Dernière ligne droite

   Marcher, dormir, manger, et encore marcher...
C'était ce qu'Yselda vivait depuis des semaines maintenant. La fatigue se faisait ressentir quelques fois, mais jamais suffisamment pour qu'elle abandonne. La détermination la poussait à rester debout et parcourir plaines et forêts à la recherche de l'armée parfaite, capable d'anéantir un roi fou.

   Depuis sa discussion avec Bénédicte des mois plus tôt, Yselda gardait à l'esprit que pour le bien des Hommes, le don que Nicolas avait ne devait être transmis. Il était important de mettre un terme à la guerre qui, finalement, ne cessait depuis des années.
Parfois, celle-ci n'était pas violente, elle était invisible, en suspend et on l'oubliait presque, quand d'autres, elle était sanglante et sans pitié, n'épargnant personne. 

   Yselda était équipée de deux fourreaux, l'un dans le dos transportant une épée aussi lourde qu'une grosse roche. Elle avait en premier lieu, cru que Bénédicte lui offrait cette épée, mais il n'en était rien. Elle avait appartenu à Édouard lorsqu'il était encore jeune et qu'il s'entraînait contre son frère. Bénédicte l'avait toujours gardée chez elle quand Édouard avait décidé de ne se battre qu'à l'arc ou l'arbalète. Elle avait secrètement espéré qu'il décide de combattre à nouveau avec l'épée que le roi avait fait concevoir pour lui. Mais il n'en eu jamais l'occasion, la mort ayant été plus rapide. Elle avait alors demandé à Yselda de l'apporter à Nicolas. Le jour où la guerre éclaterait, elle voulait que ce soit avec cette épée qu'il signe la paix. Le second fourreau accroché à sa nouvelle armure autour de ses hanches cachait une épée identique à son ancienne. Sa fameuse lame fétiche qu'elle avait nommé Jade. Le manche était épais, la lame fine et brillante, tout était identique à quelques détails près. Elle était plutôt heureuse de retrouver une épée similaire. Elle avait perdu Jade à Ador, quand elle s'était faite capturée et elle ne l'avait plus jamais retrouvée après cela. Toutefois, une nouvelle armure ainsi qu'une nouvelle épée voulait également dire, une nouvelle femme. Signe d'un renouveau. Yselda n'était plus la jeune fille de seize ans qui rêvait de devenir chevalier. Elle était considérée comme le chef d'une armée qui ne faisait qu'accroître plus les jours passaient, elle était vue et désignée comme étant une guerrière. 

   Le jour où son père le découvrirait, elle savait qu'il serait fier d'elle.

  Chaque village par lequel ils passaient s'abandonnait aux bras d'Yselda, comme si elle pouvait les guider vers cette paix dont tout le monde rêvait. Les hommes buvaient ses paroles, qu'elle n'avait fait que copier à Nicolas. Ce qui les convainquaient d'autant plus, c'était les deux dragons qui les survolaient très souvent. Yselda n'était pas vu comme la femme aux dragons, mais comme la messagère de celui qui avait le pouvoir de les contrôler. Celui que beaucoup appelaient désormais, Le Maître des Dragons. Personne ne l'avait jamais vu, mais au cours des ces six longues années, de nombreuses histoires au sujet de cet enfant avaient bercé le pays. Comme un conte, un mythe ou une légende. Aujourd'hui, tout éclatait au grand jour, non pas pour la gloire car Nicolas s'en moquait, mais pour rectifier ce que les rois, depuis des années voire même des décennies, n'avaient su arrêter.
Une guerre ne se contrôle pas, mais elle peut s'arrêter. Il suffisait d'y croire un tant soit peu pour que cela se réalise.


  Durant leurs voyages, lorsqu'ils ne couchaient pas dans des villages pour grandir leur armée et convaincre les moins courageux, Yselda se perdait souvent dans ses pensées. D'autres fois, elle se laissait simplement émerveiller par les paysages tous plus beaux les uns que les autres. Que ce soit les montagnes, les prairies, les forêts, les chemins de terre à travers les bois... Aucun détail n'échappait à ses beaux yeux aussi clairs qu'un ciel d'été. Aucun son de la nature ne parvenait pas jusqu'à ses oreilles. Le flot des rivières, le sifflement du vent, le bruissement des feuillages, le chant des oiseaux, les cris des animaux, le grouillement des insectes...

  Pourquoi la guerre ? Se demandait-elle. Pourquoi Djafar et tous les autres n'étaient-ils pas capable d'ouvrir les yeux pour regarder autour d'eux et voir comme le monde qui les accueillait avait tant à leur offrir ? Pourquoi le pouvoir ? Quand la nature nous donne tout ce dont on a besoin pour vivre...

— L'Homme ne sait que détruire ce qu'on lui offre... murmura-t-elle en enjambant une racine d'un arbre ressortant de la terre comme la veine sur une main.

  Elle était dissimulée parmi la centaine d'hommes qu'elle avait réussi à réunir. Tous avaient leur armure à présent et le temps était venu de faire le voyage vers Ador. Leur équipement était très lourd, certains se sentaient obligés d'abandonner tandis que d'autres luttaient pour continuer leur ascension jusqu'au Royaume.  Ils n'étaient pas assez mais Yselda savait que plus ils attendaient et moins ils avaient de chance de gagner. D'autant plus qu'elle leur avait promis la rencontre qu'ils attendaient tous, celle de voir Nicolas en personne. Le seul problème était qu'elle ne savait pas s'il était en vie.

  Tout le long des voyages qu'elle avait pu entreprendre en quatre longs mois, elle s'était demandée ce qu'était devenu son ami. Avait-il péri suite à ce virus qui lui avait été transmis ? Avait-il été exécuté par le roi lui-même devant toute la cour ? Était-il prisonnier ? Logé au Royaume ? Avait-il retrouvé sa bien aimée ? D'autant plus que des rumeurs couraient au sujet du roi, déclarant qu'il avait désormais un dragon et qu'aucun traité ne lui échappait. Il en profitait pour se venger de ceux qui l'avaient lâchement abandonner. Les offrant en cadeau à ce fameux Dragons aux yeux bleus, qui, d'après les dires, n'hésitaient pas à les engloutir après les avoir brûlés vifs.

— De quoi tu parles ? demanda Archibald à ses côtés.

   Sa voix juvénile la fit sortir de ses pensées. Elle ne lui jeta qu'un bref regard, bien trop concentrée sur sa route, la main sur le manche de sa nouvelle épée. Archibald était enfin vêtu d'une armure décente. Il pouvait enfin dire qu'il était soldat et non écuyer. Il faisait à présent partie d'une armée. Terminé de s'occuper des chevaux, d'aiguiser les épées et cirer les chaussures... Il faisait partie de ceux qui entreraient probablement dans l'histoire.

— J'ai simplement pensé à voix haute, rétorqua-t-elle en regardant droit devant.

  Yselda tentait de le cacher au mieux, mais elle était terrifiée et diriger une armée comme celle-ci se révélait être une tâche difficile. Elle ne se comportait pas comme un véritable chef, ils savaient où ils devaient aller et elle avait préféré laisser les chevaux aux autres. La dernière fois qu'elle en avait monté un, elle avait bien failli y rester. Elle ne voulait pas que cela se reproduise.

— J'ai entendu dire que nous étions à une semaine d'Ador, reprit Archibald, comment te sens-tu ?

— Et toi ?

   Devait-elle vraiment s'expliquer sur ses sentiments à cet instant ? Intérieurement elle était terrifiée. Sur un champ de bataille rien n'est similaire à un entraînement. On ne connaît pas son ennemi, ni la façon dont il va s'attaquer à nous. Une erreur peut s'avérer être fatale. Une inattention, et c'est la mort assurée.

— J'avoue ne pas être très pressé à l'idée de me battre contre l'armée du roi parce-que je pense échouer très rapidement. Mais, voyons le bon côté des choses, nous avons des dragons.

   Yselda esquissa un faible sourire puis leva les yeux vers le ciel.

— Regarde comme il fait beau, comme si l'hiver n'était qu'un mauvais souvenir, souffla-t-elle.

  Archibald leva la tête mais manqua de trébucher sur une roche qui ressortait, le chemin était cahoteux, il n'était pas le premier à avoir trébuché et probablement pas le dernier. Il se concentra alors sur sa trajectoire et passa une main dans ses cheveux ébouriffés.

— Le soleil est enfin de notre côté !

— Profites-en, peut-être n'aurons-nous plus cette chance bientôt, souffla-t-elle.

   Archibald s'arrêta et tint le bras de son amie. Yselda se tourna vers lui alors qu'autour d'eux, les soldats continuaient leur avancée, les dépassant sans vraiment y faire attention. Quelques groupes chantonnaient des chansons de guerre jadis entendu par leurs pères ou leurs frères. Des chants qui pouvaient aider à garder espoir et croire en la victoire.

— Pourquoi dis-tu des choses comme ça ? Tu es censée être celle qui mène cette armée, tu ne dois pas tenir des discours de ce genre, gronda Archibald.

   Yselda retira son bras de son étreinte et croisa les bras, affrontant le regard sombre du jeune homme.

— Tu n'es pas mon père Archibald, tu n'as pas besoin de me remonter les bretelles. Je suis seulement lucide, crois-tu vraiment qu'il n'y aura pas de pertes ?

— Je ne suis pas aussi stupide que tu ne le crois. Je le sais et je l'ai dit, je ne ferai pas long feu sur le champ de bataille. Mais à quoi bon ne pas garder espoir ? Aller se battre en pensant que ce sera la dernière fois que nous voyons le soleil, c'est courir droit à notre défaite.

  Il se rapprocha d'elle pour plonger son regard dans le sien et captiver toute son attention.

— Bien-sûr qu'il y aura des pertes et tous ces hommes que tu vois autour de toi le savent eux-aussi. On le sait tous. On sait tous qu'on ne rentrera peut-être pas chez nous. On sait tous que notre vie s'achèvera probablement plus tôt qu'elle ne l'aurait dû. Mais mieux vaut mourir en combattant, qu'en attendant que la guerre cesse. Sache que tu ne feras peut-être pas partie de ces morts, peut-être que tu seras là pour voir notre victoire. Souviens-toi pourquoi nous nous battons et demande-toi si cela en vaut vraiment le coup. Que penserait ton père ?

  Yselda déglutit difficilement puis baissa les yeux, elle poussa une petite boule de terre sèche avec son pied et laissa ses bras ballants.

— Mon père sera sur le champ de bataille, Archibald. Je devrais me battre contre lui.

— Rien ne t'y oblige.

  Elle secoua la tête.

— Tu ne comprends pas. Mon père est chevalier, et sa loyauté vaut plus que n'importe quoi. Il ne trahira jamais son roi, il se battra pour lui et non pour Nicolas. Il fait partie des ennemis et il ne changera pas d'avis.

— Pourquoi ?

— Car il a toujours été comme ça.

— Qu'est-ce qui te fait croire qu'il ne peut pas changer de camp ? insista Archibald.

   Bientôt, ils se retrouvèrent seuls, pendant que les hommes continuaient leur ascension, le cœur lourd, la voix grave, chantant depuis des heures sans s'arrêter comme une dernière prière dans l'espoir de pouvoir revoir leur femme.

— Lorsque j'étais encore toute petite, j'ai assisté à une scène qui me l'a prouvé. Mon père n'est pas un homme mauvais mais un homme de parole. Quand le roi a ordonné aux hommes de Theobald de dérober les biens des villageois ainsi que leur femme, mon père a exécuté ces ordres sans jamais rien dire. Il l'a fait, sous mes yeux, il a détruit des foyers entiers parce-que le roi l'avait demandé et parce-qu'il avait prêté serment à la chevalerie.

   Elle releva les yeux vers Archibald. Ce dernier ne savait plus quoi dire, cela se lisait sur son visage bien trop expressif. Ses épaules s'affaissèrent et un soupir qu'il ne put retenir s'échappa de sa fine bouche aux lèvres roses.

— Ne sois pas triste pour moi, reprit Yselda en souriant légèrement. Mon père est au courant, et il sait que nous nous retrouverons l'un contre l'autre. Cela ne voudra pas dire que nous nous détestons. Cela voudra seulement dire que nous avons emprunté des chemins différents lui et moi.

   Archibald la considéra de longues secondes sans un mot avant de l'enlacer. Il la serra si fort qu'Yselda crut ne plus pouvoir respirer. Elle fut surprise avant de se laisser tenter, elle ferma les yeux et un sentiment de sécurité l'envahit. Elle s'était toujours sentie différente. Là-bas, à Paraviel, aucun garçon ne se comportait comme Archibald avec elle. Dans ses bras, elle se sentit femme, forte et comme à la maison... Elle enroula ses bras autour de sa taille et le serra, sans savoir pourquoi une larme coulait le long de sa petite joue blanche. Ce fut la première fois qu'elle ressentit cette sensation de chaleur, en sachant qu'à ce jour, elle n'était pas seule.

   Un étrange bruit les fit se détacher l'un de l'autre. Ils se jetèrent un regard avant que ce son ne parvienne de nouveau à leurs oreilles. À droite, les hommes avaient presque complètement disparu et ce son similaire au grognement d'un animal venait du côté opposé. Yselda commença à prendre le chemin inverse, sous les yeux ahuris d'Archibald. Il regarda derrière lui, là où les hommes avaient laissé les empreintes de leurs pas, puis Yselda qui s'éloignait peu à peu de lui pour se diriger vers la source de ce bruit...

— Mais... attends moi... ! couina-t-il.

   Il trottina pour la rejoindre et tout deux s'aventurèrent derrière de gros buissons qui griffèrent les bras nus d'Yselda. Derrière ceux-ci se trouvait une clairière éclairée par le soleil, entourée d'arbres verdoyants, recouverte d'herbes flamboyantes. Mais ce qui retint le plus leur attention n'était pas ce coin idyllique mais plutôt la créature qui s'y trouvait. Un dragon, aussi gros que ceux qu'ils avaient l'habitude de voir se trouvait là et il se nourrissait d'un pauvre mouton carbonisé. Ses écailles brillaient sous la lumière vive du soleil, des écailles aussi rouge que du sang et probablement aussi rêche que la roche.

   Yselda se souvint aussitôt de cet animal féroce qui s'en était pris à Nicolas. Ce dragon aux ailes abîmées et au regard enragé. Cette bête qui lui avait presque ôté la vie en le brûlant. Son cœur se mit aussitôt à tambouriner contre sa poitrine et son sang afflua dans ses veines. Elle saisit la main d'Archibald tandis que la créature continuait de se nourrir goulûment du pauvre animal qu'elle avait chassé.

  Il fallait qu'ils partent, sans faire de bruit. Alors ils reculèrent d'un pas, puis d'un autre, tout en prenant le plus de précautions possibles. C'était comme marcher au ralenti. Malheureusement, lorsque le talon d'Archibald appuya sur un bout de bois trop fragile, le craquement retentit dans toute la clairière, ce qui attira l'attention de la bête. Le jeune homme ouvrit de grands yeux et Yselda n'attendit pas plus longtemps, lorsque le dragon se mit à rugir, pour tourner les talons et courir, en entraînant Archibald avec elle.

   Leurs pieds glissèrent dans l'herbe quand la créature se retrouva devant eux. Elle ne pouvait, certes, pas voler, mais elle était aussi vive qu'un serpent, bien trop rapide pour qu'un être humain puisse lui échapper. Yselda et Archibald se collèrent l'un à l'autre, comme si cela allait pouvoir les protéger et ils fermèrent les yeux quand le dragon ouvrit grand sa gueule, laissant entrevoir le gaz et les flammes au fond de sa gorge sombre. Que pouvaient-ils faire ? En quelques secondes seulement, ils n'avaient pas le temps de faire demi-tour pour fuir alors ils ne pouvaient qu'accepter leur sort, sans même avoir eu le temps de tenter leur chance sur le champ de bataille.

   Quand ils crurent leur heure venue, rien ne se produisit. Yselda ouvrit un œil, suivie de son ami et ils furent tous les deux surpris d'assister à une scène hors du commun. Aldaïde se jeta de tout son poids sur le jeune dragon qui roula dans l'herbe, arrachant quelques touffes sous sa peau rêche et creusant la terre avec sa queue. Yselda faillit tomber à la renverse mais Archibald la retint par la taille. Tout deux les yeux écarquillés et leur organe vital malmenant leur poitrine. Le jeune dragon se redressa aussitôt et se jeta sur la Mère, cette créature si grande et imposante, si majestueuse et impressionnante, noire comme l'ébène, sombre comme les ténèbres et protectrice comme toutes âmes maternelles. Elle ouvrit grand sa gueule de plus de quatre mètres et saisit la gorge de son adversaire, serrant ses dents aussi longues et aiguisées que la lame d'un poignard, les plantant dans la chair du jeune dragon. Ce dernier se débattit, la gueule penchée, les pattes glissant dans la terre, labourant le terrain et ne cessant de gémir comme l'aurait fait une pauvre bête sans défense. Yselda en eu presque mal au cœur et elle se souvint alors de cette scène qui l'avait tant marquée, le jour où Nicolas avait fermé les yeux pour peut-être ne plus jamais les rouvrir. Il s'était interposé entre eux et la bête et il avait hurlé son nom...

— Hargon... murmura-t-elle.

  Archibald n'entendit ce nom que lointain, il serra sa main dans la sienne et la tira par le bras pour qu'elle le suive. Mieux valait laisser ces deux dragons seuls. La Mère avait lâché sa proie et le jeune dragon s'était comme prosterné, littéralement soumis. Yselda mit un temps avant de revenir à elle, elle faillit tomber à nouveau mais se rattrapa de justesse, le bras tendu car son ami était déjà en train de courir loin devant elle. Elle se résigna à le suivre pour abandonner alors ces deux animaux. Ils quittèrent la clairière et coururent main dans la main sur le chemin cahoteux que les hommes avaient emprunté quelques minutes plus tôt. Mieux valait les retrouver au plus vite, la guerre pour la liberté était bien plus importante que ces dragons. Ils ne s'arrêtèrent de courir que lorsqu'ils furent certains d'être assez loin de ce maudit dragon aux ailes déchirées. Yselda s'appuya sur ses cuisses pour reprendre sa respiration, perdue dans toutes ces pensées qui ne faisaient que diverger et se mélanger.

— Il faut qu'on rejoigne les autres, avant de les perdre et de nous perdre nous-même, lança Archibald en avalant difficilement sa salive, un nœud dans la gorge à force d'avoir couru avec cette lourde armure sur les épaules.

   Yselda se redressa et fit passer sa longue tresse sur le côté, elle caressa du bout des doigts ses longs cheveux noirs, songeuse. Elle savait qu'Archibald avait raison et qu'il ne fallait pas s'éloigner de leur objectif mais elle avait tellement de craintes enfouies au fond d'elle, loin, très loin. Elle s'imagina arriver près des murs fortifiés du Royaume, puis de se faire assassiner aussitôt par les archers perchés sur les toits, elle s'imagina ses retrouvailles avec Nicolas... découvrant son cadavre dans les catacombes du Royaume, mort de faim ou bien de soif, ou tout simplement, apprenant qu'il avait été guillotiné... Tant de scénarios possibles, tant de fins probables. Elle ne pouvait le nier, ils étaient proches de la fin. Leur fin, ou celle du règne de Djafar.

   Ils étaient sur ce chemin tout cabossé, cette dernière ligne droite qu'ils devaient suivre. Celle qui les mèneraient jusqu'à leur destin. Vivre ou mourir. Perdre ou gagner. Elle eut un frisson, rien que d'y penser. Néanmoins, elle releva le menton et calma peu à peu sa respiration qui ne cessait d'augmenter.

   Elle savait à présent qu'ils ne pouvaient faire marche arrière et au fond, cette pensée la fit sourire. Sans dragons ou avec des dragons, la guerre serait la même. Elle savait pourquoi ils se battaient et elle savait que même s'ils échouaient, cette guerre reprendrait, parce-qu'elle trouva un nom à leur histoire. Un nom qui lui plu et qui resterait dans les anales. Ce même nom qu'on emploiera pour conter leur triste destin, leur dure épopée, cette histoire de dragons et d'homme, celle parlant d'un roi fou et d'un enfant capable de communiquer avec des créatures mystiques.

  Cette histoire réunissant une jeune fille rebelle ne souhaitant qu'être chevalier, un écuyer voleur, peureux et talentueux, futur ingénieur, cet assassin mystérieux et ténébreux, capable du pire, cette princesse aux cheveux orangées, coincée dans une forteresse poussiéreuse, ce prince perdu entre sa dévotion pour sa famille et son envie de paix. Pour finir avec ce roi à la vengeance mystérieuse et cet homme aux yeux dorés, qui aura déclenché...

— La Révolution, souffla-t-elle.

   Archibald lui jeta un étrange regard et elle lui attrapa la main pour reprendre leur route sur ce fameux chemin, illustrant la dernière ligne droite de leur histoire.

— C'est le nom qu'on donnera à cette guerre : la Révolution, reprit-elle.

  Tout deux marchèrent durant de longues heures, sans jamais démêlés leurs doigts, comme unis jusqu'à la fin de leur périple.





Je vous remercie d'avoir lu !

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