigea d'un pas lourd vers Edgar qui sortit aussitôt son épée de son fourreau, tout comme Alaric. Ce dernier se postant juste devant Nicolas, l'empêchant d'avancer et armé.

— Si tu fais un pas de plus, je te tranche la gorge, petit.

— Je préfère mourir que de vivre comme un prisonnier !

Au même moment, un rugissement à en glacer le sang retentit. Tous levèrent la tête pour alors apercevoir une masse sombre les survoler. C'était bien plus gros qu'un oiseau. Les ailes de la bête étaient volumineuses, sa queue était longue et sa gueule paraissait énorme. Edgar laissa tomber son épée sur le sol, complètement fasciné par cette rencontre.

— C'est... c'est... c'est un dragon... ? balbutia Yselda son corps frémissant.

La bête se posa finalement sur le sol, déploya ses ailes et ouvrit grand la gueule pour rugir de nouveau. Les quatre chevaliers s'immobilisèrent comme des statues, Alaric gardant son épée bien en main, peu rassuré par la chose qu'il avait sous les yeux.

Nicolas s'avança d'un pas, puis d'un autre, doucement, la main en avant. Étrangement, la bête ne bougeait pas, elle le regardait lui, d'un regard admiratif et doux, elle replia docilement ses ailes. Elle était immense, ses écailles étaient aussi noires que l'ébène, ses ailes triangulaires et ses pattes recouvertes de griffes.

Effrayé, Edwin dégaina son épée. Le son que produisit l'acier lorsqu'il frotta l'intérieur du fourreau fit redresser la tête du monstre. Ses yeux jaunes se voilèrent et elle ouvrit grand la gueule, poussant un terrible cri strident. Bientôt, au fond de sa gorge, ils purent voir des flammes se préparant à en jaillir.

— Non ! Ne fais pas ça ! ordonna Nicolas d'une voix forte.

Alors la bête referma sa gueule dans un claquement de mâchoire.

— Tirez ! cria un homme qui sortit de la forêt.

Nicolas se retourna, c'est alors que des flèches volèrent dans les airs pour venir se loger dans la chair du dragon. Celui-ci poussa des cris plaintifs et déploya à nouveau ses immenses ailes.

— Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! s'exclama Alaric tout en faisant de grands gestes avec ses bras.

Alors que certains tiraient à l'arc ou à l'arbalète, d'autres hommes se précipitèrent vers la bête désorientée pour enrouler des cordes autour de ses pattes. Les soldats aux extrémités tirèrent aussi fort que possible pour faire basculer le monstre. Quelques-uns furent éjecté, d'autres tinrent bon.

Le dragon finit par s'affaler sur le sol dans un bruit sourd, la terre trembla sous leurs pieds et l'animal gémit sans s'arrêter.

— Envole toi ! s'écria Nicolas.

La créature tenta de se relever, dépliant ses ailes alors abîmées mais rien n'y faisait, trop blessée, elle ne cessait de s'affaler sur le sol, ses pattes glissant et marquant la terre. Bientôt, ses cris s'arrêtèrent et seul son souffle résonna ainsi que quelques grognements. Les soldats arrêtèrent de tirer et le silence s'abattit sur eux aussi brutalement que la foudre.

Nicolas voulut se précipiter vers elle pour aller l'aider mais Alaric entoura sa taille de ses bras pour l'en empêcher. Ce dernier se dégagea de son étreinte tout en le foudroyant du regard avant de se laisser tomber à genoux, les yeux rivés sur l'animal blessé. Ses épaules s'affaissèrent et ses bras pendirent le long de son corps.

Yselda courut en sa direction, choquée par une telle violence.

— Nicolas, nous sommes navrés ! Ce n'était pas prévu et...

— Non ! hurla-t-il.

Il la repoussa brutalement lorsqu'elle fut près de lui, elle tomba en arrière et plaqua sa main sur sa bouche pour tenter de ravaler ses sanglots. Alaric accourut pour la relever et la prendre dans ses bras. C'est alors qu'un homme grand, aux cheveux noirs et aux yeux de glace s'avança vers Nicolas tout en prenant le temps de jeter un regard pétillant de vice en direction de la bête.

Il s'arrêta devant lui et s'accroupit pour sonder son regard, comme presque cinq ans auparavant. Nicolas reconnut aussitôt son long manteau noir qu'il enfilait chaque fois qu'il sortait. Et cela ne fit que faire remonter des souvenirs pourtant occultés.

— Ces yeux, ils m'avaient presque manqué, avoua Djafar.

Nicolas tourna la tête pour regarder Alaric, son regard était empreint de dédain et de jugement, l'accusant lui plutôt qu'un autre. Qui avait bien pu prévenir le roi ? Comment était-ce possible ? Le Royaume n'était pas près d'ici, ce qui voulait dire qu'il était probablement là depuis le début. Ce sentiment d'avoir été trahi ne le quittait pas mais il avait l'habitude de la sensation qu'était d'être déçu par des êtres humains.

— Nicolas, je n'ai jamais cessé d'y croire, continua Djafar. Je crois en toi, je crois en moi. Oui, je crois en nous. Ne me fuis pas comme tu as pu fuir il y a de cela cinq longues années. Je suis ton allié et je sais que si nous nous unissons, nous pourrions construire un avenir solide pour ce monde. Or, je ne peux te cacher ma colère et déception de part ton comportement affligeant.

Djafar marqua une pause. Nicolas avait baissé la tête, ne souhaitant plus le regarder dans les yeux.

Le roi se releva et posa sa main sur le manche doré et orné de pierres précieuses de son épée.

— Je suis connu pour ma clémence mais après cinq longues années, je ne peux que te punir pour un tel acte. Tu dois savoir qu'on ne me manque pas de respect comme tu as pu le faire. Je veux que tu saches que je regretterai l'acte que je m'apprête à commettre.

Il se dirigea vers le dragon, il s'approcha de sa gueule tout en restant prudent. L'animal était bien trop faible pour se relever, se défendre ou bien prendre son envole. Alors c'était le moment ou jamais. Djafar était un homme puissant, appréciant la cruauté et lire la peur ou bien la haine dans le regard de ses disciples. Peu de gens connaissaient réellement son vrai visage.

— Un sur trois, est-ce grave ? Un dragon compte pour une armée de mille soldats... Il en restera deux.

Djafar tint bien en main son épée, et tout en prenant son élan, l'enfonça sous le menton de la bête. Sa lame traversa sa langue et se logea dans son palais, ce qui tua l'animal sur le coup. Ses yeux jaunes se fermèrent et de la fumée sortit de ses narines avant qu'un étrange souffle vienne annoncé la fin de sa courte vie.

Nicolas garda la tête baissée, ferma les paupières aussi fort que possible et se mordit la langue pour ne pas hurler de colère. Le fait d'entendre les autres applaudir l'exploit d'avoir tué une si grosse bête était d'autant plus difficile à accepter. Son dragon, si jeune et si beau, venait juste de mourir sous ses yeux.

Et tout cela, c'était de sa faute.

Après ce terrible événement, Djafar proposa de rentrer à Paraviel. Nicolas fut à nouveau prisonnier, les poignets ligotés et les quatre chevaliers furent escortés auprès du roi.

Or, Yselda, la tête collée contre le dos de son paternel, ne pouvait retenir ses larmes qui coulaient sur ses joues. Les dernières paroles que Nicolas lui avait adressées avant de suivre comme un esclave les soldats de Djafar, restaient ancrées dans son esprit comme une blessure de guerre dans la chair.

« Ta chanson est bien fausse et ses paroles sont ridicules. Si un dragon dort, personne ne peut l'approcher, il risquerait de te tuer. Mais s'il est mort, là, l'histoire n'est plus la même. Chante-la à nouveau, en n'oubliant pas de préciser que le dragon endormi a été tué par les monstres que vous êtes. Ton père étant l'un d'entre eux. »

Cette fois, elle ne prit pas le temps d'observer le beau paysage de la forêt. Elle se blottit contre son paternel, ferma les yeux et se maudit pour avoir enfreint le règlement. Le cœur serré en repensant à la torture qu'avait enduré l'animal.

Alors c'était donc cela, le sentiment de culpabilité ?

— Pardonne-moi, Nicolas, murmura-t-elle.





Je vous remercie d'avoir lu!

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