Chapitre 2

 Yava rassembla quelques objets à la hâte. Il attacha son épée à son côté et entassa dans un sacoche en cuir plusieurs objets utiles: un couteau, une gourde et quelques herbes médicinales. Il vérifia que le collier que sa mère lui avait donné était bien attaché à son cou et parcourut du regard tous les détails de la maison.

Yava savait très bien qu'il ne verrait plus jamais cet endroit où il avait passé son enfance, car les villageois allaient le brûler pour éviter que la soi-disante maladie ne se propage.

A ce moment là, retentit une voix féminine amplifiée, comme par magie.

-Le dénommé Yava est déclaré banni des villes du monde elfique pour atteinte à la sécurité et à la prospérité de Sandar, notre ville bien-aimée. Puissent les vents disperser cette nouvelle aux quatre coins du royaume. Ainsi soit-il !

C'était celle de la Rissa, la reine de l'elfe, et celui-ci remarqua amèrement que la nouvelle avait circulé très vite. Désormais banni, l'Atalaya n'était plus un refuge pour lui.

Selon la coutume, les autres elfes feignirent d'ignorer Yava, comme s'il était transparent.

Samara, elle-même, le bouscula. Ravalant ses larmes, Yava se dirigea vers le seul endroit où il était sûr d'être accueilli à bras ouverts: la forge de Marven.

Marven était le vieux forgeron de la ville. Il était comme un père pour Yava et c'était lui qui lui avait offert son épée.

Lorsqu'il ouvrit la porte de la forge, une vague de chaleur lui monta au visage.

La pièce unique n'était qu'une immense fournaise. Sur les murs étaient suspendus divers objets inquiétants, des marteaux aux tenailles en passant par des pointes de fer.

Tous ces objets métalliques reflétaient la couleur rougeâtre des flammes.

Devant l'âtre démesuré, une haute silhouette frappait une lame rougie avec un énorme marteau.

Marven se retourna et posa son travail en voyant Yava s'approcher. Un grand sourire éclaira sa figure tandis qu'il lui broyait quelques côtes en le serrant dans ses bras.

-Raconte- moi tout.

Yava s'exécuta et après un moment de réflexion, Marven se mit à parler.

-A mon avis, la Forêt n'est pas en endroit habitable pour un jeune elfe de quinze ans comme toi. Tu devrais chercher refuge chez les humains.

-Mais comment saurai-je où se trouve leur pays ?

-Il me semble que j'ai en ma possession une carte du continent qui te sera certainement très utile.

Il se mit à fouiller dans les tiroirs de son établi et en sortit un rouleau de parchemin qui semblait dater de plusieurs siècles.

-Prends en bien soin, lui dit-il, il est magique. Un esprit s'est installé à l'intérieur il doit y avoir une centaine d'années.

Yava déroula la carte avec précaution, impressionné.

Sur le parchemin, les couleurs se mouvaient comme douées de vie.

La verte forêt des elfes semblait se balancer dans le vent. Seules quelques tâches sombres se détachaient du fond vert éclatant. Des villes sûrement. Au milieu de la plus grande scintillait une petite étoile argentée.

-C'est la position du détenteur de la carte, lui explique Marven.

Tout autour de la forêt elfique s'étendait une vaste étendue de dunes que la brise modifiait constamment : le désert elfique. La frontière entre le monde elfique et les humains.

Les couleurs du pays humain, l'Alaness, étaient toutes ternes par rapport à celles qui représentaient les territoires elfiques. De vastes plaines jaunâtres, égayées sporadiquement par des petits villages aux toits rouges et parsemées de marécages verdâtres.

-Mais quel est ce halo noir, tout à gauche ? demanda Yava.

-Les légendes parlent d'une forêt noire, le royaume des Songes où vivent les fantômes et les démons de tout acabit, répondit Marven.

Yava rangea la carte dans sa sacoche, pensif.

-Qui donc a dessiné cette carte ?

-C'est un célèbre alchimiste humain, Maître Pierre. On raconte qu'il à trouvé la Fontaine de Jouvence et vit toujours aujourd'hui. Il sait guérir les mourants grâce à une potion dont il a le secret. Il est capable de changer un quelconque métal en or, et...

Marven baissa la voix : 

 -Il a un jour ramené une femme du royaume des Songes et l'a faite revenir dans son enveloppe de chair et d'os. Imagine un peu ! Grâce à cet alchimiste, le roi des Songes pourrait rappeler ses sujets à la vie et monter la plus grande armée qu'on n'aie jamais vue pour conquérir le Continent ! S'il trouve Maître Pierre...Mais je ne vais pas te retarder avec mes radotages. Va, mon petit, mais fais bien attention, l'Atalaya recèle de nombreux dangers !

Il agita la main une dernière fois.

Quelques minutes plus tard, Yava se tenait à l'orée de la forêt. L'appréhension lui nouait la gorge. Au milieu d'un enchevêtrement de lianes et d'arbres centenaires majestueux serpentait un petit sentier. Il s'y engagea, la main cramponnée au pommeau de son épée.

Curieux, tout en étant sur ses gardes, il se pencha par dessus les lianes pour essayer de distinguer quelque chose dans les tréfonds de la forêt.

Sans prévenir, la liane s'enroula autour de son poignet en se contorsionnant. Yava tira dessus de toutes ses forces, mais cela aggrava encore plus les choses : la liane se serra davantage et le jeune elfe laissa échapper un cri de douleur.

De l'ombre des grandes branches s'extirpa un gigantesque calice rose hérissé d'épines acérées, et qui exhalait un parfum capiteux. La corolle s'ouvrait et se refermait comme si elle humait l'air: une plante carnivore !

Elle me repère à mes mouvements, pensa Yava .

Il fit glisser lentement sa main vers son côté tandis que la plante remuait la « tête » en claquant des « mâchoires ».

L'éclair métallique trancha en deux la liane qui retenait Yava prisonnier. Il recula de quelques pas et rangea son épée, dégoulinante d'un liquide vert nauséabond.

Il chemina ainsi pendant plusieurs heures. Plus il s'enfonçait dans la forêt, plus la chaleur devenait torride. Il aperçut à plusieurs reprises de grands félins mordorés tapis dans les hautes herbes. Puis, la faim se fit sentir et Yava constata que, dans la précipitation, il n'avait pas songé à emporter quelques vivres. Il continua donc son chemin, tout en ramassant quelques baies et champignons qui paraissaient appétissants.

La nuit commençait à tomber lorsqu'il aperçut un trou dans la paroi rocheuse qu'il longeait depuis quelques temps : l'entrée d'une grotte.

Il sortit la carte de son sac et vérifia sa position. Il ne pourrait pas rejoindre la prochaine ville, sauf en marchant toute la nuit jusqu'au point du jour. Il devait donc dormir en pleine nature et cette grotte était un abri inespéré.

C'était une cavité beaucoup plus petite qu'elle n'en avait l'air, de juste quelques mètres de diamètre. Il déposa les champignons sur le sol. Ils étaient de couleurs qui paraissaient très étranges à l'elfe,mais celui ci avait tant marché qu'il mourait de faim...

Yava mâcha ses trouvailles avec dégoût. Ils étaient âcres et amers mais il n'avait que cela à se mettre sous la dent. Épuisé, il sombra dans un sommeil sans rêves.

Au milieu de la nuit, il se réveilla en sursaut. Son estomac se tordait de douleur.

La faute aux champignons qu'il avait avalés ? Oh oui, il en était entièrement sûr !

Il tenta de se relever sans succès, et retomba sur le sol. Il tendit alors le bras pour essayer d'attraper sa musette, mais sa main se crispa et refusa de lui obéir. En proie à la plus vive des douleurs, Yava s'évanouit.

Noir total.

Yava a cinq ans. Son père part faire une « course » dans le pays humain. Il revêt sa tenue la plus solide. La mère de Yava lui passe son arc : « On ne sait jamais ». Avant des'éloigner, il soulève Yava dans ses bras :

« Mon petit Yava, fais bien attention à ta mère. Maintenant, c'est toi l'homme à la maison !

Je reviens dans environ un mois ».

C'est faux. Il ne reviendra jamais. Deux mois plus tard, sa mère fond en larmes quand les forestiers lui annoncent qu'ils n'ont pas retrouvé son corps, probablement perdu dans la forêt profonde.

Rouge carmin.

Yava a huit ans. La forge de Marven n'a pas changé. Toujours le même désordre, la même chaleur, le même fourneau, les mêmes objets pendus au mur.

« Joyeux anniversaire fiston ! S'écrie le maître des lieux. »

Et de lui tendre un long et lourd paquet enveloppé à la va-vite dans des lambeaux de cuir.

L'emballage tombe sous les doigts de Yava, révélant une lame brillante et un pommeau magnifiquement décoré.

Le petit garçon saute de joie. Des larmes silencieuses coulent sur les joues de Marven.

Vert émeraude.

Yava n'est pas là où il devrait être. Une force impérieuse le rappelle vers d'autres mondes et l'enlève aux bras de ses rêves.

Yava se redressa lentement. La clarté du soleil l'éblouit. Il regarda autour de lui. Il était toujours dans la grotte, et un flot de lumière s'engouffrait par l'ouverture.

Il n'eut aucun mal à se lever. Surpris, il esquissa quelques pas vers la petite source qui glougloutait joyeusement, et but longuement. Il remarqua soudain que ses champignons avaient disparu et avaient été remplacés par un panier de fruits aux couleurs éclatantes.

Le jeune elfe comprit qu'il n'aurait jamais guéri seul, et que quelqu'un prenait soin de lui.

Mais qui, au beau milieu de la forêt elfique, pouvait bien s'intéresser à Yava ?

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