Chapitre 5

Le bain lui faisait un bien fou. Toutes les tensions accumulées des derniers jours s'envolèrent. Certes, elle n'était pas sortie de l'auberge mais au moins ce salaud de Rolf était parti, elle avait entendu les claquements de portières et les moteurs rugir fortement puis decrescendo, signe qu'ils s'éloignaient du manoir. Cependant, elle se demandait ce qu'elle allait devenir. Avait-elle troqué une situation contre une autre, pire encore ? Quel genre de personnage était ce Wulfran ?

Tandis qu'elle se laissait glissée plus encore dans l'eau mousseuse, Charlie ferma les yeux et aussitôt l'image de Wulfran s'imposa dans son esprit. Avec son allure sauvage et imperturbable, il ressemblait à ces hommes du nord qu'on appelait vikings. Oh oui, il en avait l'allure, le charme et cette dangerosité.

Charlie leva son bras valide, se cambra et immergea le sommet de son crâne pour gorger ses cheveux d'eau. Elle resta un instant dans cette position, laissant juste son visage à la surface pour respirer. Elle avait laissé sa jambe blessée hors de l'eau, tendue. Son autre genou était plié et un peu de mousse s'était accumulée au sommet. Ses oreilles étaient immergées aussi eut-elle l'impression de se couper du monde. Les sons étaient étouffés, cependant, elle avait l'impression d'entendre son coeur battre comme si elle l'avait entre les mains. Il avait un rythme calme, régulier. Puis elle s'enfonça plus encore en prenant sa respiration et se retrouva sous l'eau. Elle adorait cette sensation, sentant ses cheveux danser dans cette ondée savonneuse. De fines bulles s'échappaient de ses nez et venaient percer la surface.

Elle resta une minute dans cette position, les yeux clos, avant de pousser sur le font de la baignoire avec son pied et de remonter à la surface. Les yeux clos, elle reprit sa respiration et passa une main sur visage pour en chasser l'eau. Quand elle souleva ses paupières, Charlie poussa un cri étranglé tout en s'enfonçant de nouveau dans l'eau pour dissimuler son corps sous la mousse.

Wulfran était là, assis sur le rebord de la baignoire, la contemplant avec un léger sourire aux lèvres.

— Nous n'avons pas été présenté, dit-il en inclinant la tête sans se départir de son sourire.

— Et vous ne pouviez pas attendre ?

La courbure de ses lèvres s'élargit plus encore alors que ses prunelles azurées pétillaient de malice. Il secoua la tête, négativement. Charlie ne put s'empêcher de le trouver étrange.

— J'ai entendu Rolf vous appeler Wulfran.

— Wulfran Byrne, enchanté de faire votre connaissance...

Le ton était assurément ironique et il y avait une interrogation qui laissant la fin en suspend, une fin qu'elle devait compléter. Les bras croisés sur sa poitrine, elle détourna le regard et se pinça les lèvres. Elle pensa d'abord à les garder scellées, mais un silence s'installa et elle sentait le regard brulant de Wulfran posé sur elle. Il ne bougeait pas, immobile tel une statue de marbre.

— Charlie, souffla-t'elle alors, un peu à contre-coeur.

— Le diminutif de Charlotte. Charlotte Perrin.

Il se parlait plus à lui-même qu'autre chose. Charlie le regarda un instant en biais.

— Vos papiers sont dans le bureau.

— Les dernières choses que je possède, rétorqua-t'elle avec un rire dans la voix, sans joie. Pourquoi me demander de me présenter quand vous connaissez déjà mon identité ?

Wulfran eut un sourire en coin, créant une fossette au bord des lèvres. Elle voyait dans cette courbure une certaine arrogance qui la fit froncer les sourcils tandis qu'il se redressait. Il la surplombait de toute sa hauteur. Cet homme avait décidément une beauté ténébreuse, il rayonnait d'une puissance sauvage mais aussi d'une étrange sensualité presque magnétique. Beaucoup de femmes devaient le trouver irrésistible.

Charlie eut alors une étrange impression en le regardant, indescriptible.

— Parce que c'est ce que font les gens civilisés, Mademoiselle Perrin.

— Pendant que je suis dans mon bain ? Permettez-moi d'en douter.

Wulfran éclata alors de rire, à la grande surprise de Charlie. Ce n'était pas un rire sombre et malsain, bien au contraire, il semblait sincère et pétillant, tant bien qu'elle sentit son coeur s'envoler. Aussitôt, elle tourna la tête pour éviter de croiser son regard.

Soudainement, il y eut des éclats de voix, des rires qui semblaient jaillirent tout droit de leurs poitrines. Charlie avait eu un léger sursaut et son regard semblait alerte, inquiet.

— Il ne vous arrivera rien.

Elle ne put empêcher un rire jaune de franchir ses lèvres.

— C'est vous qui le dite. Et je ne suis pas sûre que nous ayons la même définition.

Rolf devait certainement penser qu'elle allait être en extase après la nuit qu'ils auraient passé ensemble. D'ailleurs, il semblait surpris qu'elle soit partie. Elle vit alors les larges mains de Wulfran se poser sur le rebord de la baignoire et se pencher vers elle. Charlie tenta de se reculer mais elle n'avait pas beaucoup d'espace.

— Je vous le dis, Mademoiselle Perrin. Vous ne craignez rien.

Il y avait une telle solennité dans son regard que Charlie demeura muette. Puis, elle vit un sourire moqueur étirer ses lèvres.

— Enfin... Tant que vous resterez à mes cotés.

— Une façon de me dire de ne pas m'enfuir ?

— De rester en vie, mademoiselle Perrin.

— Dois-je vous remercier, Monsieur Byrne ? Rétorqua-t'elle en mettant l'accent sur le « monsieur », de façon sarcastique, copiant sa façon de l'appeler.

Une étrange lueur se mit à briller dans le regard de Wulfran, qui lui coupa le souffle. Fugace mais bien présente. Puis, il se redressa et quitta la salle de bain sans un mot de plus. Charlie prit une grande inspiration. Elle s'était arrêtée de respirer, une fois encore. Aussitôt, elle replongea la tête sous l'eau, comme pour éteindre le feu qui l'avait brutalement embrasée lorsqu'il l'avait regardée de cette manière.

Il lui fallut un moment pour se ressaisir, reprendre ses esprits et calmer les battements irréguliers de son coeur. Quand ce fut le cas, elle constata que l'eau du bain était devenue tiède et aussitôt elle s'affaira à sa toilette. Elle se lava les cheveux du mieux qu'elle put, avec son bras valide. Cela prit un moment, mais quand enfin elle sortit, elle se sentait propre. La douche qu'elle avait pris après sa chute n'avait pas complètement effacés les traces de sang et de terre et à cela s'était ajouté la transpiration de peur tandis qu'elle était enfermée dans le coffre de cette voiture. Puis, l'eau du fleuve et l'odeur de Rolf s'étaient également superposées. A présent, elle s'était débarrassée de tout cela... pour l'instant.

Qu'est-ce qui l'attendait à présent ?

Enroulée dans un drap de bain, Charlie sortit avec précautions de la salle de bain, jetant des regards inquiets dans la chambre. Elle était vide. Pas de Wulfran Byrne en vue. Avec un soupir de soulagement, elle s'avança et vit un petit tas de vêtements sur le lit, à coté de ses attelles. Elle enfila les sous-vêtements et la robe, lentement, gênée par les douleurs dans son épaule et son genou.

C'était une robe simple, légère, un peu ample et vaporeuse, à bretelles fines et lui arrivant aux genoux. Sa couleur camel se mariait bien avec ses cheveux blonds. Mais est-ce que cela avait de l'importance ? Charlie se regarda dans le reflet. Elle n'avait pas fière allure avec son attelle et sa genouillère, ainsi que les multiples coupures sur son visage.

Le silence de la chambre devint rapidement oppressant et Charlie se dirigea vers la porte. Les éclats de voix s'étaient tus, le calme était revenu dans la villa. Dans le couloir de l'étage, aucune âme. Prudemment, Charlie s'avança. Quelque chose n'allait pas. Alors qu'elle se trouvait en haut des escaliers, elle comprit. Était-ce à cause des vapeurs d'eau ? De la fatigue ? Du traumatisme des derniers jours ? Du relâchement de la pression ? Cela étant, Charlie vit le monde tourner et devenir flou puis elle se sentit partir en arrière.

Cependant, au lieu de rencontrer le sol, son dos se heurta à mi-parcours sur autre chose. Elle fut allongée en douceur, retenue par des bras forts et quand elle reprit conscience quelques secondes après, elle vit le visage de Wulfran penché sur elle.

— Je ne vous ai pas entendu approcher, dit-elle en fronçant les sourcils, la bouche pâteuse.

— Vous n'êtes pas assez attentive, rétorqua-t'il avec une légère ironie.

— Pouvez-vous me lever les jambes ?

Charlie vit alors la surprise se peindre sur ses traits. Malgré tout, il posa doucement son buste et sa tête au sol, la contourna et suréleva ses jambes, les yeux fixés sur elle. Un silence s'installa tandis que Charlie reprenait doucement ses esprits. Il lui fallut quelques minutes. Elle remarqua alors que dans cette position, le tissu de la robe était remonté jusqu'en haut des cuisses.

— Je vous ai vu entièrement nue tout à l'heure, vous savez ?

— Ce n'est pas une raison, répliqua-t'elle en dardant sur lui un regard assassin.

Wulfran eut un petit rire puis, avec la même douceur, il reposa ses jambes au sol. Il se déplaça légèrement puis posa un genou à coté d'elle tandis qu'elle se redressait.

— Vous avez déjà repris quelques couleurs, dit-il en contemplant son visage.

Charlie détourna le regard.

— Ce n'est qu'un malaise vagal. Rien de grave.

— Ça vous arrive souvent ?

— Non. C'est la première fois.

— Comment savez-vous ce qu'il vient de vous arriver ?

Charlie eut un petit rire sans joie.

— Parce que j'ai étudié la médecine avant... tout ça.

Un nouveau silence s'installa, rompu par un grognement qui ne provenait pas de la gorge de Wulfran et encore moins de cette de Charlie, mais de son estomac. Gênée, elle posa une main sur son ventre.

— C'est peut-être parce que je n'ai pas mangé depuis...

Charlie ne put terminer sa phrase, un cri étouffé franchit ses lèvres tandis qu'il la prenait dans ses bras. Il descendit l'escalier très rapidement, se déplaçant aisément dans la maison comme si elle ne pesait rien. Il arriva finalement dans la cuisine et la posa sur un haut tabouret, devant l'îlot central. La cuisine était tout aussi luxueuse que le reste de la villa, ne nombreux éléments, un piano de cuisson haut de gamme, un robot.

La jeune femme le vit alors fouiller les placards et ramener ses prises sur l'ilot. Avec consternation, elle le vit tartiner copieusement deux tartines de pain de mie de Nutella puis il ajouta des rondelles de banane avant de fermer le tout, formant une sorte de sandwich, avant de lui tendre.

— Mangez !

Charlie, la bouche entrouverte de surprise, saisit l'encas et le regarda faire une deuxième « fournée ».

— Pourquoi faire ça ?

— La banane contient du sucre. Ça va vous redonner de l'énergie. Et ça cale bien.

Il ne lui apprenait rien. Charlie avait pris une option pour connaitre les bienfaits des aliments et elle avait aussi mené ses propres recherches, notamment pour son propre intérêt personnel en tant que sportive et randonneuse.

En tout cas, il n'avait pas tort. Cependant, elle avait posé la question pour une tout autre raison. Mais c'était idiot.

— Et le Nutella, c'est pour l'énergie aussi ? demanda-t'elle avec un sourire en coin.

— Si vous n'en voulez pas...

Et il tendit la main dans sa direction. Aussitôt, Charlie prit une bouchée de l'encas et elle sentit une vague de plaisir l'emporter. Elle adorait ça. Cela faisait également ressurgir de vieux souvenirs, du temps où sa mère lui préparait ces fameuses tartines pour l'heure du goûter. Avant qu'elle ne parte. Charlie avait dix lors sa mère les avait abandonnés, elle et son père. Pendant un temps, elle avait appelé pour prendre de ses nouvelles, puis les appels s'étaient espacés, puis Charlie avait refusé de lui répondre. Les appels ont cessé très rapidement après ça. Cela faisait dix ans que Charlie était sans nouvelle. Ce souvenir amer fut rapidement remplacé par celui de son père qui avait pris le relai. C'était la belle époque. Celle de l'insouciance et de leur liberté.

Charlie dévora avec avidité les deux sandwichs sous le regard du loup.

— En tout cas, vous avez l'air d'apprécier, dit-il d'un air moqueur.

— C'était mon goûter préféré quand j'étais enfant. Vous aussi ?

La question avait fusé, sans qu'elle ne puisse la retenir. Charlie le regretta aussitôt mais elle vit une étrange étincelle briller dans le regard de Wulfran. Et cette fois encore, le fond de ses pensées restait un mystère pour elle.

— Pas vraiment.

Un silence s'installa durant lequel Charlie termina ses tartines, plus lentement. Wulfran lui servit également un grand verre d'eau. Elle se perdit un instant dans le liquide transparent qu'elle faisait tourner le long des parois.

— Pourquoi faites-vous ça ?

Le son franchit avec peine la barrière de ses lèvres mais Wulfran l'entendit.

— Vous savez, Mademoiselle Perrin, le monde est peuplé de gens avec différents caractères, différents goûts, différentes ambitions. Ce n'est pas quelque chose qui définit notre race.

— Et pourtant vous avez pris le contrôle des États, parfois en tuant des gens.

Un sombre sourire étira ses lèvres.

— M'accuseriez-vous, Mademoiselle Perrin ?

Vivement, Charlie se redressa.

— Non. Je... enfin.

Elle avait perdu le fil de ses pensées. Qu'était-elle en train de lui dire ? Avait-elle perdu l'esprit. Mais il la coupa aussitôt.

— Je peux difficilement vous en vouloir. C'est une réaction naturelle. Les juifs ont longtemps été responsable de tous les maux. Les allemands en ont pris pour leur grade également, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Et il y a de cela quelques années, être étranger en France était synonyme de racaille.

Charlie le fixait cette fois-ci, intriguée par ses mots.

— Vous semblez vous y connaitre.

Wulfran éclata cette fois-ci franchement de rire.

— Cela vous surprend ? A quoi vous attendiez-vous de la part d'un lycan, Mademoiselle Perrin ?

Le loup s'appuya sur l'ilot central, de l'autre coté, face à elle, ancrant son regard dans le sien. Cette fois encore, Charlie eut du mal à respirer, impressionnée par cette aura qui se dégageait de lui, à la fois sauvage et sensuelle.

— Et bien...

Charlie avait du mal à penser correctement et de toute manière, les premières images qui lui venaient en tête avait la couleur de sang ; elles étaient teintées de violence et synonyme de carnage. Bestiales.

— Ne mettez pas les gens dans des cases.

— Vous dites que vous êtes différent de Rolf. D'accord. Mais vous appartenez à la même organisation, non ?

Charlie se surprit elle-même à répondre de la sorte, à sortir de la rêverie dans laquelle l'aura du loup la plongeait.

— Vous traquez les humains qui sont prêts à se battre pour reprendre leur liberté.

Une vague d'injustice, de ressentiments, de colère, était en train de la submerger et de l'emporter.

— Vous maintenant l'ordre, un ordre que vous avez créé à votre image.

Elle se laissait aller dans le tourbillon comme une poupée de chiffon, brassée parles flots, incapable de crever la surface et reprendre son souffle.

— Et ces lois. Violez une personne et elle vous appartient ?

L'océan était déchainé, la houle violente et longue.

— Comment ne pas tous vous détester ?

Puis la poupée arriva au bord de la plage, trainée par l'immense vague et elle put reprendre son souffle et reprendre pied avec la réalité. Alors son regard s'écarquilla. Venait-elle de dire tout ça ?

Charlie se mordit la lèvre violemment et baissa la tête pour ne pas croiser le regard de Wulfran. Elle le sentit cependant se déplacer dans la cuisine. Aucun son. Il marchait silencieusement. Quand il arriva à ses cotés, elle constata qu'il était pieds nus. Elle se refusa à lever la tête. Elle se tendit et eut un mouvement de recule lorsqu'il approcha une main de son visage mais fut surprise par la douceur de son geste quoique ferme, lorsqu'il prit son menton entre deux doigts pour la forcer à redresser le chef mais elle gardait le regard en biais pour ne pas le regarder.

— Ne mettez pas les gens dans des cases, Mademoiselle Perrin, souffla-t'il.

N'y tenant plus, elle plongea ses yeux dans ses prunelles bleues et fut souffla par son expression, si intense et en même temps si cérémonieuse et froide. Elle sentit son pouce caresser ses lèvres et les détendre pour qu'elle cesse de les mordre.

— Il y a des choses que vous ne comprenez pas encore et qui sont complexes. Apprenez à observer, et vous survivrez.

Sa voix était plus ferme lorsqu'il cessa de lui parler et s'éloigna, la laissant seule avec ses propres pensées. Elle ne le revit pas de la journée. Charlie en profita pour se poser dans le vaste jardin et bouger le moins possible pour accélérer le processus de guérison de son genou. Elle passa l'après-midi à réfléchir, à penser à sa situation, à la chance qu'elle avait eu d'échapper à Rolf. Elle se surprit également à penser à Wulfran, son nouveau geôlier. Cependant, elle avait des pensées bien plus agréable qu'avec le premier loup. Elle visualisait encore son visage aux traits fermes, réguliers, encadrés par ses cheveux blonds qui retombaient jusqu'à ses mâchoires pour en souligner le dessin carré.

Tout comme Rolf, il dégageait quelque chose d'animal. En temps normal, Charlie aurait pensé que c'était le genre d'homme avec qui toute femme normalement constituée aurait rêvé de passer la nuit. En sachant ce qu'il était... ce qu'ils étaient... Un long frisson lui parcourut l'échine. Oh oui, ils étaient virils, puissant, charnel dans le sens le plus animal du terme. Et en cela, c'était terriblement inquiétant.

Charlie entendait le groupe s'affairer dans la maison. Quelques bribes de conversations lui parvinrent mais trop étouffées pour qu'elle en comprennent le sens et le teneur. Pour l'instant, elle n'en avait cure. Elle repensait encore à cette nuit sur le Mont-Grèle. Au corps de Thomas, ensanglanté sous les griffes d'un loup noir. A Rolf, nu, chez elle, qui lui faisait pression. Thomas, mal en point, trainé jusqu'à une voiture. Le coffre. Les menottes. Le vin. La chambre.

Charlie eut alors une pensée pour Louis, soudaine. Il n'était pas là. Il n'y avait que Thomas. Fronçant les sourcils, Charlie tenta de se souvenir d'un éventuel moment où elle aurait vu une autre personne dans le même état que son ancien camarade de classe mais rien ne lui venait.

— J'espère que tu vas bien, murmura-t'elle pour elle-même, le regard perdu dans le ciel d'un bleu pur, dénué de nuages.

Quand il commença à se faire tard, Charlie rentra dans la villa. Wulfran était dans le bureau avec Sofia, qu'elle reconnaissait de dos, ainsi que deux autres personnes qui l'encadraient. C'était un homme et une femme avait la peau brune et les cheveux d'un noir de jais. Ils se ressemblaient fortement. Leurs yeux ressemblaient à deux obsidiennes. Perdue dans sa contemplation, Charlie se rendit compte que tous la regardaient à présent. Puis, elle vit Wulfran faire un signe de tête et Sofia quitter le bureau en prenant soin de fermer la porte. Elle trouva cela aussitôt étrange.

— Tu as été assez impliquée, tu ne trouves pas ?

Le remarque de Sofia n'avait rien de méchant, ou d'agressif. Au contraire, il y avait une véritable douceur dans sa voix, voire même une pointe de regret.

— Viens, je vais t'aider à monter dans la chambre.

Sofia glissa un bras autour de sa taille et se serra contre son torse pour lui assurer un maintien solide tandis qu'elle montait les escaliers. Charlie fut relativement surprise par sa poigne. Elle semblait bien plus forte qu'elle ne le montrait.

— Un truc de loup.

— Tu lis dans mes pensées ? S'étonna aussitôt Charlie.

Avait-elle lu ses pensées envers Wulfran ? Et le reste ? Sofia eut un petit rire.

— Non... mais tu es un livre ouvert. Tu es particulièrement expressive, on peut lire le moindre de tes sentiments.

L'humaine poussa un soupir de soulagement.

— Pourquoi ? Il y a quelque chose que je devrais savoir ?

— Non !

Et elle avait rétorqué bien trop vite. Sofia ria cette fois encore mais ne fit aucun commentaire. Elle se contenta de la ramener jusqu'à la chambre.

— Ha et j'y pense. Prends ça, dit-elle en donnant à Charlie un petit flacon de comprimés. C'est pour la douleur et l'inflammation.

— Ha... merci.

Puis elle tourna les talons et la laissa seule dans la chambre. Charlie trouva soudainement le silence oppressant et même si Rolf était parti, son souvenir demeurait dans cette chambre. Sans perdre de temps, elle prit une chaise et la cala contre la porte, qui n'avait pas de serrure. Et défaut de retenir un intrus, qui plus est un loup, cela permettrait de faire du bruit à cas d'ouverture.

Légèrement soulagée, Charlie ouvrit le flacon et avala derechef un comprimé avant de le poser sur la table basse et de se laisser tomber sur le lit, en position assise. Avec précaution, elle enleva ses attelles avec un soupir de satisfaction puis se laissa tomber en arrière.

Son regard se perdit dans le plafond blanc mais alors qu'elle s'attendait à penser toute la nuit, étrangement, elle sentit une grande lassitude. Son esprit se troublait. Ses gestes lui semblait plus lent, son bras semblait être de plomb tant elle eut du mal à le soulever. Tant bien que mal, Charlie se déplaça sur le lit, faisant glisser son dos sur les draps, remontant ses jambes sur le matelas. Son regard accrocha le flacon de médicaments. Tout était flou mais il lui sembla reconnaitre un terme : codéine.

Pas étonnant qu'elle soit autant dans les vapes. Au moins, la douleur qui était constamment latente, s'envola petit à petit tandis qu'elle sombrait lentement dans le sommeil en ayant une pensée pour ce regard intense d'un bleu céleste si... profond.

Avant de s'endormir, elle se traita d'idiote. Car même si elle le trouvait beau et fascinant, il avait ce coté inquiétant et sauvage.

Folle est l'agnelle qui contemple le loup d'un peu trop près. 

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