Chapitre 18


Nous passons l'heure entière à parler. Je n'éprouve aucune culpabilité à ne pas réellement écouter le prof puisqu'il s'agit d'un chapitre déjà vu à l'orphelinat. Sarah se fait un devoir de m'expliquer le fonctionnement de l'école, les groupes et m'explique en détail pourquoi elle déteste sa « majesté ».

— Justine se prend pour la reine du lycée depuis la seconde. Je te jure elle n'était pas comme ça au collège, mais là c'est carrément plus possible. Elle prend tout le monde de haut !

— Laisse-moi deviner, louve ?

— Reine des louves tu veux dire, répliqua Sarah aussitôt. Elle croit que parce que son frère est un bêta ça la rend spécial !

Sarah mime un battement de cil dramatique en prononçant le mot spécial mais finit par mimer un haut le cœur. Devant nous, les deux filles, qui ont visiblement entendus, se retournent légèrement pour sourire.

— Vous ne suivez pas le cours les filles ? taquine Sarah.

— Beaucoup plus amusant par chez vous ! Réplique l'une d'elle. Salut, je m'appelle Maelys. Et là, c'est Cassy !

Cassy me fait un signe de main assez discret pour n'être pas intercepté par M. Michel qui commence presque à nous suspecter. Je leur rends leur sourire.

— Maelys, interpelle l'enseignant, tu voudrais bien me dire ce que c'est que cette pierre et où on la trouve ?

Nous figeons toutes nos têtes sur le tableau, en découvrant la photo dont nos camarades devaient parler quelques seconds avants. Maelys est figée mais parvient à faire semblant de regarder ses notes.

— Granite, chuchoté-je dans ma main.

— C'est du Granite ! réplique-t-elle. On voit bien les tâches de...

— Mica noir, quartz, poursuivi-je

— De mica noir, mais aussi un peu de Quartz, caractéristique du granite.

— Quel est le troisième minéral que l'on voit sur cette photo ? tout aussi caractéristique du granite...

J'ai un trou, tout comme Maelys qui semble à court d'idée.

— Feldspaths, toussote Sarah en la sauvant de peu.

— Feldspaths ! complète-t-elle, je n'arrive jamais à le prononcer celui-là.

— Très bien et à quel niveau se trouve le granite ?

— On en trouve pas mal à Naya...

— Ce n'est pas la question, commence notre professeur.

— Non, bien sûr, coupe Maelys, mais c'est un fait, il y en a beaucoup à Naya vous l'avez dit vous-même... On trouve le granite dans...

— Croute continentale, intervient Cassy en direction de son amie.

— La croute continentale ! termine Maelys victorieuse.

Comme M. Michel n'a entendu aucun de nos commentaires et qu'il regarde ses fiches au moment où nous échangeons un sourire, il ne se doute de rien et félicite même Maelys.

— Ne gâcher pas votre travail en bavardage inutile, conseille-t-il tout de même.

— Evidemment ! réplique-t-elle un peu trop fort.

Nous retenons un éclat de rire tandis que la sonnerie annonce la fin de l'heure de cours.

— Ça c'était du travail d'équipe ! nous félicite Sarah tandis que nous sortons.

— Heureusement, ce n'était pas le prof d'histoire, il aurait tout entendu, lui.

— C'est un loup, explique Cassy en percevant ma difficulté d'adaptation.

— Les profs aussi sont mixtes ? demandé-je intriguée.

— Bien sûr, ce n'était pas le cas dans ton ancienne école ?

— Non, on était 100% humains.

— La chance ! Tout est mixte ici, les profs, les élèves, le personnel, même ceux qui ont construit le bâtiment étaient à moitié des loups et des humains, répond Sarah avec sarcasme.

— Ça n'a pas l'air de te plaire ? remarqué-je.

— Si, c'est top, mais ça le serait si les cours de sport étaient aussi mixtes !

— Non merci, coupe Maelys, je n'ai pas envie de me retrouver face à Justine !

— Et moi alors ? se lamente Sarah.

— Tu vas y arriver ! encourage Maelys. C'est le dernier cours d'athlétisme.

Cassy approuve grandement et Sarah fait la moue.

— Tu veux qu'on te fasse visiter, Kayla ? fit-elle en changeant de sujet.

— Euh oui, ça peut être utile, assuré-je amusée. Mais faudrait que j'envoie un sms avant, je peux utiliser mon téléphone ici ?

— Dans quel genre d'endroit est-ce que tu étais ? Bien sûr que tu peux l'utiliser !

Elles me charrient pendant que je tape mon message, disant que je vivais à l'ère des pensionnats, que j'étais sans doute une nonne qui s'éclairait à la bougie. J'essaie de les faire taire mais elles me font d'autant plus rire.

Je suis avec des filles de ma classe, elles sont sympas ! Tout se passe bien, je suis encore en vie comme tu peux le voir. Je dirais qu'il ne me manque qu'une seule chose... Toi et ta voix dans ma tête.

J'appuie sans regret sur envoyer et reprend la conversation. Elles me font visiter tous les endroits insolites et les moindres recoins du lycée. Mais je n'écoute pas vraiment, tout ce que je voie c'est l'icône « vu » et l'absence de réponse de sa part.

— Quelle que chose ne va pas ? fait remarquer Sarah alors que nous sortons des vestiaires. Tu as la tête ailleurs depuis la récrée.

— Oh non, rien, ce n'est rien, assuré-je en forçant un sourire. Le sport n'est juste pas ma matière préférée.

— Je te comprends ! Je déteste ça aussi, c'est tellement compétitif, ils ne prennent plus aucun plaisir !

Cassy et Maelys finissent par nous rejoindre ainsi que le reste des élèves. L'enseignant nous rassemble au même endroit.

— Bon, écoutez ! Le groupe 1 vous restez à l'intérieur, on commence par quatre tours de terrain. Le groupe 2, on va dehors, six tours du lycée. Le groupe 1, vous nous rejoignez dehors quand vous aurez fini.

— A plus les filles, gémit Sarah en partant avec ceux du groupe 2.

Le groupe 1 commence doucement à courir le long du gymnase, il reste une dizaine d'élèves seulement.

— Le groupe 1 c'est...

— Nous, explique Maelys, les pauvres petits humains faibles qui ont besoin d'un échauffement pour ne pas se fouler une cheville.

— Donc le groupe 2, c'est...

— L'élite, complète Cassy, la crème de la crème.

— Sarah est une louve ? compris-je avec étonnement.

— Yes, difficile de voir la différence, pas vrai ? taquine-t-elle. Un des nombreux avantages à être un loup, c'est de pouvoir tout de suite savoir qui est quoi. Nous on doit se débrouiller quand on n'a pas la chance d'être l'âme-sœur de l'un d'eux.

Elle fait un regard suggestif et j'ai peur qu'elle ne parle de moi avant de voir Cassy rougir.

— J'ai trouvé mon âme-sœur l'année dernière, explique-t-elle en rougissant davantage.

— Et elle nage dans le bonheur ! s'amuse Maelys.

— Tu es jalouse de ne pas en avoir ! réplique-t-elle sur un air taquin. Surtout, depuis que ton frère a trouvé la sienne !

Elle lui envoie un petit coup d'épaule qui la fait rire. Maelys m'explique comment son frère, de trois ans son ainée a fini par trouver son âme-sœur trois semaines plus tôt.

— N'empêche que ce n'est pas juste pour nous, les humains, si mon frère était tombé amoureux d'une humaine, il n'aurait jamais eu l'assurance qu'elle soit son âme sœur et il aurait pu la perdre si un loup avait décrété qu'ils étaient liés. Pour les loups, c'est plus simple, ils savent au premier regard !

— Je ne pense pas que ce soit plus simple pour eux, contredit Cassy. Tu te souviens comme mon copain flippait avant qu'on accomplisse le lien ?

— Tu avais bien plus de raison que lui de flipper, assure Maelys. On ne nous prévient pas assez des dégâts que ça peut causer !

— Des dégâts ? m'inquiété-je.

— Tu lui faire peur, idiote ! comprend Cassy. Elle parle juste du fait que maintenant que je suis en couple, je n'ai pas assez de temps pour les autres.

— Tu m'abandonnes, ronchonne Maelys.

— Ce n'est pas parce que mon copain est un loup, il se serait passé la même chose avec un humain. Mais je ne t'abandonne pas, j'ai seulement d'autres centres d'intérêt

— Tu m'abandonnes, répéta Maelys dépitée.

Cassy éclata de rire avant de la prendre dans ses bras.

— Ne me touche pas, espèce d'humaine transpirante ! plaisante-t-elle en riant à son tour.

Nous sortons de notre échauffement un peu essoufflé, d'autant que nous n'avons pas cessé de parler durant toute la course. En retournant dehors, pour rejoindre le groupe 2, nous découvrons que celui-ci a presque terminé ses six tours et cela sans même transpirer une seule goutte.

Justine est en tête, l'air sérieuse mais surtout déterminé. Tout le monde suit, juste derrière elle. Sarah est la dernière. Personne ne rigole, ni ne plaisante. L'atmosphère est en tout point différente.

— Ils ne sont vraiment pas humains, grommèle un type du groupe 1 tandis que nous sommes tous captivés par leur course. 

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