Froid ardent
Des plaines, des plaines et encore des plaines. Ils ne faisaient que traverser ce genre d'endroits et parfois quelques sentiers perdus au milieu des arbres sans feuilles. La terre était gelée avec le froid et de la neige tombait en de fins flocons pour doucement recouvrir la verdure de son manteau blanc et livide.
Nicolas ne cessait de grelotter, même s'il restait toujours en mouvement. Dans ses chaussures, ses orteils le faisaient atrocement souffrir. Même avec des gants, ses mains étaient glacées. Le bout de son nez était rouge vif, ses dents s'entrechoquaient et faisaient un bruit monstrueux puis des frissons ne cessaient de parcourir son échine.
Il n'était pas seul dans ce cas là, beaucoup d'entre eux souffraient et deux hommes étaient morts durant la nuit. Djafar avait une peau de bête sur lui et quelques chanceux également mais Nicolas n'avait que son armure et sa cotte de maille pour le protéger du froid. Ce n'était pas assez.
Ses pieds s'enfonçaient dans la poudreuse, parfois il glissait et manquait de tomber. Puis son épée était si lourde ... Comme il rêvait de sentir des flammes chaudes près de son visage. Comme il souhaitait se blottir contre la chair brûlante et dure d'un dragon ... Jamais il n'avait eu froid lors des hivers avec ses dragons. Il avait toujours eu de la chaleur à proximité.
Alors qu'il avançait et que son sang commençait à se congeler dans ses veines, il sentit ses paupières soudainement lourdes et sa gorge sèche. À côté, Paul lui parlait mais sa voix résonnait, tout ce qu'il disait était incompréhensible pour Nicolas qui, finalement, tourna de l'œil avant de s'affaler tête la première dans la neige glaciale.
— HALTE ! hurla Paul en levant son bras.
Les rangs d'arrière lui s'arrêtèrent et peu de temps après, devant, tout le monde se stoppa, y comprit le carrosse du roi dans un crissement étrange.
— Un soldat est à terre !
Il s'accroupit et posa deux doigts dans le cou de Nicolas pour chercher un pouls.
— Il respire encore ! On ne peut pas le laisser là ! cria le rouquin visiblement pris de panique.
— Bon sang, pourquoi ne reprenons-nous pas le voyage ? gronda Djafar en ouvrant la porte de son carrosse quelques mètres plus loin.
— Le sauvage est inerte, mon roi, déclara le valet qui guidait les montures.
Djafar poussa un profond soupir et s'emmitoufla dans ses fourrures pour descendre de sa voiture. Il avança alors en sens inverse, sous le regard admiratif de tous ses soldats puis finit par rejoindre Nicolas et Paul, toujours agenouillé près de lui dans la neige.
— Est-ce qu'il respire encore ? demanda Djafar sans montrer la moindre émotion.
— Oui, mon roi.
— Très bien, qu'on l'emmène dans mon carrosse ! On ne peut pas s'arrêter alors que la poudreuse commence à devenir épaisse.
Deux soldats robustes s'occupèrent de Nicolas, tous deux le prirent à bout de bras et l'emmenèrent jusqu'à la voiture du roi. Paul resta alors seul, à observer son "nouvel ami" être transporté comme un vulgaire animal mort.
Et les heures filèrent à vive allure. La fatigue se faisait ressentir malgré les nombreuses pauses. Une nuit passa sans que Nicolas n'ouvre les yeux. Et au petit matin, ils reprirent la route pour le Royaume d'Ador qui ne semblait n'être qu'une invention, un paradis impossible à atteindre.
En début d'après midi, Nicolas ouvrit ses paupières violacées, avachi sur le siège en cuir du roi. Il se redressa doucement, ses articulations étant douloureuses. Il avait toujours froid puisqu'un frisson le parcourut de la tête au pied. Il regarda autour de lui pour reconnaître les lieux et ses yeux se posèrent sur Djafar qui regardait par la fenêtre le paysage blanc défiler sous ses prunelles bleues.
— Lorsqu'on regarde au loin, par dessus le brouillard qui nous aveugle, on commence à voir de la verdure, celle d'Ador, expliqua-t-il comme s'il avait senti que Nicolas le regardait.
Ce dernier s'assit correctement et remit bien ses gants. L'un de ses doigts était si douloureux qu'il lui était impossible de le bouger mais il préféra garder cela pour lui. Ce n'était pas Djafar qui s'en inquiéterait.
— Combien de temps ai-je dormi ? demanda-t-il d'une voix enrouée.
— Un jour et demi, environ. Avachi comme un cadavre sur ma banquette. Remercie les Dieux, sans moi, tu serais certainement congelé au milieu de nul part ou peut-être que ta carcasse aurait été dévorée par des loups affamés. Voire même ensevelit sous la neige.
Nicolas le jaugea de son regard de feu avant de le détourner pour regarder dehors. Il n'avait pas envie d'être considérer comme étant le petit préféré du roi. De plus, il n'avait pas envie de rester dans ce carrosse en sa compagnie. Plus il évitait Djafar, mieux il se portait et pouvait faire son travail de chevalier.
— Je n'ai pas l'habitude du froid. À Hargon, il était rare qu'il fasse froid et avec les dragons, cette sensation était inexistante ...
— Bienvenu dans le vrai monde, grommela Djafar.
— Vous ne le connaissez pas vraiment, vociféra Nicolas sans lui jeter un seul regard.
Djafar quant à lui, haussa les sourcils et lui en jeta un. Un horrible regard dédaigneux.
— Tu ne me connais pas petit vaut rien, comment oses-tu dire cela sans même daigner me regarder ? Tu es malhonnête, un fils de putain et tu devrais t'estimer heureux d'avoir eu une seconde chance.
— Vous appelez ça une seconde chance ? renchérit Nicolas. Et je tiens à vous dire que ma mère n'est pas une putain, c'était une femme fidèle et amoureuse. Une femme de valeur et respectable. Une vraie bonne mère.
— C'est pour cela qu'elle était prête à te vendre ?
Nicolas lui jeta un regard noir avant de frapper contre la petite vitre pour ordonner au valet de s'arrêter. Ce dernier ne l'écoutait pas, n'étant aux ordres que du roi. Et visiblement, Djafar n'était pas décidé à donner cet ordre, dans le but de contredire le sauvage. Alors Nicolas ouvrit la porte du carrosse en marche.
— Fermez cette porte ! hurla le valet.
— Arrêtez vos satanés chevaux, je veux descendre !
Les chevaux hennirent lorsque le valet tira les rennes. Le carrosse s'arrêta et glissa sur la neige glacée puis Nicolas put descendre sans jeter le moindre regard à Djafar. Lorsque celui-ci s'apprêta à parler, Nicolas lui ferma la porte au nez.
Il dut affronter les centaines de regards sur lui. Il réajusta sa cotte de maille, tint le manche de son épée puis rejoignit le rang avec lequel il était avant de perdre connaissance. Il ne neigeait plus, le ciel était simplement parsemé de nuages gris et le froid dominait.
Il reconnut la chevelure orangée de Paul et se posta à côté de lui. Au même moment, la marche reprit. Nicolas avança au rythme des autres, le regard fixé droit devant lui tandis que Paul le dévisageait et traînait des pieds.
— Que s'est-il passé ? demanda-t-il.
Lorsqu'il parla, un fin nuage blanc sortit de sa bouche. Son nez coulait, ses joues étaient rouges et ses lèvres gercées. Sa peau était terriblement sèche.
Le froid était sans pitié.
— Rien qui ne te regarde, bougonna Nicolas.
Le ton qu'il employait montrait clairement qu'il était en colère. Il serrait tellement fort le manche de son épée que son fourreau tremblait et que son gant semblait craquer.
— Tu es sûr que tu vas bien ? Tu es tout de même tombé comme un mort ...
— Je vais bien.
— J'ai du mal à te croire, tu as une mine affreuse.
— Je vais bien ! cria Nicolas en lui lançant un regard vif.
Il se concentra aussitôt sur sa route, et Paul respecta le choix de Nicolas qui était de ne pas en parler.
Il allait mal, très mal. Un terrible mal de tête l'empêchait de penser correctement, l'un de ses doigts était comme congelé, la plante de ses pieds était douloureuse dans ces chaussures peu confortables et le froid ravageait sa peau.
Physiquement, c'était une catastrophe mais psychologiquement, c'était bien pire.
Ses dragons lui manquait et plus il s'éloignait des montagnes, plus son cœur pesait lourd dans sa poitrine.
Des questions se bousculaient dans sa tête : quelles étaient les intentions exactes de Djafar ? Allait-il rester chevalier toute sa vie ? Reverrait-il ses dragons ? Vivrait-il ? Mourrait-il ? Quel était son futur ?
Il poussa un grognement non contenu tout en serrant les poings. Paul lui jeta un regard discret et crut voir une larme couler sur la joue de Nicolas, or, celle-ci sécha aussitôt avec le vent givrant.
— Je ne suis pas fait pour endurer le froid, je ne peux pas le supporter, expliqua-t-il.
— Un dragon le peut, souffla le rouquin.
— Je ne suis pas un dragon et j'ai toujours vécu là où il faisait chaud.
— Le voyage se terminera bientôt.
— Mais pas mon supplice.
Paul ne sut quoi répondre. Il humecta ses lèvres sèches et respira à fond l'air frais.
— Si le roi souhaitait t'exécuter, il l'aurait déjà fait tu sais.
— C'est plus sombre que cela, il veut se servir de moi, déclara Nicolas.
— Comment peux-tu en être sûr ?
— Aucune personne sensée ne gaspillerait cinq années de sa vie pour chercher un garçonnet disparut dans une vallée dite maudite. Aucune personne sensée ne ferait un tel voyage pour le retrouver. Et aucun roi digne de ce nom ne m'aurait laissé la vie sauve.
— Djafar oui.
Nicolas secoua la tête de droite à gauche, ses yeux étaient tellement cernés qu'on aurait dit qu'ils rentraient dans leurs orbites.
— C'est plus sombre que ça, je te dis.
— Sombre comment ? s'enquit le rouquin à voix basse pour qu'on ne l'entende pas.
— Je peux approcher les dragons, c'est forcément lié.
— Que veux-tu dire ?
— Si Djafar a besoin d'une armée, c'est parce qu'il est en guerre contre un autre Royaume, un autre roi. Et je suis persuadé qu'il veut un avantage.
Paul pouffa de rire, regarda autour de lui pour être certain que personne ne l'écoutait puis reporta son attention sur Nicolas.
— Tu penses être un avantage ? On ne peut pas dire que tu manies l'épée à la perfection ...
— Ce n'est pas moi l'avantage.
— C'est qui, alors ?
Nicolas lui jeta un regard en biais tandis qu'ils traversaient des plaines où la neige semblait fondue et qu'ils se rapprochaient doucement d'Ador.
— Ce sont mes dragons.
Je vous remercie d'avoir lu !
Que pensez-vous de l'histoire jusqu'à maintenant ? Vous plaît-elle toujours autant ? Les chapitres ne sont pas trop plats ? Les dialogues pas trop omniprésents ?
Et que pensez-vous des personnages tel que Djafar, Nicolas, Yselda, Paul, Alaric...?
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