Chapitre 15
— MARRAINEEEE !
— Ewen !
Mon trésor me saute dans les bras dès l'instant où je sors de la voiture. Je le sers très fort contre moi, j'ai l'impression de ne pas l'avoir vu depuis des années. Aiden sort de l'autre côté du véhicule et se place juste derrière moi.
— Comme tu as grandi ! J'ai failli ne pas te reconnaître ! m'exclamé-je en le regardant de tous les côtés.
Je fais un sourire à Maria qui attend derrière et reporte mon attention sur mon filleul.
— Je suis grand maintenant ! annonce-t-il la tête haute. J'ai plein de chose à te montrer, marraine, à l'école j'ai eu des cartes parce que j'étais très sage et on a fait des coloriages et je voulais te les envoyer mais papa a dit que tu allais venir et que je pourrais te les donner tout seul.
— J'ai hâte que tu me montres tout ça !
Je le prends dans mes bras une nouvelle fois, ne pouvant me retenir.
— Marraine tu sens bizarre ! annonce-t-il en fronçant les sourcils.
— Ah bon ?
— Oui, tu sens pas comme d'habitude ! affirme-t-il.
— Pourtant je te jure que j'ai pris une douche ce matin, m'amusé-je.
— Oui tu sens le propre mais c'est pas comme d'habitude, c'est une autre odeur.
Je hausse les sourcils ne sachant pas trop quoi répondre face à son odorat de loup. Je regarde Aiden avec interrogation. « Je ne sens pas de différence, tu sens même très bon » assure-t-il. Maria hausse les épaules à son tour et propose de rentrer à l'intérieur. Elle nous annonce que Riley arrivera un peu plus tard à cause d'un petit problème interne qu'il a dû aller régler lui-même.
Dès que je passe le seuil, Ewen m'accapare et je le laisse faire sans me plaindre. Ça me fait tellement de peine d'être séparé de lui aussi longtemps que je veux tout rattraper. Il me montre ses dessins, les travaux qu'il a effectué en classe dernièrement. Le nouveau jouet qu'il a reçu, un ancien qui a été cassé. Je lui accorde toute mon attention et Aiden ne cherche même pas à la récupérer.
— Je suis là ! entendons-nous à travers toute la maison.
— Papa ! s'écrit Ewen en partant à toute jambe.
— Mon grand garçon ! répond Riley d'une voix qui laisse entendre qu'il vient de prendre son fils dans ses bras.
— Marraine est là !
— Marraine est là ! répète-t-il en prenant un air faussement surpris. Ça alors marraine tu es là ! fait-il en entrant dans la pièce le sourire aux lèvres.
Il vient m'enlacer, tenant toujours son fils dans ses bras qui en profite d'ailleurs pour venir dans les miens. Il s'arrête un instant puis fronce les sourcils avant de sourire de nouveau.
— Ewen a dit la même chose, annonce Maria amusée.
— De quoi ? m'étonné-je.
— Tu as changé d'odeur, répond Riley après un temps.
— Mais pourquoi est-ce que vous dites ça ? m'emporté-je mi amusée mi irritée.
— Personnellement, je ne vois aucune différence, déclare Aiden.
— Evidemment, raille Riley avant de s'expliquer. Je ne sentais pas non plus la différence au début de notre relation.
— Pas plus maintenant, complète Maria bienveillante.
— Non c'est vrai, mais au moins maintenant je sais ce qui s'est passé.
— Et qu'est-ce qui s'est passé ? s'inquiète Aiden.
— C'est parce que, tout comme Maria, tu es humaine et tu prends chaque jour un peu plus l'odeur de ton partenaire, tu sens un peu plus le loup.
Je me sens rougir jusqu'aux oreilles et Riley se moque de mon teint écarlate. « si ce n'est que ça... » s'amuse Aiden qui s'était visiblement inquiété. Je reste silencieuse, trop honteuse pour dire quoi que ce soit.
— Marraine ? coupe Ewen qui n'a pas tout compris à la conversation.
— Oui, mon trésor ?
— Est-ce que tu veux jouer à cache-cache avec moi ?
— J'adorerai ça, affirmé-je vivement en embrassant sa joue bien ronde. Tu te caches en premier ?
Il s'en va en courant trop heureux de ma réponse et j'estime n'avoir pas plus de cinq minutes devant moi avant de devoir le retrouver, comme toujours, dans le placard de sa chambre, sa cachette favorite. Je me retourne vers Riley et c'est en croisant de nouveau son regard que je me rends compte que tout comme son fils, il m'a terriblement manqué. Je viens spontanément le prendre dans mes bras et il me rend mon étreinte.
— On parlera pendant sa sieste, me glisse-t-il à l'oreille, il m'en voudrait trop d'accaparer sa précieuse marraine.
« Tu veux jouer avec nous ? » demandé-je à Aiden. « Je suis comme Riley, je préfère ne pas contrarier Ewen » Je m'apprête à sortir de la pièce mais hésite un instant à embrasser Aiden, sur la joue évidemment. Il remarque mon hésitation et m'offre un clin d'œil discret qui me fait sourire. « Si je te demande de ne pas monter dans un arbre... » commence Aiden avec prudence. « Je te répondrai que je connais bien mieux ces arbres que ceux de chez toi, mais... que si tu le souhaites, je n'irai pas dans la forêt. » « Évite juste de te blesser ». « Ce n'est pas ce que je cherchais la dernière fois ! » déclaré-je en prenant un ton amusé. «Mais cache-cache est un jeu qui comporte des risques » terminé-je sur un ton mystérieux.
Je pars à la recherche de mon filleul mais je prends soin de ne rien faire d'imprudent car je ne souhaite pas inquiéter Aiden inutilement. « Amuse-toi » me coupe-t-il dans ma tête. Il entend tout. « Tout » me confirme-t-il amusé. « Je ne vais pas réussir à me concentrer si tu viens dans ma tête, j'ai une mission de la plus haute importance ! ». « Dans le placard » chuchote sa voix l'air taquine. Je coupe la connexion après lui avoir envoyé un presque baisé mental.
Je fais semblant de ne pas trouver Ewen immédiatement et nous échangeons les rôles deux ou trois autres fois. Nous sommes obligés de nous arrêter quand je vois qu'Ewen sombre peu à peu de sommeil. C'est à ce moment seulement que je constate à quel point il est fatigué, pas seulement parce que l'heure de la sieste approche mais surtout parce qu'il manque d'énergie. Riley a bien fait de nous demander de venir aujourd'hui, il n'aurait pas tenu plus longtemps.
Je prends la décision de le coucher plus tôt et lui donne une infime d'ose de mon énergie, je lui en donnerai plus au moment de partir. J'aimerai pouvoir tout lui donner d'un coup, tout ce qu'il aurait dû recevoir à son troisième anniversaire pour achever sa transformation. Mais encore une fois je suis trop faible pour ça.
Une fois en dehors de la chambre, je laisse couler une larme que j'essuie aussitôt. Je me reprends, il ne manquerait plus qu'il se réveille perturbé par mes émotions. Je fais quelques pas et me surprends à chanceler. Je cherche à m'appuyer contre le mur mais ma main ne trouve que le torse d'Aiden.
— Attention à trois, prévint-il en s'approchant doucement, un, deux, trois.
A trois, il s'approche de mon front et l'embrasse me déconcertant quelques instants mais sa main dans mon dos m'empêche de reculer. Je papillonne des yeux quand il s'éloigne, j'ai l'impression que quelque chose à changer.
— Ça va mieux ? chuchote-t-il tout bas.
— Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu as fait ? demandé-je surprise dans le bon sens.
— Je t'ai passé un peu de mon énergie, m'apprend-il, pour compenser.
— Ça fait bizarre...
— Oui, donner et recevoir sont deux choses différentes, fait-il en réchauffant mes bras d'une friction. Tu veux t'asseoir ?
— Je crois que ça va aller, affirmé-je en recommençant à marcher en m'aidant de sa main. Est-ce que c'est ce que ressens Ewen à chaque fois que je lui donne de l'énergie ?
— Oui et non. Ewen est un loup, tu es humaine. C'est un enfant, toi une adulte. Tu es sa marraine, je suis ton âme sœur, il y a beau avoir un lien c'est différent. Je ne peux pas trop m'avancer sur ce qu'il ressent mais lui s'endort à chaque fois non ? Il doit avoir plus de difficulté que toi pour gérer cet afflux d'énergie.
— Avec le temps, il endurera plus facilement ?
— Sans doute, on peut aussi penser que la dose de magie que tu lui transmets finira par être suffisante et que tu n'auras plus besoin de lui donner quoi que ce soit.
— Tu y as beaucoup réfléchi, pas vrai ? remarqué-je.
Il me fait un sourire penaud et nous descendons ensemble rejoindre Maria et Riley. Celui-ci me lance un regard espiègle et je me sens rougir, comme si j'avais fait quelque chose d'inconvenant. Maria propose une tasse de café et Aiden se presse immédiatement pour l'aider dans la cuisine. Il ne reste que Riley et moi et il ne dit rien se contentant de m'observer, taquin. Je sens que la préparation du café va être excessivement longue.
— Cesse immédiatement de me regarder comme ça ! reproché-je amusé.
— Seulement si tu me fais un résumé détaillé de tout ce qui s'est passé, tu es partie il y a cinq jours et on ne s'est presque pas parler.
— Il n'y a rien d'intéressant à dire, rétorqué-je d'une faible voix.
— Menteuse, ricane-t-il. Et l'école ? ton escapade dans les bois ? Ta rencontre avec Key ?
— A quoi bon te raconter si tu sais déjà tout ! coupé-je horrifiée.
— Je suis un allié exemplaire, pérore-t-il, je prends des nouvelles, c'est normal.
— Tu l'as appelé ! compris-je aussitôt.
— Tous les jours, rétorque-t-il le sourire aux lèvres.
Je lui envoie une tape sur le bras qu'il esquive d'un geste et il se remet en position d'attente comme pendu à mes lèvres. Je lui dis la seule chose qu'il n'a peut-être pas encore entendus, je n'ai pas vu Aiden téléphoner ce matin.
— Cette nuit, pour la première fois depuis des années, je n'ai pas fait de cauchemars.
— Pardon ? Tu quoi ? demande-t-il l'air ahuri.
— Je n'ai pas fait de cauchemar, pas un. Une vraie nuit complète.
— Ça alors ! s'étonne-t-il. Comment ça se fait ?
— Onadormiensemble.
Je lance tout d'une traite, rougissant jusqu'aux oreilles et priant pour qu'il ne me demande pas de répéter. Il ne le fait pas mais je le vois sourire discrètement bien qu'il tente de conserver un visage sérieux. Je décide de changer de sujet, pour plus de sureté.
— Je vais changer d'école, j'ai dit oui.
— Hum, hum, acquiesce-t-il toujours un peu perturbé.
— Il y aura aussi des loups, l'école est mixte.
— Ça ne te dérangera pas ?
— Non, je pense... hésité-je. J'imagine que ce ne sera pas bien différent.
— C'est sûr, une école reste une école et celle-ci propose de très bon enseignement.
— Tu t'es renseignée ? deviné-je et son sourire me répond à sa place. Pour ce qui est de l'escapade dans les bois qu'est-ce que Aiden t'a raconté exactement ?
— Que tu étais parti dans les bois avec un membre de sa meute et que tu étais revenue légèrement blessé, il n'était pas très bavard ce jour-là...
— Oui, il n'y a pas grand-chose à dire de plus... murmuré-je.
— Moi qui m'attendais à plus d'explications de ta part, s'attriste-t-il en m'offrant tout de même un sourire.
— On s'est un peu disputé après ça, j'étais en colère...
— Pourquoi ?
— C'était une égratignure, un petit bobo de rien du tout, pas le moindre danger. Pourtant il a agi comme si ce n'était pas le cas, comme s'il devait toujours me protéger de tout et j'ai eu l'impression de... d'entendre la voix de ma grand-mère...
— Tu n'es pas faible Kayla, réplique-t-il immédiatement.
— Je sais. Je sais, répété-je. Mais quand on vous a réitéré ça toute votre enfance c'est difficile d'oublier.
Riley vient spontanément embrasser mon front en me serrant dans ses bras et je prends conscience de la différence entre le baiser d'Aiden et celui-ci. Celui qui montre l'amour d'un frère et celui qui montre l'Amour.
— Comment s'appelle ton loup Riley ? demandé-je soudainement.
— Eliot, il s'appelle Eliot, m'apprend-il dans un sourire bienveillant.
— Est-ce que je lui ai déjà parlé un jour ? demandé-je.
— C'est déjà arrivé oui, les jours de pleine Lune.
— Je n'avais jamais pensé à lui avant, j'espère... j'espère qu'il ne m'en tient pas rigueur...
— Eliot t'aime autant que moi, déclare-t-il, il préfère le monde des loups c'est tout, il ne se montre que lorsque je l'appelle.
— Key, c'est plutôt l'inverse, m'amusé-je.
— Ça te perturbe ?
— Non, du moins, un peu quand même mais... je l'apprécie donc...
— Tant mieux, il va faire autant partie de ta vie que Aiden, confie-t-il. Tu sais que tu peux tout à fait m'en parler et en parler à Maria, elle aimerait tellement que tu partages tout ça avec elle, elle est passée par exactement toutes les mêmes étapes et elle t'adore, comme tous les Brown !
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