Chapitre 46 point de vu de Kayla


Je ne vois rien. Je ne sens rien. Je ne fais rien. Je n'ai aucune emprise sur mon corps et mes pensées, elle m'a tout pris, même ma volonté de me battre. Ma fatigue est tellement imposante que je pourrais la laisser m'emporter toute entière et simplement... m'effacer.

C'est ce qu'elle désire, que je disparaisse, pour toujours.

Elle finira par y arriver, de nous deux, c'est elle la plus forte. Elle est née pour être dans ce corps. C'est moi l'intrus. La petite chose faible et fragile. Celle qui n'aurait pas dû naitre, comme disait ma grand-mère.

Je n'ai personne avec moi. Personne ne viendra m'aider. Je ne le mérite pas. Je suis bien trop faible pour ça.

- C'est bien, tu sembles avoir compris.

C'est ma voix que j'entends, mais c'est elle qui parle. Je redresse ma tête immédiatement pour me trouver devant mon propre reflet, pour autant aucun miroir n'est devant moi. Nous sommes pareils, une seule et même personne.

- Qu'est-ce que tu veux ? marmonné-je au bord des larmes.

A ce stade je pourrai tout lui donner. Mon reflet me renvoie un sourire victorieux, presque moqueur.

- Toi, tu n'as plus rien à m'offrir, me contredit-elle le sourire aux lèvres. Mais c'est ton tour alors je suis venue te m'être en garde...

Elle s'accroupit à ma hauteur et touche mon menton du bout des doigts.

- Tu n'as aucune chance contre eux... lance-t-elle en me glaçant le sang. N'envisage même pas d'aller le retrouver, ce serait voué à l'échec. Reste sagement ici, il m'a promis qu'il s'occuperait bien de toi.

Sa menace me fige sur place. Mes membres tremblent devant l'aura qu'elle déploie autour de moi. Elle veut me faire peur et elle y arrive très bien. Je voudrais disparaître et ne plus exister. Il n'y plus rien d'autre à faire.

- Pas encore, princesse, s'amuse-t-elle, tu as vingt-quatre heure à jouer, mets les bien à profit car c'est tout ce que tu auras.

Sans que je ne puisse faire quoi que ce soit, je me réveille d'un coup, ébloui par la lumière de la pièce. Je sursaute et me relève sans attendre, regardant dans tous les coins vivement. Lit, commode, fenêtre, armoire, porte. Je ne sais pas où je suis, encore une fois. Mais je sais que je reste moi-même. Ce sont mes yeux qui regardent, mes mains qui bougent, ma tête qui pense.

Ce constat me fait presque pleurer de joie. Je touche mon visage, mon cou, je fais bouger mes mains devant moi, je joue avec l'ombre de mes doigts. C'est moi, vraiment moi.

Puis, rapidement, ma joie disparait pour laisser place à de la pure tristesse. Ma respiration s'accélère. Je suis peut-être de nouveau moi, mais je suis toujours seule, dans un lieu inconnu et je me sens étrangement vulnérable, en danger. Aiden ? appelé-je en sachant pertinemment qu'il ne répondra pas. Je ne le sens plus en moi comme avant. Quelque chose a changé même si je ne sais pas quoi.

Il faut que je sorte d'ici, vite. Mon premier réflexe est de regarder par la fenêtre. Je me trouve visiblement dans un immeuble, à un étage bien trop haut pour pouvoir tenter quoi que ce soit. En contrebas, les bruits de la ville se font entendre. Des taxis, des voitures, et des gens, beaucoup de gens. Évidemment, je n'en connais pas un seul. La seule chose que je peux dire c'est que je ne suis pas à Onward mais j'ose espérer me trouver encore à Naya.

Je tente ma chance vers la porte de la chambre. Après avoir essayé d'apercevoir une quelconque présence, je décide d'enclencher la poignée avec précaution. La porte n'est pas fermée à clef et je me retrouve dans un couloir vide qui part dans les deux sens.

Droite ou gauche, il n'y pas de différence. Mais peut-être qu'un seul de ces côtés me mènera à la sortie. Je décide de prendre à gauche en me faufilant contre le mur. Je retiens ma respiration et marche sur la pointe des pieds.

Précaution inutile si je me trouve auprès de loups. Elle en rirait si elle pouvait me voir. Mais elle n'est pas là, c'est moi qui dirige.

Je ne croise personne sur une dizaine de mètre. Pas une seule âme dans ce lieu qui semble tout à fait dérisoire. Toutes les portes sont fermées mais je n'ose en ouvrir une seule. Je poursuis mon chemin et débarque devant un ascenseur. Le silence me nargue et me met au défi de le prendre.

Des voix au bout du couloir me facilitent le choix, j'appuie sur le bouton avec force en espérant que les portes s'ouvrent sans tarder. Je les entends se rapprocher lorsque le tintement retentit enfin. Je m'engouffre à l'intérieur en appuyant rageusement sur le bouton du rez-de-chaussée.

Quand les portes se referment enfin, je pousse un soupir de soulagement. J'ai réussi, je suis en sécurité. Je pourrais bientôt sortir de là et retrouver Aiden.

- Tu vas quelque part ? lance une voix qui me fait sursauter.

Je me retourne immédiatement vers son propriétaire sans savoir comment j'ai pu ne pas le voir plus tôt. Ma première pensée est Aiden mais je sais que ce n'est pas lui. Ça ne peut pas être lui.

Aiden me prendrait dans ses bras, me sourirait avec amour, me regarderait avec adoration. Il me dirait de ne pas m'en faire que tout va bien et qu'il ne laisserait personne me faire du mal. Cet homme-là est différent. Tout dans sa posture m'indique une menace.

Pourtant, ils se ressemblent tellement. La couleur des cheveux, la forme du visage, jusqu'à ce petit creux dans la joue quand ils sourient.

- C'est impressionnant la génétique, déclare-il avec emphase. On pourrait s'y méprendre, pas vrai ?

Je ne dis rien. Même le timbre de leur voix se ressemble et j'ai l'impression de manquer quelque chose.

- Je suis Aaron, se présente-t-il d'une révérence moqueuse. Son grand frère.

Son grand frère ? Aiden ne m'a jamais parlé d'un frère. Je recule davantage si c'est encore possible.

Les portes de l'ascenseur choisissent cet instant pour se rouvrir mais nous n'avons pas changé d'étage pour autant. Au bout du couloir, les voix qui m'ont fait me retrancher ici sont postés comme des gardes.

- Tu voulais déjà nous quitter ? déplore-t-il main sur le cœur.

Il a un sourire de prédateur qui me fait reculer d'un pas en dehors de l'habitacle. Si je dois choisir entre lui ou les deux autres, je choisis les deux autres sans hésiter.

- Tu as perdu ta langue ? L'autre est beaucoup plus bavarde que toi, s'amuse-t-il en faisant un pas de plus vers moi.

J'ai l'impression d'être sa proie et qu'il se délecte du jeu de chasse qu'il a mis en œuvre. Derrière moi, les chiens de gardes avancent doucement. Je continue de reculer dans le même temps qu'il avance. Pas après pas.

Puis, il s'arrête, un sourire victorieux au coin des lèvres. Je suis coincée des deux côtés, il n'y a qu'une porte, celle que j'ai quitté quelques instants plus tôt.

- Vos quartiers, mademoiselle, déclare-t-il en ouvrant la porte.

Je m'y enfonce prudemment sans savoir pourquoi. Je ne cherche pas le moins du monde à protester.

D'un signe de tête, il fait disparaître les deux autres et se plante dans l'embrasure de la porte comme un mur impossible à franchir et aussitôt un poids se détache de mes épaules.

- Comment vous avez fait ça ? m'étonné-je en reprenant mon souffle à plusieurs reprises. Vous avez un pouvoir ?

- Comme tout Alpha qui se respecte.

- Vous êtes un alpha ? raillé-je en trouvant de la hargne au plus profond de moi.

- Disons que j'envisage de le devenir, et que je suis en bonne voie.

- Ne comptez pas sur moi.

J'ai encore du mal à lui tenir tête mais les mots sortent facilement.

- Ce n'est pas toi qui vas m'aider, mais ta gentille petite louve à qui j'ai d'ailleurs promis de veiller à ta sécurité pendant ces prochaines 24 heures.

Ma gentille petite louve ? m'étonné-je.

- Je ne resterai pas là. Je veux retrouver Aiden.

- Petite Luna... s'amuse-t-il.

Et d'un coup cela me revient, je l'ai déjà vu quelque part. Dans le magasin, avec Maria. L'homme qui ressemblait tant à Aiden.

- Vous étiez à Onward ! Devant la cabine d'essayage !

Il sourit, amusé.

- Je voulais vérifier de moi-même si la rumeur était vraie. Je n'ai pas été déçu.

- Quelle rumeur ?

- Celle de ton arrivée. J'ai attendu pendant longtemps que ce jour arrive... Qu'il soit aussi vulnérable que n'importe quel petit alpha de bas étage.

Les mots de Key me reviennent en mémoire. Je suis leur force pas leur faiblesse mais il n'est pas obligé de le savoir et ce n'est peut-être pas totalement vrai. La preuve est là. Aujourd'hui, je suis loin d'Aiden.

- Donc le plan c'est de me garder confiner dans ma chambre ? défit-elle.

- Le plan c'est de te montrer qui commande, assène-t-il sèchement. Et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, c'est moi. 


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