Chapitre 29

Il me réveille en plein cauchemar mais je lui dis de s'en aller dès que j'ai repris mes esprits. Il s'excuse de m'avoir crié dessus avant de partir. Dans la voiture pour me rendre à l'école, nous sommes tous les deux dans nos pensées. J'aurais préféré qu'il ne vienne pas avec moi, cela aurait été moins pénible.

Ce sont les filles qui me retrouvent en première et elles m'accueillent chaleureusement.

— La Survivante ! clame Sarah radieuse dès qu'elle m'aperçoit.

— Mais où étais-tu passé ? renchérit Maelys.

— On pensait que tu avais pris la fuite, s'amuse Cassy.

— Je suis allée voir de la famille, expliqué-je en réponse à leurs inquiétudes.

— Tu as pu rattraper les cours ?

— Oui, merci d'avoir tout pris pour moi, assuré-je en souriant.

J'ai vu leurs notes et leurs petits dessins sur tous les cours. C'était amusant. Elles ont dû y passer un temps fou pour que ce soit propre et complet. Elles ne le font même pas pour leur propre cours d'ordinaires. Je l'avais déjà remarqué mais Sarah se contente d'écouter quand Maelys écrit une phrase de temps à autre.

— Tu reviens pile pour le cours d'histoire, c'est un prof génial, pas autant que M. Michel mais M. Thobert raconte plein d'anecdotes amusantes, tu verras !

Du coin de l'œil, je vois Justine me surveiller du regard. J'essaie d'y faire abstraction, surtout maintenant que je sais qu'elle est la petite sœur de Justin et qu'elle meurt d'envie de me rencontrer. Du moins, pas moi, mais la Luna que je suis censée être.

Nous nous installons en classe et le prof me souhaite la bienvenue dans cette école.

— Aujourd'hui, commence-t-il, nous allons travailler la composition du territoire de Caedge, nous verrons celui de Naya une prochaine fois.

— Tout le monde connait l'histoire de Caedge, c'est au programme du collège, rétorque Justine bien plus acerbe que je n'oserais jamais l'être avec un prof.

— Non pas tout le monde, Justine. Puis, ça ne fait pas de mal de faire une piqure de rappel de temps en temps ! s'enthousiasme-t-il.

Elle souffle puis se tourne vers moi en me lançant un regard mauvais, d'autre font comme elle. Cela me permet de comprendre que cette piqure de rappel m'est particulièrement destinée. Du moins, c'est ce que la plupart des gens de la classe semblent penser. Les filles restent concentrées sur leur feuille semblant n'avoir rien remarqué.

— Caedge est un territoire peuplé de 5000 habitants, 5173 pour être précis, commence notre enseignant cérémonieusement. Parmi ces personnes, 60% sont des loups-garous, 35% des humains et le reste sont des chasseurs. Tous sont sous la protection de notre alpha, Aiden Fuller, depuis qu'il a hérité du territoire à la mort de notre ancien Alpha, Mark Loyd, pour ceux d'entre vous qui ont pu l'apercevoir dans leur enfance. Il est le premier à avoir intégré les humains dans la communauté des loups, devenant un territoire sûr pour toutes les espèces. Notre Alpha actuel a poursuivi son œuvre et la population d'humain a triplé ces dernières années grâce à lui.

Très peu prirent soin de prendre des notes et surtout pas Justine. Les filles semblaient déjà s'ennuyer et ne regardaient jamais dans ma direction, s'obstinant à fixer leur bureau.

— Actuellement, Caedge est en alliance avec 2 territoires qui bordent nos frontières, Fiord et Arden, une alliance toute récente, qui, je suis sûr, ne figurait pas sur votre programme du collège lorsque vous y étiez...

Il fixe Justine ostensiblement et elle ne cille même pas.

— Les membres du territoire sont libres d'exercer le métier de leur choix, même les loups-garous. Naturellement, certaines fonctions sont exclusivement réservées aux loups, notamment celles qui concernent la protection de la meute. Les loups y sont choisis à des postes précis, tels que Bêtas, Delta ou Oméga. C'est l'Alpha qui leur décerne ce grade.

Personne ne disait mot dans la classe, pas parce que le sujet était intéressant mais parce que plus vite il aurait fini son laïus, plus vite on passerait à autre chose. Je les comprenais. Globalement, c'était tout ce qu'on faisait au collège : le fonctionnement d'une meute et son territoire. Même moi, au sein d'une école humaine y avait eu droit.

— La meute constitue la force terrestre du territoire. Les Oméga gèrent la sécurité dans les bâtiments publics mais peuvent également être sélectionnés dans des édifices privées. Les Deltas protègent le territoire et interviennent en attaque comme en défense. Il constitue le plus gros effectif de la meute. Les Deltas sont divisés en groupe, eux même dirigés par un Bêta, eux même dirigé par un Super-Bêta, comme j'aime à l'appeler, qui prend ses ordres de l'Alpha. Dans notre meute, il s'agit de Justin que beaucoup d'entre vous doivent connaître.

Justine se releva fièrement, heureuse d'être nommée par l'intermédiaire de son frère.

La demi-heure qui suivit fut consacrée à l'étude précise des mesures prises par les derniers alphas. Mesures contre nos ennemis, pour les humains de la meute, pour les écoles du territoire, pour les orphelins qui s'y trouvent. A ces mots, plusieurs têtes se tournèrent vers moi.

— Si c'est pour la nouvelle qu'on subit ce cours... chuchota Justine pleine de sous-entendus.

— Ce n'est pas moi qui ai choisie, rétorqué-je en murmurant juste assez pour que ses oreilles de loup entendent.

Cette fois-ci ce sont tous les loups de la classe qui se retournent vers moi, même Sarah. Je leur retourne un regard sérieux, les défiants de rajouter quelque chose. Seule Justine me renvoie mon regard. Sarah me retourne un demi-sourire hésitant.

A l'interclasse, nous restons dans la salle mais le prof s'en va, ayant cours dans un autre bâtiment, nous laissant sans surveillance pendant quelques minutes. Justine en profite pour se lever et se dirige droit vers moi.

— Un problème, la nouvelle ? commence-t-elle sans préambule.

— Aucun, déclaré-je aussitôt, toi, tu en as un peut-être ?

Je ne me montre pas intimidé. Il ne manquerait plus que la Luna perde la face devant sa future meute. Dans la classe, personne ne dit mot, écoutant en silence cette discussion et attendant de savoir si oui ou non la « nouvelle » allait flancher face à la reine de la classe.

— Tu crois ? nargue-t-elle. Tu penses que je ne remarque pas ton petit numéro ?

Je hausse un sourcil et Sarah se crispe devant moi.

— Parce que tu es orpheline tu penses qu'on doit se plier en quatre pour toi ? Tu manques toute une semaine de cours et tu reviens tranquillement en nous mettant en retard sur le programme et tu penses que c'est normal ?

— Je ne choisis pas le sujet des cours, répété-je sur un ton indifférent.

— Si tu crois qu'on va supporter ça sans rien dire ! s'emporte-t-elle en tapant sa main sur ma table.

A ma grande surprise, Sarah se dresse immédiatement entre nous, tête haute, elle se pose en protectrice.

— Ça suffit, Justine ! grogne-t-elle dents serrées.

La tension est telle que plus personne ne parle. Je vois bien que Sarah fait de gros efforts pour tenir tête à Justine. Je me lève à mon tour à ses côtés.

— L'humaine et la petite louve se lient contre moi ? s'amuse-t-elle, comme c'est mignon ! Qu'allez-vous faire ? me taper sur les doigts ?

— Tu es ridicule, Justine, déclaré-je simplement.

— Moi, ridicule ? Regarde-toi dans un miroir et on verra laquelle de nous deux fait pitié, tu...

— Justine ! recommence Sarah, tu ne sais pas à qui tu t'adresses ! siffle-t-elle.

Je suis un instant soulagé qu'elle me vienne en aide puis un éclair d'illumination traverse mon esprit. Je comprends le sens de ses paroles et tout ce que ça sous-entend.

— Parce que toi tu sais peut-être ?

Ce n'est pas Sarah qui répond mais le visage de Cassy qui devient aussi rouge qu'une tomate.

— Vous savez ! m'offusqué-je. Vous savez toutes les trois !

J'inclus Maelys dans le lot car son visage ne marque aucune trace d'étonnement.

— C'est quoi ce numéro encore ? s'exclame Justine pour récupérer l'attention de la classe.

— La ferme ! asséné-je sans ménagement.

Toute la classe se tait en même temps. J'ai perdu mon masque de bienséance, je suis verte de rage.

— Depuis quand ? m'intéressé-je en direction de mes soi-disant amies.

Elles choisissent de se taire sans même se consulter. Aucune d'elles ne craquent.

— Répondez ! ordonné-je.

— Depuis le début, lâche Sarah en première. Il nous a demandé de t'approcher.

— Qui d'autres ? demandé-je sur le même ton.

— Tous les profs et le personnel de l'établissement, ajoute Sarah aussitôt, nous sommes les seuls élèves.

Je ne réponds rien, parce que j'ai besoin de temps pour assimiler ce qu'elle vient d'annoncer.

— C'était un ordre de l'alpha, on n'a pas eu le choix... tente-t-elle de se justifier.

Je la foudroie du regard, la défiant de rajouter quoi que ce soit. Sous le regard muet de toute la classe, j'attrape mes affaires et me dirige vers la sortie.

— Il demande à ce que tu restes ici ! crie Sarah en dernier recours.

— Essaie de m'arrêter pour voir, menacé-je sèchement.

Elle ne fait rien néanmoins, comme tous les autres. Personnes ne m'arrêtent. Même dans les couloirs où les professeurs loup sortent sans me barrer la route. Je n'ai pas l'intention de m'arrêter et mon regard doit les en informer sans peine.  

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top