II. Chapitre 3 fin
« - Puissent ces deux astres briller longtemps sur le Royaume d'Argalh, déclara-t-il d'une voix encore forte. Longue vie au Prince Chevalier et à son Maistre Écuyer !
Et il leva sa coupe en leur honneur, repris par l'ensemble des convives.
–Longue vie au Prince Chevalier et à son Maistre Écuyer !
Si Calh sourit sereinement, Eléa rougit en sentant tous les regards braqués sur eux. Elle perçut également la tension de Maître Ghil à ses côtés. Heureusement, durant le repas, le Vieux Roi mit un point d'honneur à discuter avec elle. Il avait senti combien sa jeune amie était mal à l'aise. Il parvint à la détendre en lui parlant de leur sujet préféré à tous les deux, les chevaux de combat.
Petit à petit, les épaules de la jeune femme se détendirent et elle n'en apprécia que davantage son interlocuteur. De temps en temps, elle percevait des bribes de conversation entre le Prince et son père. Le jeune homme débordait d'idées pour rebâtir le Royaume.
Maître Ghil de son côté, semblait plus serein. Il échangeait ses souvenirs de voyage dans le Duché d'Alandhaïa avec la Princesse Dina et son mari.
Les nappes blanches étaient ornées de branchages aromatiques qui embaumaient l'air. Les membres de la Famille Royale avaient chacun à leur disposition une coupe, un couteau et un tranchoir. Les autres convives partageaient les leurs deux par deux. Le repas se découpa en cinq services successifs, composés eux-mêmes de plusieurs plats variés. Le Maître Queue les annonça avant chaque passage, lorsque la rangée de serviteurs vint les présenter devant la table d'honneur.
Lors du premier service, ils apportèrent des mises en bouche et autres assiettes de tables composées de petites bouchées, de gaufres, de pains épicés, de morceaux de lard fumé, de petits pâtés, de brochettes de fruits secs et de morceaux de pommes.
Pour le second service, on leur proposa des soupes variées : à la courge et aux amandes, aux poireaux et aux oignons, aux navets et aux pommes, aux pois et aux fèves, aux carottes et aux choux.
Puis vint le troisième service, où furent servis des plats en sauce : un brouet de chapon, un sauté d'agneau et sa sauce dorée, un ragoût de sanglier et un civet de lièvre.
Le quatrième service fut celui des pièces de viandes rôties, avec un chevreau au miel, un gigot en croûte, des venaisons de gibier et un cochon de lait farci apporté entier sur la table d'honneur !
Des plats de légumes accompagnaient les différents mets : des navets aux châtaignes, des crétonnées de pois cassés et de fèves, des purées de panais et autres racines, des tourtières.
Enfin les serviteurs apportèrent le cinquième service composé de blanc-manger, de fruits tranchés, de tartes, de beignets, de fruits confits, de compotes aux épices, de crèmes et de flans.
Eléa n'arrivait pas à identifier tous les plats qu'elle apercevait !
Elle goûta certains du bout des doigts et des lèvres, l'estomac encore noué par la cérémonie et la soirée à venir. Elle crut le repas terminé, mais on apporta encore des fromages et des gâteaux secs, ainsi que des dragées épicées censées aider à la digestion et purifier l'haleine. Sans parler des boissons qui furent versées dans les coupes tout le long du banquet par les échansons : de l'hypocras blanc ou rouge, de la bière et des vins épicés ou miellés...
Entre chaque service, des petits spectacles vinrent divertir les invités et permirent de débarrasser les plats avant l'arrivée des suivants.
Des ménestrels chantèrent des chansons de gestes vantant les exploits de preux Chevaliers et de vaillants Maistres Écuyers, ainsi que des ballades parlant d'amour à l'adresse des quatre jeunes mariés.
Une troupe d'acrobates de la Cour d'Alandhaïa fit frissonner les convives. Ils étaient habillés de pantalons en cuir brut et évoluèrent torse nu. Leur peau claire était recouverte de tatouages mystérieux. Les quatre hommes avaient de longs cheveux blonds qu'ils portaient attachés et des regards pâles qui émoustillèrent plus d'une Dame. Ils montèrent des pyramides humaines, toutes plus audacieuses les unes que les autres, prenant appui sur leurs épaules, leurs mains et même leurs têtes ! Le plus léger fut projeté en l'air sur plusieurs mètres de hauteur ! Il réalisa des sauts périlleux en avant et en arrière, des simples, des doubles et même un triple !
Il y eut également un groupe de trois jongleurs, deux hommes et une femme, venus du Duché d'Ostrhaïa. Leur adresse émerveilla l'assemblée. Les balles de couleurs semblaient danser dans leurs mains. Elles se croisaient si rapidement que les yeux peinaient à les suivre. L'un des hommes utilisa un étrange instrument composé de deux morceaux de bois et d'une corde, et il y fit rouler une sorte de poulie libre en métal doré. Puis brusquement il la lança en l'air et elle aussi se mit à danser au-dessus de lui. Ensuite la femme mania de longs rubans de soie multicolores qui semblèrent s'animer sensuellement autour d'elle. Elle n'était que grâce et fluidité.
Les troubadours et ménestrels revinrent en fin de repas pour enchanter une fois encore les oreilles des invités.
La tête d'Eléa lui tournait entre la chaleur et le bruit de l'assemblée. De temps en temps, Maître Ghil lui avait murmuré des paroles rassurantes ou expliqué la composition de tel ou tel plat. Contrairement à elle, il semblait parfaitement à l'aise.
Le Prince Héritier observa plusieurs fois leurs échanges à la dérobée, pour essayer de comprendre la nature du lien qui unissait l'ancien Maître Bibliothécaire de Noshaïa et sa protégée. Il se surprit à s'irriter de leur réelle complicité.
Son regard revenait irrésistiblement vers son Maistre Écuyer. Pourtant, la jeune femme ne faisait rien pour attirer son attention. Au contraire, elle semblait vouloir se faire oublier des autres convives. Seul son grand-père parvenait à lui arracher de timides sourires. Il admira l'ovale de son visage, le velouté de sa peau légèrement dorée. Il repensa au moment où il avait plongé son regard dans ses yeux de velours sombre. Il sentit son sexe frémir entre ses jambes.
Il savait leurs destins irrémédiablement liés suite à la Cérémonie du Double Adoubement, mais il réalisa qu'il voulait plus. Oui, il voulait plus qu'un Maistre Écuyer. Il la voulait elle, Eléa. »
Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
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