Chapitre 7

Heureusement, j'aperçois rapidement la maison de Riley. La consigne, lors d'une attaque, est de se confiner à l'intérieur pendant que les loups de la meute défendent le territoire. Les abords de la demeure sont étrangement calmes, en opposition avec les éclats qui sortent de la forêt.

J'y trouve David, sous sa forme lupine, veillant sur Maria à l'entrée. Pendant un instant, j'ai l'impression qu'elle m'attend, mais lorsqu'elle croise mon regard, sa détresse me prouve le contraire.

— Ewen n'est pas avec toi ? demande-t-elle immédiatement.

— Il n'est pas à l'intérieur ?

— Non, il s'est réveillé tôt. Il voulait jouer dehors.

Un craquement sonore à travers les bois retentis jusqu'à nous, tandis que les bruits de crocs font rage. Maria est affolée.

— Maria, tu vas rentrer, Riley a besoin que tu sois en sécurité !

— Non ! Je dois le retrouver ! Ewen a besoin de moi !

— Je vais y aller, indiqué-je fermement. Je peux le faire. Tu t'en souviens ?

Une fois, j'avais pu retrouver Ewen, en plein milieu de la forêt, simplement en suivant mon instinct. Normalement, seules les parties louve des marraines peuvent retrouver leur filleul. J'ai beaucoup plus de mal que les marraines ordinaires mais j'y arrive tout de même. Maria hoche la tête, résignée.

— Fait attention à toi, souffle-t-elle.

Elle retourne à l'intérieur et, dès que la porte est fermée, je me concentre sur Ewen, je pousse tout mon être à le chercher. David grogne pour me ramener sur terre. J'ai fait quelques pas sans m'en rendre compte mais à présent il bloque mon avancé. Il grogne encore et désigne la maison. Il n'a pas l'air content.

— Je dois retrouver Ewen.

Il ne bouge pas d'un poil.

— Laisse-moi passer, David, c'est la vie du fils de ton alpha qui est en jeu !

Comme il ne bouge pas, je le contourne rapidement. Cela ne lui plait toujours pas, alors il me suit.

— Ton rôle est de veiller sur la Luna, c'est l'ordre que t'as donné Riley, rappelé-je durement. Elle est ta priorité. Alors laisse-moi David !

A contre cœur, il retourne vers la maison, mais je devine qu'il communique à toute vitesse à travers le lien de la meute et les autres loups pour m'apporter de l'aide. Je retrouve très vite le chemin vers lequel me pousse mon instinct, du moins j'espère être sur le bon.

Le combat fait rage non loin de moi, je l'entends, même si je ne le vois pas.

Cents mètres plus loin, j'aperçois un loup que je ne reconnais pas avachi sur le sol. Il respire difficilement mais rien n'indique qu'il a été blessé, c'est donc l'œuvre de Ewen. Un soupir de soulagement m'envahie quand je comprends que je suis au bon endroit. Il ne doit plus être loin désormais.

Je suis en sécurité tant qu'il utilise son pouvoir mais il ne tiendra pas longtemps, il faut à tout prix que je le retrouve et que je le ramène à la maison. J'ignore si ce loup est un allié ou un ennemi, j'espère qu'il restera inconscient longtemps.

— Ewen ! murmuré-je

Des sanglots se font entendre et une petite voix prononce mon prénom. Je découvre assez rapidement Ewen, assis par terre, en larme.

— Je... voulais pas, mais y'avait les monsieurs et...

Je me précipite pour le prendre dans mes bras, il s'accroche à moi.

— Je sais Ewen, tu ne l'as pas fait exprès, rassuré-je d'une voix douce, et tu as eu raison de te protéger. Mais il va falloir qu'on rentre à la maison maintenant. Tu te souviens de ce que papa a dit ? Quand ça arrive, tu te souviens de ce qu'il faut faire ?

— Il faut penser à...à des choses gentilles... bégaie-t-il en essuyant ses larmes.

— Oui, c'est ça, des choses gentilles et positives, tu peux le faire pour moi ?

Il hoche la tête dans le creux de mon cou. Aussitôt, je le sens plus lourd contre moi et je me rends compte qu'il s'est évanoui. J'avais espéré qu'il resterait encore un peu éveillé pour pouvoir utiliser son aptitude en cas d'attaque mais, au moins, il ne verra rien de ce qu'il se passe ici.

Je retourne immédiatement vers la demeure principale, mais je n'ai pas le temps de faire un mètre que des grognements se font entendre juste devant moi. Le loup de tout à l'heure s'est réveillé. J'en tire deux conclusions : s'il grogne c'est qu'il n'est pas notre allié et s'il s'est déjà réveillé c'est qu'il est fort, donc un béta surement.

Courir m'est impossible, il me rattraperait en peu de temps et en plus j'ai un enfant dans les bras, pas de fuite possible non plus, plus je reculerai et plus je m'éloignerai de ma destination. Je serre contre moi le petit corps d'Ewen.

Alors que je crois avoir effectué toutes les options qui s'offrent à moi. Il surgit dans mon esprit comme une lumière dans la nuit noire.

« Aiden » pensé-je.

Je répète son nom de plus en plus vite dans mon esprit, tandis que l'autre loup s'approche dangereusement de nous. Lorsque que je le vois prêt à bondir sur sa proie, il est projeté une dizaine de mètre plus loin par mon loup noir. Le soulagement s'empare de moi.

« Mets-toi à l'abri ! » hurle-t-il dans mon esprit.

Je veux suivre son conseil mais ils me bloquent toujours le chemin vers la maison.

« Derrière un arbre ! »

Je trouve le plus gros tronc possible pour nous abriter. Mon souffle est bruyant et les larmes me montent instantanément aux yeux. Les bruits que font leur bataille sont les mêmes que ceux d'autrefois, ceux que j'entends toutes les nuits dans mes cauchemars.

Mes parents étaient des chasseurs de loup garou, ils étaient fort, ils ont lutté. Toutefois, ils ont fini par être mis en pièce, devant mes yeux, par des loups de son espèce. Des loups qui n'hésitent pas à attaquer pour un stupide territoire, des loups qui ne cherchent qu'à tuer.

Un choc assourdissant percute l'arbre contre lequel je m'appuie. Mes mains ont, je ne sais quand, commencé à trembler. Cette scène est tellement, tellement familière à celle que j'ai vécu.

Je me revois, petite, abritant mes oreilles de mes mains, pour ne rien entendre, serrant mes paupières pour ne rien voir. Mais je l'entends mon prénom, que prononce ces loups, il heurte mon esprit, c'est moi qu'ils veulent. Ils veulent me prendre, m'emmener loin de mes parents. Ils hurlent tous mon prénom à l'unisson. Il se dégage tellement de haine et de rage de leur être.

L'un d'eux réussit à arriver jusqu'à moi, mais papa tire et le sang du loup gicle sur moi, en contraste avec la neige blanche qui m'entoure. Je n'ai même pas le temps de réagir que, déjà, un autre loup, même s'il est blessé, parvient à se jeter sur lui. Il lui arrache le bras dans un dernier souffle et mon père s'effondre en même temps que lui. Je hurle et je cris tout ce que mes poumons peuvent supporter.

Quand je reviens à la réalité, ce n'est pas Aiden qui se tient devant moi, c'est Riley. Ce n'est pas non plus dans la forêt que je me tiens mais dans ma chambre. Les yeux inquiets de Riley me fixent et lorsqu'il comprend que je suis de nouveau dans le présent, il me prend dans ses bras en murmurant des paroles réconfortantes, comme après mes cauchemars.

— Ewen ? demandé-je immédiatement après avoir retrouvé mes esprits.

— Dans sa chambre, il dort encore, il va très bien.

— La meute ? pensé-je.

— Uniquement des blessés, ils sont partis aussi vite qu'ils étaient arrivés lorsqu'ils ont vu qu'on avait des alliés puissants. La meute d'Aiden aussi n'a que des blessés mineurs.

Je pousse un soupir de soulagement, tout le monde va bien, tout le monde est en sécurité. Je le crois sans aucun problème, s'il est là avec moi c'est que tous ses devoirs d'Alpha ont été accompli. Cependant, le visage de Riley montre un regard bien plus inquiet qu'il ne devrait l'être. Lorsque je lui demande ce qu'il ne va pas, il parait agacé.

— Aiden s'en va, lâche-t-il dans un claquement de langue.

— Comment ça ? Il retourne dans sa meute ? Il va revenir ?

— Oui et non. Il y retourne mais il ne reviendra pas. Il a décidé de renoncer à toi.

Je n'arrive pas à répondre quelque chose. Il a décidé de renoncer à moi. Il ne m'aime pas. Il ne veut pas de moi. Riley a un petit sourire en voyant ma réaction.

— Ce n'est pas ce que tu crois, rétorque-t-il dans un demi-sourire. A voir la réaction que tu as maintenant, ce n'est pas non plus ce qu'il croit.

— Et qu'est-ce qu'il croit ? demandé-je d'une toute petite voix.

— Moi, j'ai compris que ton cauchemar était devenu « réalité », mais il pense que tu as eu peur de lui. Tu ne voulais même pas qu'il te touche. Il a supposé que tu n'avais pas changé d'avis par rapport à votre première rencontre. Il pense que tu ne pourras jamais l'aimer. Sauf que c'est déjà le cas n'est-ce pas ?

Aussitôt, je plante mon regard dans le sien, les yeux écarquillés, bien consciente que mes joues ont rougies.

— Tu peux lui cacher ça, mais moi je le vois bien, fanfaronne-t-il.

— Quand part-il ? demandé-je pour changer de sujet.

— Cela ne tient qu'à toi, qu'il parte ou qu'il reste, indique-t-il, il n'attend qu'un mot de ta part. Seulement, il a prévu de partir avant que tu ne reviennes à toi, c'est-à-dire, là, tout de suite.

Maintenant ? Il s'en va sans même me dire au revoir, sans me donner d'explication, sans savoir pourquoi j'ai réagi comme ça ? Je l'ai repoussé mais je ne savais même pas que c'était lui. Je me lève, bien décidé à avoir une petite conversation avec cet imbécile de loup. Riley sourit.

Quand je descends, je croise Maria, qui grâce au lien avec Riley, connait déjà mon opinion. Elle pointe la sortie du doigt avec un sourire encourageant. Dehors, deux voitures patientent calmement. Des loups-garous circulent autour et on voit bien sur eux les traces de la bataille. Je ne tarde pas à le trouver. Il se tient dos à moi mais il me sent arriver.

Quand il se retourne, son regard montre mille émotions : regret, tristesse, peine.

— Après tous tes beaux discours, tu décides de partir sans chercher d'explication, commencé-je en essayant de paraître menaçante.

Il souffle résigné, comme s'il était l'adulte et moi l'enfant capricieuse.

— J'ai compris que je te faisais peur, annonce-t-il difficilement comme si l'idée qu'il me fasse peur le révulsait.

— C'est faux !

Les larmes me montent aux yeux rapidement, mon esprit étant encore affecté par la scène qui s'est jouée devant mes yeux et que j'arrive encore très bien à voir.

— Ce n'est pas de toi que j'ai eu peur, ni de ton loup ! précisé-je immédiatement.

Je m'emporte et me lance vers lui, le repoussant le plus possible de mes mains. C'est inutile mais je frappe son torse et il me laisse faire me permettant de déverser ma colère et ma frustration sur lui.

— Tu allais partir, tu allais abandonner ! Alors que tu n'as même pas cherché à comprendre ce qui se passait !

Il finit par stopper mes poignets, doucement sans me faire mal. Mon visage, rempli de larmes, se cache dans son tee-shirt, je m'appuie sur lui comme un rempart qui me protège. Il ne dit rien mais je comprends qu'il sera toujours à l'écoute. Je continue tout bas, si bas que seul lui peu entendre.

— Mes parents sont morts mais je ne t'ai pas dit comment ils étaient morts.

Il hoche négativement la tête.

— Quand j'avais 6 ans, Mes parents se sont fait massacrer par un groupe de loup-garou devant mes yeux. J'ai tout vu, il y avait du sang partout et cette scène me hante encore chaque nuit dans mes cauchemars. Je n'arrive pas à défaire cette vision de mon esprit. Chaque fois que je vois du sang, je revois tout. Tout à l'heure, j'ai confondu la vision et la réalité, ce n'est même pas ton loup que je voyais, c'était ceux qui ont tué mes parents. Je n'ai pas eu peur de toi. Je n'ai pas peur de toi.

Je lui explique tout sans reprendre mon souffle, il a tout entendu. Ses bras viennent enlacer mon corps, il ne prononce toujours aucune parole. Puis, lentement, sa main vient rencontrer mon visage pour relever ma tête dans sa direction. Il comble l'espace séparant nos lèvres en quelques secondes répondant à un besoin qui nous assaille tous les deux depuis notre rencontre. Au prix d'un douloureux effort, nous nous séparons.

— J'ai compris, murmure-t-il tandis que nous reprenions tout deux notre souffle, je ne m'en irai pas.

— Si... tu dois t'en aller.

De la tristesse parcourt son regard, il ne comprend pas. Je l'embrasse rapidement une nouvelle fois, un baiser auquel il ne répond pas. Je rassemble tout mon courage pour lui dire ce qui va suivre, ne voulant pas revenir sur ma décision. Je ne veux avoir aucun regret.

— Mais je pars avec toi.

Aussitôt un sourire illumine son visage, il est radieux. Sa voix résonne dans mon esprit « Pour de vrai ? ». Il n'y croit pas, sa réaction est adorable. Je sais qu'il m'entend, je sais qu'il est avec moi. Pour de vrai. « Tu viens avec moi ? ». Je l'embrasse encore et pense tout haut. Je viens avec toi. 

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