II. Chapitre 4 première partie

      « À la fin du repas, la Reine Léda annonça à l'assemblée que le moment de se rendre dans la Salle de Bal était venu.
      Eléa et Maître Ghil profitèrent de la joyeuse cohue qui suivit pour regagner les appartements de la jeune femme, afin qu'elle puisse se changer le plus rapidement possible.
–Je t'attends ici, dépêche-toi ! lui dit-il devant sa porte d'un ton plus sec qu'il n'aurait voulu.
      Perdu dans ses pensées, l'homme essayait de faire le point sur la situation. Il n'avait jamais envisagé le jeune Calh comme autre chose qu'un damoiseau épris de culture, à qui Eléa aurait apporté toute la force de son énergie. Or, c'est un véritable Prince Héritier qu'il avait découvert ce soir ! Et il n'avait pas aimé le regard intense que les deux jeunes gens avaient échangé... Non, il n'avait jamais envisagé une telle éventualité pour Eléa. Il sentit ses mâchoires se crisper. D'ailleurs que faisait-elle à la fin ?!
–Eléa ?! appela-t-il à travers la porte. Eléa, ça va ?
      Comme il n'entendit aucune réponse, il entra prudemment. Elle était dos à lui. Elle avait enfilé sa cotte de soie couleur Pierre de Lune mais semblait emmêlée dans son surcot. Il ne put s'empêcher d'admirer le corps parfait que le fin tissu moulait...
–Je n'y arrive pas ! gémit-elle en se retournant.
–Du calme, du calme ! Laisse-moi t'aider. Recule. Ne bouge pas. Laisse-moi faire.
      Il entreprit de déplier délicatement l'habit.
      Ce n'est pas la première fois qu'il manipule des vêtements de femmes... constata-t-elle en rougissant.
–Viens ici... Voilà... De ses mains expertes, il plaça le surcot sur ses épaules. Ne bouge plus... dit-il en laçant les fines lanières sur son corsage.
      Il ajusta ensuite la ceinture argentée sur la taille de la jeune femme.
–Tourne-toi.
      Elle obéit prestement. Soudain elle sentit les mains de l'homme dans ses cheveux !
–Ne bouge pas ! lui ordonna-t-il.
      Avec dextérité il fit une tresse de chaque côté et les rejoignit vers l'arrière en y mêlant des passants de soie assortis à la cotte couleur Pierre de Lune.
–Ce n'est pas plus difficile que sur un cheval, lui expliqua-t-il, mais ses mains tremblèrent en fixant les rubans tandis que ses iris palissaient... Attends, j'ai presque fini...
      Elle l'entendit aller ouvrir un coffre au fond de la pièce, puis revenir vers elle.
–J'ai pensé que cela irait avec ta tenue et ton nouveau blason...
      Il passa les mains autour de son cou et y déposa un collier en argent ciselé. Elle prit dans sa main le petit croissant de lune qui pendait entre ses seins, et elle se retourna vivement.
–Oh Maître ! Il est magnifique ! C'est le deuxième bijou que vous m'offrez !
      Il recula brusquement.
–Alors, comment me trouvez-vous ? lui demanda-t-elle inquiète et sérieuse.
–Regarde toi-même ! grogna-t-il en lui désignant le miroir sur pied de la chambre.
      Elle s'avança et resta pétrifiée devant son reflet...
–Ce... Ce n'est pas moi... murmura-t-elle d'une voix incrédule.
      Elle porta la main à son visage pour s'assurer que le reflet suivait bien son mouvement. La soie claire chatoyait sous le tissu foncé mordoré. La ceinture d'argent marquait sa taille fine. La coiffure de Maître Ghil dégageait l'ovale de son visage. En tournant la tête, elle vit les deux passants de soie éclairer sa chevelure sombre. Quant au collier, il s'adaptait parfaitement à son cou, le croissant de lune venant mourir à la naissance de ses seins.
      Elle croisa le regard de l'homme dans le reflet du miroir et elle vit ses pupilles noires dilatées dans les iris translucides... Elle rougit en se rappelant leur soirée chez le viticulteur, et la signification d'une telle couleur dans le regard de l'homme...
      Il s'aperçut de son trouble et trouva la force de se ressaisir avant de dire d'une voix rauque.
–Allons ! Dépêchons-nous ! Le Roi nous attend.

      Il lui donna le bras jusqu'à l'entrée de la Grande Salle de Bal. Tout au long du trajet, elle ressentit la tension de son compagnon.
La salle était magnifique ! Des étendards de la Maison Royale étaient accrochés au plafond. Et à chaque Soleil Blanc, une Demi-Lune d'Argent gris pâle était associée juste en dessous. Il y avait aussi des Ours et des Phoenix Blancs à intervalles réguliers.
      Au vu du nombre d'invités encore en train d'arriver, les musiciens n'avaient pas encore commencé. Eléa ne savait plus où regarder ! Partout des fleurs blanches semblaient tomber du ciel en guirlandes ! Des milliers de cierges ornaient les lustres en cristal !
      Plusieurs invités chuchotèrent sur leur passage. Si le Maistre Écuyer Royal avait déjà attiré l'attention lors du banquet, sa nouvelle tenue toute féminine fit sensation. Face aux regards insistants de certains convives, hommes ou femmes d'ailleurs, elle resserra instinctivement ses doigts sur le bras de l'ancien Maître Bibliothécaire de Noshaïa. Il la sentit se tendre comme un arc, et il posa une main rassurante sur la sienne. Ils s'avancèrent vers un angle de l'immense pièce. Il lui présenta les nobles Seigneurs et les gentes Dames qui virent les saluer, reconnaissant chaque Maison et le titre qui y était rattaché.
      L'entrée d'Eléa n'avait pas échappé au Prince... Une fois de plus il chercha à comprendre le lien qui unissait la jeune écuyère et son mentor. Et une fois de plus il s'irrita du regard translucide sans équivoque, que l'homme posait régulièrement sur sa jeune protégée sans qu'elle s'en aperçoive.

      Enfin la musique résonna et selon la tradition, le Roi et la Reine ouvrirent le bal, bientôt suivis par les deux Princesses et leurs maris. Puis d'autres couples remplirent progressivement la piste. À la fin de la danse, le Souverain offrit le bras de son épouse à leur fils, qui entraîna sa mère tout sourire dans la foule des danseurs.
      Le Roi Galh rejoint son père qui s'approchait d'Eléa, flanqué de son fidèle chien de combat.»

Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
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