Chapitre 1

En retard. Voilà ce qui va m'arriver de pire aujourd'hui. Être en retard le jour de la rentrée scolaire, c'est bien ma veine.

En même temps, Je suis la seule à ne pas vraiment loger à l'internat et à avoir une petite demi-heure de marche tous les matins. C'est certes revigorant, mais ça ne contribue pas à mon bon respect des horaires. Peut-être que la directrice, Mme Wouter, sera clémente. Après tout, c'est ma dernière année à l'orphelinat et cela fait déjà dix ans que je m'y trouve. Autant d'année, ça mériterait bien une petite fête, non ?

A la limite, Mme Wouter pourrait me citer dans son discours en tant que doyenne de l'école, histoire de m'afficher devant tout le monde. A la réflexion, cela ferait sans doute de la mauvaise publicité pour tous ceux qui attendent une vraie famille... Dix ans, c'est assez long.

Enfin, ce n'est pas comme si je n'avais pas une vraie famille. Disons juste que je n'y suis pas vraiment à ma place. Mais dans un an je serais majeure et diplômée, autrement dit, libre d'aller ou je le souhaite, sans aucune restriction.

Quand j'arrive dans le réfectoire, la directrice a déjà commencé son merveilleux discours et ne fait pas attention à moi.Elle est trop occupée à clamer le baratin habituel sur la fierté qu'elle porte à son école et le nombre d'orphelin qui trouve une famille chaque année grâce à elle... En dix ans, elle n'a pas changé une seule ligne de son discours, pas une, même pas une virgule.

Donc, naturellement, chaque année, je n'écoute pas. Il n'y a strictement rien d'utile dans son récit, ni pour moi, ni pour les autres et ceux qui resteront suffisamment longtemps ici, s'en rendront compte rapidement.

En essayant de me faire discrète, je m'installe à la table du fond, où ils parquent les « grands ». Nous sommes une petite dizaine seulement. La plupart sont des anciens, comme moi, même si pas autant vieux. Être adopté quand on est grand, c'est carrément mission impossible. Ce que veulent les parents potentiels, c'est plutôt des petits enfants minuscules au visage de poupon, ceux qui se trouvent au premier rang et qui resteront un mois ou deux. Les petits veinards.

On ne peut pas dire que je suis jalouse d'eux, pas du tout même. Mais je trouve ça injuste pour les autres, les plus grands. Personnellement, je ne voulais pas de nouveaux parents, les miens me suffisaient.

Enfin bref, le seul point positif dans cette nouvelle vie qui m'a été imposé, c'est Ewen et, accessoirement, son père, Riley. Ewen est mon neveu de quatre ans, le plus adorable de tous les petits êtres minuscules au visage de poupon. Je l'ai vu grandir, marcher et prononcer ses premiers mots. Je l'ai même vu naître. Son père est mon meilleur ami. Il a toujours été avec moi depuis que je suis arrivée ici.

Tout ceci serait parfait, s'ils n'étaient pas des loup-garou. De vrais de vrais. Je ne les déteste pas, pas ceux-là en tout cas. Seulement, être un humain dans un monde remplie de loup-garou semble déplacé. Surtout quand on fait les frais de leur guerre de territoire, nous les orphelins...

Je suis tirée de mes rêveries par un jeune homme qui s'assoit en face de moi. Son visage ne m'est pas familier, peut-être qu'il s'agit d'un nouvel orphelin. Seulement, il me parait trop âgé pour être un pensionnaire. Il l'air de pouvoir s'en sortir seul dans la vie.

Il a un magnifique sourire sur le visage et, bizarrement, je le trouve plutôt craquant, carrément canon même.

— Salut, annonce-t-il d'une belle voix mélodieuse.

Je lui dis bonjour à mon tour en me demandant ce qu'il vient faire ici. Ce n'est pas souvent qu'on reçoit la visite de ce genre de personne. De visites tout court d'ailleurs.

Il sourit nerveusement et passe sa main dans ses beaux cheveux brun. Il paraît gêné et anxieux, c'est amusant. Je décide de prendre les devants et d'entamer la conversation.

— Tu es ? demandé-je avec un léger regard interrogateur sans pour autant vouloir paraître agressive.

— Oh ! Pardon ! Je suis Aiden, Je m'appelle Aiden, corrige-t-il non sans hésitation.

Je rigole intérieurement, il a l'air extrêmement nerveux. Il n'a pourtant pas l'air d'être le genre d'homme qui perd ses moyens.

— Enchanté, Aiden. Moi, c'est Kayla.

— Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il en prenant plus d'assurance.

Je m'apprête à répondre quand je remarque qu'il n'y a plus personne autour de moi, plus aucuns élèves, juste lui et moi. De nouveau, cet air embarrassé s'affiche sur son visage.

— Tu n'as pas écouté le discours de la directrice ? suppose-t-il navré.

Je ne réponds pas. Je regarde autour de moi encore une fois. J'aurai dû écouter, oui. Mais que fait-il ici ?

— Qui es-tu ? l'interrogé-je perturbée.

— Ce sera peut-être difficile à croire pour toi qui est humaine... mais...

Au mot « humaine » je me lève brutalement, comprenant que s'il me définit ainsi c'est qu'il ne se considère pas comme tel.

— Dis-moi qui tu es ? ordonné-je durement.

— Je pense que tu sais qui je suis, sinon tu n'aurais pas réagi de cette manière...

Il dit cela en baissant les yeux, peut-être déçu de ma réaction. Puis, il se lève, contourne la table et s'approche de moi en guettant ma réaction.

— Tu es mon âme-sœur Kayla, déclare-t-il finalement.

Je secoue la tête de droite à gauche, refusant ce qu'il m'annonce. Ça ne peut pas être vrai ! Pas pour moi ! Je ne veux pas de ça !

Je porte mes mains à mon visage, veine tentative pour le soustraire à ma vue. Il s'approche de moi et touche mon bras de sa main. Je le repousse violement, peut-être un peu trop vu l'expression de surprise qui s'affiche sur son visage.

— Tu es un loup-garou ! hurlé-je écœurée.

Je pars en courant. Il n'essaie pas de me rattraper mais je sens son regard posé sur moi, sa déception aussi. Quand je pense que je l'ai trouvé attirant ! m'écœuré-je intérieurement.

Mais c'est impossible, je refuse d'être l'âme sœur d'un loup.

Je sors de l'école et commence à me diriger vers les dortoirs de l'orphelinat, prête à me réfugier dans mon autre chambre. Celle où je suis sûre de ne rencontrer personne. La chambre où je me rends lorsque qu'il n'y plus aucune solution. Je ne peux m'enfuir nulle part ailleurs de toute manière, même Riley ne peut m'aider. Il me pourchassera jusqu'au bout du monde.

Ma course s'arrête net quand je vois une voiture noire garée devant le bâtiment. Deux jeunes hommes sont adossés au capot et se retournent en m'entendant arriver. Je devine assez facilement qu'ils sont avec lui et qu'ils ne me laisseront même pas passer le seuil de l'entrée. Pourquoi diable faut-il qu'ils se déplacent toujours en meute ?

Je pars en direction de la forêt le plus naturellement possible mais ma discrétion échoue. Alors, j'emprunte ma dernière option et court le plus vite possible. Je cours comme si ma vie en dépendait et c'est peut-être le cas. Je n'ai pas le choix.

Je suis de nouveau stoppé dans mon élan. Des larmes coulent le long de mes joues sans que je ne puisse vraiment faire quoi que ce soit. Cette fois-ci c'est un loup gris qui se tient devant moi mais je n'ai pas peur. Au contraire, je me jette dans ses bras. Dans le même temps, Riley se transforme et me protège de son étreinte.

— Qu'est-ce qu'il se passe ! Ewen a senti que tu n'allais pas bien...explique-t-il alarmé.

Avant même que je ne prononce un mot, un loup aussi imposant que Riley, se dresse devant nous. Riley se place devant moi immédiatement, en protecteur. Je sens déjà l'air environnant devenir pesant sous l'influence de son aura d'alpha. Riley est fort, ce loup ne court aucune chance contre lui.

— Je me nomme Riley Brown, je suis l'Alpha du territoire d'Onward, tu te trouves sur mes terres, présente-toi ! ordonne Riley avec dureté.

Une aura menaçante émane de lui, afin de soumettre l'inconnu à sa volonté. Aussitôt, celui-ci se transforme en humain. Je ne suis étonnée seulement qu'une seconde. Aiden, celui qui se dit être mon âme sœur, se trouve devant nous.

— Aiden Fuller, clame-t-il à son tour, je suis l'alpha du territoire de Caedge, voisin au votre, ainsi que du territoire Naya dans le nord.

Un alpha ? m'inquiété-je. Il ne manquait plus que ça. Au moment où il parle, une aura presque aussi puissante que celle de Riley se forme autour de lui pour nous prouver son rang. Si jamais ils se battent, je ne sais pas lequel des deux gagnera et je ne veux pas qu'il gagne.

— Vous n'avez pas prévenu votre arrivé à ma meute, indique Riley en restant méfiant.

— J'ai envoyé un de mes béta, visiblement il s'est perdu en chemin, élude-t-il banalement. Je suis arrivé il y a quelques heures, dans l'espoir de trouver mon âme-sœur.

Sur ces dernières paroles, il pose fixement ses yeux sur les miens, puis rajoute :

— Et je l'ai trouvé.

La tête de Riley réalise plusieurs allers-retours entre moi et Aiden. J'essuie l'une des larmes qui coule le long de ma joue en le suppliant du regard. Sans qu'on ne se dise un mot Riley comprend, il sait...

— Non.

Un soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres. Jamais je n'aurai pensé qu'il tiendrait tête à un alpha pour moi. Toutefois, Aiden ne partage pas mon sentiment, la colère gronde dans ses yeux.

— Pardon ? s'offusque-t-il.

— J'ai dit « non ». Tu ne l'emmèneras pas. Jusqu'à preuve du contraire tu n'as aucun droit sur elle.

Je sens la colère parcourir son corps et je comprends qu'il pourrait nous attaquer, là, maintenant. Je recule par prudence. J'aimerai dire à Riley qu'il n'est pas seul que d'autres sont là avec lui. Mais celui-ci poursuit instantanément :

— Et si tu ne veux pas définitivement stopper toutes tes chances avec Kayla, je te conseille de ne pas attaquer sa famille. Elle fait partie de ma meute, et nous protégeons les membres de notre famille.

Sur cette dernière phrase, quatre de ses bêtas les plus puissants sortent de derrières les branchages et se mettent en position de défense tout autour de moi. Je me sens aussitôt en sécurité avec eux. Il ne fait pas le poids, seul, face à la meute de Riley.

— Je ne renoncerais pas.

Il marque un temps d'arrêt avant de poursuivre :

— Tant que je vivrai je mettrai tous les moyens en œuvre pour qu'on soit réuni.

— Fait attention tu risques de ne pas vivre longtemps, poursuit Riley sur un ton ironique.

Sans m'en rendre compte je rigole faiblement à cette petite plaisanterie, ce qui fait également sourire Riley. Il me semble aussi qu'Aiden a un petit sourire même s'il l'efface rapidement, sans doute pour paraitre sérieux.

Sur ce dernier échange, Aiden s'en va, en jetant un regard sur mes yeux. Il me fixe quelques seconde avant que je tourne la tête et brise ce contact visuel.

— Qu'est-ce que je vais faire Riley ? balbutiai-je

Il s'approche de moi et me prend délicatement dans ses bras, tandis que ses béta se retransforment en humain.

— Tout ce que tu veux, un seul mot de ta part et plus jamais il ne t'approchera...un seul mot.

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