II. Chapitre 4 fin
« Elle reconnut le rythme d'une tierce. Et sans attendre sa réponse, sûr de son bon droit en digne héritier de la Lignée Royale, il l'entraîna vers la piste.
Elle essaya de se rappeler les conseils de Maître Ghil.
Tiens-toi droite. Ne regarde pas tes pieds. Souple dans la taille et ferme dans les bras.
Mais tout disparut quand le Prince posa ses doigts sur elle, et qu'il saisit plus fermement sa main dans la sienne.
–Pourquoi regardes-tu mon menton ?! s'étonna-t-il. Regarde-moi...
Et les yeux sombres d'Eléa rencontrèrent à nouveau les éclats d'émeraude comme lors de la cérémonie... Il ne cilla pas, et se contenta de resserrer son étreinte pour l'entraîner dans la danse. Leurs corps s'accordaient à la perfection. Le Prince avait donné une sensualité troublante au rythme de la tierce. Imperceptiblement, il resserra son étreinte. Bientôt leurs souffles se mêlèrent, mais il ne tenta pas de se rapprocher davantage de la bouche de sa cavalière, créant une tension, un lien entre eux. Elle ne voyait plus que lui, ne sentait plus que lui. Le monde disparut autour d'eux, entraîné dans le rythme lent en profond de la danse...
Lorsque la musique s'arrêta, ils ne remarquèrent même pas les regards braqués sur eux. Les hommes n'avaient d'yeux que pour le corps souple de la jeune danseuse, alors que chaque femme s'imaginait dans les bras du Prince...
Ils restèrent un instant face à face, le souffle court, les pupilles dilatées. Une fois de plus Calh ne lâcha pas sa main quand ils se dirigèrent vers un balcon, à l'écart de la foule. L'air frais raviva l'esprit d'Eléa, qui reprit conscience petit à petit de l'espace et du temps. Vick vint rejoindre le jeune couple, et se coucha à la porte-fenêtre donnant sur le balcon.
–Il semblerait qu'il prenne son rôle très au sérieux, sourit le jeune homme en désignant le dogue. Alors Maistre Écuyer, parle-moi un peu de toi.
Il avait lâché sa main et s'était accoudé à la balustrade. Il était souriant et attentif à la fois.
–Je ne sais pas quoi Vous répondre... Votre Altesse ! bredouilla-t-elle en baissant les yeux et en rougissant.
–J'avoue qu'au début j'étais très réticent à l'idée de ce double adoubement. Je me méfie des discours de mon père. Mais j'aurais dû faire confiance à mon grand-père en début de semaine, quand il m'a affirmé que le nouveau Maistre Écuyer serait une véritable chance pour moi, continua-t-il en souriant à la jeune femme.
Il émanait de lui une virilité sensuelle qui la troublait. Il ne cherchait plus à se rapprocher d'elle. Il se contentait de lui parler de sa voix chaude et grave en lui souriant.
Soudain ils entendirent la Reine Léda.
–Calh ! Calh où es-tu ?!
–Il semblerait que le devoir m'appelle. Ce fut un véritable plaisir de danser avec toi, Maistre Écuyer.
Il avait donné une note équivoque au mot « plaisir », en plongeant ses yeux bruns aux reflets verts dans ceux d'Eléa.
–Que dirais-tu d'une promenade à cheval demain matin pour mieux apprendre à se connaître ? Nous avons déjà mêlé nos sangs, nous ne sommes plus des inconnus... lui chuchota-t-il en se penchant vers elle.
Elle sentit son souffle chaud sur sa nuque et sa peau se couvrit de frissons.
–Ah j'oubliais ! rajouta-t-il en se retournant devant la porte-fenêtre. La tradition veut qu'un Chevalier et son Maistre Écuyer se tutoient.
Et il lui décocha un clin d'œil avant de caresser la tête de Vick qui s'était redressé. Puis il s'éloigna dans la foule à la recherche de sa mère.
Elle resta un moment sans bouger en essayant de rassembler ses esprits, avant de rentrer à son tour à l'intérieur. Le grand chien noir l'escorta, imperturbable malgré les regards et les murmures qui jalonnèrent leur passage. Elle chercha en vain Maître Ghil du regard. Soudain elle se sentit très seule au milieu de ces visages inconnus. Elle décida de regagner ses appartements. En se retournant sur le pas de la porte de la Grande Salle, elle aperçut le Prince qui discutait avec un Seigneur d'Alandhaïa. Il dégageait une calme assurance qui détonnait avec sa jeunesse. Un soupir franchit ses lèvres sans qu'elle ne puisse le maîtriser...
Arrivée dans sa chambre, elle se dévêtit et accrocha précautionneusement sa robe de bal sur un cintre, à côté de sa tenue de Maistre Écuyer Royal. Elle ôta son collier et le remit dans le petit coffret en bois de Maître Ghil.
–Comment réagira-t-il quand il saura que j'ai dansé avec le Prince ?! s'inquiéta-t-elle. Et pourquoi le Roi le garde-t-il aussi longtemps avec lui ? Quelles nouvelles va-t-il encore m'annoncer demain ?!
Mais les émotions de la journée et de la soirée eurent raison d'elle et elle sombra dans le sommeil en murmurant.
–Et que va-t-il penser quand il saura que je dois tutoyer le Prince... »
Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
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