II. Chapitre 5 Suite

« - Je comprendrais si tu refuses, mais sache que la solitude n'est pas le meilleur remède contre le chagrin, continua-t-il doucement.
      Comme pour l'aider à la convaincre, dans son dos Daram la poussa du chanfrein en s'ébrouant, et à ses pieds le chien de combat la fixait en remuant la queue.
      Ils ont raison tous les trois, pensa-t-elle en souriant tristement. Et Maître Ghil a raison aussi. Je suis liée à la Maison Royale de par mon serment. Je dois rendre Maître Domkan et Natéa fiers de moi.
      Lorsqu'elle releva la tête vers le Prince, il vit briller la flamme noire dans les yeux de la jeune femme, celle-là même qui avait embrasé son âme quand il avait croisé le regard de son Maistre Écuyer la veille au soir pour la première fois...

      Une demi-heure plus tard, ils s'éloignaient au trot, au-delà des remparts de la cité. Vick gambadait autour d'eux comme un jeune chiot.
      Le Prince fut un guide parfait. Il prit le temps de lui décrire les lieux qu'ils traversaient. Son grand-père l'avait souvent emmené avec lui en promenade lorsqu'il était plus jeune. Et en faisant découvrir le pays de son enfance à Eléa, il se rendit compte qu'il y était lui-même plus attaché qu'il ne l'avait cru. Ils allèrent beaucoup plus loin qu'elle ne l'avait fait seule lors de ses précédentes sorties. Petit à petit, il capta l'attention de la jeune femme qui commença à lui poser des questions. Il remarqua le lien fort entre la cavalière et son étalon, qui semblait répondre au moindre de ses désirs sans qu'elle ait besoin de lui indiquer. Il montait quant à lui, son cheval de combat, Aïak, un étalon blanc de cinq ans.
      Ils arrivèrent sur un plateau. Une longue prairie herbeuse ondulait sous le vent d'automne devant eux. Eléa et Daram ne purent résister, et ils s'élancèrent au galop !
      Calh sourit et bondit à leur suite. Arrivé à leur hauteur, il poussa son étalon pour les dépasser, mais Eléa encouragea Daram de la voix qui accéléra encore. Puis dans un accord parfait, les deux cavaliers firent ralentir leurs montures au trot, puis au pas afin de ne pas les épuiser. Les flancs des pur-sang palpitaient, une buée dense sortait de leurs naseaux fumants, et la sueur fonçait leurs encolures. Ils attendirent qu'ils retrouvent leurs souffles avant de les laisser brouter. Le grand chien de combat arriva ventre à terre, langue pendante.
–Il y a un ruisseau un peu plus loin pour ce pauvre Vick, proposa le Prince. Et les chevaux auront peut-être aussi soif.
      Elle approuva d'un signe de tête. Ils s'engagèrent vers un dénivelé du terrain, où effectivement ils trouvèrent un petit cours d'eau. Le chien se laissa tomber dedans, et se mit à laper sans même se redresser.
–Il a l'air d'apprécier en effet, sourit-elle.
      Par les Dieux, qu'elle est belle ! pensa le jeune homme.
     Ils firent boire les chevaux lentement pour éviter tout risque de coliques mortelles. Puis ils les dessellèrent et les bouchonnèrent avec des brassées d'herbes sèches avant de les laisser brouter calmement.
–Tu as peut-être faim ? demanda-t-il.
      Et il lui tendit un des encas qu'il avait emporté dans les sacoches de sa selle.
–Je les ai préparés en passant par les cuisines, j'espère que ça ira.
      Elle mordit dans le pain.
–Merci.
–Ce n'est que du pain, du fromage et des fruits, s'excusa-t-il.
–Merci pour ça aussi, mais merci surtout de m'avoir aidé aujourd'hui... Votre Altesse ! rajouta-t-elle rouge de confusion. Je... Je Vous prie de m'excuser pour mon manquement à l'étiquette... Votre Altesse ! bafouilla-t-elle encore.
      Le jeune homme avait été tellement prévenant tout au long de la promenade, qu'elle avait fini par oublier son titre, savourant juste le réconfort de sa présence. Elle était rouge de honte, prête à se lever et à s'enfuir sur Daram, à cru s'il le fallait !
–Eléa... reprit-il doucement sans se lever mais en se penchant vers elle. Eléa regarde-moi, s'il te plaît.
      Elle obéit à la voix chaude et releva les yeux.
–J'étais sincère hier soir quand je t'ai dit qu'un lien spécial unissait un Chevalier et son Maistre Écuyer, et qu'ils se tutoyaient. Quand nous avons mêlé nos sangs, nous nous sommes liés l'un à l'autre pour le bien du Royaume. Désormais tout ce qui te touche me concerne, et j'espère que toi aussi tu voudras bien être là pour moi si j'en ai besoin.
      Il la dévisageait gravement.
–Je serai toujours là pour Vous, Votre Altesse, mais je n'arriverai jamais à Vous tutoyer, répondit-elle d'une petite voix.
–Alors commence par supprimer les « Votre Altesse », et appelle-moi par mon prénom, proposa-t-il en souriant.
      Sous le choc, elle s'étrangla avec sa pomme ! Calh explosa de rire, mais devant les suffocations de la jeune femme, il bondit derrière elle et lui asséna une claque dans le dos.
–Ça va ?! demanda-t-il inquiet en la retournant vers lui.
      Une fois de plus le velours sombre et les éclats d'émeraude se mêlèrent et le temps sembla se suspendre. Imperceptiblement leurs lèvres se rapprochèrent...
–Je ne veux pas profiter de ta tristesse Eléa, se reprit-il en se retirant vivement.
      Elle rougit violemment et une lueur de colère passa dans ses yeux devant le recul du Prince.
      La belle a du caractère on dirait... pensa le jeune homme amusé.
      Cette réflexion lui permit de reprendre le contrôle de la situation.
–Je ne veux pas être un lot de consolation pour toi.
–Je... Je suis désolée si je Vous ai déplu... bredouilla-t-elle en baissant la tête. »

Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
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