Chapitre 4:
Yava se releva pourtant tant bien que mal, une main pressée sur son ventre, l'autre cherchant une prise sur la masse rocailleuse. Sa paume rencontra alors une excroissance granitique en forme de serre d'aigle qui lui permit de se soutenir.
Mais à la suite d'une pression trop violente, la roche se déroba sous ses mains, découvrant une entrée béante dans les entrailles de la terre.
A l'intérieur, Yava aperçut une échelle. Il ne réfléchit pas longtemps car le sanglier se préparait à charger de nouveau. L'elfe agrippa l'échelle et amorça la descente dans l'obscurité du trou.Lorsqu'il posa les pieds sur le sol, le rocher se referma de lui-même, laissant le jeune elfe dans le noir. Cependant, sa vision nocturne perçante lui permit de distinguer de nombreuses torches éteintes qui étaient dispersées un peu partout dans la salle.
Il effleura le socle de l'une d'entre elles et toute la pièce fut éclairée par les feux qui venaient d'apparaître.
- Mais quelle est donc cette magie ? s'étonna Yava à voix haute.
Il s'avança vers le centre de la cavité et écarquilla les yeux.
Contre les murs, se tenaient des étagères qui contenaient des centaines, non, des milliers de livres !
Dans un coin, se trouvait un petit bureau en hêtre où trônait une plume et un petit carnet recouvert de cuir noir. L'endroit était inutilisé depuis longtemps, à en juger par la couche de poussière qui recouvrait les ouvrages.
Yava, intrigué, s'efforça de lire quelques titres sur la tranche des livres. Les écritures extérieures étaient quelque peu effacées mais il déchiffra tout de même :
« Historique des elfes »,« Rapport des comptes de Lerda », « Les guerres humaines », et également « L'encyclopédie des animaux de la Forêt ».
Il tomba également sur quelques romans, des pièces de théâtre, et un ou deux recueils de poésie.
Puis, il s'approcha du bureau et prit le carnet entre ses mains.
Il l'ouvrit à la première page et lut le nom marqué en haut, et les quelques mots qui suivaient.
« Lani de Lerda, Mémoires d'un alchimiste ».
De toute évidence, c'était un nom elfique.
Yava fut très intéressé et glissa le carnet dans sa sacoche avec l'espoir de pouvoir le feuilleter plus tard.
Il aurait bien voulu rapporter ses champignons à Lerda, mais le sanglier devait probablement rôder encore dans les bois, et il ne voulait pas encourir sa fureur une seconde fois.
C'est à ce moment qu'il découvrit un boyau de terre dans l'une des parois. Après un temps d'hésitation, il s'y engagea.
Au début, il pouvait y passer debout, puis l'espace se réduisit,l'obligeant à marcher à quatre-pattes. Pour lui, le temps passait lentement, les minutes s'étendaient interminablement dans ce tendroit confiné.
Bientôt,son pantalon tomba en loques au niveau de ses genoux, usé par l'écorce rugueuse sur laquelle il se traînait. Quant à ses mains,elles se couvrirent bientôt d'ampoules qui ne tardèrent pas à crever, causant à Yava des douleurs qui empirèrent au fur à mesure.
Tout à coup, il se retrouva face à un mur d'écorce brute, ne lui laissant aucun passage.
Il lui était également impossible de revenir sur ses pas, la galerie étant trop étroite pour se retourner. Atterré, il donna quelques coups contre le bois : il sonnait creux.
Il tapa alors de toutes ses forces contre cette membrane.
Une partie de l'écorce se rompit, tombant au sol et dévoilant la lumière du soleil.
Il était dans un creux, sous les racines d'un arbre, et ce creux, il l'avait visité quelques heures auparavant, projetant même d'y habiter !
Ravi, Yava savoura l'idée d'avoir une bibliothèque toute à lui, à portée de main.
Puis il remit l'écorce en place et sortit au dehors.
Il entama une course rapide, jusqu'à la rivière où il se nettoya les mains comme le propriétaire de l'herboristerie lui avait conseillé. Il retoucha son maquillage qui commençait à pâlir, et pénétra dans la ville.
Son regard se posa sur le tableau d'affichage de la cité où se trouvaient annonces, potins, et avis de recherche.
Là, le fin visage de Yava était épinglé entre les portraits de deux elfes à la mine patibulaire. En dessous, il était écrit :
« Age:15 ans ; Statut : banni ; Cause : Double meurtre ».
Yava ravala la tristesse et la rage qui montaient en lui et se détourna du panneau pour continuer sa route.
Devant la boutique de remèdes, il était toujours aussi morose, mais se força à sourire pour ne pas attirer d'éventuelles questions.
Lorsqu'il poussa la porte, la clochette retentit, tirant le vendeur de son arrière boutique.
-Alors ? Qu'as tu ramené de beau ? Demanda-t-il.
Yava étala sa récolte sur le comptoir et les yeux de l'elfe brillèrent de convoitise.
-A propos, comment t'appelles tu mon garçon ?
-Delran, répondit Yava, rougissant de son mensonge.
-Et comment se fait-t-il que tu aies la peau si foncée ?
-Dans ma famille, telle est notre couleur de teint, car nous venons du Sud de la Forêt.
Le marchand cessa là son interrogatoire et examina les champignons d'un œil expert.
-Voilà ! Ta récolte a été fructueuse, donc, pour le tout, jet'en donne quarante pièces de cuivre. Considère cette offre comme généreuse de ma part.
Yava rangea l'argent dans sa bourse, content de son bénéfice.
-Peux-tu me ramener des baies, à présent ?
Et comme à l'accoutumée, l'herboriste lui montra les illustrations de son ouvrage auquel il avait l'air de tenir comme à la prunelle de ses yeux.
Yava sortit de l'herboristerie et arpenta la rue marchande, cherchant des yeux les boutiques qui l'intéressaient pour faire ses emplettes. Il marchanda un pantalon vert de bonne facture et de tissu bien solide à un vendeur ambulant pour cinq pièces de cuivre.
Il acheta également une couverture fourrée pour lui tenir chaud la nuit. Au total, il lui restait trente pièces de cuivre.
Avant la tombée de la nuit, il alla jeter un coup d'œil à l'armurerie provinciale, admirant lames et tranchants, appréciant la finesse des décorations, testant la solidité des boucliers, et découvrant une bonne demi-douzaine d'armes dont il n'aurait jamais soupçonné l'existence.
Yava finit par sortir à regret de la ville et regagna son gîte dans la forêt, à l'abri sous les racines de l'arbre centenaire.
La chaleur de la journée était restée emmagasinée sous la cloche de bois et il se prit à s'imaginer qu'il possédait une cheminée qui chauffait la pièce. Il avala une poignée de fruits colorés et commença la lecture du carnet.
« Moi, Lani de Lerda, ai terminé mes études d'alchimie et consignerai dans ce carnet toutes les étapes qui mèneront à la célébrité et au succès. »
« Un peu vaniteux, celui-la. Pensa Yava. »
Il s'ensuivit des dizaines de pages couvertes d'une écriture serrée qui relataient des découvertes mineures.
Lassé, Yava décida de retourner dans la bibliothèque pour essayer d'y dénicher des livres rares. Il eut moins d'appréhension que la première fois lorsqu'il emprunta le passage, maintenant qu'il savait à quoi s'en tenir.
Arrivé dans la pièce au plafond haut et aux murs de terre, il s'attela à la lecture des livres de la première étagère. Il y découvrit de nombreux traités de chimie. Mais seuls deux ouvrages retinrent son attention.
Yava soupesa un gros volume à la couverture de cuir rouge et en chassa la poussière d'un revers de main. Le livre s'ouvrit dans un crissement de feuilles séchées.
A l'intérieur, les pages étaient richement enluminées, entourant des textes calligraphiés.
L'une des illustrations représentait une jeune femme rousse, un arc à la main courant dans les hautes herbes aux côtés d'une renarde.
L'enlumineur avait été si habile, que l'on s'attentait à les voir toutes deux traverser la page, cheveux et pelage au vent.
Yava referma le livre, pensif, et attrapa le second.
Là, la couverture était rêche et dure comme de la paille.
Il était impossible d'en deviner la matière. A l'intérieur, il était recensé toutes les utilisations possibles des plantes de la forêt.
Yava pensa à l'herboriste, et contre son gré, il dut se résoudre à l'idée de vendre le précieux ouvrage dès sa prochaine visite à la ville, car il avait cruellement besoin d'argent.
Il emporta les deux livres dans son refuge chaud, mais il n'eut pas le temps de les lire, car le sommeil l'emporta dans ses bras vers des contrées lointaines.
Deux jours plus tard, il avait réuni tous les remèdes et se dirigea vers Lerda, le panier plein de médecines dans une main, le livre des plantes dans l'autre.
Il était tôt le matin et la plupart des habitations avaient les volets fermés. Les boutiques colorées commençaient juste à s'ouvrir.
C'était le moment de la journée où les racontars et les quolibets allaient grand train et le moindre potin aurait pu traverser la ville en quelques minutes à peine.
Le marchand de plantes installait dans sa vitrine des bocaux remplis d'un liquide transparent où flottaient des animaux étranges et sans vie lorsque Yava atteignit la boutique.
-Eh bien ! Tu es bien matinal ! s'exclama t-il.
Et il le fit rentrer à l'intérieur. Au pied du comptoir était assis en tailleur un petit garçon de huit ou neuf ans, visiblement absorbé par la lecture du livre démesuré qu'il tenait sur ses genoux.
Le marchand était sûrement pressé car il se hâta de payer le jeune elfe.
Mais lorsque Yava posa sa trouvaille sur la table de marbre, il perdit tout entrain et laissa retomber les mains le long de son buste.
Au bruit des pages se tournant, le gamin leva la tête.
Il avait une tignasse brune tout ébouriffée et le le teint hâlé.
Mais son regard fit frissonner. Deux yeux, l'un marron et l'autre vert,semblaient fouiller son âme jusqu'au fond de ses pensées intimes.
- C'est Tiksi ! Mon neveu. Je le garde le temps que ses parents sont absents, expliqua son oncle.
Sans lui prêter attention, le dénommé Tiksi se dressa comme un ressort devant Yava, malgré sa petite taille.
-Où as-tu trouvé ce livre ? S'écria t-il.
Sa voix était à la fois enfantine et dure, comme celle d'un adulte.
Cette fois-ci, Yava eut du mal à répondre, désarçonné par l'étrange question de l'enfant.
- Heu... C'était l'héritage de ma mère, mais mes parents ne savent pas lire. Elle a préféré l'échanger contre de la monnaie sonnante et trébuchante !
Il éclata d'un petit rire forcé.
Tiksi se rassit, l'air soupçonneux.
- C'est une œuvre magnifique, je te la prends pour trois pièces d'or.finit par déclarer le marchand. Cela te convient-il ?
Yava esquissa un « oui » de la tête. C'était plus qu'il n'en aurait jamais espéré!
- Très bien, au fait, je m'appelle Iyoran, déclara le vendeur en lui tendant la main.
Yava la saisit.
Deux heures plus tard, il poussa la porte d'une boulangerie et acheta un petit pain de froment aux baies de sureau. Il le savoura avec délice : c'était sa pâtisserie préférée et il y avait si longtemps qu'il n'en avait pas goûté... Après avoir flâné quelques temps en ville, il se décida à retourner dans le petit gîte qu'il s'était aménagé en au cœur de l'Atalaya. Il sortit de la ville et commença à marcher sur le chemin qui bordait la rivière.
Il avait parcouru une dizaine de mètres lorsqu'il reconnut l'enfanta ssis nonchalamment sur un tronc d'arbre tombé à terre. Tiksi l'attendait !
« Par tous les dieux, se demanda Yava, mais pourquoi est-il ici? »
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