Chapitre 13


Si je sais jouer à cache-cache est la première chose qu'elle me demande lorsque nous nous retrouvons seules. Les garçons sont partis s'enfermer dans le bureau pour leur travail. Je crois qu'ils bossent sur l'affaire de mes parents et je n'ai pas le moins du monde envie d'entendre ce qu'ils vont se dire.

— Oui, bien sûr que je sais jouer à cache-cache ! Qui ne sait pas jouer à cache-cache ?

— Papa n'est pas très doué, je le trouve toujours rapidement.

— Dans ce cas c'est toi qui dois être trop forte !

— C'est ce que papa dit toujours, mais je le soupçonne de me laisser gagner annonce-t-elle l'air pensive.

Elle mène la marche jusqu'à ma chambre et j'apprends qu'elle connait la maison par cœur puisque qu'elle y passe une majeure partie de son temps lorsque son père s'y trouve. Elle farfouille dans mes affaires le temps que je m'habille avec la tenue qu'elle a choisi dans ma penderie, un pantalon et un t-shirt qu'elle a élu par dépit en ne trouvant pas de robe.

— Moi, j'ai une salopette à la maison, c'est celle que je préfère !

— Tu me la montreras la prochaine fois, proposé-je. Alors ? Je suis prête à aller dehors selon toi ?

— Oui, c'est suffisant, accepta-t-elle difficilement, il faudra demander à Aiden de t'acheter une robe par contre. Il dit qu'il va programmer ça.

— Tu es en train de lui parler ?

— Oui, tous les alphas peuvent parler avec les membres de leur meute.

— Tu n'es pas un peu jeune pour faire partie de la meute ? demandé-je sceptique.

— J'ai six ans, annonce-t-elle non sans fierté. Normalement, c'est plus tard, mais j'ai sauté des classes. Papa dit que j'aurai certainement un poste important dans la meute plus tard.

— Ah bon ? Qu'est-ce que tu aimerais faire ?

— Bêta, comme papa ! Maman, elle s'occupe des p'tits loups !

— Les p'tits loups ? m'interrogé-je.

— Les bébés de la meute, ceux qui sont à moitié loup, ils sont dans une maternité différente des p'tits humains, j'ai visité les deux maternités avec maman une fois, c'était génial !

Pendant qu'elle m'explique de long en large le fonctionnement des deux maternités comme si elle les avait visités hier, nous sortons de la maison sans croiser personne. Elle me fait suivre le même chemin que j'avais emprunté avec Aiden le jour de mon arrivée. Je suis déjà essoufflée en arrivant au lac, contrairement à elle. Je me rends compte qu'Aiden avait dû se mettre à avancer lentement pour que je puisse le suivre ce que Mavis ne se donne pas la peine de faire.

— On pourrait peut-être faire une petite pause ? proposé-je à court de souffle.

— Une pause ? Ah, oui, bien sûr ! C'est vrai que tu es... non laisse tomber.

Humaine. Je suis une petite humaine faible et fragile qui n'arrive même pas à suivre une enfant de six ans... C'est pathétique.

— Quand tu seras prête on pourra traverser, il y aura des vêtements secs de l'autre côté, m'apprend-t-elle.

— Des vêtements secs ?

— Oui, on va traverser le lac à la nage, c'est le chemin le plus court pour aller jusqu'au village de la meute.

— On aura pied ? m'inquiété-je.

— Bah non, c'est un lac, pas une rivière !

Problématique. Très problématique.

— Mavis, je ne sais pas nager.

Elle se stoppe aussitôt et me regarde choquée.

— Mais... Je croyais que les humains savaient nager ?

— Oui, oui bien sûr qu'on sait nager, m'amusé-je. Encore faut-il avoir appris à le faire, ce qui n'est pas mon cas.

— Tu n'as pas appris ? Jamais, jamais ?

— Jamais, jamais, affirmé-je dans un sourire.

Il y avait bien eu quelques tentatives à l'orphelinat, mais la première fois j'avais été malade et la seconde, indisposée. Ensuite, ils ont oublié que je n'y étais jamais allé et les plus grand avaient le droit de refuser de s'y rendre, ce que j'ai fait. Il n'y pas non plus de lac ou de rivière sur le territoire de Riley.

— Comment on va aller au village ? s'inquiéta-t-elle. On ne va pas pouvoir faire le tour à pied, tu es trop lente... On a déjà fait tout ce chemin, le temps qu'on retourne à la villa pour prendre la voiture ce sera déjà trop tard. Aiden a dit qu'il ne fallait pas que ce soit trop long.

— On n'a qu'à rester ici, proposé-je, on ira voir la meute un autre jour. Comme ça on reste proche de la maison et on peut en profiter pour jouer à cache-cache.

A ce mot, son visage s'illumine instantanément, oubliant toutes les consignes de son alpha et je sais déjà qu'elle va accepter de jouer. Chacune notre tour, nous comptons jusqu'à trente et nous nous mettons à chercher l'autre. Au bout d'un moment, je lui impose de se boucher les oreilles pendant qu'elle compte car il devient très vite évident qu'elle se sert de ses oreilles de loup pour me trouver. Mais elle trouve tout de même le moyen de s'aider de son odorat et je me rends compte que Mavis est bien plus douée que Ewen. Aussi douée que l'était Riley lors de mes premières années dans la meute, mais lui, au moins, me laissait gagner de temps en temps.

Elle a beau être une petite fille de six ans, j'ai l'impression qu'il en va de mon honneur de futur Luna de ne pas me faire lamentablement laminer par elle. J'ai constaté qu'elle se contentait de me chercher au niveau du sol, ma seule chance est donc de grimper dans les arbres. Il faut encore que je règle le problème de l'odorat. A l'instant même où elle se met à compter, je retire mes chaussettes et mes chaussures que je disperse aux quatre coins. L'idéal serait d'enlever mon t-shirt mais je n'ai pas envie de me retrouver torse nue dans la forêt. Je prends une poignée de feuilles que je frotte sur mes bras sans grande conviction, ça n'aura pas une grande utilité.

La seule chose qui me réconforte c'est qu'il n'y a aucune brise dans la forêt. Je vérifie qu'elle se bouche toujours les oreilles et je grimpe sur celui qui me parait le plus facile. Il me reste une quinzaine de seconde avant qu'elle ne rouvre les yeux. Je m'imagine aussi agile et discrète qu'un loup. Malheureusement, l'exercice est compliqué, ce n'est pas les mêmes arbres que dans le territoire de Riley. Soudain, mon pied nu glisse sur l'écorce et j'étouffe un petit cri de douleur dans ma gorge. Ce serait dommage de gâcher tous mes efforts au dernier moment.

— J'ARRIVE ! crie Mavis à l'instant où je parviens à destination.

Je me fige instantanément, pitié faites qu'elle ne me trouve pas immédiatement ce serait vraiment ridicule ! C'est à cet instant qu'Aiden choisi de communiquer. « Tout va bien ? » « Parfaitement bien » clamé-je aussitôt en essayant de contrer les élans de panique dans ma voix. « On me dit que vous n'êtes pas arrivé à destination... et tu viens de te faire mal donc... » « Je t'assures que tout va bien, c'est juste une égratignure. » Je jette un coup d'œil en bas et je constate que Mavis a trouvé l'une de mes chaussures. Son visage perplexe me donnerait presque envie de rire, presque. « Vrai de vrai ? » « Oui, vrai de vrai, on s'amuse bien toutes les deux ». Mav passe juste en dessous de mon arbre, en direction de mon autre chaussure. « Tu as l'air tendu » rétorque-t-il sur un air sceptique. « C'est parce que je risque de me faire prendre... » annoncé-je mystérieusement.

— Kayla ? tente une première fois Mavis.

Je décide d'attendre encore une petite minute avant de montrer ma cachette. « Tu n'es pas en danger ? » s'assure-t-il encore une fois. « Considères-tu Mavis comme un danger potentiel ? » « Non, absolument pas. » « Alors, je ne suis pas en danger... »

— Kayla ? demande-t-elle d'une voix hésitante.

« Pourquoi, quand je demande à Mavis, elle me dit qu'elle t'a perdu ? » « Tu ne l'as pas engueulé ? » m'inquiété-je en voyant la demoiselle commencer à paniquer. « Non, bien sûr que non. »

— Mavis ! appelé-je aussitôt.

Elle sursaute en relevant la tête immédiatement. Je la voie pousser un soupir de soulagement. « On joue à cache-cache » informé-je Aiden.

— Comment tu as fait ? me demande-t-elle en s'approchant.

— Secret professionnelle, annoncé-je en lui faisant un clin d'œil qui la fait rire.

— Tu descends ?

« Mais qu'est-ce que tu fais en haut d'un arbre ? » Sa voix mélange l'étonnement et l'amusement. « C'est la meilleure cachette que j'ai pu trouver, elle est une adversaire redoutable » « Ne te fais pas mal en descendant » me conseille-t-il. « Ce n'était pas dans mes intentions... ». Avec précaution, je refais le chemin en sens inverse et quand je considère que je suis assez proche du sol, je saute directement à terre. « Tu t'es fait mal. » constate-t-il en même temps que moi. « A peine. »

— Tu saignes ! m'apprend Mavis.

— Ne t'inquiète pas c'est trois fois rien, rassuré-je en analysant la blessure.

Sauté pied nu du haut d'un arbre n'était pas une si bonne idée. « J'arrive. » « Non ! Ce n'est vraiment rien ! ça va s'arrêter dans une minute, je mettrai un pansement en rentrant. » « Je viens. » insiste-t-il sans laisser place à la négociation. « Aiden ne te déplace pas pour si peu ! » Mais je ne reçois aucune réponse de sa part.

— Mavis ne lui dit pas où on se trouve ! supplié-je.

« Trop tard » Dans sa voix, je reconnais l'intonation de Key, ils sont tous les deux ensembles. Je peux même parier qu'il arrivera d'ici quelques minutes sous sa forme lupine. Mavis m'explique qu'elle est obligée d'obéir à un ordre direct de son alpha et je tente de lui assurer que ce n'est pas grave et que je sais parfaitement qu'elle n'a pas le choix.

« Ce n'est rien, je n'ai même plus mal ! » Je ne reçois toujours aucune réponse pour ma plus grande frustration. « Aiden ! » Je ramasse mes chaussures et mes chaussettes éparpillées aux quatre coins, aidée par Mavis. Au moment, où je ramasse la dernière mon loup noir apparait.

— Tu pourrais répondre et ne pas faire la sourde oreille ! m'énervé-je vexée.

Il reste sous sa forme lupine, ses yeux parcourt l'ensemble de mon corps.

— Je vais bien ! affirmé-je. Ce n'était vraiment pas la peine de venir !

Je m'adresse un peu trop brutalement à lui mais je suis blessée qu'il me considère comme une petite chose si fragile, qu'il se soit déplacé jusqu'ici alors que ce n'est rien qu'une petite blessure. Je ne saignerais même plus d'ici quelques minutes. Je regarde autour de moi et constate que Mavis a disparu. « Je lui ai dit de rentrer » m'apprend Aiden.

— Je vais faire pareil, annoncé-je sans lui parler par télépathie.

Je m'élance dans la forêt sans même enfiler mes chaussures, j'essaie tant bien que mal de dissimuler mes quelques grimaces même lorsque je marche sur des choses piquantes. Aiden me suit sans rien dire. Au bord de la maison, le terrain se fait moins dangereux, rempli d'herbe verte alors j'accélère et part m'enfermer dans la salle de bain sans même lui jeter un regard.

— Kayla ! appelle-t-il derrière moi.

Mais je ne me retourne pas et je ne dis rien.

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