Chapitre 1
Le jeune Yava traversa la place du village au pas de course. Ses amis lui avaient donné rendez-vous non loin de là. Il avait l'air d'un adolescent humain mais sous ses cheveux blonds mi-longs se dressaient des oreilles pointues, car c'était un elfe. Comme tous ceux de son peuple, il avait des traits délicatement ciselés et des yeux verts aux reflets noisette. Il habitait Sandar, la capitale du royaume des elfes, située au cœur de l'Atalaya, la forêt millénaire qui abritait le peuple elfique. Celle-ci, malgré son importance, était en tout points différente des villes humaines. Les maisons étaient des cabanes en bois perchées dans de grands chênes et la place n'était pas envahie de badauds mais calme et seul le ruissellement de l'eau de la source en son milieu troublait le silence.
Il se dirigea vers le terrain de sable où il se rendait souvent avec ses amis pour s'entraîner à l'épée. Même si les elfes étaient des créatures plutôt pacifiques, ils s'intéressaient à quelques arts de la guerre en particulier à l'escrime et au tir-à-l'arc.
Là-bas,il aperçut la belle Samara et deux de ses amies. Celles-ci s'apprêtaient à tirer. Les trois cordes se tendirent, et, dans un même élan , trois flèches fendirent l'air et se plantèrent dans la cible, située à une trentaine de mètres de là. Mais ce fut celle de Samara qui se ficha le plus au centre du cercle gravé sur le tronc d'un arbre mort. Le cœur de Yava bondit dans sa poitrine. Il était tellement absorbé qu'il n'entendit pas ses amis l'appeler. Une paire d'yeux verts se tourna vers lui . Des yeux qu'il trouvait si beaux depuis si longtemps... Très gêné, Yava rejoignit ses compagnons au pas de course. Son meilleur ami, Sayetan,lui glissa d'un air entendu :
-Tu as bien le droit de rêver...
En effet, tout en étant la plus jolie jeune elfe de la ville et probablement du royaume de l'Atalaya, Samara était la fille de la Rissa, la reine des elfes. Cela faisait d'elle une véritable princesse de sang, et de plus, elle était la seule héritière du trône elfique... Yava était amoureux de l'elfe la plus inaccessible du royaume !
Le visage du jeune elfe vira au rouge écarlate.
-Bon, tu viens t'entraîner ? demanda Sayetan.
Le jeune elfe acquiesça avec enthousiasme, même s'il était sûr d'être vaincu, Sayetan étant mille fois meilleur bretteur que lui.
Yava tira son épée de son fourreau. L'acier brillait de tous ses feux dans la lumière.
C'était un cadeau de Marven, le forgeron, pour son huitième anniversaire et il la chérissait plus que tout. Au centre du pommeau doré finement ciselé était incrustée une pierre rouge translucide. Le fourreau,lui, était fabriqué en cuir de cerf, et brodé d'entrelacs et de glyphes elfiques. Il y avait été cousu des perles d'argile colorées. Yava prenait toujours soin de son équipement, et son épée venait juste d'être aiguisée.
-Viens donc ! Lui cria son meilleur ami en se mettant à son tour en garde.
Les lames s'entrechoquèrent dans un crissement métallique. Yava se fendit, son épée pointée vers Sayetan, mais celui-ci la repoussa facilement d'un simple mouvement de poignet.
-A toi de te défendre ! cria Sayetan pour couvrir le bruit des armes.
Avec la rapidité de l'éclair, la lame de son ami, qu'il tenta vainement d 'éviter, glissa contre sa poitrine.
Soudain,ils furent interrompus par l'arrivée d'un petit garçon elfe qui s'empressa de délivrer le message qu'on lui avait confié. Il tendit à Yava un parchemin puis détala, pressé de reprendre les jeux avec ses amis. L'elfe déplia la missive, la parcourut des yeux et hoqueta de stupeur en découvrant l'écriture de son père adoptif.
« Yava,ta mère te demande de la rejoindre sur le champ, mais fais vite,elle se dit à l'article de la mort.Marven. »
Yava marqua un temps d'arrêt, interloqué, et son cœur se glaça d'effroi : il venait de quitter sa mère une heure plus tôt,juste au moment où elle déclarait être en pleine forme ! Serait-ce la blague d'un mauvais plaisantin ? Cependant, personne n'oserait usurper l'identité de l'imposant forgeron, dont les colères étaient rares mais redoutées. Il devait donc s'agir de la vérité...
Cette histoire ressemblait étrangement à celle de la mère de Sayetan, que l'on avait retrouvée morte chez elle quelques temps après que Sayetan et lui aient fait connaissance. Le cœur battant à tout rompre, Yava ramassa ses affaires et abandonna ses camarades en toute hâte, après s'être rapidement excusé.
Il partit à toute allure, courant au détour des rues. Heureusement, la maison où il vivait avec sa mère depuis la mort de son père n'était pas très éloignée. Lorsqu'il y parvint, il grimpa les marches de la maison suspendue quatre à quatre, et poussa la porte de la chambre de sa mère en toute hâte. Lorsqu'il la découvrit,son cœur rata un battement.
Elle était allongée sur son lit, et sur son visage commençaient à apparaître des taches violacées. Les mêmes que celles qu'avaient observées les médecins sur le cadavre de la mère de Sayetan.
Les larmes montèrent aux yeux de Yava quand sa mère prit la parole d'une voix rauque :
-Mon enfant, ne t'inquiète pas pour moi. Notre Mère à tous va me rappeler auprès d'elle. C'est mon destin de mourir en ce lieu et à cette heure. Je regrette seulement d'avoir retardé les aveux que je devais te faire sur tes origines. Quant à ton seul héritage, c'est ce pendentif. Ma maladie... Ils vont brûler tout le reste... Mais ce bijou, ils ne l'auront pas. Il t'appartient, à toi et à toi seul. Prends en bien soin. Tu n'es...
Elle voulut ajouter quelque chose, mais une quinte de toux la secoua et ferma les yeux pour toujours.
Yava pleura longuement contre le lit, le cœur brisé. Après la disparition de son père, qu'il avait toujours refusé de voir gisant sans vie au milieu de l'Atalaya, Yava s'était raccroché aux trois autres êtres qu'il aimait de tout son cœur : sa mère, Marven et Sayetan. Maintenant, un autre d'entre eux avait disparu. Les larmes coulaient toujours sur les joues de Yava . Comment les dieux pouvaient ils être aussi cruels ? Cependant, au bout de longues minutes, elles finirent par se tarir.
Lorsqu'il se sentit mieux, il ouvrit difficilement la main où sa mère avait glissé la petite breloque et qui s'était crispée tandis qu'il pleurait. Il examina attentivement la médaille. Elle était taillée dans du bois et sur le dessus était gravé en relief le visage d'une belle femme que tenait dans ses bras un jeune bambin et le regardait en souriant tendrement.
Tous deux avaient une auréole au-dessus de la tête. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose: c'étaient des dieux. L'envers de la médaille était vierge.
Yava se demanda pourquoi sa mère avait tant tenu à ce qu'il la garde. Normalement, lorsqu'un elfe mourait dans sa maison d'une maladie, son habitation et tous ses effets personnels étaient brûlés et les cendres étaient rendues à la forêt. Malheureusement, il n'auraitjamais la réponse à sa question. Dans tous les cas, il respecterait la dernière volonté de sa mère et garderait l'étrange breloque.La tristesse embua de nouveau ses yeux, et il comprima fortement le pendentif dans sa main.
Soudain, au creux de sa paume serrée, le bijou tressaillit. Il la rouvrit et le trouva séparé en deux parties à l'intérieur desquelles était placé un petit morceau de papier.
Il le déplia soigneusement :
« Quand tout sera sur le point d'être perdu,
Une créature, mélange de deux races,
Apportera avec elle l'espoir,
Et vaincra la main des ténèbres qui nous entourent. »
Une fois la prophétie lue, le pendentif se referma dans un claquement sonore.
Interloqué, Yava n'entendit pas la porte de la chambre s'ouvrir et ne vit encore moins Sayetan qui portait la main à sa bouche, les yeux écarquillés.
En quelques instants, la haine déforma les traits de son meilleur ami qui lui cria au visage :
-C'est de ta faute ! Tu nous portes malheur ! Tous les gens que tu approches de trop près meurent, Tu as tué ma mère !
Le visage ravagé par le chagrin, il se jeta sur Yava qui le repoussa avec peine, abasourdi.
Sayetan hoqueta :
-Tu n'as pas ta place ici ; le Conseil se chargera de te le rappeler !
Sur ce, il disparut en laissant Yava à sa peine, d'avoir perdu sa mère et son meilleur ami.
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