Chapitre 9

Le sang, toujours plus de sang. Une marée rouge entourée de neige blanche.

Et les loups, si nombreux et si agressifs. Tous autour de moi.

Papa, Maman ! Où êtes-vous ? Revenez ! Je vous en prie ne me laissez pas toute seule. Ne me laissez pas toute seule...

— Kayla !

Maman ! Reviens me chercher... je t'en prie ! Ne me laisse pas ici ! Reviens...

— Kayla, réveille-toi !

Je me relève brusquement, le souffle court et transpirante. Quelqu'un me retient les mains. Une voix familière chuchote à mon oreille. Mais ce n'est pas celle de Riley.

— C'est fini Kayla, ce n'est qu'un cauchemar.

— Aiden, soufflé-je difficilement, Aiden...

— Je suis là.

La fenêtre a été ouverte et l'odeur de la nature se disperse dans la pièce. J'ai l'impression de me trouver dans la forêt. Cette constatation et la présence rassurante d'Aiden me permettent de m'apaiser. Je prends de grande inspiration tandis qu'il allume la lampe de chevet. Un verre d'eau attend sur la petite table et il me le tend.

D'une main, je m'empare du gobelet, de l'autre je l'empêche de partir. J'aurai aimé qu'il ne me voit pas dans cet état mais je ne peux pas me passer de sa présence. Une fois mon verre terminé, je viens poser ma tête contre son torse. Les yeux grands ouverts dans l'espoir vain de pas revoir les scènes de mon cauchemar. Sa main fait de lent va et vient dans mon dos. C'est la première fois que quelqu'un d'autre que Riley me réveille de mon cauchemar.

— Désolée que tu sois témoin de ça.

Il relève ma tête et plonge son regard dans le mien, ses yeux noisettes me fixent avec une telle intensité que j'en oublie ma peur.

— S'il y a un endroit où je souhaite être tous les matins, c'est à la place de l'homme qui te tire de tes mauvais songes.

Il ponctue sa remarque en m'embrassant le bout du nez. Aussitôt, il regrette son geste spontané mais je le rassure d'un sourire. « Si on allait se promener dans la forêt ? Tu vas l'adorer » propose-t-il enthousiaste. « Pas tout de suite ». Sa main continue de faire des va et vient le long de mon dos comme Riley le faisait, c'est si rassurant.

— Comment tu as su, pour le verre d'eau et le reste ?

— J'ai eu le droit à de petites instructions avant notre départ.

Riley a dû tout lui expliquer, c'est toujours lui qui me réveille lors de mes cauchemars, un petit rituel s'était installé entre nous. Mais aujourd'hui, je trouve cela encore plus réconfortant d'être dans les bras d'Aiden.

— Est-ce qu'un lien peut marcher à distance ?

— Seulement, si les deux parties le désirent. Tu veux... partir ?

— Non ! protesté-je en m'accrochant à lui. Je m'inquiète juste pour Ewen, il se réveille toujours quand je fais un cauchemar, il le sent.

— Je ne sais pas, avoue-t-il, dans votre cas c'est peut-être différent, votre lien est moins fort que celui qui lit une louve et son filleul, mais il reste tout de même plus fort que notre lien.

Notre lien. Il respecte tellement mon espace, ne me donne jamais plus que ce que je demande. Il a pensé que je souhaitais partir. « Aiden » « Kayla » répond-il. « Je suis désolée de ne pas pouvoir t'offrir plus que ça. Ce n'est pas que je ne veux pas, c'est que je ne peux pas. ».

— Je sais, poursuit-il oralement, et je comprends parfaitement. Si tu restes près de moi, ça me suffit amplement.

Je reste silencieuse un moment, savourant ses paroles comme je savoure les gâteaux de Maria. Il est prêt à tout accepter, pour moi. « Si on allait faire ce petit tour finalement? » proposé-je. Un sourire heureux illumine son visage et il me tend sa main que j'attrape aussitôt.

Je pourrai lui dire que je dois d'abord prendre une douche, ou au moins m'habiller puisque je suis encore en pyjama. Mais je ne le fais pas et le suis sans protester. Nous descendons les escaliers et nous nous retrouvons très vite dehors dans le silence de la nuit. Main dans la main, il me guide à travers les branchages, il doit y voir mieux que moi et chacun de ses pas est calculé pour que je ne trébuche pas.

Au bout d'un temps, il s'arrête près d'un gros rocher et m'aide à grimper dessus. La vue me coupe le souffle. Un lac d'une immensité telle que je me demande comment j'ai fait pour ne pas le voir jusque-là.

— C'est la limite du territoire ?

— Non, s'amuse-t-il, ce n'est que le commencement. La maison est la limite, derrière le lac, juste en face, se trouve les habitations de la meute. Sur la gauche, il y a la ville.

— C'est immense, commenté-je. Si je me souviens bien, ce territoire fait partie des plus grand, c'est bien ça ?

— Oui, l'ancien Alpha était un ami de mon père, il n'avait pas d'enfant et m'a fait don de son titre d'Alpha parce qu'il pensait que je ne le serais pas.

— Pourquoi ?

— A la mort de mon père, mon frère ainé aurait dû prendre sa suite mais comme il est mort en même temps que lui... annonce-t-il naturellement.

— Je suis désolée, ça n'a pas dû être facile.

— Avec le temps, on s'y fait.

Soudain, un doute me gagne. « Quel âge as-tu ? » questionné-je. Un sourire amusé me répond.

— J'ai vingt-quatre ans, déclare-t-il.

— On a presque dix ans d'écart !

— Seulement sept, ce n'est rien sept.

Oui, sept ans ce n'est rien, pensé-je ironiquement. Riley en a 26, Maria en a 23, pour eux ce n'est que trois ans d'écart. Il l'a rencontré à vingt ans, quelques années seulement après mon arrivé dans la meute.

— Depuis combien de temps tu es un alpha ?

— J'avais dix-sept ans quand j'ai hérité de ce territoire et dix-neuf quand j'ai succédé à mon père.

— Et l'autre territoire ? il est aussi grand que celui-là ?

— A peine plus petit, répond-il non sans fierté.

Puis son visage se fige dans une expression que je ne comprends pas immédiatement, la culpabilité.

— C'est à cause de la grandeur de mes territoires que Onward se fait attaquer par Arden. S'ils récupèrent le territoire de Riley, ils auront une frontière supplémentaire avec Caedge et pourront le prendre par la force.

— Pourquoi ne pas avoir fait d'alliance plus tôt ? ça aurait évité de nombreux morts lors de la première guerre.

— On ne sait jamais vraiment en qui on peut avoir confiance.

— Ce serait tellement plus simple sans ces conflits.

Dans mes cours d'histoire, on nous a appris les rivalités qui opposaient tous les alphas et les conséquences. Cela était d'autant plus instructif puisque nous nous trouvions sur un sol qui était régulièrement assiégé par nos ennemis.

— Tu en a déjà vu un de loup blanc ? questionné-je pensivement.

— Jamais, j'étais trop jeune quand ils ont disparu.

— « Disparu », répété-je sarcastique tandis qu'Aiden me fait un sourire triste. Quand j'ai été assez grande pour faire le rapprochement...Je me suis toujours demandé si mes parents avaient pris part à cette tuerie.

La tuerie où tous les chasseurs ont anéanti la race entière des loups blanc. La race des premiers loups, ceux capable de transformer des humains en loup d'une seule morsure.

— Ce qu'ils ont fait ou non, ne doit pas ternir les bons souvenirs que tu gardes d'eux.

— C'est quand même ma famille, ma grand-mère, les autres, ils ont détruit votre monarchie, ils ont tué vos... rois et reine. Mais ça fonctionnait bien ! C'était un temps de paix.

— Pas pour les chasseurs, il y avait des inégalités et c'est normal que les tensions se soit accumulées.

— Au point de conduire à un génocide ?

— Tu es bien amer envers ton propre peuple, commente-t-il.

— Je ne conçois pas qu'on puisse vous tuer, on se ressemble tellement ! Il n'y a aucune différence entre les petits de mon école et Ewen, ce sont juste des enfants. Vous avez vraiment l'air d'être humain, ça ne devrait déranger personne, même pas les chasseurs.

— Rectification, on ne ressemble pas à des humains, on est des humains, à 50 % du moins.

— 55%, rectifié-je. Tu es un loup noir, ce sont les loups blancs qui sont seulement à 50% humains.

— Mais c'est que tu connais la génétique !

— Qu'est-ce que tu crois que je fais à l'école ? Des avions en papier ?

— En parlant d'école, Justin m'a demandé ce qu'il devait faire avec ton dossier scolaire.

— C'est qui Justin ?

— Mon bêta/meilleur-ami/exécuteur-de-basse-besogne, annonce-t-il me faisant rire. Alors ? Tu veux toujours être inscrite à l'école de l'orphelinat, qui soit dit en passant est à plus d'une heure d'ici, ou alors tu peux être transféré dans une de nos merveilleuses écoles, qui sont beaucoup moins loin ?

Il me présente la première proposition comme étant la pire de toute ponctuant ses mots de quelques grimaces. En revanche, pour la seconde il me fait de grand sourire et me regarde de ses yeux illuminés, remplis d'espoir. « Je ne sais pas. »

— Rien ne presse, tu peux prendre quelques jours de vacances et tu rattraperas ensuite.

— Ce n'est pas très pédagogue comme méthode.

— Tout le monde rêve d'avoir des vacances !

— Pas l'année du bac, contredis-je.

Nous continuons à parler de tout et de rien, d'admirer le paysage en silence. Jusqu'à ce qu'on nous interrompe. L'homme de l'orphelinat, celui qui s'occupait de mon transfert. Justin, deviné-je.

— Salut, Patron ! clame-t-il en arrivant.

Aiden ne répond rien mais son regard parle pour lui. Après quelques minutes de silence, je comprends finalement qu'il n'y a pas que son regard qui parle.

— Exprimez-vous à voix haute, exigé-je. Je n'entends pas vos pensées.

— Ça n'aurait pas pu attendre ? poursuit Aiden après un regard dans ma direction.

— C'est que j'ai pensé que ça intéresserait la patronne, annonce-t-il en me faisant un clin d'œil. Quoi ? trop tôt pour le « patronne » ?

— Oui, trop tôt, confirmons-nous en cœur.

—   

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