Chapitre 4
— Ma tête...
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, Charlie fronça les sourcils, vaseuse, sans repaires. Elle avait la bouche pâteuse, et cette désagréable impression que son crâne était maintenu dans un étau de fer. Les yeux mi-clos, la jeune femme porta une main à son front, comme si en massant l'arcade de ses sourcils, sa douleur pourrait s'envoler. Échec cuisant. Elle avait également ce poids sur l'estomac. Et alors qu'elle allait se masser le ventre, Charlie se rendit compte que cette sensation était due à un bras, placé en travers de son corps. Nu.
À présent, Charlie était parfaitement éveillée et immobile, telle une statue tandis qu'elle regardait, effarée, Rolf dormir profondément à ses cotés, allongé sur le ventre, le bras sur son ventre, la main à la lisière de son sein. Plusieurs sentiments se bousculèrent : colère, honte, horreur, dégout, désespoir. Elle se mordit la lèvre pour s'empêcher de pousser un gémissement et retenir un sanglot. Combien de temps resta-t'elle là, immobile, écoutant la lente et profonde respiration de son... violeur ? Elle ne saura le dire elle-même, privée de ses souvenirs.
Elle finit par se décider. Le plus doucement possible, Charlie se glissa hors du lit et s'échappa de la prise du loup. Cela fut facile, il grogna à peine dans son sommeil. Debout au bord de cette affreuse couche, elle contempla Rolf, qui semblait tellement vulnérable à cet instant. Si seulement elle avait une arme à portée de main, elle l'aurait poignardé, sans hésiter. Mais elle n'avait rien. Et il serait inutile de vouloir l'étoffer sous l'oreiller, il était bien trop fort.
Les dents serrées et les yeux emplis de larmes de honte, Charlie ramassa ses affaires, en lambeaux, et quitta la chambre le plus silencieusement possible. Dans le couloir, elle enfila son pantalon — sans sous-vêtement, ils étaient trop déchirés pour les mettre — mais ne put le fermer, tout comme sa chemise qui resta largement ouverte. Il n'y avait plus de bouton. Du mieux qu'elle put, Charlie fit en sorte de nouer le bas de la chemise et cacher sa poitrine. Une main sur le haut du pantalon, pour l'éviter de descendre, elle dévala sur la pointe des pieds l'escalier. Aucun loup. Aucune porte fermée. Aucune résistance. Charlie se retrouva bientôt dans le jardin, à l'air libre. L'aube pointait le bout de son nez. Le cadre était magnifique et elle se serait surement extasiée si elle ne s'était pas retrouvée dans une telle situation.
Il fallait qu'elle parte d'ici. Sans réfléchir, Charlie s'aventura vers le fond du jardin, dépassant une large terrasse aménagée, longeant une grande piscine, parcourant un immense terrain verdoyant. Dans un coin, il y avait même un petit verger et un potager. C'était un endroit de rêve, mais pour elle, c'était un enfer qu'elle devait quitter au plus vite. Rapidement, Charlie se trouva sur le bord d'un cours d'eau, plutôt grand. Un fleuve ? La Seine ? La Loire ? Quelle importance ?
Où était-elle ? Son regard se porta de l'autre coté de la rive, là où s'étendait une vaste forêt. La liberté. Elle devait traverser. Elle devait s'éloigner de cet endroit. Maladroitement, encore vaseuse, Charlie fit quelques pas dans l'eau et se mit à avancer. Il n'y avait pas trop de courant, cependant, ses vêtements alourdis et son état ne l'aidaient pas. Rapidement, elle se retrouva en difficulté quand elle commença à ne plus avoir pieds. La panique enserra son coeur et son instinct de survie lui dit de faire demi-tour.
C'est là qu'elle le vit.
Un homme qui la regardait avec intensité, les mains enfoncée dans les poches de son jean's. Des cheveux blonds, une barbe de quelques jours, des prunelles d'un bleu électrique, indéchiffrables. Il dégageait une aura étrange de puissance, un coté sauvage qui n'était pas sans lui rappeler Rolf, mais d'une autre manière. La douleur dans son épaule se réveilla tandis qu'elle agitait les bras pour sortir sa tête de l'eau. Elle ne pouvait pas avancer, retourner sur la rive. Elle vit à travers l'eau le coin de la lèvre de cet inconnu se soulever en un étrange sourire. Puis il sortit une main de sa poche et l'agita dans sa direction, lui demandant de venir vers lui.
Il ne refit pas ce geste. Le sourire avait disparu et l'homme avait retrouvé un visage plus fermé. Charlie sentit qu'elle devait suivre cette demande. De toute façon, elle ne pouvait franchir le fleuve dans son état. Elle était vouée à revenir en arrière. Après quelques efforts qui lui arrachèrent des grimaces de douleur, Charlie parvint sur la rive, les yeux baissés sur ses pas pour éviter de tomber. Lorsqu'elle releva le regard, elle vit que les yeux de cet homme la détaillaient du regard. Charlie sentit le rouge lui monter aux joues. Il procédait à la plus intense et profonde analyse masculine qu'elle n'ait jamais reçue. Elle vit même un lent et paresseux sourire se dessiner sur ses lèvres, un sourire qui la fit frissonner. Était-ce de peur, de froid, de désir ? Elle ne saurait le dire. Cependant, lorsqu'elle se rendit compte que son regard se portait essentiellement sur sa poitrine, entièrement dévoilée, Charlie s'empressa de rabattre les bords trempés et de les soustraire à sa vue.
— Enlevez-la.
Charlie se figea. Non seulement à cause de l'ordre lancé par cet homme, mais aussi par sa voix, puissante, grave, suave et en même temps si froide, dure comme le marbre. Elle restait là, immobile, les pieds encore dans l'eau du fleuve, jusqu'aux mollets. Son esprit était déchiré, entre la volonté de faire ce qu'il disait et la peur viscérale. Comment pouvait-elle exprimer autant de dualité. Charlie se rendit également compte qu'elle tremblait de tout son corps. N'était-ce que de la terreur, doublé par le froid de sa petite plongée matinale ?
Son regard était perdu dans le vide. Elle ne voulait pas le regarder, par crainte de subir la même horreur que cette nuit, mais aussi parce qu'il semblait exercer sur elle une sorte de magnétisme animal. Du coin de l'oeil, elle le vit amorcer un mouvement et avec horreur, avancer dans sa direction, d'un pas assuré, à peine ralenti par l'eau. Son corps se figea plus encore, si cela était possible, aussi immobile qu'une statue. À présent, il était en face d'elle, les mains serrées et crispées sur les pans de sa chemise, les bras croisés sur sa poitrine.
— Enlevez-la.
Il avait répété ses mots, d'une voix plus basse, mais avec la même intonation. Son regard s'écarquilla et sa respiration s'accéléra. Elle se sentait piégée, tel un rat en cage, une petite souris entre les pattes d'un lion. Charlie retint difficilement un sanglot avant de s'exécuter. Que pouvait-elle faire d'autre ? Elle était épuisée, son corps lui faisait mal, à l'épaule et au genou, et elle se sentait encore vaseuse. Était-ce à cause du vin ? Elle n'en avait pourtant pas bu autant. Le tissu collait son corps comme une seconde peau, il ne glissait pas aussi facilement que d'habitude. La loque quitta donc ses épaules et elle se trouva à demi-nue face à cet homme. Elle ne pouvait pas le regarder, les yeux fixant une pierre non loin, sur le coté.
— Votre pantalon aussi.
Voulait-il que son humiliation soit totale ? Les lèvres pincées, Charlie ne put retenir une larme qui s'échappa de son oeil et coula le long de sa joue. Elle s'exécuta. Elle le vit s'agiter face à elle, retirer lentement les boutons de sa chemise. Pourquoi le sort s'acharnait-il sur elle de la sorte ? Tandis qu'elle baissait du mieux qu'elle pouvait les jambes de son pantalon, le dos courbé, elle sentit alors sur elle un tissu puis deux mains puissantes. Alors qu'elle se redressait soudainement, elle sentit ses pieds se décoller du sol et l'instant d'après, elle était dans les bras de cet inconnu, enveloppée de sa chemise. Il sortit de l'eau et traversa le jardin.
Charlie était trop surprise et terrifiée pour se débattre. En même temps, cet homme dégageait une puissante chaleur, et elle ne put s'empêcher de se blottir contre lui pour se réchauffer tandis qu'elle claquait des dents. Dans d'autre circonstance et dans une autre époque, Charlie aurait rêvée qu'on la porte de cette manière. Il semblait si fort, si puissant.
Alors qu'elle faisait le chemin inverse dans le bras de cet homme, Charlie vit la maison. C'était un superbe manoir de style anglo-normand qui surplombait le jardin — ou domaine ? —, bordé également par une forêt qu'elle n'avait pas vu, tant elle voulait fuir le plus loin possible. Elle remarqua sur le coté de nombreux véhicules. Elle aurait pu chercher les clefs et prendre le volant. Quelle idiote.
L'homme pénétra rapidement dans la maison et Charlie ferma les yeux en pensant qu'il ferait le même chemin que Rolf, pour l'emmener dans l'une des chambres de cet endroit maudit. Cependant, elle fut surprise lorsqu'il se baissa et la déposa sur l'un des canapés du salon. Tel un animal effrayé, Charlie se recula le plus possible sur l'assise en le regardant d'un air affolé, mais il restait de marbre et resserra même la chemise, désormais humide, autour de ses épaules. Puis, il s'assit en face d'elle, directement sur la table basse.
Charlie tentait d'ajuster le vêtement pour dissimuler au mieux sa nudité, cela ne fit que lui arracher des grimaces de douleur. L'homme la fixait de manière impassible, les coudes sur les genoux, le menton sur ses mains jointes.
— Que faites-vous ici ?
Charlie sentit une vague de colère et de tristesse la submerger.
— Que croyez-vous que je fasse ?
Elle avait rétorqué aussitôt sans réfléchir et pendant un instant, elle regretta ses paroles, le regarda avec effroi et retint sa respiration en se reculant davantage. Si elle pouvait disparaitre dans les coussins, elle le ferait. Cependant, l'homme restait imperturbable.
— Si je vous pose la question, c'est que je l'ignore.
Aucune colère ni menace dans la voix, juste un simple constat. Charlie ne put que baisser les yeux tout en se mordant la lèvre. Elle vit des goutes tomber sur ses cuisses et alors qu'elle pensait que cela venait de ses cheveux, elle sentit les sillons sur ses joues. Les larmes coulaient sans qu'elle ne puisse les retenir.
— Ils étaient innocents, lâcha-t'elle alors au beau milieu de son sanglot. Ils ont brulé toutes les maisons, je les entendais crier, appeler à l'aide. Les flammes.
Les images de cette nuit défilaient dans son esprit, lui rappelant l'horreur commise par ces loups.
— Pourquoi ?
Ses poings se serrèrent.
— Pourquoi Hitler a-t'il tué plus de six millions de juifs ?
Répondre à une question idiote par une autre question idiote. Pourquoi les gens tuaient-ils ? Il n'y avait aucune réponse rationnelle à cela.
— Parce qu'il vouait une haine incommensurable envers ce peuple, répondit-il néanmoins.
— Alors vous avez votre réponse non ? Il avait Thomas, non ? Ça aurait dû suffire. Un membre de cette stupide rébellion.
— J'en conclus que vous n'en faites pas partie.
— Jamais je n'aurai voulu être impliquée avec...
Qu'allait-elle dire encore, emportée dans cette soudaine impulsivité.
— Avec notre race ?
Charlie releva aussitôt la tête. Elle s'attendait à le voir en colère, dans une rage sans nom, et pourtant, son regard semblait pétiller d'une étrange lueur et un léger sourire ornait ses lèvres.
— Je ne vous en blâme pas. Nous sommes les boches sous l'occupation, n'est-ce pas ?
Il reprenait avec sarcasme son image sur Hitler et la situation de la France à l'époque de la Seconde Guerre Mondiale, lorsque le pays était sous occupation allemande. Elle ne répondit pas.
— Ma question reste toujours sans réponse. Que faites-vous ici ?
Nouveau tremblement. Les souvenirs affluaient. Les images. Ses paupières se fermèrent, comme pour refouler ces flash incessants et dont l'horreur lui donnait la nausée.
— Je les connais, dit-elle en un souffle, un gémissement qui exprimait toute la culpabilité qu'elle ressentait après avoir désigné toutes les personnes présentes sur sa photo de promotion. Je connais certains membres. Ils venaient de mon village. On a fait nos classes ensemble.
Le silence suivit sa confidence et quand elle ouvrit les yeux, elle eut le souffle coupé. Il l'examinait d'un regard perçant qui la fit frissonner. Il se dégageait de lui une telle aura. Il était là, dans ce vaste salon, si grand, mais qui semblait tellement étouffant tant il saturait l'espace de sa présence. Le fait qu'il soit torse nu n'arrangeait pas les choses. Si elle avait trouvé Rolf particulièrement impressionnant, cet homme l'était plus encore. Il était plus grand et ses traits, bien que durs et froids, lui semblaient étrangement plus attirants que ceux de Rolf. Il avait certes une allure plus sauvage mais loin de l'aura sombre et malsaine que dégageait son violeur.
Puis, il se leva. Charlie se tendit, cependant il quitta le salon, sans un mot, la laissant seule. Elle percevait à peine le bruit de ses pas. Quand elle se retourna, elle vit son ombre disparaitre dans le bureau, cette pièce où elle avait été enchainée pendant de longues heures, à même le sol, dur et froid.
Encore sous le coup de l'émotion, Charlie se mit à trembler soudainement, sentant la morsure du froid alors que ses cheveux encore gorgés d'eau laissaient les froides gouttes couler le long de son dos. Un grondement assourdissant, comme jamais elle n'en avait entendu, la fit sursauter. Quand elle se retourna, elle vit l'inconnu gravir l'escalier d'un pas décidé et disparaitre à l'étage de la villa. Pendant ce temps, la porte de la villa s'ouvrit sur un petit groupe de personne qui resta dans l'entrée.
Le silence se fit. Puis le tonnerre. Sa peur oubliée, elle tendit l'oreille en tentant de connaitre la nature des cris qui faisaient trembler les murs. C'est alors qu'elle vit Rolf apparaitre au bas de l'escalier, grondant furieusement envers l'autre, reculant tandis qu'il avançait. Rolf était nu et cela ne fit que rappeler à Charlie la nuit qu'elle avait passer.
— Espèce d'imbécile ! À quoi peuvent servir des morts et un village en décombres ?
Charlie ne perdait rien du spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Les autres loups firent également leur apparition, grondant — bien que plus faiblement — tout en faisant un cercle autour des deux hommes. Elle vit Rolf le visage bas, le regard fou. Il lui sembla alors voir les doigts de sa main s'écarter, s'agiter, puis s'élargir et se couvrir de poils.
— Prends garde, Rolf. Est-ce que tu me défis ? Tu sais ce que cela impliquerait !
— Wulfran. Tu n'es qu'un Moniris.
Charlie fronça les sourcils. Moniris ? Qu'était-ce donc ? Mais elle vit un large sourire étirer les lèvres dudit Wulfran, teinté de colère et de provocation. Les hommes dans l'entrée semblaient également sur le qui-vive.
— Effectivement, mais j'ai sa confiance. Plus que toi.
Cette remarque ne fit que renforce la rage de Rolf. La confiance de qui ?
— Maintenant part. Va lui donner ton rapport. J'ai autre chose à faire que de me battre face à un charognard, nu, braillard et encore ivre de la vieille.
Rolf renifla avec mépris. Malgré tout, il se redressa, sans un mot de plus. Point de bataille aujourd'hui et Charlie le regretta. Ce Wulfran aurait surement gagné et humilié ce chien. Son regard se détourna et se posa sur elle. Elle vit alors la surprise se peindre sur ses traits. En quelques pas, il était à ses cotés, près du canapé.
— Que fais-tu ici, grogna-t-il avec humeur, surement encore sur le coup de l'humiliation.
Charlie garda le silence alors qu'il avisait sa tenue et son état.
— Pourquoi es-tu sortie ?
Était-il idiot ?
— Pourquoi serais-je restée, gronda-t'elle à son tour, le coeur regonflé par la rage et le sentiment de déshonneur qu'elle avait lorsqu'elle le regardait.
Elle le vit amorcer un geste.
— Je ne ferai pas cela, si j'étais toi.
Wulfran. Charlie vit Rolf se retourner.
— Et pourquoi donc ? Je l'ai ramenée. Elle est à moi.
La jeune femme sentit une vague d'indignation s'emparer d'elle.
— Serait-ce ta récompense après le massacre en Savoie...
Aussitôt, un silence de plomb s'installa. Le regard de Rolf se posa sur une femme que Charlie n'avait pas remarqué alors. Elle n'avait pas intégré le cercle avec les autres restant dans l'ombre d'une sculpture.
— Je n'ai pas eu besoin de Sofia pour apprendre ce que tu as fait. Cette jeune femme m'a appris tout ce que j'avais besoin de savoir.
— Et tu crois les dires de cette humaine ?
— Plus que les tiens... et Sofia les confirmera, j'en suis certain.
— Qu'importe puisque nous avons rempli notre tâche, rétorqua Rolf avec véhémence, blessé dans son orgueil.
Alors le tonnerre retentit, une nouvelle fois, plus fort encore.
— Tuer ces gens n'en faisait pas parti, Rolf. Tu étais censé récolter des informations et ramener les membres de cette rébellion vivants, sans faire de vague. À présent, ils savent que nous avons l'un d'entre eux, en plus d'elle. Que crois-tu qu'ils vont faire à présent. Tu leur as donné un motif de vengeance bien plus grand et tu attises la haine dans les régions tranquilles.
Un lourd silence s'installa. Alors ces gens étaient morts pour rien. Juste à cause de la folie d'un seul.
— Alors ta récompense, va la chercher dans les décombres et les cadavres que tu as semé.
— Je l'ai possédée, Wulfran. Tu ne peux pas m'empêcher de l'emmener. Tu connais la loi.
Le visage de Charlie perdit toutes ses couleurs tandis que Wulfran haussait un sourcil.
— Je n'ai pas senti ton odeur sur elle. Étais-tu donc à ce point ivre pour te tromper de cible ?
Il y eut quelques ricanements du coté de l'entrée et des grondements chez les loups du cercle. De son coté, Charlie était soufflée. Possédée ? Loi ? Odeur ? Elle venait de plonger à pieds joints dans un univers qui lui était totalement inconnu.
— Ça va Rolf ? Pas trop mal à la tête ?
La remarque de Sofia attira l'attention du loup, qui la fixa, les sourcils froncés. Elle affichait un air moqueur et suffisant.
— C'est surement à cause de la dernière bouteille.
— Chienne.
Rolf venait de comprendre quelque chose. Wulfran eut un petit rire.
— Aucune possession. Elle ne t'appartient donc pas. Tu peux donc prendre tes affaires et te rendre à Paris. Il t'attend.
Rolf était dans une rage sans nom, mais il ne fit aucun geste. Il n'était apparemment pas en position de force. Il se tourna vers elle, le regard brulant, tant bien que Charlie eut bien du mal à déglutir puis il partit à l'étage pour rassembler ses affaires, suivi des autres. Seule Sofia resta en bas avec les autres dans l'entrée. La haine envers cet homme était toujours aussi vivace, cependant son coeur était allégé d'un poids. Il ne l'avait pas touchée.
— Peux-tu t'occuper d'elle, Sofia ?
Charlie vit Sofia hocha la tête et tendre la main dans sa direction, l'invitant à la rejoindre. La jeune femme hésita un instant, puis elle poussa un long soupir. Avait-elle le choix, de toute façon ? Charlie boita jusqu'à elle, la douleur dans son genou était revenue. Mais contrairement à la poigne ferme et violente de Rolf, et celle puissante et autoritaire de ce Wulfran, Charlie fut rassurée par les gestes doux de cette femme. C'était une jolie rousse aux yeux d'un vert forêt.
Puis elle se souvint. Sofia... Rolf en parlait dans le bureau. Fidèle. Garder à l'oeil. Ne pas mettre le nez dans leurs affaires. Elle l'aida à grimper les escaliers puis elle se dirigea vers la chambre de Rolf. Mais au lieu d'y entrer de suite, elles attendirent patiemment que ce dernier en sorte. Lorsqu'il le fit, il s'attarda, la contempla de bas en haut puis lui offrit un sourire carnassier qui la fit frémir de terreur.
— Ce n'est pas partie remise, ma douce.
— Tu as entendu Wulfran ! Pars vite d'ici, répondit aussitôt Sofia.
— Bonne petite chienne obéissante.
Sofia gronda, cela ne fit qu'élargir le sourire de Rolf avant qu'il ne tourne les talons. Sofia la poussa d'une légère pression dans le dos à entrer dans la chambre. Ses sous-vêtements en lambeaux étaient toujours étendu sur le sol, lui rappelant l'humiliation de la veille.
— Il ne t'a rien fait. J'ai mis un puissant somnifère dans le vin. Je pensais qu'il se serait effondré plus tôt.
— Ça explique mon mal de tête, souffla Charlie, grandement soulagée.
La louve la regarda un instant puis comprit.
— Il t'en a fait boire.
— Pourquoi ? Demanda alors soudainement Charlie.
La jolie rousse haussa un sourcil puis lui sourit doucement en comprenant sa question.
— Même si tu es humaine, tu restes un être vivant. Une femme.
Puis elle eut un reniflement méprisant.
— Rolf est un monstre. Même humain il aurait agi de la sorte. Personne ne devrait subir une telle chose.
Un viol était une expérience violente, physiquement et mentalement. Les personnes n'en sortaient jamais en marchant.
— Merci, souffla-t'elle, sincèrement, le coeur au bord des larmes.
— Ne me remercie pas trop vite. Tu ne retrouveras pas ta vie d'avant. Tu es liée, d'une façon ou d'une autres, à certains membre de la rébellion.
Sa vie d'avant...
— De toute façon, je n'ai plus de maison, dit-elle en un murmure alors que Sofia la laissait dans la salle de bain luxueuse de la chambre.
Elle n'avait plus rien.
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