Chapitre 12

Le lendemain matin, quand il me réveille, je mets quelques temps à reprendre mes esprits. Il me tient dans ses bras comme il l'a fait durant ses trois derniers jours.

— Aiden... ou... Key ? demandé-je en reprenant mon souffle encore perdu dans mes songes.

— C'est moi, me souffle-t-il avec tendresse.

Je souris, parce que ce moi pourrait être aussi bien Key que Aiden. Prise par une impulsion je l'embrasse et quand il me répond avec douceur je sais qu'il s'agit d'Aiden. Finalement, je m'écarte et tourne la tête sur le côté, les joues plus rouges que jamais. « Elles ne sont pas si rouges » me contredit-il. Je garde ma tête sur le côté, il n'a pas besoin de voir mon visage pour savoir à quoi je pense. Je sais qu'il ne me quitte pas des yeux. Je m'applique à remettre ma barrière mentale.

— Je suis désolé. Je me suis laissé emporter par les évènements, explique-t-il, je n'ai pas eu le temps de te prévenir que mon loup allait arriver.

— Une arrivée fracassante, taquiné-je.

— Depuis que j'ai repris le contrôle, il ne cesse de me jurer qu'il s'est bien comporté, mais... je le connais trop pour savoir que ce n'est pas possible.

— Il m'a séquestré dans la salle de bain, a refusé de me donner à manger et m'a embrassé de force !

Je l'entends rire et je me retourne en affichant la même mine amusée que lui.

— Il proteste avec véhémence, commente Aiden.

— Bonjour, Key.

— Bonjour, princesse.

Je sais que c'est le loup qui a parlé. En dehors des jours de pleine lune, il peut le faire si Aiden lui donne son accord. Je garde mes distances et j'attends que Aiden revienne. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me réponde lui. Il remet une mèche de mes cheveux en place, avec délicatesse.

— Petite balade dans la forêt ? propose-t-il et je sais qu'il est de nouveau là.

Je souris et je plonge ma tête entre mes jambes pour me dissimuler. Est-ce que nous allons passer toute la journée ensemble comme avant-hier ? ou même hier si on compte le fait que Key était avec moi tout le temps. J'ai besoin de faire le point sur la situation. J'avais l'habitude d'être seule quand j'étais chez Riley. A l'école de l'orphelina on ne nous obligeait jamais à travailler en groupe, qui sait combien de temps les pensionnaires allaient rester avant de trouver une famille. J'étais la plus ancienne, j'ai vu tout le monde partir les uns après les autres et aujourd'hui c'est moi qui suis partie.

— Besoin d'un peu de solitude ? devine-t-il près de moi.

— Je crois, enfin... non. Oui. Je ne sais pas. Je n'ai pas l'habitude...

— Tu as le droit...

— Tu as dit qu'il fallait que je reste près de toi, protesté-je faiblement.

— La maison, le territoire c'est toujours près de moi, annonce-t-il. Pour être honnête, je savais que ça allait arriver. Je n'allais pas te suivre dans tes salles de classes.

Il pose sa main dans mon dos, effectuant les mêmes lents va et vient que lorsqu'il m'a sorti de mon mauvais rêve.

— La proximité physique n'est pas indispensable mais j'en profite tant que je peux.

— Ça t'aide ?

— Beaucoup, affirme-t-il, te toucher ça me fait prendre conscience que tu es bien là.

« Plus que quand je suis dans ta tête ? » Il semble réfléchir quelques instants. « Je crois que oui ou du moins ça m'aide à me rappeler l'évidence » « Je n'ai pas envie de te retirer ça... »

— Tu ne me retires rien, m'assure-t-il.

J'aimerai pouvoir lire ses pensées, savoir ce qu'il ressent, s'il peut me mentir ou s'il est honnête. J'ai envie d'être seule mais je ne veux pas lui faire de peine. « ça ne me fait pas de peine ».

— Comment ça se fait que tu puisses tout voir ! m'exclamé-je amusée. J'étais pourtant en train de me concentrer c'est ce que Key m'avait dit de faire.

— Il n'a pas tout dit, confie-t-il dans un sourire.

— Toi non plus d'ailleurs...

— C'est plus marrant quand tu découvres par toi-même.

— Et ça t'arrange surtout, rétorqué-je.

Je lui fais un regard qui signifie : dis-moi tout de suite ce que tu sais.

— Il faut à la fois s'efforcer de mettre une barrière mentale mais il faut aussi la vouloir et, à l'instant, tu as souhaité entrer dans ma tête, ne faire qu'un avec moi.

— Vouloir entrer dans ta tête ne veut pas dire que je veux que tu entres dans la mienne.

— hum... presque, raille-t-il malicieusement.

Comme je ne lui avoue toujours pas à voix haute que j'ai besoin d'être seule, il prend la décision pour moi et m'annonce qu'il sera dans le bureau si j'ai besoin de quoi que ce soit. Une fois qu'il est parti je prends le temps d'admirer toute la végétation qui orne la pièce. C'est comme s'il était toujours avec moi et ça ne me dérange pas.

Je fais le tour de ma chambre et je trouve, sur le bureau, quelque chose qui ne s'y trouvait pas hier. Des devoirs. Je retiens un sourire en me rendant compte qu'Aiden a trouvé le moyen de me faire parvenir les prochains cours et les quelques devoirs que les enseignants de l'orphelinat nous ont donné.

Je m'installe à mon bureau qui est, lui aussi, orné de végétation luxuriante mais mes fleurs préférées restent celles qu'il m'a offerte après ma chute. Je les y avais déposé en rangeant mes affaires le premier jour et j'en prend une pour jouer avec. Elle reste aussi belle que la première fois, sans faner, sans perdre sa couleur, ni son odeur. Je l'accroche dans mes cheveux, juste derrière mon oreille ce qui me permet d'être entourée de son doux parfum.

Puis, je commence à travailler, trouvant rapidement la réponse à certains problèmes, m'acharnant sur d'autres. Je termine chaque dossier les uns après les autres, les rangeant soigneusement en pile à côté de moi.

— Tu es rapide, commente Aiden quand j'empile le dernier dossier.

Je me retourne et découvre mon alpha, assis sur le bord de mon lit la tête appuyée contre la rambarde, comme s'il m'avait regardé tout ce temps.

— Depuis combien de temps tu es là ?

— Une toute petite heure, m'informe-t-il.

— Tu n'avais rien de mieux à faire ? demandé-je en lui offrant un sourire.

— Je ne me lasserai jamais de te regarder...

— Je ne t'ai même pas entendus arriver...

— Oui, je m'en suis rendu compte, s'amuse-t-il.

Il se redresse et se lève pour s'asseoir plus près de moi sur un petit pouf que je n'avais même pas remarqué. La fleur accrochée à mon oreille me parait d'une odeur encore plus enivrante.

— Tu as réfléchi pour l'établissement dans lequel tu souhaitais passer le reste de tes études ?

— Non, avoué-je distraitement, je n'y ai pas pensé... Est-ce que ça ne pourrait pas se poursuivre comme ça, à distance ?

— Tu risquerais de manquer des trucs, tu sais... les trucs que toutes les filles font au lycée, papoter, commérer, espionner...

— Mais quelle opinion as-tu des filles ? coupé-je amusée mais son sourire m'indique qu'il me taquinait plus qu'il n'était sérieux.

— Tu manquerais surtout des cours qui sont plus intéressants à l'oral qu'à l'écrit et ce serait sans doute plus facile si tu as des questions à poser à des enseignants et, au final, ce serait plus simple pour les devoirs, pour que tu n'aies pas tout à faire d'un seul coup même si tu as l'air de très bien t'en sortir.

Je ne réponds pas. Je n'ai pas envie de choisir entre Riley et Aiden. « Je ne te demande pas de choisir entre lui et moi, je ne te demanderai jamais ça et tu sais bien que je ne t'empêcherai jamais d'aller là-bas. C'est plus une question pratique, l'école d'ici est plus près, tu serais plus en sécurité dans ma meute, ce serait plus rassurant pour moi. ».

— Est-ce que... est-ce que c'est une école humaine ? demandé-je d'une petite voix.

— Elle est mixte, m'indique-t-il immédiatement, il y a peut-être un peu plus de loup mais elle reste mixte, sauf pour les cours de sports, pour éviter les inégalités, explique-t-il.

— Est-ce que tu es allé dans cette école ?

— Oui, mais seulement à partir de ma dix-septième année, comme toi si tu décides de t'y inscrire.

— D'accord, annoncé-je en m'étonnant moi-même d'avoir accepté.

— D'accord ? s'étonne-t-il également.

« Oui, j'irai dans ton école » affirmé-je. Son sourire est rayonnant et contagieux, il se lève pour m'embrasser rapidement sur la joue, presque au coin des lèvres puis il s'écarte comme s'il savait qu'il était allé un peu trop loin.

— Il faut que je te présente quelqu'un, annonce-t-il, je suis sûr que tu vas l'adorer !

Son sourire ne quitte pas son visage tandis qu'il s'éclipse de la pièce et commence à descendre les escaliers. Je prends soin de retirer ma fleur pour la mettre en sécurité avant de descendre à mon tour où je suis accueillie par Justin.

— Salut, patronne !

— Justin, salué-je assez mal à l'aise par le surnom qu'il me donne.

Lui, en tout cas, à l'air d'en être très fière. Je jette un œil à Aiden qui est trop occupé à le fusiller du regard. Je ne suis certainement pas la patronne, ni par le titre, ni par les actes et je ne risque pas de l'être de sitôt. « Il adore m'appeler patron, excuse-le » m'explique-t-il.

— Il est idiot, parfois, annonce-t-il à voix haute.

Je devine à la réaction de Justin qu'ils étaient eux aussi en train de parler dans leur tête.

— Comment vous faites pour suivre autant de conversation à la fois ?

— Des années et des années d'entrainement, affirme-t-il tandis que son ami acquiesce. Mais ce qui est important, c'est le petit boutchou qui refuse de se montrer !

« Le petit boutchou ? » répété-je tandis que les deux se mettaient à sourire avec entrain.

— Kayla, annonce Justin, je te présente, si elle veut bien sortir de sa cachette, ma fille, Mavis ! Mav ? Allez Mav, ne fais pas ta timide, toi qui voulais absolument venir voir Kayla, et comment elle est ? Est-ce qu'elle sait jouer à cache-cache ? est-ce que...

— Papa ! reproche la fillette en sortant de sa cachette.

J'ai soudain l'impression de voir Ewen, du moins quelque chose d'aussi petit que lui avec une bouille quasiment identique. Je reste choquée, sans bouger d'un centimètre jusqu'à ce qu'elle m'adresse un sourire délicat. Je tombe immédiatement sous son charme.

— Kayla, voici Mavis, Mavis, voici Kayla, présente Aiden. Mavis est ici pour remplir une mission très importante !

Mavis se redresse, la tête haute, fière de cette mission qu'on lui a attribuée. Je lui rends son sourire ce qui la réjouit d'autant plus.

— Mavis va t'emmener visiter la meute incognito.

— Incognito ?

— Il ne faut pas que tu dises que tu es...

Il devient subitement à court de mot. « La futur... Luna ? » terminé-je à sa place. Ses mots sont aussi déroutants à penser qu'à dire à l'oral. La futur Luna, c'est ce que je suis. Enfin, probablement.

— Pas mal de membres sont déjà au courant, poursuit Justin, mais il vaut mieux éviter l'attroupement. Personne ne connait ton visage donc on peut jouer là-dessus pour te permettre de sortir un peu.

« Si jamais on me remarque, ce n'est pas dangereux pour elle ? » m'inquiété-je en contemplant la petite fille qui me fait face.

— Toi, tu as encore des progrès à faire pour dissimuler le fait que tu parles par la pensée, s'amuse Justin. Mav pourra te donner quelques petites astuces, n'est-ce pas ?

— Oui ! affirme-t-elle vivement.

« Mavis est très forte pour son âge, de plus, tout le monde l'adore dans la meute » m'apprend Aiden et je le sens sourire dans mon esprit. « Vous allez très bien vous en sortir »

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