Chapitre 68 pdv Kayla


Au bout de quelques jours et avec le soutien – ou plutôt l'insistance – des trois emmerdeurs de ma vie, je parviens à maitriser mon corps de louve, sans avoir à me blesser dans l'exercice.

Mes pas restent un peu hésitants mais j'arrive à courir dans les bois à une faible allure. Malgré tout ce n'est pas suffisant, pas à leurs yeux en tout cas. Quand Aaron arrivera, tu me laisseras faire, m'intime Lou sans laisser de place à la discussion.

Elle a raison, mais je me sens quand même profondément inutile de l'avouer. D'ailleurs, est-ce qu'on est sûr que c'est lui qui viendra à nous et pas nous qui iront à lui ? Pour ça faudrait déjà le trouver... il excelle dans l'art de se dissimuler. Mieux vaut l'appâter avec une cible alléchante. Et qui jouera l'appât ? On sait déjà qu'il veut nos territoires...

J'aime bien quand tu dis nos territoires, péroré-je. Parce que ce sont nos territoires, approuve-t-elle tout aussi fièrement que moi. Et on ne laissera personne nous les prendre.

— Eh, ho, comment ça va là-dedans ? clame Aiden.

J'ouvre les yeux pour me retrouver nez à nez avec les siens.

— Je ne t'ai pas entendu arriver, déclaré-je en me relevant des canapés.

Moi si.

— Il faut que tu travailles tes oreilles de loup, indique-t-il en posant un baiser sur mon front.

Ou tout simplement notre don, ses pensées faisaient un tel boucan que tu n'aurais pas dû les rater. Je fais ce que je peux et tu ne me dis pas comment faire. Je n'ai pas appris à le faire, c'est venu tout seul, comme respirer. Ai-je le droit de bouder devant tant d'injustice ? Tu le faisais inconsciemment et avant mon arrivée.

— Qu'est-ce que Lou en pense ? demande-t-il.

— Comme toi, rechinié-je avant de le voir éclater de rire.

Il n'entend pas nos pensées. Tu lui bloques l'accès, deviné-je. Pourquoi ?

Au début, elle ne dit rien et l'évidence s'impose à moi. Tu le fais pour moi. Oui, parce que tu n'es pas à l'aise avec toutes ces voix qui se chamaillent dans ta tête et Key est d'une humeur particulièrement désagréable aujourd'hui.

Sa petite note d'humour me donne envie de la prendre dans mes bras, surtout que je sais qu'elle ne trouvera jamais Key désagréable, insupportable à la limite et encore ...

Tu sais ce que je trouve le plus difficile ? Tu n'as aucun secret pour moi mais dis le haut et fort, ça fait du bien à mes oreilles. J'aimerai que tu sois juste à côté de moi pour qu'on discute les yeux dans les yeux. J'aimerai pouvoir bavarder avec toi pendant des heures sans être limités par l'espace qui nous sépare. Plus avec moi qu'avec Aiden ? s'amuse-t-elle.

Je ne sais pas comment décrire ça, c'est différent d'avec Aiden. J'aime Aiden, je l'aime de tout mon cœur. Je ne pourrais pas vivre sans lui. Seulement, j'ai l'impression que sans toi, je ne pourrais tout simplement pas être moi. Sans toi, je n'existerai pas. Jolie déclaration d'amour, pérore-t-elle.

Elle laisse planer un silence mais je sens qu'elle veut ajouter quelque chose.

Il y a des cas avérés d'humain ayant perdu leur loup ou inversement. Généralement, les deux parties meurent presque en même temps mais il arrive que l'un des deux subsiste. Je dis subsiste parce que ce n'est pas vraiment une vie. Tu as raison quand tu dis que tu ne pourrais plus être toi si je n'étais plus là. Ce serait la même chose pour moi. On serait vivante mais ce ne serait qu'une demie vie. Une vie de fantôme.

C'est le prix à payer pour une connexion aussi forte. Et pour notre âme sœur, qu'elle est la différence ? Il se passe à peu près la même chose lorsque l'on perd son âme sœur. On est envahi par la tristesse et la solitude. La peine est trop prenante, certains choisissent de se suicider. La différence est là. Celui qui perd son âme-sœur a encore le choix de décider de mettre fin à ses jours, celui qui perd son loup est mis sur pause, jusqu'à ce que le temps se charge de faire le reste.

C'est flippant.

— Kayla ? appelle Aiden.

Je relève la tête vers lui et constate qu'il m'observe avec insistance depuis la cuisine, une tasse de café à la main et un sourire narquois au coin des lèvres.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— J'adore quand tu te perds dans ta tête, déclare-t-il en prenant une gorgée. J'ai presque l'impression que tu dors, que tu es éteinte.

— Lou m'apprend des trucs que je ne sais pas encore, déclaré-je amusée, et c'est difficile de lui parler en marchant, de lui parler vraiment.

— Au début, je passais des heures à parler avec Key, mon père m'a dit qu'il allait me le confisquer si je continuais. Key était tout autant horrifié que moi. On a mis un an avant de comprendre que Key n'était pas un jouet qu'il pourrait me prendre.

Je ne peux m'empêcher de sourire en imaginant la scène dans ma tête. Je vois très bien Aiden, à peine âge de trois ans, refusant de faire la moindre bêtise. Je vois tellement la scène que s'en est troublant. Eh bah voilà, ce n'était pas si difficile, me félicite Lou fièrement. De quoi ? Tu le fais naturellement, tu n'as pas besoin de moi. Par pitié Lou ne parle par énigme... Ces images ne viennent pas de ton imagination, elles proviennent de la tête d'Aiden, de ses souvenirs.

— J'ai réussi à lire dans tes pensées ! déclaré-je en comprenant où elle veut en venir.

— Toute seule ? s'enthousiasme-t-il avec un sourire radieux. Bravo, mon amour, félicite-t-il en venant m'enlacer. Je savais que tu y arriverais !

C'était différent de d'habitude. D'habitude tu ne fais que percevoir une impression ou entendre un mot, aujourd'hui, tu as vu les images. Comme si c'était mes propres pensées, comme si ça se déroulait dans ma tête. Exact.

Le rire d'Aiden interrompt mes pensées et je le vois me narguer.

— La prochaine étape de ton apprentissage devra consister à faire deux choses en même temps... raille-t-il en m'embrassant de nouveau. En attendant, J'ai eu une requête pour toi... il faut que tu dises non, confie-t-il plus tristement.

Ses bras me serrent davantage contre lui, comme pour m'empêcher de partir. Je dois partir quelque part ? Tu comprends vite.

— Quelle requête et pourquoi je dois la refuser ? questionné-je étonnée.

— Parce que je trouve ça dangereux, le problème est que je ne peux pas te l'interdire et que tu vas vouloir y aller.

— Quelle requête Aiden ?

— On te demande en centre-ville, indique-t-il finalement.

— Qui ?

— Sebastian, lâche-t-il dans un souffle. Il me l'a demandé ce matin, j'ai dit qu'on y réfléchirait. Il veut te voir seule, sans tes bêtas, ni moi... Sans aucune protection.

Et moi, il m'oubli ?

— Lou sera là, indiqué-je.

— Et si ça ne suffisait pas ? craint-il.

Merci de la confiance.

— Lou est vexée, m'amusé-je.

— Vous voyez très bien ce que je veux dire. Tu as beau être puissante Lou, il pourrait arriver n'importe quoi. Je ne suis pas sûr de vouloir lui faire confiance. Il nous cache toujours quelque chose.

— Raison de plus pour aller le voir et le découvrir.

— Et si son secret c'était qu'il était de mèche avec Aaron ?

— Il est 100% avec nous, répond Lou pour moi. Il est sincère de ce côté-là, il dissimule juste ses véritables motivations. Et peut-être que s'il veut me voir c'est justement parce qu'il veut m'en parler à moi et à moi uniquement.

— On ne le connait pas.

— Cela ne veut pas dire que c'est quelqu'un de mauvais.

— Ni qu'on peut lui faire confiance.

— Très bien, j'irai et je serai sur mes gardes.

Il grogne de mécontentement mais ne rajoute rien de plus. Il est mignon quand il boude. Tu exagères, Lou, tu sais très bien qu'Aiden est tout le temps craquant. Dans ma tête, je la voie qui me tire la langue ce qui me fait sourire. Comme j'aimerai me chamailler avec elle dans la vraie vie !

— Quoi ? Qu'est-ce qui te fait sourire ? s'amuse-t-il, tu parles encore avec Lou ?

— Je parle toujours avec Lou, péroré-je en venant déposer un baiser sur sa joue. Je vais y aller.

— Tu veux que je fasse venir la voiture ? se résout-il.

— Pas la peine, je vais m'entrainer à courir.

Il fronce les sourcils rapidement avant de m'offrir un léger sourire. Il a peur que tu tombes, m'apprends Lou.

— Tu sais qu'on peut savoir à quoi tu penses ? demandé-je légèrement vexée.

— Tu ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter, excuse-t-il dans un haussement d'épaules.

Il envisage de nous suivre discrètement au cas où, indique-t-elle mécontente.

— Promets-moi que tu resteras ici. Quoi qu'il se passe, que ce soit sur le chemin ou une fois arrivé là-bas.

Je le vois ouvrir la bouche pour protester :

— Promets ! insisté-je.

— D'accord, promet-il trop rapidement.

Si rapidement que je n'ai pas besoin de Lou pour savoir à quoi il pense.

— Et promets que tu n'enverras personnes pour me suivre ou pour intervenir ! ajouté-je.

Il lève les yeux au ciel.

— D'accord, c'est promis, tu seras toute seule et sans défense, concède-t-il de mauvaise grâce. Maintenant file avant que je t'enferme dans une pièce pour que tu n'y ailles pas !

Je commence à partir mais me retourne avant de passer la porte.

— Je t'aime, déclaré-je tout sourire.

Il met quelques secondes avant de me le retourner.

— Je t'aime aussi, répond-il finalement. File. 

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