Hargon, la vallée détruite

  Nicolas gardait sa tête contre les écailles de la Mère, le vent froid fouettait son visage avec violence, dans la nuit noire, aucun paysage n'était visible à travers les nuages. Heureusement, car avant que la nuit ne tombe, il avait eu l'horreur de découvrir des villages détruits par les flammes, et ce n'était pas l'oeuvre des dragons mais bien celle d'un homme. Il avait pu voir des milliers de cadavres éparpillés sur les plaines, des centaines de récoltes volées puis détruites. Il n'en avait pas cru ses yeux, et une douleur inévitable avait envahi son cœur. Il ne pouvait s'empêcher de se dire que c'était de sa faute et que s'il était resté caché dans les montagnes, rien de tout cela ne serait arrivé.

  Il se força à ne pas dormir, tout comme Gadriel, pour ne pas risquer de tomber du dos de la Mère. Nicolas savait qu'elle le rattraperait en plein vol, mais c'était une hantise pour lui. Il était déjà tombé d'une grande hauteur lorsqu'il avait sauté de la falaise, il avait ressenti ce que l'on ressentait lorsqu'on approchait de la mort. L'impossibilité de respirer, les membres caoutchoucs, le corps tordu sous la force du vent et la violence dont un dragon pouvait faire preuve en rattrapant un être aussi petit qu'un enfant. Les cicatrices autour de ses côtes en étaient la preuve, durant des années, il avait souffert mais il savait qu'ils ne l'avaient jamais fait volontairement, même le jour où Hargon, pour se défendre, avait bien failli le brûler vif alors qu'il n'était encore qu'un bébé.


  Alors que le soleil se levait, laissant la nuit disparaître lentement, ils arrivèrent rapidement à la vallée. Ce si bel endroit qui ne cessait de hanter l'esprit de Nicolas. Qui pouvait bien trouver que cette vallée était maudite, tout cela parce qu'un dragon s'y était caché pendant des années ? La vallée était tout ce qu'il y avait de plus magique et magnifique. Un havre de paix, là où les oiseaux chantaient, où les rivières coulaient, où les arbres poussaient et où les montagnes et collines régnaient.

  Le dragon se posa en plein milieu de celle-ci, ses pattes firent trembler le sol et de la poussière vola dans les airs. Nicolas détacha la corde de Gadriel du pique de la Mère puis le fit descendre avant de le faire à son tour, se laissant glisser sur le corps long de la bête. Il avait les jambes engourdies et le visage glacé par le vent, le bout de son nez était rouge tout comme ses joues.

  Yselda et Archibald étaient déjà là et vinrent les accueillir aussitôt. Mais Nicolas ne s'intéressa pas à eux en premier lieu, il s'intéressa à la vallée et son aspect. Ce n'était plus la même que dans ses souvenirs. Les herbes hautes étaient cramées, les arbres brûlés jusqu'au tronc, il n'y avait plus aucune fleur, plus une once de verdure, c'était gris, rempli de cendre. Lorsqu'il tendit l'oreille, il n'entendit aucun chant d'oiseau. Son cœur se serra dans sa poitrine, le sol ressemblait au flanc des montagnes, et la cendre volait en tourbillon emportée par les rafales de vent. Quand les deux dragons s'envolèrent, toute la cendre vola avec eux et les enveloppa d'un brouillard inquiétant.

  La vallée était détruite, plus rien n'avait de sens, pas même sa beauté perdue.

— Le village ! cria Nicolas. Le village est sûrement dans le même état !

  Il se mit à courir sans s'arrêter, gravissant la colline, s'accrochant aux touffes d'herbes qu'il restait, comme la première fois qu'il avait tenté d'échapper au dragon. Au loin, on pouvait voir les murs de pierres qui entouraient Hargon, et de la fumée provenait du village.

  Ses amis le suivirent en courant.

— Attends ! hurla Yselda. C'est peut-être un piège !

  Les pieds de Nicolas glissaient dans la terre recouverte de cendre et le peu de touffes d'herbes qui restaient, cédaient à peine les touchait-il. Lorsqu'il réussit à gravir la colline, il rabattit sa capuche sur sa tête et entra dans le village par la grande arche vêtue de lierres censée être surveillée. Il n'y avait personne, pas un seul vieux paysan gardant les lieux.

  Il avança alors dans les rues dallées, remarquant que certaines chaumières, certains bâtiments étaient détruits, les auberges n'avaient même plus de nom, les pancartes avaient été arrachées. Lorsqu'il atteignit la place du marché, tous les stands avaient été piétinés et quelques cadavres gisaient sous des draps blancs tachés de sang, des légumes pourris étaient habités par des larves tandis que des mouches volaient un petit peu partout.

  Il s'arrêta, les bras ballants, devant toute cette horreur. Yselda, Archibald et Gadriel s'arrêtèrent derrière lui, eux aussi spectateurs de ce désastre. Hargon n'avait jamais été un grand village, mais fut un temps où toutes ces dalles l'embellissaient. Aujourd'hui, ni la beauté de la vallée, ni celle d'Hargon existait. Ce n'était plus qu'un amas de cendre et de débris, détruits, piétiné, sali...

  C'était un village blessé.


  Très rapidement, tous les survivants sortirent de leurs chaumières pour accueillir les nouveaux arrivants. Une foule se posta devant Nicolas, tous avaient des regards perdus, tristes ou désespérés. Leurs vêtements étaient déchirés, ils étaient amaigris, certains étaient même blessés quand un vieillard avait perdu une main, son moignon purulent couvert de vieux linge...

— Seigneur ... marmonna Yselda.

  Nicolas, lui, ne put placer un mot. Il était en colère, bien plus qu'avant. Cette fois-ci, c'était le village où il avait grandi qui avait été détruit. On lui enlevait tout et on enlevait tout à des innocents qu'il ne connaissait même pas. Pourquoi faire cela ? Pourquoi tant de cruauté ? C'était donc cela la guerre ? Celle dont on lui parlait... Il n'avait jamais pensé les Hommes capables d'une telle violence. Petit, jamais il n'avait pu imaginer de tels événements se produire, malgré parfois la violence de certains villageois, les plus croyants étaient les pires mais ils n'en arrivaient pas à ce stade.


  Caché sous sa capuche, personne ne pouvait voir son visage, d'autant plus que le soleil était inexistant. Dans le passé, à cette période de l'année, le soleil chauffait les chaumières et était terriblement agréable, les enfants jouaient dehors et chahutaient. Avec toutes les cendres présentes dans la vallée, les nuages étaient gris dorénavant, le ciel était couvert et le vent était froid.

— Allez vous-en ! cria quelqu'un parmi la foule à travers quelques toux de malades.

— On ne veut plus d'étrangers, partez ! renchérit quelqu'un d'autre.

  Puis les exclamations fusèrent à leur tour dans un brouhaha monstrueux. Yselda n'en croyait pas ses yeux, elle savait que Paraviel ne serait pas attaqué, puisque le Seigneur Theobald était du côté de Djafar mais le fait de voir tous ces villages rasés lui brisait le cœur. Archibald, lui, n'avait jamais eu de résidence propre, c'était un voleur et un voyageur, alors qu'importe où il allait tant qu'il avait un toit sous lequel s'abriter. Malgré tout, son empathie le poussait à ressentir une grande tristesse pour toutes ces personnes démunies qui ne faisaient que subir. Même en essayant de se défendre, que pouvaient bien faire des paysans contre l'armée d'un roi ?

Les protestations ne s'arrêtaient pas, le silence avait été remplacé par de la haine, des insultes et des cris. Nicolas ferma les yeux, serra les poings et ne pensa qu'à ses dragons. Que voulait dire la lettre d'Ivène ? L'avait-elle amené ici pour qu'il voie cette horreur ? Ou avait-elle espéré qu'il arrive avant ? Peut-être cherchait-elle à l'aider, peut-être fallait-il qu'il se montre cette fois. Pourquoi rester caché derrière des histoires racontées depuis des années ? Pourquoi ne pas montrer à son village que Nicolas, le sorcier, le monstre, le démon... était de retour ?

  Bientôt, des rugissements dans le ciel retentirent et glacèrent le sang de toutes les personnes présentes sur la place. Le silence s'abattit de nouveau sur le village et tous levèrent la tête vers le ciel. Trois immenses silhouettes mystiques virevoltaient dans les airs au dessus de Hargon.

— Des dragons ! s'écria quelqu'un. Ce sont des dragons !

  La panique gagna la plupart d'entre eux avant que les dragons ne se posent derrière Nicolas et ses amis. Gadriel sursauta, jura et se rapprocha d'Archibald pour être moins près de ces créatures. Soudain, les cris se transformèrent en interrogations, en stupéfactions. Djäar déploya ses grandes ailes vertes et rugit, près à faire le même massacre qu'à Ador. Nicolas leva sa main à hauteur de son visage, pour lui faire signe de s'arrêter sans jeter un regard derrière lui. Alors la bête ferma ses mâchoires et replia ses ailes contre son gros corps hérissé.

  Le regard de tous les villageois était le même, cet air ahuri et terrifié ne quittait pas leur visage. Mais très vite, les personnes au premier rang posèrent un genou au sol, les autres les suivirent lentement, dans un silence de mort. Nicolas les observa, ne comprenant pas ce qu'ils faisaient et pourquoi se mettaient-ils à genoux comme on le ferait devant un roi ?

  Une personne se tenait debout, au fond de cette foule maintenant à genoux, Nicolas reconnaissait ses cheveux aux reflets dorés. Bénédicte posa un genou à terre elle aussi, mains sur la jambe et la tête baissée vers le sol, en signe de soumission et de respect.

  Nicolas se tourna vers ses amis et croisa le regard d'Yselda, cherchant son aide. Il ne connaissait pas tout cela et ne voulait en aucun cas qu'on se soumette à lui.

— Parle-leur, lui murmura-t-elle. Ils n'attendent que ça, que tu leur parles.

  Archibald lui jeta un regard suivi d'un sourire consenti, il hocha la tête, comme signe d'approbation à ce que venait de dire Yselda tandis que Gadriel observait Nicolas avec cet air étrange marquant son visage fermé... Ce n'était pas du mépris, pas même du dédain, n'était-ce pas une sorte d'admiration refoulée ?

  Le cœur de Nicolas s'emballa, parler en public n'était pas sa tasse de thé et il n'en avait même jamais eu l'occasion. Il n'était pas de ces hommes qui aimaient se faire voir et avoir du pouvoir, il préférait de loin être le garçon invisible et banal. Mais évidemment, avec des dragons à ses côtés, il n'avait rien de banal.


  C'était ici que tout était né, alors c'était ici que tout devait commencer.


— Le roi Djafar a détruit vos terres, il a volé vos récoltes. Il a enlevé vos femmes, vos enfants, tué vos chiens...

  Aucun enfant n'était présent dans la foule et quasiment aucune femme n'était parmi eux. Il recommençait ce qu'il avait fait il y avait de cela des années. Il recommençait son anarchie, et prouvait à nouveau qu'il était un roi cruel. Il souhaitait montrer que c'était lui qui détenait le pouvoir, et pour se faire, il n'hésitait pas à semer le chaos sur son passage.

— Lorsque j'étais enfant, j'étais fasciné à l'idée de rencontrer ce roi dont tout le monde parlait, ce roi qu'on disait clément envers son peuple. Mais évidemment, ce n'étaient que des rumeurs. Il règne sur un pays entier, pour finalement le détruire et en faire un champ de bataille. Il a faussé son image dans l'espoir de berné notre pays ! Aujourd'hui, il tente par tous les moyens d'avoir ce qu'il veut. Il ne faut pas le lui donner, il ne faut pas se laisser faire. Il n'a pas le droit de vous arracher vos femmes et vos enfants, il n'a pas le droit de brûler vos terres, de détruire votre village. Il n'a pas le droit de prendre VOTRE vie ! Djafar n'est pas un dragon, ce n'est pas la même guerre qu'il y a dix huit ans, c'est bien pire. Djafar est un monstre et c'est un Homme. Mais les Hommes ne sont pas à son image, ils ne doivent pas l'être. Ne ployez plus le genou devant lui, au contraire, reprenez ce qui vous appartient. Reprenez votre vie. Battez-vous pour vos valeurs !

  À sa plus grande surprise, quelques hommes levèrent le poing pour montrer leur accord quand d'autres semblaient sceptiques, probablement effrayés. Ils se levèrent et finalement, s'ensuivit des cris de guerre bestial, comme si finalement, ils venaient d'ouvrir les yeux et souhaitaient reprendre ce qu'on leur avait voler seulement en ayant entendu un discours improvisé d'un garçon qui ne connaissait presque rien à la civilisation.

  Nicolas n'en était pas fier, Gadriel quant à lui, souriait heureux de voir des hommes prêts à se battre lorsque la guerre arriverait. Nicolas aurait préféré autre chose qu'inciter des gens à se tuer les uns les autres. Il n'avait pas montré son visage et ne le montrerait pas. Quand la foule se dispersa et que les hommes demandaient déjà aux forgerons restant d'assembler des épées, Nicolas se dirigea jusqu'à sa chaumière, celle où il avait grandi, dans laquelle il avait vu sa mère perdre la vie.

  Il poussa la porte et fit face à Bénédicte qui se tenait en plein milieu de la pièce principale. Il n'y avait pas beaucoup de meuble, mais l'endroit était comme dans ses souvenirs, toujours propre, avec quelques fleurs sur le bord des fenêtres.

— Nicolas ? appela-t-elle d'une voix tremblotante.

  La porte se referma toute seule derrière lui. Nicolas la serra aussitôt dans ses bras, si fort qu'il aurait pu l'étouffer mais il ne put s'empêcher de l'étreindre de toutes ses forces, car il savait qu'il ne la reverrait certainement plus. Bénédicte le serra à son tour, se blottissant contre son torse et pleurant toutes les larmes de son corps. Ils s'enlacèrent ainsi durant de longues minutes, dans un silence agréable.

— Je suis tellement désolé . Jamais je ne pourrai réparer mes erreurs. Je m'excuse pour ma mère, je m'excuse pour le village...

  Bénédicte s'écarta de lui et posa ses deux mains sur ses joues, laissant tomber sa capuche. D'abord, elle eut une expression d'horreur en découvrant toutes les marques sur son visage  avant de mettre sa main sur sa bouche pendant que des larmes coulaient à flot de ses yeux bruns.

— Seigneur... que t'es-t-il arrivé ?

— Je vais bien, assura Nicolas.

  Elle lui caressa la joue du dos de la main, et son expression horrifiée la seconde d'avant avait déjà disparu pour laisser place à ce regard tendre et aimant.

— Tu es tout ce qu'il me reste, Nicolas... pourquoi leur as-tu dit cela ? Ils se battront pour toi. Tu ne comprends pas ? Ils ont vu que les dragons t'obéissaient et ils feront de même, ils se soumettront à toi. Tu viens de déclarer une guerre de laquelle on ne peut sortir vainqueur.

— Pourquoi ne pourrions-nous pas gagner ?

— Parce-que l'armée du roi est bien trop imposante et entraînée, ils ont des épées que nous n'avons pas. Nous ne savons même pas nous battre.

— Je connais quelqu'un qui sait se battre comme personne, elle leur apprendra.

  Bénédicte se tut quelques secondes, les paupières plissées, l'incitant à poursuivre.

— Yselda est un chevalier, elle a été entraînée par le meilleur chevalier de l'armée du roi. Crois-moi, d'ici quelques semaines, ils sauront se battre comme de vrais guerriers. Alors, tu leur diras de se rendre au Mont Ered, là où l'armée grandira. Là-bas, ils ont des gardes armés, et le savoir du combat. Puis vous continuerez votre ascension jusqu'aux autres plaines, vallées et collines, pour trouver toujours plus d'hommes. Quand l'armée sera assez grande, vous pourrez vous défendre contre les attaques du roi.

  Bénédicte resta muette, abasourdie par le discours de Nicolas. Elle avait peur de la guerre, durant des années la paix avait fait de Hargon un village paisible avant que Nicolas ne s'enfuisse à l'aide d'un dragon. Elle laissa glisser sa main de son visage et de ses cicatrices pour reculer d'un pas.

— Et toi, dans tout cela ? demanda-t-elle.

  Nicolas inspira profondément, il savait qu'il faisait probablement la pire erreur de sa vie mais cela ne pouvait plus durer. S'il voulait que tous les villages s'allient, il fallait qu'il reste des villages. Pour cela, il devait donc se rendre au roi pour qu'il cesse ses tueries.

— Je vais me rendre. Je volerai jusqu'à Ador et je me rendrai au roi.

— Non... souffla-t-elle les larmes aux yeux. Il te fera enfermé !

— Et il arrêtera de détruire des villages, ça vous laissera amplement le temps de construire une armée. Yselda pourra la diriger, elle sait le faire. Ce n'est pas mon cas et si je reste, si je me bats avec vous, alors des tas d'innocents mourrons demain, puis après-demain et ça ne s'arrêtera que lorsque Djafar aura ce qu'il veut...

— Et ce qu'il veut c'est toi...

  Nicolas n'avait aucune envie de se rendre, mais c'était le seul moyen pour sauver tous les innocents que Djafar massacrait. Il savait qu'Yselda pourrait diriger l'armée aussi grande sera-t-elle. Elle avait l'étoffe d'un chef, elle se battait comme une déesse et savait faire preuve d'autorité. Elle connaissait tout de la chevalerie et pourrait donc transformer de simples paysans en chevaliers en quelques temps seulement. Que cela prenne un mois ou une année, Nicolas savait que le jour où Djafar périrait arriverait.

— Nous aurions dû te le dire ta mère et moi... marmonna Bénédicte en baisant la tête.

— Tu n'as pas besoin de me dire quoi que ce soit, rétorqua Nicolas. Je sais déjà tout, je sais que tu es la sœur de Djafar et que mon père était son frère.

  Bénédicte releva ses yeux vers lui, la bouche entrouverte et ses larmes ne cessant d'inonder son visage.

— Edouard ne voulait rien dire à son fils, il voulait qu'il devienne forgeron comme lui et qu'il vive une vie paisible, loin de la royauté et de toute cette hypocrisie. Tu aurais dû vivre dans l'ignorance et tu aurais dû bien vivre.

— Pourquoi avez-vous quitté le royaume ?

— J'étais trop jeune... pleura Bénédicte. J'ai simplement suivi mon frère, celui qui m'aimait. Il m'avait promis une belle vie, loin de tous les problèmes. Il m'avait promis le bonheur, alors je l'ai suivi. Je n'avais que dix ans, et tu le sais aussi bien que moi, à dix ans, on ne sait rien de la vie.

  Nicolas avait le sentiment qu'elle ne lui disait pas tout. Peut-être ne connaissait-elle pas les vrais raisons du départ d'Edouard, ou peut-être le préservait-elle. Dans tous les cas, il lui fallait savoir la vérité sur cette histoire. Si Djafar s'en prenait tant à lui, c'était pour une raison, obscure ou non, il devait la découvrir.

  Il saisit son petit visage de femme entre ses mains et déposa un tendre baiser sur son front brûlant. Bénédicte leva ses yeux vers lui, le menton tremblant et les yeux inondés de larmes.

— Ne fais pas ça... souffla-t-elle en attrapant sa main. Je t'en prie, je n'ai plus que toi. Ne m'abandonne pas. Par pitié... Nicolas...

  Il lui jeta un regard, long et désolé. Il se retourna, retira sa main de la sienne et rabattit sa capuche sur sa tête. Bénédicte le suivit jusque dehors, alors que Nicolas passait tout juste le portail. Yselda, Archibald et Gadriel se trouvaient devant celui-ci et le suivirent tous les trois du regard, intrigués.

— Reviens ! hurla Bénédicte à la porte de sa chaumière avant de se laisser tomber à genoux.

  Yselda comprit aussitôt ce que Nicolas avait en tête, elle voulut courir jusqu'à lui mais Gadriel la retint. Elle se débattit de toutes ses forces, lui donnant des coups de pieds et coups de poings.

— Lâche-moi ! Laisse-moi aller le voir, on ne peut pas le laisser faire ça ! s'égosilla-t-elle.

— Que tu le suives ou non, sa décision est prise, pesta l'assassin.

  Yselda se tordit dans tous les sens, se mordant la langue pour se libérer de l'étreinte puissante de Gadriel. Elle pouvait voir Nicolas suivre les dalles, observés par certains villageois intrigués et admiratifs. Des larmes coulaient sur ses joues, elle le retrouvait tout juste pour le perdre à nouveau. À cet instant, tout semblait se passer au ralenti, les cendres qui tombaient du ciel, le vent qui les faisait voler, les contorsions d'Yselda, les pleurs de Bénédicte...

  À bout de force, Yselda se laissa tomber, Gadriel la suivit dans sa chute, genoux à terre. Elle était devenue molle comme un cadavre et elle pleurait, les poings serrés et les mâchoires crispées.

— NICOLAS ! hurla-t-elle.








Je vous remercie d'avoir lu !
Je tenais aussi à dire que Le Maître des Dragons a été nominé aux Chantilly Awards !

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