Sur le chemin de la cité de Varna

« Sur le chemin », c'est une façon de parler.

Je suis perdu dans les bois depuis maintenant un jour et demi. 

J'ai accumulé les décisions stupides : je me suis dit « oh, je vais plein est, je n'ai qu'à suivre ce petit sentier qui coupe dans la forêt » puis « non, non, je dois être dans la bonne direction, même s'il n'y a plus de sentier, je n'ai qu'à aller tout droit » et puis encore « ah, ce n'est qu'un petit torrent, ce n'est rien à traverser ».

Je sais que Varna, la cité Empire, est quelque part encore à l'Est. Mais pour l'instant, je suis au milieu de nulle part, écrasé par l'ombre des grands sapins.

J'avais un « Livre de Magie » avec moi. C'est un journal de bord en quelque sorte.

Il est tombé dans le ruisseau et l'eau l'a complètement nettoyé. Il est parfaitement blanc.

Ce n'est pas une grande perte, à vrai dire.

Mon maître m'a envoyé il y a de nombreux mois visiter le vaste monde et apprendre la magie et la science des lieux lointains. 

Dans ce Livre de Magie, je devais consigner mes trouvailles.

Je suis allé plein ouest, j'ai rencontré des villages aux commerçants affairés, puis des marais pénibles à traverser. Puis de grandes ruines mystérieuses, fondées par le peuple Môn disparu, hantées par des bestioles voraces. Je suis allé jusqu'aux rives ouest du continent, là où on voit au delà de la Mer de la Morsure les rives du sultanat d'Aqabah.

Et je n'ai rien appris. En désespoir de cause, j'avais rempli mon livre de magie de dessins de ruines et d'indications de voyages. Et puis je suis allé plein est, pour trouver Varna. Il paraît qu'il y a des Mages, là-bas.

Du coup, je ne suis pas particulièrement ennuyé de ce rinçage de livre. Ces pages blanches me paraissent bien plus belles ainsi que recouvertes de mes semblants de recherches.

Par contre, j'ai faim, très faim.

Les bois sont silencieux, et je n'ai pu trouver que quelques racines amères. 

Je me demande si je devrais utiliser la magie pour me tirer de là, ou au moins pour me remplir l'estomac. Ce serait une occasion bien futile, mais alors que je flanche, je me demande combien de mages sont morts de faim en pensant que c'était bien futile d'utiliser la magie pour sauver leur peau d'un péril aussi idiot.

Et puis j'ai senti une odeur délicieuse. De la viande grillée.

J'en ai suivi le fumet, presque à quatre pattes sur le sol. L'odeur se faisait plus forte. J'entendais le craquement du bois flambant. 

Alors que la nuit tombait totalement et que les ombres des arbres se resserraient sur moi, j'ai vu un homme, assis près d'un feu. Au dessus du feu, un lapin embroché, écorché, dont la viande grésillait.

Je me retenais de bondir sur le lapin, mort de faim que j'étais.

Je restais dans l'ombre, car sur une branche de l'arbre contre lequel était adossé l'homme, se balançait une ombre.

Cette ombre, c'était le corps d'un pendu. Et fraîchement pendu d'ailleurs.  Ses jambes tremblaient d'un réflexe de sa colonne vertébrale brisée.

L'homme au lapin était donc un meurtrier. Un bandit. 

Et moi, j'étais mort de faim. 

Alors, j'allais faire quoi ? Le retrouver et lui demander un bout de son lapin ? 

Oui, j'allais faire quoi ?

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